Droits des Artisans : 4 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/06253

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Droits des Artisans : 4 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/06253

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 04/05/2023

****

N° de MINUTE : 21/431

N° RG 21/06253 – N° Portalis DBVT-V-B7F-UABV

Jugement (N° ) rendu le 02 Novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Béthune

APPELANTS

Madame [I] [W] [M] épouse [C]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 5]

Monsieur [Y] [C]

né le [Date naissance 3] 1993 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentés par Me Pierre Cortier, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉS

Madame [R] [P]

née le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Monsieur [T] [U]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentés par Me François Xavier Brunet, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 07 mars 2023 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Menegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 février 2023

****

Mme [R] [P] et M. [T] [U] ont pris à bail un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 7] à [Localité 11] appartenant à M. [Y] [C] en nue-propriété et à Mme [I] [C] née [W] [M] en usufruit, cette dernière étant la seule signataire du bail.

Par acte d’huissier en date des 11 et 18 juin 2018, Mme [R] [P] et M. [T] [U] ont fait assigner Mme [I] [C] et M. [Y] [C] devant le juge des référés du tribunal d’instance de Béthune afin d’entendre nommer un expert judiciaire.

Ils se plaignaient notamment du fait que des taches de moisissure étaient apparues très rapidement en cours de bail et que les travaux effectués par le bailleur, travaux pendant lesquels ils avaient été contraints d’habiter chez leurs parents avec leurs enfants, n’avaient pas empêché la persistance des problèmes d’humidité. Ils indiquaient encore qu’un rapport de l’ARS établi le 19 mai 2014 avait mis en évidence différents désordres, que les travaux n’avaient cependant pas été entrepris par le bailleur, qu’en avril 2017, il y avait eu un problème d’accessibilité normale à leur logement et qu’en octobre 2017, le WC du logement était tombé en panne et n’avait pas été remplacé. Ils faisaient état par ailleurs de l’effondrement du plafond, survenu en avril 2018, ce qui avait contraint le bailleur à les reloger dans un hôtel, séparés d’un de leurs enfants confié à ses grand-parents.

Suivant ordonnance de référé en date du 18 octobre 2018, le juge des référés du tribunal d’instance de Béthune a notamment :

-ordonné la communication par Mme [C] et M. [C] de l’original du contrat de bail conclu le 27 mai 2014 avec M. [U] et Mme [P] ainsi que le justificatif d’assurance du bailleur sous astreinte de 20 euros par jour de retard pendant deux mois ;

-ordonné une expertise judiciaire du logement occupé par Mme [P] et M. [U], ladite expertise étant confiée à M. [G] ;

-condamné solidairement Mme [C] et M. [C] à verser aux demandeurs une somme de 1000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice matériel.

Suivant acte d’huissier en date du 19 novembre 2019, Mme [I] [C] et M. [Y] [C] ont fait délivrer un congé pour vente aux locataires.

L’expert commis a déposé son rapport le 11 mai 2020.

Par actes d’huissier en date du 23 juillet 2020, Mme [I] [C] et M. [Y] [C] ont fait assigner Mme [R] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Béthune aux fins d’obtenir son expulsion du logement sur le fondement de ce congé.

Par actes d’huissier en date du 7 janvier 2021, Mme [P] et M. [U] ont fait assigner Mme [I] [C] et M. [Y] [C] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Béthune afin d’obtenir la condamnation des défendeurs à réaliser les travaux de remise en état tels que préconisés par l’expert judiciaire et d’obtenir l’indemnisation de divers préjudices.

Suivant jugement en date du 2 novembre 2021, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé de la procédure antérieure au jugement et du dernier état des demandes et prétentions des parties, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Béthune a :

-déclaré nul et de nul effet le congé pour vente délivré le 19 novembre 2019 à Mme [P] et M. [U] par Mme [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] ;

-condamné M. [Y] [C] et Mme [I] [C] née [W] [M] à réaliser l’intégralité des travaux préconisés par l’expert judiciaire en pages 12 et 13 de son rapport à savoir reprise de l’ensemble de l’installation de la VMC, révision et mise en conformité de l’installation électrique, création d’un réseau EU-EV à raccorder au réseau communal, rejointement de la façade, création de rejingots, supports de menuiserie, création d’une cloison séparant les WC du séjour/salon, révision de la pose des menuiseries, révision du faux-plafond, dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de deux mois.

