Droits des Artisans : 4 avril 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02153

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Droits des Artisans : 4 avril 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02153

ARRET N°171

N° RG 21/02153 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GKFV

S.A. AXA FRANCE IARD

S.A.S.U. SOCIETE ANONYME DE TRANSACTIONS ET COURTAGE

C/

[Z]

[L]

Mutuelle HARMONIE MUTUELLE

Caisse CPAM DU PUY-DE-DOME

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02153 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GKFV

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 avril 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.

APPELANTES :

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 4]

[Localité 12]

S.A.S.U. SOCIETE ANONYME DE TRANSACTIONS ET COURTAGE

[Adresse 5]

[Localité 13]

ayant toutes les deux pour avocat Me Thomas DROUINEAU de la SCP DROUINEAU-BACLE-LE LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de POITIERS

INTIMES :

Monsieur [I] [Z]

né le [Date naissance 7] 1971 à [Localité 15] (86)

[Adresse 2]

[Localité 11]

ayant pour avocat Me Delphine TEXIER, avocat au barreau de POITIERS

CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurite sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits du RSI d’AUVERGNE

[Adresse 6]

[Localité 8]

ayant pour avocat postulant Me Anne-Sophie ARBELLOT DE ROUFFIGNAC, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Amandine JOLLIT de la SCP JURIEL, avocat au barreau de CHARENTE,

Monsieur [X] [L]

[Adresse 3]

[Localité 10]

défaillant

HARMONIE MUTUELLE

[Adresse 1]

[Localité 9]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

– Rendu par défaut

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

[I] [Z], né le [Date naissance 7] 1971, artisan peintre de profession, a été blessé le 26 mai 2014 durant un entraînement de hockey sur glace lors d’un heurt avec un autre joueur, [X] [L], licencié comme lui du Stade [14] et comme lui assuré à ce titre auprès de la compagnie AXA par l’intermédiaire du groupe Satec.

Il a été hospitalisé le jour même et jusqu’au 5 juin 2014 et opéré pour une fracture fermée du pilon tibial de la cheville gauche associée à une fracture dyaphise de la fibule gauche.

Après échec des discussions amiables avec l’assureur, il a obtenu en référé au contradictoire d’AXA France Iard l’institution d’une expertise qui a été confiée par ordonnance du 5 décembre 2018 au docteur [W].

Au vu du rapport déposé le 4 mai 2019, [I] [Z] a fait assigner par actes des 25 octobre, 6 et 14 novembre 2019 devant le tribunal judiciaire de Poitiers la société AXA France IARD, la Société de Transaction et de Courtage (Satec), [X] [L], la mutuelle Harmonie Mutuelle et la caisse RSI, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d’assurance maladie du Puy de Dôme (CPAM 63), pour voir liquider son préjudice.

Par jugement du 27 avril 2021, le tribunal judiciaire de Poitiers a :

* mis la Sa Satec hors de cause

* condamné la SA AXA France IARD à payer à [I] [Z]

-116.184,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et anatocisme

-2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

* condamné la SA AXA France IARD à payer à la CPAM 63

-57.332,44 euros au titre de sa créance de débours

-1.091 euros au titre de l’indemnité forfaitaire

-1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

* déclaré la décision opposable à la mutuelle Harmonie Mutuelle

* condamné AXA aux dépens, incluant ceux de référé et le coût de l’expertise

* ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a constaté qu’AXA ne discutait pas son obligation de réparer intégralement les conséquences préjudiciables de l’accident, et a liquidé en ces termes le préjudice de la victime

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.assistance temporaire tierce personne : 117,12 euros

.perte de gains professionnels actuels : 10.331,49 euros

° permanents :

.perte de gains professionnels futurs : 10.653 euros avec rejet de la demande de rente

.incidence professionnelle : 50.000 euros

.¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

.total : 275 euros

.partiel : 3.207,50 euros

.souffrances endurées : 4.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 1.500 euros

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 27.600 euros

.préjudice esthétique permanent : 3.500 euros

.préjudice d’agrément : 5.000 euros.

Les sociétés AXA et Satec ont relevé appel le 20 avril 2022 de ce jugement en ses dispositions afférentes à l’incidence professionnelle, et au montant total de la condamnation prononcée, pour 116.184,11 euros.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 24 janvier 2023 par la SA AXA France IARD et la société Satec

* le 1er décembre 2022 par la CPAM 63 venant aux droits du RSI d’Auvergne

* le 18 novembre 2022 par [I] [Z].

