Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 05 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/02839 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OD6N
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 mars 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 12/01549
APPELANT :
M. [W] [J]
né le 07 juin 1962 à [Localité 10]
de nationalité française
[Adresse 11]
[Localité 3]
Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l’audience par Me Patricia PIJOT de la SCP PIJOT POMPIER MERCEY, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMES :
M. [R], [G], [T] [E]
né le 16 novembre 1948 à [Localité 13]
de nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 3]
et
Mme [L], [T] [E] épouse [E]
née le 30 avril 1949 à [Localité 12]
de nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentés par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS, substitué à l’audience par Me Emma BARRAL-CROS de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS
SARL CAP CONSTRUCTION
prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 3]
Représentée par Me Fanny MICHEL, avocat au barreau de BEZIERS
SA SMABTP
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l’audience par Me Caroline VERGNOLLE de la SCP AVOCARREDHORT, avocat au barreau de BEZIERS
SA AXA FRANCE IARD
police SARL [B] – M. [B] [Z]
prise en la personne de son président en exercice domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l’audience par Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER
M. [Z] [B], exerçant sous l’enseigne ENTREPRISE [B]
artisan, n° Siren 448 701 755, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non représentée – signification délivrée à étude du 19 août 2019
Ordonnance de clôture du 04 octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 octobre 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, Président de chambre
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
– rendu par défaut ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, Président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 3 avril 2009, M. [R] [E] et Mme [L] [E] ont acheté à M. [W] [J] une maison d’habitation construite sur la parcelle cadastrée section DL n°[Cadastre 4] située [Adresse 5] sur la commune de [Localité 9] (34) au prix de 468 000 euros.
Cette maison a été édifiée par M. [J] après achat de ce terrain le 23 mars 2007 et obtention d’un permis de construire le 25 mai 2007.
Cet ouvrage a été construit par les deux entreprises suivantes :
– La SARL Cap Construction, dont le gérant est M. [J], assurée en responsabilité décennale par la SMABTP, a réalisé le gros ‘uvre (dont les murs de clôture à l’exclusion du mur côté rue), la charpente et la couverture pour un montant de 290 058,27 euros ;
– M. [B], assuré en responsabilité décennale par la SA Axa France IARD, a réalisé les plages de la piscine, les murs extérieurs périphériques et le mur de clôture côté rue.
M. [J] a lui-même posé la piscine extérieure.
Le chantier s’est ouvert le 14 juin 2007 et les travaux ont été achevés le 23 novembre 2007, la réception du gros ‘uvre intervenant le 6 août 2007 sans réserve.
Courant janvier 2010, M. et Mme [E] ont constaté l’apparition de fissures sur les murs extérieurs de la maison et ont fait établir un constat d’huissier le 20 juin 2011 et une expertise amiable de l’ouvrage par le cabinet FG Expertise.
Ce rapport d’expertise amiable du 19 septembre 2011 mentionne les désordres suivants : murs de clôture fendus, piscine et plage de piscine qui s’affaissent, fissures en façade, fissures à l’intérieur de la maison, déformation des fermes sous toiture, décollement des plinthes et des plaques de placo-plâtre.
Par acte d’huissier signifié le 21 octobre 2011 à M. [J], M. et Mme [E] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers d’une demande d’expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 22 novembre 2011, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire des désordres confiée à M. [P] [X] et a débouté M. et Mme [E] de leur demande d’extension de cette expertise à la SMABTP.
Par acte signifié le 7 mars 2012, M. [J] a fait assigner M. [B] en déclaration d’expertise commune.
Par arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 5 juillet 2012, l’intervention volontaire à l’expertise de la SARL Cap Construction a été accueillie et l’expertise a été déclarée commune à la SMABTP.
Par acte d’huissier signifié le 9 mai 2012, M. et Mme [E] ont fait assigner leur vendeur M. [J] devant le tribunal de grande instance de Béziers aux fins d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l’article 1641 du code civil.
Par ordonnance du 28 mars 2013, le juge de la mise en état a sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire.
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 16 mai 2013.
Par ordonnance du 5 juin 2014, le juge de la mise en état :
– a condamné à titre provisionnel M. [J] à payer à M. et Mme [E] 152 244 euros représentant le coût des travaux de reprise de l’infrastructure par micro-pieux et poutres industrielles ainsi que 18 285,87 euros en remboursement des travaux urgents financés par les maîtres d’ouvrage ;
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de garantie formulée par M. [J] à l’encontre de la SARL Cap Construction et de la SMABTP ;
– a enjoint à M. [J] et à la SARL Cap Construction de verser aux débats les pièces réclamées par la SMABTP (le contrat de construction de maison individuelle, le devis, les éléments comptables, les états de rapprochement bancaire, l’attestation de l’étude notariale et les documents justifiant du règlement de la TVA) dans le délai d’un mois après signification de la décision et sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant trente jours.
