Droits des Artisans : 4 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01955

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Droits des Artisans : 4 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01955

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 04 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/01955 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FBBD

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 22/00329, en date du 12 août 2022,

APPELANTE :

la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE,

Société anonyme, immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 775 618 622, ayant son siège social [Adresse 1] – [Localité 7]

Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [D] [L]

née le [Date naissance 5] 1997 à [Localité 10], domiciliée [Adresse 4] – [Localité 6] [Localité 6]

Représentée par Me Hervé MERLINGE de la SCP JOUBERT, DEMAREST & MERLINGE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère

Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d’appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 04 Mai 2023, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant offres préalables acceptées par voie électronique les 29 septembre 2020 et 18 février 2021, la Caisse d’Epargne a consenti à Mme [D] [L] deux prêts, afin de financer l’acquisition avec travaux de deux biens immobiliers sis à [Localité 11], [Adresse 3], détaillés comme suit :

– un prêt n°5997644 d’un montant de 152 411,22 euros prévoyant une période de préfinancement d’une durée maximale de 36 mois, suivie d’une période d’amortissement de 240 mensualités, portant sur la résidence principale d’un locataire,

– un prêt n°067929G d’un montant de 161 221,47 euros, prévoyant une période de préfinancement d’une durée maximale de 36 mois, suivie d’une période d’amortissement de 300 mensualités, portant sur la résidence principale de l’emprunteur.

Suivant offre préalable acceptée le 27 septembre 2021, la Caisse d’Epargne a consenti à Mme [D] [L] un prêt n°178565G d’un montant de 140 395,34 euros prévoyant une période de préfinancement d’une durée maximale de 36 mois, suivie d’une période d’amortissement de 300 mensualités, afin de financer l’acquisition avec travaux d’un appartement sis à [Localité 11], [Adresse 2], portant sur la résidence principale de l’emprunteur.

Par trois courriers du 28 juin 2022, la Caisse d’Epargne a transmis à Mme [D] [L] les tableaux d’amortissement desdits prêts prévoyant l’amortissement du capital à compter de l’échéance du 5 août 2022.

Par trois courriers recommandés avec demande d’avis de réception en date du 29 juin 2022, la Caisse d’Epargne a prononcé la déchéance du terme des crédits immobiliers (n°5997644, n°067929G et n°178565G) au motif tiré du constat que certains documents fournis à l’octroi des crédits semblaient erronés, et l’a mise en demeure de s’acquitter des sommes exigibles de 162 896,39 euros, 172 239,36 euros et 149 938,79 euros, en l’informant que des informations la concernant étaient susceptibles, en cas d’incident de paiement caractérisé, d’être inscrites au FICP.

Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception du 11 juillet 2022, la Caisse d’Epargne a informé Mme [D] [L] de l’absence de paiement des échéances de prêt devenues exigibles depuis le 5 juillet 2022.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 15 juillet 2022, Mme [D] [L] a mis la Caisse d’Epargne en demeure de reprendre les prélèvements des échéances contractuelles en respectant la durée de différé d’amortissement de 36 mois et d’annuler les trois déchéances du terme notifiées le 29 juin 2022, en contestant la fourniture de documents et d’informations erronés sur ses revenus et charges.

Par acte d’huissier en date du 18 juillet 2022, la Caisse d’Epargne a fait assigner Mme [D] [L] devant le tribunal judiciaire de Nancy afin de la voir condamnée à lui payer les sommes exigibles au titre des trois contrats de prêt.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 19 juillet 2022, la Caisse d’Epargne a informé Mme [D] [L] de la dénonciation de son autorisation de découvert de 500 euros, emportant résiliation de la convention de compte à l’expiration du délai de 60 jours.

Par courriers du 22 juillet 2022, la Caisse d’Epargne a informé Mme [D] [L] qu’à défaut de paiement de la somme totale exigible de 453 058,80 euros dans un délai de 30 jours, elle procéderait à son inscription sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).

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Par acte d’huissier en date du 5 août 2022, Mme [D] [L] a fait assigner la Caisse d’Epargne devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy afin de voir condamner le prêteur sous astreinte à reprendre l’exécution des trois contrats de prêt et à rétablir l’autorisation de découvert, ainsi qu’à recréditer l’ensemble des sommes abusivement prélevées.