-fixé le montant du loyer à la somme de 600 euros par mois pendant une durée de 6 mois et au-delà de ce délai tant que les bailleurs ne justifient pas de la réalisation des travaux ;

-condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] les sommes suivantes :

-3650 euros au titre de la moins-value appliquée à la valeur locative du logement ;

-650 euros au titre du préjudice de jouissance ;

-1030,34 euros au titre des frais de repas ;

-condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

-condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

-constaté l’exécution provisoire du jugement.

Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 15 décembre 2021, déclaration d’appel critiquant les dispositions de la décision entreprise qui ont :

-condamné M. [Y] [C] et Mme [I] [C] née [W] [M] à réaliser l’intégralité des travaux préconisés par l’expert judiciaire en pages 12 et 13 de son rapport sous astreinte ;

-fixé le montant du loyer à la somme de 600 euros par mois pendant une durée de 6 mois et au-delà de ce délai tant que les bailleurs ne justifient pas de la réalisation des travaux ;

-condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] les sommes suivantes :

-3650 euros au titre de la moins-value appliquée à la valeur locative du logement ;

-650 euros au titre du préjudice de jouissance ;

-1030,34 euros au titre des frais de repas ;

-condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

-condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [R] [P] et M. [T] [U] ont constitué avocat le 12 janvier 2022.

Par leurs dernières conclusions en date du 9 mars 2022, Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] demandent la cour de :

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à réaliser l’intégralité des travaux préconisés par l’expert judiciaire en pages 12 et 13 de son rapport (reprise de l’ensemble de l’installation de la VMC, révision et mise en conformité de l’installation électrique, création d’un réseau EU-EV à raccorder au réseau communal, rejointement en façade, création de rejingots, support de menuiseries, création d’une cloison déparant les WC du séjour/salle à manger, révision de la pose des menuiseries, révision du faux-plafond, amélioration de la trappe d’accès à l’extracteur VMC, reprise de l’isolation sur faux-plafond), dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé ce délai, pendant une durée de deux mois, fixé le montant du loyer à la somme mensuelle de 600 euros durant cette période de 6 mois, et au-delà de ce délai, tant que les bailleurs ne justifient de l’achèvement de ces travaux, condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] les sommes de 3 850 euros au titre de la moins-value appliquée à la valeur locative du logement, 650 euros au titre du préjudice de jouissance, 1 030, 34 euros au titre des frais de repas, condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] aux entiers dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire, condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuer de nouveau :

– constater que la demande de réalisation sous astreinte des travaux est devenue sans objet,

– débouter Mme [R] [P] et M. [T] [U] de

l’intégralité de leurs demandes,

– condamner Mme [R] [P] et M. [T] [U] à verser à Monsieur et Mme [C] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions en date du 1er juin 2022, Mme [R] [P] et M. [T] [U] demandent à la cour de :

– constater que n’est pas remise en cause par M. et Mme [C] la

disposition du jugement du 2 novembre 2021 déclarant nul et de nul effet le congé pour vente délivrée le 19 novembre 2019,

En conséquence,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béthune en date du 2 novembre 2021 en ce qu’il a déclaré nul et de nul effet le congé pour vente délivré le 19 novembre 2019 à Mme [R] [P] par Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C], condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à réaliser l’intégralité des travaux préconisés par l’expert judiciaire en pages 12 et 13 de son rapport (reprise de l’ensemble de l’installation de la VMC, révision et mise en conformité de l’installation électrique, création d’un réseau EU-EV à raccorder au réseau communal, rejointement en façade, création de rejingots, support de menuiseries, création d’une cloison déparant les WC du séjour de la salle à manger, révision de la pose des menuiseries, révision du faux-plafond, amélioration de la trappe d’accès à l’extracteur VMC, reprise de l’isolation sur faux-plafond), dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé ce délai, pendant une durée de deux mois, fixé le montant du loyer à la somme mensuelle de 600 euros durant cette période de 6 mois, et au-delà de ce délai, tant que les bailleurs ne justifient de l’achèvement de ces travaux, condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] les sommes de 3 850 euros au titre de la moins value appliquée à la valeur locative du logement, 650 euros au titre du préjudice de jouissance, 1 030, 34 euros au titre des frais de repas, condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] aux entiers dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire, condamné Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Réformant le jugement du 2 novembre 2021 en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau,

– condamner Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] une somme de 8 762 euros en réparation du préjudice matériel causé,

– condamner Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice personnel et moral subi,

– condamner Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] une somme 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

En tout état de cause,

– débouter Mme [I] [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé des demandes et des moyens des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1) Sur la nullité du congé délivré par les bailleurs :

Le jugement entrepris a déclaré nul le congé délivré par les bailleurs pour vente le 19 novembre 2019 au motif qu’il n’avait été délivré qu’à la seule Mme [P] alors qu’il aurait dû l’être également à M. [U] au motif que ce dernier apparaissait dans le bail comme cotitulaire du bail.