Cette ordonnance a été confirmée par la cour d’appel de Montpellier par arrêt du 30 avril 2015.
Saisi par la SMABTP, le juge de la mise en état a liquidé l’astreinte à hauteur de 6 000 euros et condamné solidairement M. [J] et la SARL Cap Construction à payer cette somme par ordonnance du 26 mai 2016.
Par arrêt du 15 février 2018, la cour d’appel de Montpellier a infirmé cette ordonnance, estimant que l’inexistence avérée et non contestée par la SMABTP des pièces litigieuses constituait une cause étrangère à l’origine de l’impossibilité d’exécuter l’obligation et justifie la suppression de l’astreinte.
Par jugement réputé contradictoire du 18 mars 2019, le tribunal de grande instance de Béziers a :
– condamné M. [J] à payer à M. et Mme [E] la somme de 284 361,67 euros au titre des coûts de reprise nécessaires augmentés de la somme de 5 741,82 euros correspondant au préjudice résultant de la réalisation des travaux nécessaires ;
– dit que ladite somme serait indexée depuis le jour du rapport d’expertise sur l’indice BT01 du coût de la construction, l’indice de référence étant celui publié au jour du dépôt du rapport d’expertise et l’indice multiplicateur celui publié le jour du jugement à intervenir ;
– dit que les provisions déjà payées s’imputeraient sur ladite somme ;
– condamné M. [J] à payer à M. et Mme [E] la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts complémentaires ;
– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
– mis hors de cause la SARL Cap Construction, M. [B], la SAMBTP et la SA Axa France IARD ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– condamné M. [J] à payer à M. et Mme [E] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [J] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Par déclaration au greffe du 24 avril 2019, M. [J] a relevé appel de ce jugement à l’encontre de M. et Mme [E], de la SARL Cap Construction, de la SMABTP, la SA Axa Assurances et de M. [B].
M. [B] n’a pas constitué avocat.
Vu les dernières conclusions de M. [J] remises au greffe le 27 septembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SARL Cap Construction remises au greffe le 15 octobre 2019 ;
Vu les dernières conclusions de M. et Mme [E] remises au greffe le 2 avril 2020 ;
Vu les dernières conclusions de la SMABTP remises au greffe le 27 juillet 2020 ;
Vu les dernières conclusions de la SA Axa France IARD remises au greffe le 8 juin 2021 ;
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la recevabilité de l’appel de M. [J] contre la SA Axa France IARD,
L’article 914 du code de procédure civile dispose que le conseiller de la mise en état est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction pour statuer sur les conclusions d’une partie tendant à déclarer l’appel irrecevable.
La SA Axa France IARD a soulevé l’irrecevabilité de l’appel de M. [J] contre elle dans ses conclusions adressées le 8 juin 2021 à la cour d’appel, et non au conseiller de la mise en état, alors que la clôture de l’instruction n’est intervenue que le 4 octobre 2022.
La cour d’appel n’a donc aucune compétence pour statuer sur cette demande.
Sur les demandes formées par M. et Mme [E] contre M. [J],
Sur l’action estimatoire,
M. et Mme [E] fondent leur demande contre M. [J] sur le fondement de l’article 1641 du code civil qui dispose :
» Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »
L’action en garantie décennale du vendeur après achèvement de l’immeuble qu’il a construit ou fait construire de l’article 1792-1-2° du code civil n’est pas exclusive de l’action en garantie des vices cachés de droit commun de l’article 1641 du même code.
Contrairement à la position soutenue par M. [J] dans ses écritures, l’action en garantie des vices cachés est bien une action optionnelle qui s’applique aussi aux vices cachés à caractère décennal susceptibles de relever concurremment de la responsabilité du vendeur constructeur prévue par l’article 1792-1-2° du code civil.
Il appartient donc à la cour d’apprécier si les conditions de mise en ‘uvre de l’article 1641 du code civil sont réunies, sans que M. [J] ne soit fondé à invoquer la cause étrangère pour s’exonérer de sa propre responsabilité s’agissant des ouvrages construits par la SARL Cap Construction et par M. [B].