Elle a fait valoir que la déchéance du terme n’avait été précédée d’aucune mise en demeure et que le motif invoqué était imprécis et reposait sur l’allégation injustifiée de la fourniture de documents prétendument erronés (le document dactylographié caractérisant la demande de prêt étant fourni par le préposé du prêteur et l’entrepreneur ayant attesté de l’exécution intégrale des travaux facturés), de sorte que la décision de déchéance était nulle et de nul effet. Elle a fait état de l’absence de prélèvement des trois échéances de prêt de juillet 2022 par la Caisse d’Epargne et du détournement à son profit de la somme de 2 180,07 euros le 23 juillet 2022, ainsi que du détournement de la somme de 500 euros le 2 août 2022 affectée par Mme [D] [L] au remboursement de son autorisation de découvert dénoncée le 19 juillet 2022. Elle a conclu que la cessation unilatérale et injustifiée des contrats et la modification des échéanciers intervenue le 28 juin 2022 l’avait placée dans une situation de péril imminent, dans la mesure où elle ne pouvait pas rembourser les sommes exigibles, et qu’il ne résultait aucune contestation sérieuse ressortant de la demande d’exécution des contrats.

La Caisse d’Epargne a conclu à l’irrecevabilité des demandes en l’absence d’urgence et au regard d’une contestation sérieuse au fond, et subsidiairement au débouté.

Elle a expliqué que la modification du contrat résultait du passage de la période de préfinancement à la période d’amortissement, et que la procédure se heurtait à l’existence d’une contestation sérieuse (au regard de l’existence d’une procédure en cours au fond) et à l’absence d’urgence, compte tenu du déblocage de la quasi totalité des sommes. Elle a indiqué que Mme [D] [L] était consciente de la fraude à laquelle avait participé un des collaborateurs du prêteur, M. [F] [V], et que la responsabilité de la banque ne pouvait être recherchée du fait de son préposé, ajoutant que la déchéance avait été prononcée en raison de renseignements et documents erronés et falsifiés (faisant état de revenus supérieurs à ses revenus réels et de fausses factures pour le déblocage des fonds), et n’avait pas à être précédée d’une mise en demeure. Elle a conclu qu’à défaut de régularisation des sommes dues, l’inscription de Mme [D] [L] au FICP devait être prononcée.

Par ordonnance en date du 12 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy a :

– ordonné à la Caisse d’Epargne, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai de huit jours après la signification de la présente ordonnance, et ce jusqu’à ce qu’un accord amiable soit trouvé entre les parties ou jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne dans le cadre de la procédure au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Nancy, étant précisé que seul le respect de l’ensemble de ces obligations mettra un terme à l’astreinte :

* de reprendre et poursuivre intégralement la bonne et normale exécution des obligations lui incombant à l’égard de Mme [D] [L] au titre des trois contrats de prêt,

* de respecter l’échéancier initialement convenu entre les parties,

* de rétablir l’autorisation de découvert abusivement dénoncée le 19 juillet 2022,

* de recréditer son compte de l’intégralité des sommes prélevées en application du courrier du 29 juin 2022,

– rejeté la demande de la Caisse d’Epargne fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Caisse d’Epargne à verser à Mme [D] [L] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Caisse d’Epargne aux entiers dépens.

Le juge des référés a retenu que le prêteur avait l’obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs et qu’aucune preuve n’était rapportée concernant la connaissance par Mme [D] [L] de la falsification des documents produits au prêteur ou de la fourniture par Mme [D] [L] desdits documents. Il a jugé qu’il existait un dommage imminent qu’il convenait de prévenir par application de l’article 835 du code de procédure civile au regard des conséquences à très court terme sur le plan économique et financier.

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Le 23 août 2022, la Caisse d’Epargne a formé appel de l’ordonnance tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.

Dans ses dernières conclusions transmises le 6 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Caisse d’Epargne, appelante, demande à la cour sur le fondement des articles 484, 834 et 835 du code de procédure civile :

– de dire et juger son appel recevable et bien fondé,

En conséquence,

– d’infirmer l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Nancy le 12 août 2022 dans toutes ses dispositions,

– de condamner Mme [D] [L] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de débouter Mme [D] [L] de ses demandes,

– de condamner Mme [D] [L] aux entiers frais et dépens de la procédure.