Cette disposition n’est pas contestée dans le cadre de la déclaration d’appel et la cour n’est donc pas saisie de ce chef.

2) Sur les demandes de Mme [P] et de M. [U] au titre d’une indécence du logement et des désordres affectant ce dernier :

L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à la date de conclusion du bail, dispose que :

Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d’Etat pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l’article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l’exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.

Le bailleur est obligé :

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;

b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;

c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;

d) De ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.

En application de l’article 1720 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire durant toute la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent être nécessaires, autres que locatives.

L’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose encore que :

‘Si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. A défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation peut être saisie et rendre un avis dans les conditions fixées à l’article 20. La saisine de la commission ou la remise de son avis ne constitue pas un préalable à la saisine du juge par l’une ou l’autre des parties.

Enfin, les caractéristiques du logement décent sont prévues aux articles 2 et 3 du décret du 30 janvier 2002.

Il sera rappelé que les locataires ont effectivement produit aux débats un rapport de l’ARS du Nord-Pas de Calais en date du 19 mai 2014 faisant apparaître différents désordres et notamment des murs extérieurs en mauvais état, une sous-toiture non protégée, un non respect des volumes de sécurité électrique dans la salle de bains, une absence d’adéquation de l’installation de chauffage par rapport aux caractéristiques d’isolation de l’immeuble, et des désordres au niveau de la VMC, de la ventilation et de l’évacuation des eaux usées.

Ils ont encore produit un constat d’huissier établi à la suite de la chute du plafond en avril 2018

Comme l’a exactement énoncé par ailleurs le jugement entrepris, l’expert judiciaire commis a relevé au terme de son rapport plusieurs non-conformités au regard des dispositions du décret du 30 janvier 2002 sur le logement décent à savoir :

-un état du gros oeuvre à parfaire en raison notamment de la présence de remontées telluriques

-une étanchéité des menuiseries à vérifier ;

-des anomalies sur le réseau électrique (circuits, volume de sécurité, installation électrique non conforme aux normes obligatoires) ;

-des dispositifs d’ouverture et de ventilation permettant un renouvellement de l’air non adapté et non efficace,

-une mauvaise évacuation des eaux usées ;

-des WC non séparés de la cuisine et de la pièce où sont repris les repas.

L’expert précise à cet égard que nombre des travaux entrepris ne sont conformes aux normes, que le logement ne correspond pas au logement décent au sens du décret du 30 janvier 2002 et que les désordres constatés conviennent pour l’essentiel de la médiocre réalisation des travaux de rénovation qui ont été entrepris par les propriétaires.

S’agissant plus spécifiquement de l’effondrement du plafond, sinistre survenu en avril 2018, l’expert judiciaire en situe les causes dans des travaux non conformes,l’expert remettant en cause au demeurant les travaux de reprise tels qu’ils ont été effectués, indiquant que ces travaux de reprise ont conduit à une réplique pure et simple de la structure porteuse du plafond effondré et relevant que la laine de verre n’a pas été correctement posée et qu’une canalisation n’est pas isolée.

Ces éléments de fait ayant été rappelés, il sera précisé à titre liminaire qu’alors que Mme [I] [C] née [W] [M] usufruitère est la seule signataire du contrat de bail et que M. [C] est suivant les indications fournies le nu-propriétaire du logement, les parties intimées n’expliquent pas en quoi M.[C] pourrait être condamné à des dommages et intérêts au titre d’une responsabilité contractuelle.

Dès lors, la cour réformera le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [Y] [C] à des dommages et intérêts.

Sur les travaux de mise en conformité demandés par les locataires en première instance et ordonnés par le premier juge :

Il convient de préciser qu’il est constant que les locataires ont donné leur congé pour le 29 mars 2022 en cause d’appel et qu’ils ont par ailleurs effectivement quitté le logement.

Il s’ensuit qu’en dépit de la pertinence de leur demande initiale de ce chef, Mme [P] et M. [U] ont perdu en cause d’appel la qualité de locataires qui leur donnait la qualité et l’intérêt à solliciter la condamnation de leurs bailleurs à effectuer des travaux.

Leur demande de ce chef est devenue sans objet ce qu’il convient de constater dans le dispositif du présent arrêt et ce par réformation du jugement de ce chef liée à une évolution de la situation en cause d’appel.

Sur les frais de relogement :

Le jugement entrepris n’est pas remis en cause de ce chef.