Il ressort des opérations de l’expert judiciaire que les murs extérieurs de la maison en façade sud, est et nord de même que les murs de clôture présentent d’importantes fissures. L’expert judiciaire a constaté que ces fissures s’étaient agrandies depuis le constat d’huissier réalisé en juin 2011. Cette aggravation des fissures s’est poursuivie durant l’expertise ainsi que le montrent les différentes jauges de mesure posées sur l’ouvrage.
L’expert a constaté l’absence de raidisseur dans les poteaux du mur de clôture qui n’ont pas été coulés lors de la construction.
Le linteau de la baie de la chambre est fissuré sur son côté droit et cette fissure a entraîné la rupture de la jonction du linteau avec le tableau.
Le garage présente une fissure horizontale se poursuivant verticalement en angle côté nord-ouest. Certaines poutres prennent appui sur des poteaux qui ont été rapportés mais dont les appuis sont insuffisants. La présence de traces blanchâtres sur le mur du côté du disjoncteur traduisent des venues d’eau qui peuvent être abondantes en présence de précipitations.
L’intérieur de la maison présente un délitage généralisé entre carrelages et plinthes de l’ordre de 3 à 4 mm dans la salle de bains et dans les chambres.
L’examen du vide sanitaire a mis en évidence l’absence de fixation des canalisations et la présence d’armatures verticales pliées car mal implantées. Aucun redan n’a été réalisé entre le garage et la villa et les poutres maîtresses reposent sur des poteaux improvisés dont les prises d’appuis sont insuffisantes.
L’expert a également constaté dans les combles d’importantes déformations des fermettes. Plusieurs fermes ne sont pas contreventées et plusieurs d’entre elles ont pris des dévers supérieurs à 20 cm. Ces déformations de la charpente ont entraîné une importante déformation au niveau de plafond avec fracture linéaire. La solidité de la charpente étant fortement compromise, l’expert judiciaire prescrivait la réalisation urgente de travaux conservatoires.
La piscine en coque moulée a subi des contraintes et présente un affaissement de la plage arrière de 6 à 7 cm. Malgré la reprise des fuites affectant les skimmers réalisée en début d’expertise, la très forte progression du tassement de la plage a occasionné de nouvelles ruptures de canalisations à l’arrière des skimmers.
Il ressort donc des constatations précises et documentées de l’expert judiciaire que tous les désordre constatés (fissures extérieures, fissures sur clôture, piscine et charpentes) sont la conséquence directe de défauts d’exécution et du non respect des règles de l’art par la SARL Cap Construction et par M. [B], ainsi que par M. [J] lui-même concernant la piscine.
Les conséquences de ces fautes de conception et d’exécution des ouvrages ont été largement majorées par le fait que M. [J] a délibérément construit sa maison sur un terrain supportant une couche de remblais d’une épaisseur de deux mètres non stabilisée et manifestement inadaptée à recevoir une telle construction sans aucune étude géotechnique préalable.
L’ouvrage présente également deux autres vices de construction : le faible encastrement de certaines des fondations et un drainage insuffisant à l’arrière du mur de soutènement entraînant de fortes arrivées d’eau en façade nord.
Ces désordres n’étaient pas apparents lors de la vente de la maison le 3 avril 2009.
En effet, à cette date les acquéreurs profanes n’étaient pas en mesure de déceler les vices de construction affectant la maison alors que les manifestations visibles de ces vices ne sont apparues que progressivement après leur achat et continuaient encore de s’aggraver durant les opérations d’expertise courant 2012 et 2013.
Le caractère caché des désordres est confirmé par l’attestation établie le 29 janvier 2014 par la SARL Belon Immobilier qui a présenté le bien immobilier à M. et Mme [E].
Ces désordres de construction généralisés sont de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage et présentent donc le degré de gravité exigé par l’article 1641 du code civil.
M. et Mme [E] sont donc fondés à agir contre leur vendeur M. [J] aux fins d’obtenir le versement d’une indemnité destinée à financer le coût des travaux de réparation de ces vices cachés.
L’expert judiciaire a contradictoirement évalué le coût de ces travaux à la somme de 284 361,67 euros TTC (après soustraction du montant de 37 086,76 euros relatif à la réfection de la piscine doublement comptabilisé par l’expert au montant total du coût des travaux mentionné de 321 448,43 euros figurant en bas de son tableau).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a alloué la somme de 284 361,67 euros TTC à M. et Mme [E], étant précisé que M. [J] est tenu de réparer la totalité des désordres quel que soit le constructeur à qui ces désordres sont imputables.