La SA AXA France IARD et la société Satec demandent à la cour de réformer le jugement en ce qu’il a condamné AXA à payer 50.000euros à M.[Z] au titre de l’incidence professionnelle, et 116.184,11 euros à titre d’indemnisation totale, et statuant à nouveau,

.de réduire à la somme de 4.356,68 euros le montant restant dû par elle-même à [I] [Z] au titre de l’incidence professionnelle, déduction faite des sommes déjà perçues par l’intéressé au titre de la pension d’invalidité et imputées sur le poste de gains professionnels futurs et sur le poste d’incidence professionnelle

.de réduire en conséquence à la somme totale de 43.262,26 euros le montant dû par elle-même à [I] [Z] au titre de l’indemnisation totale de ses préjudices

.de déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée en cause d’appel par M. [Z] en ce qu’il sollicite le versement d’une somme de 508.665,56 euros à son profit au titre des pertes de gains professionnels futurs

.de rejeter cette demande.

AXA observe qu’alors que [I] [Z] sollicitait 15.000euros au titre de l’incidence professionnelle, le tribunal lui a alloué 50.000 euros, sans doute parce qu’il était également sollicité le versement d’une rente viagère ou à titre subsidiaire un capital global de 80.000 euros.

Elle soutient que rien ne justifie l’octroi d’une rente viagère, ni d’un capital global, au titre d’une pénibilité accrue qui est déjà prise en compte par l’incidence professionnelle, dont elle relève.

Elle ajoute que si l’expert conclut que les séquelles de l’accident ne permettent plus à M. [Z] d’exercer la profession d’artisan peintre qui était la sienne, il ne dit pas que le blessé ne peut plus exercer aucune activité professionnelle.

Elle estime que l’incidence professionnelle doit ainsi être indemnisée à hauteur de 15.000 euros.

Elle fait valoir que le premier juge n’a pas déduit de l’indemnité revenant à la victime l’intégralité des arrérages versés au titre de la pension d’invalidité, et que les (21.296,32 + 16.625,53) = 37.296,32 euros dont il a bénéficié de la part du tiers payeur au titre de cette pension doivent s’imputer en cascade, d’abord sur les pertes de gains professionnels futurs, puis sur l’incidence professionnelle, et enfin sur le déficit fonctionnel permanent, de sorte qu’il revient :

.aucune somme à la victime au titre des pertes de gains professionnels futurs

.aucune somme au titre de l’incidence professionnelle

.15.331,15 euros au titre du déficit fonctionnel permanent après imputation du solde, de 12.268,85 euros sur les 27.600 euros alloués au titre du DFP.

Elle conteste la recevabilité de la demande formulée pour la première fois en cause d’appel par [I] [Z] en versement d’une somme de 508.665,56 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs pour lesquelles rien n’était réclamé en première instance.

Elle s’y oppose subsidiairement sur le fond en objectant que rien n’établit que le licenciement dont M. [Z] indique avoir fait l’objet le 10 mars 2021 serait en lien avec le handicap dont il souffre consécutivement à l’accident, et elle observe que l’intéressé ne l’allègue même pas. Elle remarque qu’il a pu travailler de mai 2015, soit avant même la date de sa consolidation, à mars 2021.

La CPAM 63 venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant aux droits du RSI d’Auvergne, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, y ajoutant, de condamner également la société AXA France IARD :

-à lui verser 16.625,53 euros au titre des arrérages échus de la pension d’invalidité post-consolidation versée du 1er janvier 2020 au 31 janvier 2022 outre les arrérages à échoir jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir.

-et à lui payer 1.700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle indique être bien fondée à solliciter l’actualisation de son préjudice en vertu de l’article 44 de l’arrêté du 4 juillet 2014 portant approbation des règlements des régimes d’assurance invalidité-décès des travailleurs non salariés des professions artisanales et des professions industrielles et commerciales, lequel édicte que l’assuré bénéficie des dispositions prévues à l’article D.634-2 du code de la sécurité sociale au titre des périodes pendant lesquelles il a perçu ou aurait pu percevoir une pension d’invalidité.