Au soutien de ses demandes, la Caisse d’Epargne fait valoir en substance :

– que la saisine du président du tribunal judiciaire de Nancy concerne plusieurs clients, dont Mme [D] [L], vivant à [Localité 11] et ayant sollicité des prêts immobiliers auprès des agences de [Localité 8] et [Localité 9], et plus particulièrement de M. [F] [V], licencié pour faute pour avoir présenté des dossiers de crédit comportant de faux éléments afin de dissimuler leur véritable situation financière à sa hiérarchie ; que leur réalité financière a été sciemment falsifiée par les requérants avec l’aide de ce préposé afin de leur offrir une meilleure solvabilité ;

– que le compagnon de Mme [D] [L] a reconnu en justice avoir falsifié la quittance EDF figurant à sa demande de crédit et a été débouté de son appel de l’ordonnance rendue le 12 août 2022 par arrêt du 15 décembre 2022 ;

– qu’il n’y a aucune mauvaise foi, ni aucune modification unilatérale des contrats de prêt, résultant de ce que les montants des sommes prélevées par la banque durant la période de préfinancement soient différents du montant de l’échéance due conformément au tableau d’amortissement ; que durant la période de préfinancement, seuls les intérêts sur les sommes réellement débloquées et les primes d’assurance sont payés ; qu’après la période de préfinancement débute la période d’amortissement du prêt avec le paiement des échéances en capital et intérêts ; qu’elle a donc légitimement mis en amortissement les prêts et transmis par lettres du 28 juin 2022 les tableaux d’amortissement ; que l’échéance du 5 juillet 2022 était celle du montant de la période de préfinancement et celle du 5 août 2022 correspondait à la première échéance d’amortissement des prêts ;

– que la déchéance du terme a été prononcée valablement conformément aux conditions générales du prêt prévoyant la possibilité pour l’établissement bancaire de la prononcer en présence de documents ou renseignements faux fournis par l’emprunteur ; que cette déchéance du terme n’a pas à être précédée d’une mise en demeure préalable à défaut de possible régularisation et s’agissant de la méconnaissance de l’obligation de contracter de bonne foi au moment de la souscription du prêt ;

– que l’absence de bonne foi de Mme [D] [L] dans la conclusion du contrat est avérée ; que Mme [D] [L] a signé et paraphé les pages des demandes de crédits immobiliers établies par M. [V] mentionnant des faux éléments concernant ses revenus réels, sa profession, son épargne et ses revenus locatifs, et avait pour but de se voir octroyer un crédit sur la base d’une situation de solvabilité fausse ; que ces documents ont permis la fraude ; que M. [V] dans le cadre de sa délégation pouvait accorder seul les prêts ; que les documents transmis par Mme [D] [L] pour le déblocage des fonds (factures) sont erronés et imprécis, comportant pour certaines deux dates différentes reprenant les mêmes travaux dans un autre prêt ;

– que la présente procédure se heurte à l’existence d’une contestation sérieuse dans la mesure où la déchéance du terme a été valablement prononcée et une procédure est en cours devant les juges du fond afin de voir condamner Mme [D] [L] au paiement des sommes dues, ce qui ne constitue pas un dommage imminent ; qu’il n’y a aucune urgence à voir rétablir les contrats de prêt en ce que les sommes prévues aux offres de prêt ont été quasiment intégralement débloquées et que Mme [D] [L] a la jouissance des biens immobiliers acquis ; que Mme [D] [L] aurait dû être déclarée mal fondée à solliciter en référé ‘ de poursuivre la bonne et normale exécution des obligations contractuelles ‘, et que par voie de conséquence, l’information d’un fichage au FICP, la dénonciation du découvert bancaire et le blocage des sommes sur le compte étaient justifiés ; qu’elle a dénoncé le découvert autorisé et laissé conformément à la réglementation un délai de 60 jours à l’emprunteur pour régulariser la situation ; que la déchéance du terme a rendu les sommes exigibles et que toute somme créditée est affectée à la régularisation des sommes dues.