Le préjudice de jouissance subi par M. et Mme [E] durant les 6 mois de travaux nécessaires sera évalué en tenant compte d’une valeur locative de la villa de 1 350 euros/mois en fonction de la gêne subie :
– phase infrastructure (30% de gêne pendant 3 mois) : 1 215 euros ;
– reprises intérieures (50% de gêne pendant 2 mois) : 1 350 euros ;
– travaux en façades (20% de gêne pendant 1 mois) : 270 euros ;
– frais de déplacement de meubles et protection : 1 500 euros ;
– frais de constat d’huissier du 20 juin 2011 : 386,82 euros ;
– frais d’expertise amiable du cabinet GF du 22 septembre 2011 : 1 020 euros ;
Ces divers chefs de préjudice représentent un montant total de 5 741,82 euros qui sera alloué à M. et Mme [E] en confirmation du jugement déféré.
Sur la demande de dommages-intérêts complémentaires,
L’article 1645 du code civil dispose : » Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. »
Il ressort des précédents développements que M. [J], professionnel de la construction et gérant de l’entreprise de construction qui a édifié l’ouvrage litigieux, disposait d’une parfaite connaissance des multiples et graves désordres qui affectaient la maison vendue.
Cette maison achetée par M. et Mme [E] au prix de 468 000 euros, lorsqu’elle aura été réparée, subira néanmoins une moins-value d’estime sur le marché immobilier par rapport à une maison correctement édifiée d’origine.
Au regard des éléments de l’espèce et des pièces versées aux débats, la cour d’appel partage l’appréciation du jugement déféré qui a évalué cette moins-value à hauteur de 50 000 euros représentant un peu plus de 10% du prix payé par les acquéreurs.
Sur les demandes formées contre les constructeurs et leurs assureurs,
Sur la recevabilité des demandes formées par M. et Mme [E],
En cause d’appel, M. et Mme [E] présentent pour la première fois des demandes contre la SARL Cap Construction et son assureur SMABTP et contre M. [B] et son assureur SA Axa France IARD.
La SMABTP et la SA Axa France IARD soulèvent l’irrecevabilité de ces demandes nouvelles en appel.
La cour constate que M. et Mme [E] n’ont formé aucune demande contre ces deux assureurs en première instance. Par conséquence, ces demandes nouvelles présentées en appel sans motif légitime sont irrecevables en application de l’article 564 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la cour n’entend pas soulever d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes formées par M. et Mme [E] contre la SARL Cap Construction qui ne l’a pas invoqué dans ses écritures, ni contre M. [B] qui n’est pas comparant.
Sur le bien-fondé des actions récursoires exercées par M. [J],
M. [J] sollicite la condamnation de la SARL Cap Construction et de M. [B] et de leurs assureurs à le garantir des montants mis à sa charge pour indemniser les acquéreurs de sa maison sur le fondement de l’article 1641 du code civil.
Ce recours de M. [J] est exercé en sa qualité de maître d’ouvrage sur le fondement sur la responsabilité décennale des constructeurs prévue par les articles 1792 et suivants du code civil.
La cour adopte les motifs pertinents du jugement déféré qui a considéré :
– que la SARL Cap Construction avait bien réalisé le gros ‘uvre et le second ‘uvre ainsi que l’atteste la facture n°2007081504 adressée le 24 août 2007 par cette société à M. [J] et dont le comptable Sudexco a attesté par courrier du 10 mai 2012 le paiement à hauteur de 290 058,27 euros TTC ;
– que M. [B] avait bien réalisé les plages de la piscine et les murs périphériques et le mur de clôture côté rue ainsi que l’atteste la facture établie le 12 octobre 2007 pour un montant de 20 988,60 euros TTC ;
– que les travaux de gros ‘uvre ont été réceptionnés sans réserve le 6 août 2007 ;
– que les autres ouvrages ont fait l’objet d’une réception tacite le 23 novembre 2007 dans la mesure où M. [J] a pris possession de ces ouvrages et en a intégralement payé le prix aux constructeurs.
La réception sans réserve des ouvrages a pour effet de purger l’intégralité des désordres apparents dont le maître d’ouvrage n’est plus admis à solliciter réparation sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.
Il appartient au maître d’ouvrage d’apporter la preuve du caractère caché des désordres et ce caractère caché des désordres s’apprécie au regard du maître d’ouvrage lui-même en tenant notamment compte de ses compétences techniques.