[I] [Z] demande à la cour de réformer le jugement en ce qu’il a condamné AXA France IARD à lui payer 27.600 euros au titre du DFP et de lui allouer 30.375 euros à ce titre, et y ajoutant de condamner AXA à lui payer 508.665,56 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, et de dire que les sommes produiront intérêts au taux légal depuis le jugement, et avec capitalisation. Il réclame 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que l’indemnisation de son DFP n’a pas été calculée selon le barème usuel.

Il indique que la situation n’est plus celle qui existait en première instance, car il a été licencié du poste d’homme ‘toutes mains’ qu’il occupait depuis 2016 dans une association, et qu’il a dû s’établir auto-entrepreneur, sans grandes perspectives de revenus. Il indique que même s’il ne peut être considéré que son licenciement est en lien avec son handicap, il n’en demeure pas moins que le handicap rend plus difficile la recherche d’un emploi et génère des périodes plus longues de chômage. Il fait observer que sur ses revenus de l’année 2021, plus de la moitié correspondent au salaire perçu pendant les deux mois précédant son licenciement.

Sur la base d’un revenu antérieur moyen mensuel de 1.531 euros, soit 18.732 euros par an, il sollicite par voie de capitalisation viagère pour un homme âgé de 50 ans (18.372 x 27,687) = 508.665,56 euros. En réponse au moyen adverse, il assure que cette demande n’est que l’actualisation de celle formulée en première instance, et qu’elle est de toute façon recevable, par application des articles 565 et 566 du code de procédure civile, car elle tend à la même fin.

Il sollicite la confirmation du chef de décision afférent à l’incidence professionnelle en faisant valoir qu’il a dû renoncer à son métier et que l’appui debout lui est désormais douloureux.

Il soutient que les arrérages de la pension d’invalidité post-consolidation ne peuvent être déduits qu’à compter du 1ers septembre 2016, date où il retrouva temporairement un emploi.

La Mutuelle Harmonie ne comparaît pas. Elle a été assignée par acte du 23 août 2021 signifié à personne habilitée.

[X] [L] ne comparaît pas. Il a été assigné par procès-verbal de recherches infructueuses dressé le 6 septembre 2021.

L’ordonnance de clôture est en date du 30 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur l’appel de la Satec

La Satec est appelante d’un jugement qui l’a mise hors de cause, et elle ne formule aucune demande pour elle-même.

* sur la recevabilité de la demande au titre des pertes de gains professionnels futurs

AXA argue d’irrecevabilité la demande formulée devant la cour par [I] [Z] au titre de ses pertes de gains professionnels futurs, en raison de sa nouveauté en cause d’appel.

Cependant, M. [Z] sollicitait déjà en première instance l’indemnisation de son préjudice de perte de gains professionnels futurs, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une demande nouvelle devant la cour, où il ne fait qu’en modifier le quantum au vu de considérations tirées de circonstances postérieures au jugement, ce qu’il est habile à faire.

Au demeurant, cette demande a le même fondement que ses demandes initiales et poursuit la même fin d’indemnisation de ses préjudices résultant de l’accident survenu le 26 mai 2014, et comme telle, il est de jurisprudence assurée (ainsi Cass. 2° Civ. 18.04.2019 P n°17-23306) qu’elle constitue le complément de celles qu’il avait formées en première instance, et qu’elle est recevable, en application des article 565 et 566 du code de procédure civile.

* sur les postes discutés en appel de préjudices patrimoniaux

¿ les pertes de gains professionnels futurs

L’expert judiciaire a conclu (cf rapport p.16) sans être contredit que les séquelles que [I] [Z] conserve de l’accident au niveau de la cheville gauche ne lui permettent plus d’exercer la profession d’artisan peintre, en particulier en raison de la nécessité impérative dans ce métier de montée et de descente sur des escabeaux et des échelles.

M. [Z] a cessé son activité d’artisan, dont il s’est fait radier à effet du 30 juin 2014.

Il est demeuré sans emploi jusqu’au 24 avril 2016.

Il a ensuite été embauché à l’IME de [Localité 11] en qualité de chauffeur et agent d’entretien, dans le cadre d’un emploi temporaire du 25 avril au 24 juin 2016 puis dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, à compter du 30 août 2016.