Sur l’indemnisation du préjudice de jouissance :

Les bailleurs contestent le jugement entrepris en ce qu’il a accordé à Mme [P] et M. [U] la somme de 3850 euros au titre d’une moins value sur le loyer et celle de 650 euros au titre d’un préjudice de jouissance, la cour précisant sur ce point qu’en réalité et nonobstant les deux qualifications différentes reprises dans le jugement entrepris que les sommes allouées correspondent en fait toutes deux à l’indemnisation d’un préjudice de jouissance.

C’est toutefois sans excès que le jugement entrepris a, au regard des multiples désordres affectant le logement et constatés tant dans le rapport de l’ARS, que dans le constat d’huissier produit et le rapport d’expertise judiciaire, et au regard de la proposition d’évaluation faire par l’expert, chiffré le préjudice subi à 10 % de la valeur locative.

C’est tout aussi exactement que le premier juge a estimé que les désordres décrits, qui étaient structurels, devaient être considérés au regard de leur nature comme existant depuis l’origine du bail.

C’est donc à bon droit que le jugement entrepris a fixé le préjudice suivi par les locataires à la somme de 3850 euros (soit 50 x 77, ce dernier nombre correspondant au nombre de mois ayant couru depuis l’origine du bail jusqu’au 31 octobre 2020 inclus ).

Par ailleurs, les locataires ont subi un supplément de préjudice pendant le temps de la réfection de certains des désordres qui a été justement compensé par le jugement par l’allocation d’une somme complémentaire de 650 euros.

Pour critiquer le jugement entrepris, les appelants font valoir que le jugement entrepris n’a pas tenu compte du fait que les locataires s’opposaient à la réalisation des travaux , étant ainsi eux-mêmes les artisans de leur préjudice de jouissance.

Le jugement répond exactement sur ce point que s’agissant de la pièce qui a pour objet de démontrer que Mme [P] et M. [U] se seraient opposés à la réalisation de travaux en juin 2021, cette dernière date n’est pas incluse dans la période prise en charge au titre de l’indemnisation du préjudice de jouissance.

Par ailleurs, si les appelants insistent particulièrement en cause d’appel sur le fait qu’un autre artisan aurait déjà constaté le refus des locataires en juin 2019, force est de constater toutefois que le très bref contenu de l’attestation établie par M. [H] de l’entreprise les Fermetures du Bonsberg selon laquelle les locataires auraient accepté la réalisation de travaux de menuiserie en juin 2019 mais non l’intervention sur la VMC sans autre précision, attestation au demeurant non régulière en la forme ne peut suffire à caractériser une quelconque responsabilité des locataires

Au regard des éléments de la cause, la cour confirmera purement et simplement le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [I] [C] au paiement des sommes de 3650 euros et 650 euros.

Sur la réduction du montant du loyer :

En application des dispositions de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 et en lien avec les travaux qu’il ordonnait par ailleurs, le premier juge a ordonné à compter de sa décision la réduction du loyer à la somme de 600 euros par mois suivant les modalités fixées par le dispositif de la décision entreprise.

Cette solution est parfaitement justifiée, au regard de la privation partielle de jouissance subie par les locataires. Il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef sauf à préciser que cette réduction s’est appliquée depuis la date du jugement entrepris jusqu’au départ des locataires.

Sur la demande au titre d’un préjudice moral :

Cette demande est fondée sur un certificat médical émanant du médecin traitant de Mme [P] mentionnant l’existence d’un syndrome anxieux subi par cette dernière suite à l’effondrement du plafond et aux conséquences de cet effondrement, et sur deux ordonnances prévoyant un traitement médicamenteux de courte durée pour y remédier.

Tenant compte du fait que la chute du plafond a été spectaculaire et très perturbante pour la vie des occupants de l’immeuble et tenant compte par ailleurs du fait que les difficultés d’ordre médical de Mme [P] liées au sinistre sont objectivées par les éléments médicaux ainsi produits, le préjudice subi par Mme [P] ne se confondant pas ainsi avec un simple préjudice de jouissance mais revêtant la forme d’un véritable préjudice moral, la cour allouera à Mme [P] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef et condamnera Mme [I] [C] au paiement de cette somme par réformation du jugement entrepris.

Sur la demande au titre des frais de repas :

Il résulte d’un courrier adressé aux locataires par Mme [I] [W] [M] épouse [C] que cette dernière s’est engagée à verser aux parties intimées pendant le temps où ils étaient relogés pour procéder à la réfection du plafond qui était tombé, une somme forfaitaire pour chaque repas pris par parents et enfants. Cet engagement, fondé sur le fait qu’il est plus onéreux de prendre ses repas sur l’extérieur, a été formulé à hauteur d’une somme de 4,80 euros par repas.