Dans ses dernières conclusions transmises le 8 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [D] [L], intimée, demande à la cour sur le fondement des articles 484, 834 et 835 du code de procédure civile, ainsi que des articles 1103, 1104, 1193 et 1242 du code civil :

– de juger l’appel de la Caisse d’Epargne recevable mais mal fondé,

– de débouter par conséquent la Caisse d’Epargne de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– de confirmer l’ordonnance de référé rendue le 12 août 2022 par le président du tribunal judiciaire de Nancy dans l’intégralité de ses dispositions,

– de condamner la Caisse d’Epargne à lui payer une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.

Au soutien de ses demandes, Mme [D] [L] fait valoir en substance :

– qu’elle a saisi le président du tribunal judiciaire de Nancy afin qu’il ordonne les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser le péril plus qu’imminent qui pesait sur elle ainsi que le trouble manifestement illicite provoqué par les agissements manifestement injustifiés et lourdement fautifs de la Caisse d’Epargne ;

– que la Caisse d’Epargne ne pouvait unilatéralement modifier les conditions d’exécution des contrats de prêt en mettant fin de façon anticipée et injustifiée à la période de préfinancement tandis que la totalité des fonds prêtés n’avait pas été débloquée ; que la Caisse d’Epargne a mis fin à la période de préfinancement avant le versement total des fonds (les travaux n’étant pas terminés et aucun loyer ne pouvait être tiré des biens, les montants restant à débloquer étant de 171,60 euros, 265,63 euros et 250 euros), ce qui a eu pour effet d’augmenter la charge mensuelle totale de remboursement ; que le droit de la banque de mettre fin à la période de préfinancement est contractuellement subordonné au déblocage total des fonds ;

– que la Caisse d’Epargne n’a pas notifié de bonne foi la déchéance du terme des contrats de prêt qui est nulle et de nul effet ; que l’imprécision du motif allégué (‘ documents semblant erronés ‘) dans les notifications équivaut à une absence de motif ; que la notification de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable suppose la preuve de manquements irréparables reposant sur des faits précis et établis ressortant des conditions générales de prêt ; que toute justification a posteriori évoquant un autre motif (faux documents) est inopérante ; que la modification unilatérale des conditions de remboursement des prêts avait pour but de provoquer un impayé susceptible de constituer un autre motif de déchéance du terme ; que le prêteur n’a pas procédé au prélèvement des échéances du 5 juillet 2022 alors que le solde de son compte était créditeur d’une provision supérieure ; que le 23 juillet 2022, la Caisse d’Epargne a prélevé la somme de 2 180,07 euros sur son compte en rendant le solde du compte débiteur de la totalité de l’autorisation de découvert dénoncée le 19 juillet 2022 ; que le remboursement du découvert de 500 euros le 2 août 2022 a été affecté au remboursement d’un prêt ;

– que la Caisse d’Epargne ne fait état d’aucune falsification ni d’aucune production par Mme [D] [L] de documents falsifiés, de sorte que les conditions requises pour la notification de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable ne sont pas réunies ; qu’elle a fourni ses fiches de paie et avis d’imposition dont l’authenticité n’est pas discutée et que c’est le cadre de la Caisse d’Epargne qui a renseigné les demandes de crédit en reportant certains renseignements inexacts ; que la banque ne peut s’en prendre qu’à elle-même si elle a délégué l’octroi des prêts à son directeur, sans contrôle, et s’est privée de confronter les justificatifs produits par Mme [D] [L] avec les informations erronées portées par son préposé sur les dossiers de prêt ; que les factures de travaux remises à la banque pour le déblocage progressif des fonds prêtés, qui ne sont pas des faux, ne peuvent servir de motifs aux déchéances du terme notifiées pour de prétendues fautes commises antérieurement à la décision d’octroi des prêts et y ayant concouru ; qu’elle n’a pas été informée de la radiation de M. [B], artisan ;

– que les faits évoqués sont constitutifs d’un trouble manifestement illicite et qu’en l’absence de tout impayé imputable, l’obligation ordonnée à la Caisse d’Epargne de poursuivre la bonne et normale exécution des trois contrats de prêt jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne dans la procédure initiée au fond devant le tribunal judiciaire de Nancy a permis de prévenir le dommage imminent qui la menaçait, à savoir son inscription au FICP et l’anéantissement de ses investissements ; que les circonstances tirées de la totale imprécision et de l’inexactitude du motif de la sanction ne sont pas sérieusement contestées en l’absence de la moindre falsification des documents justificatifs qu’elle a produits.