En première instance, il demandait au titre du préjudice de perte de gains professionnels futurs 10.653 euros au titre de sa perte de revenus jusqu’au 1er septembre 2016, date de prise d’effet de son contrat de travail à durée indéterminée.

La compagnie AXA concluait au rejet de la demande.

Le tribunal a alloué la somme demandée de 10.653 euros, en retenant qu’elle correspondait à la perte avérée de revenus professionnels subie par [I] [Z] sur la période comprise entre la consolidation et la date du 1er septembre 2016 où il avait été embauché en CDI à temps complet, indemnité calculée en dégageant la différence entre :

.la somme de 22.965 euros correspondant au revenu qu’il aurait dû continuer à percevoir sur cette période de 15 mois au vu de son revenu professionnel mensuel moyen de 1.531 euros avant l’accident

.et la somme de 12.314,32 euros qu’il a réellement perçue durant ces 15 mois, soit 4.824 et 4.368 euros de pension d’invalidité et 3.122,32 euros de salaire à l’IME au titre d’un contrat temporaire.

Cette évaluation des pertes de gains professionnels futurs est pertinente, et conforme aux productions, puisque [I] [Z] n’a pas supporté de perte de revenus à partir du 1er septembre 2016, date à laquelle il a perçu un salaire mensuel de 1.851,02 euros, supérieur à sa rémunération d’avant l’accident. .

Elle n’est au demeurant contestée en tant que telle :

.ni par AXA, qui demande simplement qu’au niveau non pas de la fixation de l’indemnité mais de la condamnation prononcée, il soit opéré déduction de l’intégralité de la créance des tiers payeurs, ce qui aboutit selon elle à ce qu’il ne revient plus aucune somme à la victime pour ce poste après cette imputation

.ni par [I] [Z], qui demande à la cour de lui allouer une indemnisation complémentaire pour ce poste, au titre de la perte de grains professionnels subie depuis son licenciement intervenu en 2021.

L’actualisation des prétentions indemnitaires de la victime tirée d’une modification de sa situation professionnelle depuis les débats de première instance est possible, et le juge ayant l’obligation d’évaluer le préjudice au jour où il statue, il revient à la cour d’apprécier si les répercussions de l’accident s’avèrent, à plus long terme, différentes de l’évaluation qu’en avait faite le premier juge.

M. [Z] indique que ses revenus ont sensiblement baissé depuis qu’il a été licencié.

Il convient expressément que son licenciement est dépourvu de lien avec son handicap, mais fait valoir qu’il n’en reste pas moins qu’il rend plus difficile la recherche d’un emploi et génère des périodes de chômage plus longues. Il indique avoir été licencié le 10 mars 2021 du poste qu’il occupait depuis 2016, s’être inscrit à Pôle Emploi, n’avoir pas retrouvé d’emploi salarié et s’être en définitive résolu à s’établir micro-entrepreneur en nettoyage courant des bâtiments à compter du 2 août 2021, avec un revenu sensiblement moindre, et incertain. Il considère que la diminution de ses revenus professionnels est désormais pérenne, ce qui justifie de l’en indemniser par voie d’allocation d’une rente viagère capitalisée pour un bénéficiaire âgé de 50 ans sur la base annuelle de 18.372 euros, pour (18.372 x 27,687) = 508.665,56 euros.

La société AXA conteste le principe même d’un préjudice de perte de gains professionnels autre que celui déjà indemnisé par le premier juge, en faisant valoir qu’il n’existe pas de lien de causalité avérée entre l’actuelle diminution de revenus de la victime et son état séquellaire.

Il est de fait que M. [Z] a pu retravailler après sa consolidation, pour un salaire qui était supérieur à la rémunération qu’il se servait avant l’accident en sa qualité d’artisan ; il a conservé cet emploi pendant cinq années; il ne prouve ni ne prétend l’avoir perdu en raison du handicap que lui a laissé l’accident ; il ne fait état d’aucune inaptitude autre que celle déjà prise en considération par l’expert judiciaire ; et rien ne persuade qu’il est voué à percevoir des revenus professionnels inférieurs à ceux qui étaient les siens avant l’accident, soit en développant l’activité de micro-entrepreneur dans laquelle il s’est lancé après son licenciement, soit en exerçant à nouveau comme il l’a fait pendant plus de cinq années un emploi salarié mieux rémunéré que son métier antérieur d’artisan.