Mme [I] [W] [M] épouse [C] ne peut remettre en cause les termes de son engagement. Dès lors toutefois qu’il résulte des termes mêmes des conclusions des parties intimées que le montant des sommes dues par la bailleresse en exécution de son engagement s’élève à la somme de 792 euros correspondant au calcul suivant 4,80 x 5 (personnes) x 32 (repas) , il n’existe pas de motif de majorer l’étendue de l’engagement de la bailleresse en accordant à Mme [P] et à M. [U] une somme supérieure à 792 euros.

Dès lors, il convient, par réformation du jugement entrepris sur le quantum de la somme allouée, de condamner Mme [I] [W] [M] épouse [C] au seul paiement de la somme de 792 euros à ce titre.

Sur le préjudice matériel :

M. [U] et Mme [P] ont demandé la condamnation des consorts [C] au paiement d’une somme de 8 762 euros.

Le jugement entrepris a rejeté cette demande pour défaut de preuve.

Il sera précisé à titre liminaire que l’expert ne propose pas d’évaluation sur ce point, se contentant simplement de prendre acte aux termes de son rapport de ce que les locataires sollicitaient une somme de 8 762 euros.

Néanmoins, la cour observe :

-qu’il résulte du constat d’huissier et des photographies produites que le sinistre lié à la chute du plafond a été important et a nécessairement entraîné des dégradations pour le mobilier situé dessous dans le séjour et la cuisine ;

-que les locataires ont produit aux débats les photographies de leur téléviseur (écran cassé), de leur micro-onde bosselé et de leur canapé déchiqueté ;

-que les locataires ont produit des factures d’achat d’un canapé et d’un téléviseur.

Au regard de ces différents éléments, il convient d’allouer par réformation du jugement entrepris, la somme de 1200 euros (coût du remplacement du canapé) + 600 euros (coût de remplacement du téléviseur) + 60 euros soit 1860 euros arrondis à 2000 euros pour tenir compte des indispensables frais de nettoyage des autres meubles.

Il ya donc lieu de condamner Mme [I] [C] au paiement de cette somme, par réformation du jugement.

Il conviendra de déduire des sommes allouées la provision accordée par l’ordonnance de référé du 18 octobre 2018

Il sera précisé enfin que le jugement entrepris n’est pas remis en cause en ce qu’il a débouté Mme [P] et M. [U] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

3) Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens, incluant le coût de l’expertise judiciaire, et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ont été exactement réglés par le premier juge.

Il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Les appelants succombant pour l’essentiel dans leur recours en supporteront les dépens.

Il sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel comme indiqué au présent dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Constate qu’elle n’est pas saisie d’un appel des dispositions du jugement entrepris qui ont :

-déclaré nul et de nul effet e congé pour vente délivré le 19 novembre 2019 à Mme [P] et M. [U] par Mme [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] ;

-débouté Mme [P] et M. [U] de leurs demandes au titre des frais de relogement :

-débouté Mme [P] et M. [U] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

-condamné Mme [I] [C] née [W] [M] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] les sommes suivantes :

-3 850 euros au titre de la moins-value appliquée à la valeur locative du logement ;

-650 euros au titre du préjudice de jouissance ;

-ordonné la réduction du loyer à 600 euros par mois à compter de la décision rendue pendant une durée de 6 mois et même au-delà sauf à préciser que la réduction est applicable jusqu’à la libération des lieux par les locataires, libération intervenue en cause d’appel ;

Le confirme également sur le sort des dépens de première instance, incluant les frais d’expertise judiciaire, et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

Constate que la demande tendant à obtenir la condamnation des consorts [C] à effectuer des travaux est devenue sans objet ;

Condamne Mme [I] [C] née [W] [M] à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] :

-la somme de 792 euros au titre des frais de repas ;

-la somme de 2000 euros pour préjudice matériel ;

Condamne Mme [I] [C] née [W] [M] à payer à Mme [R] [P] la somme de 300 euros au titre de son préjudice moral ;

Déboute Mme [R] [P] et M. [T] [U] de leurs demandes d’indemnisation à l’égard de M. [Y] [C] ;

Dit qu’il conviendra de déduire des sommes allouées la provision accordée par l’ordonnance de référé du 18 octobre 2018 ;

Condamne in solidum Mme [C] née [W] [M] et M. [Y] [C] aux dépens d’appel et les condamne dans les mêmes termes à payer à Mme [R] [P] et M. [T] [U] la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Véronique Dellelis

 


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