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La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes en référé

L’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Mme [D] [L] explique que les faits dénoncés sont constitutifs d’un trouble manifestement illicite et que les mesures ordonnées à titre provisoire et conservatoire en première instance ont permis de prévenir un dommage imminent.

Aussi, il en résulte que Mme [D] [L] se prévaut des dispositions de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile en vertu desquelles une contestation sérieuse sur le fond du droit n’interdit pas au juge des référés de prendre les mesures conservatoires qui s’imposent afin de prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

De même, aucune condition d’urgence n’est requise dans les cas prévus à l’article 835 alinéa 1er.

Mme [D] [L] se prévaut à l’encontre de la Caisse d’Epargne de la cessation unilatérale et injustifiée des prêts consentis et de la modification unilatérale des conditions d’exécution des contrats de prêt en mettant fin de façon anticipée (avant le déblocage total des fonds) et injustifiée à la période de préfinancement.

Aussi, il appartient à Mme [D] [L] de rapporter la preuve, dans le cadre de l’instance en référé, d’une violation évidente des règles conventionnelles par la Caisse d’Epargne.

En l’espèce, il ressort du paragraphe des conditions générales des prêts intitulé ‘ exigibilité anticipée-déchéance du terme ‘, que ‘ le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite à l’emprunteur dans l’un ou l’autre des cas suivants : (…) -falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l’octroi du ou des prêts consentis ‘.

Aussi, il en résulte que dans le cas énoncé ci-dessus, le prêteur peut notifier à l’emprunteur la déchéance du terme du prêt consenti, et ce même en période de préfinancement, sans obligation d’une mise en demeure préalable, en cas de fourniture au prêteur d’un document comportant des mentions fausses.

En l’espèce, la Caisse d’Epargne a notifié à Mme [D] [L] la déchéance du terme des prêts litigieux par courriers recommandés avec demande d’avis de réception du 29 juin 2022 en ces termes : ‘ après examen de votre dossier, nous constatons que certains documents fournis à l’octroi du crédit référencé ci-dessus semblent erronés. En conséquence, et conformément aux conditions contractuelles, nous vous informons prononcer la déchéance du terme dudit crédit rendant immédiatement exigible l’intégralité des sommes prêtées ‘.

Il convient au préalable de relever que Mme [D] [L] ne se prévaut pas de l’illicéité de la clause contractuelle, mais de l’insuffisance de motif s’apparentant à une absence de motif, dans la mesure où elle soutient que les notifications de la déchéance du terme sans mises en demeure préalable doivent impérativement énoncer de façon précise et exhaustive tous les faits et motifs censés les justifier, et que toutes justifications a posteriori évoquant un autre motif sont inopérantes.

Pour autant, les termes employés au courrier de notification des déchéances du terme sont explicites en ce qu’ils font référence à la clause résolutoire figurant auxdits contrats de prêt concernant la production de faux documents, soit de documents comportant des mentions fausses ou semblant erronées, afin d’obtenir l’octroi du crédit.

Par ailleurs, la Caisse d’Epargne précise dans le cadre de l’instance que Mme [D] [L] a commis des fraudes en partenariat avec son préposé, M. [V], en faisant état de renseignements erronés pour l’obtention des prêts, ce qui caractérise le motif visé aux clauses résolutoires.

Sur le fond, Mme [D] [L] soutient qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir relevé l’inexactitude de certains renseignements retranscris par M. [V] dans les document intitulés ‘ demande de crédit ‘, dès lors qu’elle avait fourni des informations exactes et sincères sur sa situation personnelle et professionnelle.

Au préalable, il y a lieu de constater que la déchéance du terme des prêts n’a pas été prononcée au motif tiré de la falsification par Mme [D] [L] des pièces justificatives produites.