Ainsi que l’a exactement relevé le jugement déféré, M. [J] en sa qualité d’artisan maçon, chef d’entreprise de maçonnerie et de gérant de société de promotion immobilière est un professionnel de la construction particulièrement averti qui a de plus édifié la villa litigieuse par l’intermédiaire de la SARL Cap Construction dont il est lui-même gérant.
Les multiples vices fondamentaux affectant cette construction, qu’il s’agisse de son implantation sur une épaisse couche de remblais non stabilisés, de ses défauts majeurs de structure tels que l’absence de fixation des canalisations d’évacuation des eaux usées, des prises d’appui insuffisantes des poutres maîtresses sur des poteaux improvisés inaptes à leur fonction, de l’absence de redan entre le garage et la villa et des vices de construction de la charpente constituent tous des vices apparents aisément décelables par un professionnel de la construction.
Les désordres révélés ultérieurement (fissures généralisées affectant les murs de la maison et de la clôture, l’affaissement des plages et du fond de la piscine) ne sont que les conséquences inéluctables des défauts structurels majeurs précédemment décrits et parfaitement visibles par le maître d’ouvrage lors de la réception des travaux.
Contrairement à la position soutenue par M. [J] et par la SARL Cap Construction dans leurs écritures, ces multiples vices constituaient des désordres avérés dès la réception des travaux.
En effet, ces vices compromettaient déjà la solidité de l’immeuble à la date de la réception et mettaient en jeu la sécurité des occupants en créant un risque d’effondrement. Il ne s’agissait aucunement de manquements mineurs aux règles de l’art et aux DTU mais au contraire de vices avérés rendant l’immeuble vulnérable et dangereux dès sa construction portant atteinte à sa solidité et à sa destination.
M. [B] n’a réalisé qu’une partie du mur de clôture et les murs périphériques ainsi que les plages de la piscine. Ces ouvrages se sont dégradés en raison de l’absence de poteaux raidisseurs et de leur implantation à la demande expresse de M. [J] sur un terrain remblayé par ses soins et non stabilisé. Ces désordres étaient parfaitement visibles et connus du maître d’ouvrage M. [J] qui n’est donc pas fondé à soutenir qu’ils n’étaient pas apparents lors de la réception tacite des ouvrages intervenue le 23 novembre 2007.
Il en résulte, eu égard à la compétence technique avérée du maître d’ouvrage M. [J], que les désordres affectant les ouvrages étaient apparents à la date de réception dans toutes leurs conséquences et leur étendue puisque leur gravité rendait déjà nécessaire à cette date la réalisation urgente de travaux de renforcement de l’ensemble de la structure de l’immeuble.
En conséquence, M. [J] n’est pas fondé à agir en responsabilité sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil contre la SARL Cap Construction et contre M. [B] ainsi que contre leurs assureurs en responsabilité décennale.
M. et Mme [E] seront également déboutés de leurs demandes contre la SARL Cap Construction et contre M. [B] sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil pour les mêmes motifs.
Le jugement sera donc entièrement confirmé de ces chefs.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la SA Axa France IARD contre M. [J],
La SA Axa France IARD n’apporte pas la démonstration d’une faute caractérisée commise par M. [J] et par la SMABTP susceptible de matérialiser un abus du droit d’ester en justice ou d’exercer les voies de recours.
Les demandes indemnitaires formées par la SA Axa France IARD de ce chef à hauteur de 5 000 euros seront donc rejetées.
Sur les demandes accessoires,
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civiles seront également confirmées.
M. [J] succombe intégralement en appel et sera donc tenu de supporter les entiers dépens d’appel.
L’équité commande en outre en l’espèce de condamner M. [J] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer :
– 3 500 euros à M. et Mme [E] ;
– 2 500 euros à la SMABTP ;
– 2 500 euros à la SA Axa France IARD ;
Les parties seront déboutées de leurs plus amples demandes de ces chefs.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Se déclare incompétente pour statuer sur la demande de la SA Axa France IARD tendant à déclarer irrecevable l’appel de M. [J] dirigé contre elle ;
Déclare irrecevables en cause d’appel les demandes formées par M. [R] [E] et Mme [L] [E] contre la SMABTP et contre la SA Axa France IARD ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [W] [J] à supporter les entiers dépens d’appel ;
Condamne M. [W] [J] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer :
– 3 500 euros à M. [R] [E] et à Mme [L] [E] ;
– 2 500 euros à la SMABTP ;
– 2 500 euros à la SA Axa France IARD ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes.
La greffière, Le président,