Ce chef de demande sera ainsi rejeté.

¿ l’incidence professionnelle

L’incidence professionnelle correspond au préjudice que subit la victime en raison de la plus grande pénibilité de l’exercice d’une activité professionnelle du fait des séquelles de l’accident, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de la nécessité de subir un reclassement.

Elle peut recouvrir aussi la perte de chance d’obtenir un emploi ou une promotion ou de réaliser un projet professionnel.

En première instance, M. [Z] demandait au titre de l’incidence professionnelle :

.soit une somme de 15.000 euros mais cumulée avec le versement d’une rente viagère

.soit subsidiairement, en cas de refus de lui allouer une rente : 80.000 euros.

AXA s’opposait au principe même d’une rente et demandait que ce poste fût chiffré à 15.000 euros.

Le tribunal n’a pas alloué de rente et a chiffré à 50.000 euros l’incidence professionnelle.

AXA demande à la cour de chiffrer ce poste à la somme de 15.000 euros en faisant valoir que l’expert judiciaire n’a pas retenu d’inaptitude totale à exercer toute activité professionnelle, et que la victime a d’ailleurs occupé un emploi pendant des années après l’accident.

[I] [Z] sollicite la confirmation de ce chef de décision.

C’est à bon droit que le premier juge a retenu que les séquelles de l’accident avaient contraint M. [Z] à quitter son activité d’artisan peintre pour devenir salarié ; qu’elles l’avaient privé de la chance de développer une activité qui lui procurait jusqu’alors des revenus professionnels en constante augmentation ; et qu’elles rendaient tout travail plus pénible du fait d’un appui debout douloureux.

Ces considérations pertinentes ne sont ni réfutées, ni contredites ; elles justifient l’allocation d’une indemnité de 50.000 euros pour réparer ce préjudice.

Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef.

¿ l’actualisation du poste de débours de la CPAM 63

La CPAM 63, comparante en première instance, y a produit pour 57.332,44 euros (cf sa pièce n°2) un état de débours non définitif, le poste de la pension d’invalidité qu’elle sert à [I] [Z] y figurant d’une part, à hauteur de 2.413,84 euros pour les arrérages échus du 1er février au 31 mai 2015, d’autre part à hauteur de 33.610,96 euros pour la période du 1er juin 2015 au 31 décembre 2019 (et non 2029 comme l’écrit le premier juge par une erreur de plume).

C’est cette somme de 57.332,44 euros qu’AXA a été condamnée à lui payer.

La caisse est recevable à actualiser en cause d’appel l’état de ses débours, et à solliciter l’adjonction d’une condamnation d’AXA à lui payer selon état de débours complémentaire (sa pièce n°7) la somme de 16.625,53 euros correspondant aux arrérages échus de la pension d’invalidité pour la période du 1er janvier 2020 au 31 janvier 2022.

Elle est aussi fondée à demander à la cour de dire que la compagnie AXA devra lui verser le montant des arrérages postérieurs échus jusqu’à la date de l’arrêt.

* sur le DFP, seul poste discuté en appel de préjudices extra-patrimoniaux

L’expert judiciaire a chiffré sans être contredit à 15% le déficit fonctionnel permanent.

En première instance, [I] [Z] réclamait à ce titre 27.600 euros, et AXA offrait cette somme, que le tribunal a donc accordée.

M. [Z] s’étant vu allouer la somme qu’il réclamait, ne succombe pas de ce chef et n’est pas recevable à solliciter, nécessairement par voie d’appel incident, une somme supérieure en cause d’appel.

* l’imputation sur ces postes de la créance des organismes sociaux

Il résulte des articles L.376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi du 5 juillet 1985 que les recours subrogatoires des caisses s’exercent poste par poste, sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel. Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de façon incontestable un poste de préjudice à caractère personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

Les indemnités journalières et les arrérages échus de la pension d’invalidité versée après la consolidation par les organismes sociaux s’imputent prioritairement sur les pertes de gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle et sont à déduire, même en l’absence de recours de l’organisme.

La pension d’invalidité versée par la CPAM 63 indemnise d’une part, les pertes de gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle, d’autre part le déficit fonctionnel permanent.