En outre, il ressort de la comparaison des renseignements portés sur les demandes de crédit signées par Mme [D] [L] les 26 juin 2020 et 13 août 2021, qu’elle a déclaré percevoir des revenus locatifs de 2 840 euros par mois au 26 juin 2020, alors que l’avis d’imposition 2021 sur les revenus 2020 fait état de l’absence de revenus locatifs (et même d’un déficit de 12 102 euros), et qu’elle a déclaré percevoir un salaire de 3 890 euros par mois au 13 août 2021, alors que la fiche de paie émise en juillet 2021 fait état d’un salaire moyen mensuel net imposable de 1 263 euros depuis janvier 2021.

Or, s’il est établi que Mme [D] [L] a fourni des documents de situation conformes à la réalité, en revanche, elle a signé et transmis des demandes de crédit dactylographiées reprenant de faux renseignements concernant ses revenus, et n’a pas contesté la transmission desdits documents au prêteur.

Aussi, il est établi que Mme [D] [L] a fourni au prêteur des documents comportant des mentions fausses ayant concouru à l’octroi des prêts consentis, et qu’elle ne peut opposer à la banque, qui en a été victime, le fait tiré de la participation éventuelle d’un préposé aux faits litigieux.

En effet, les signatures apposées sur les demandes de crédit comportant de faux éléments sur sa situation interdisent à Mme [D] [L] de se prévaloir d’une négligence de la banque dans l’examen des pièces produites.

Par ailleurs, Mme [D] [L] a communiqué au prêteur, afin de bénéficier du financement de travaux dans les trois prêts consentis (tel que ressortant des factures émises par M. [B], se déclarant entrepreneur individuel, aux fins de déblocage des fonds), un devis établi le 6 décembre 2020 par M. [B] mentionnant un numéro de SIRET 83856342700015 (et une durée de validité au ‘ 6 février 2020 ‘), établi sur la base d’évaluations faites au 17 juin 2020 portant des prestations d’électricité, de plomberie, de peinture, mais également sur les cloisons, les sols, les portes et les balcons.

Pour autant, la Caisse d’Epargne a rapporté la preuve que M. [B] avait été radié du registre du commerce et des sociétés en décembre 2020, et qu’il avait en sa qualité d’artisan le numéro de SIREN 408419091 et pour activité l’installation d’eau et de gaz en tous lieux.

Or, les contrats de prêt prévoient que les factures provisoires doivent faire apparaître la raison sociale et le numéro de SIRET de l’entreprise exécutante, de sorte que ces renseignements déterminent le déblocage des fonds.

Aussi, il en résulte que Mme [D] [L] a transmis au prêteur un devis émanant d’un entrepreneur en état de cessation d’activité mentionnant de fausses informations sur son immatriculation et sur les prestations relevant de son activité, ayant concouru à l’octroi des prêts consentis, et par suite aux déblocages des fonds y afférents.

Au surplus, l’attestation de l’entrepreneur confirmant qu’il est l’émetteur des factures de travaux et que ceux-ci ont été réalisés ne saurait remettre en cause les fausses informations évoquées plus avant.

Dans ces conditions, il en résulte que les déchéances du terme ont été prononcées régulièrement par la Caisse d’Epargne au motif tiré de la fourniture par Mme [D] [L] au prêteur de demandes de crédit comportant de faux renseignements liés au montant de ses revenus ainsi qu’un devis de travaux mentionnant de fausses informations sur l’immatriculation de l’entrepreneur et sur les prestations relevant de son activité, de sorte que l’intimée ne peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite.

Pour le surplus, il convient de constater que la transmission par la Caisse d’Epargne le 28 juin 2022 des tableaux d’amortissement desdits prêts prévoyant l’amortissement du capital à compter de l’échéance du 5 août 2022 est sans emport.

Dès lors, l’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a ordonné la reprise de l’exécution des contrats selon les échéanciers convenus, ainsi que le rétablissement de l’autorisation de découvert dénoncée et le remboursement par le prêteur des sommes prélevées suite à la déchéance du terme.

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance déférée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Mme [D] [L] qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

INFIRME l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

CONSTATE que la déchéance du terme des prêts a été prononcée régulièrement par la Caisse d’Epargne le 29 juin 2022,

DEBOUTE Mme [D] [L] de ses demandes,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [D] [L] au paiement des dépens,

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [D] [L] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [D] [L] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en NEUF pages.

 


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