Le tribunal a déduit du poste des pertes de gains professionnels futurs quinze mois d’arrérages échus de la pension d’invalidité servie à [I] [Z] postérieurement à sa consolidation durant la période courue du 1er juin 2015 au 1er septembre 2016 par l’ex RSI, aux droits duquel vient la CPAM 63.

Au vu de l’état actualisé de débours de la CPAM 63 chiffrant les arrérages échus ultérieurs de cette pension d’invalidité pour la période du 2 septembre 2016 au 31 janvier 2022, et compte tenu d’une imputation déjà pratiquée par le premier juge pour un montant qu’elle cite sans contestation, la société AXA France Iard demande à la cour d’imputer cette somme de (33.610,96 – 12.314,64) + 16.625,53 = 37.921,85euros, d’abord sur les pertes de gains professionnels futurs, qui s’en trouveront absorbées, puis pour le surplus sur l’incidence professionnelle, qui s’en trouvera selon elle absorbée si elle est fixée à 15.000 euros comme elle le demande par voie d’appel -ce qui n’a pas été accueilli- et enfin sur le déficit fonctionnel permanent pour le solde.

M. [Z] répond que si le recours subrogatoire de la CPAM 63 est retenu, il ne pourra porter que sur les sommes qu’elle lui a versées à compter du 1er septembre 2016, ce qui correspond à ce que demande AXA en cause d’appel, l’imputation des arrérages antérieurs à cette date ayant déjà été opérée par le tribunal d’une façon qui n’est pas discutée.

Pour le reste, il soutient sans pertinence que cette imputation ne pourra se faire que sur le poste des pertes de gains professionnels futurs, alors qu’ainsi que déjà indiqué, elle s’opère jusqu’à ce que l’entière somme soit prise en compte, d’abord sur les pertes de gains professionnels futurs, puis pour la part restante sur l’incidence professionnelle et au besoin, si ce poste n’absorbe pas le solde, sur le déficit fonctionnel permanent.

Comme demandé par AXA, le solde non pris en compte par le jugement de la créance de débours de la CPAM 63 afférent aux arrérages échus de la pension d’invalidité du montant total de 37.921,85 euros s’impute :

.sur le poste des pertes de gains professionnels futurs qu’elle absorbe entièrement pour son montant de 10.653 euros, de sorte qu’il ne revient rien à ce titre à M. [Z]

.pour le solde, soit (37.921,85 – 10.653) = 27.268,85 euros sur les 50.000 euros d’incidence professionnelle, qui suffisent à les absorber, avec un solde revenant à la victime de (50.000 – 27.268,85) = 22.731,15 euros

.sans que le poste du déficit fonctionnel permanent soit donc impacté.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé quant à la fixation du préjudice de la victime, mais infirmé quant au montant de la condamnation à paiement prononcée au profit de [I] [Z] contre AXA France Iard, qui s’établit :

* non pas à (117,12 + 10.331,49 + 10.653 + 50.000 + 275 + 3.207,50 + 4.000 + 1.500 + 27.600 + 3.500 + 5.000) = 116.184,11 euros

* mais à (117,12 + 10.331,49 + 22.731,15 + 275 + 3.207,50 + 4.000 + 1.500 + 27.600 + 3.500 + 5.000) = 78.262,26 euros.

Et il y sera ajouté la condamnation d’AXA à payer à la CPAM 63 la somme complémentaire de 16.625,53 euros ainsi que les arrérages échus jusqu’à la date du présent arrêt..

* sur la capitalisation des intérêts

L’anatocisme est de droit lorsqu’il est sollicité en justice, et son bénéfice a été pertinemment accordé par le premier juge à M. [Z], qui le demandait.

* sur les dépens

Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et ils seront confirmés.

En cause d’appel, AXA succombe en sa demande d’infirmation du quantum de l’incidence professionnelle, [I] [Z] en sa demande d’actualisation des pertes de gains professionnels futurs, et la CPAM 63 obtient un supplément d’arrérages échus non par voie d’infirmation mais parce que l’appel lui a ouvert le droit de les solliciter pour la période postérieure au jugement déféré.

Dans ces conditions, chaque partie conservera la charge de ses dépens, sans indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement et par défaut :

CONSTATE que la SA Satec, appelante, a été mise hors de cause par le jugement déféré

DÉCLARE recevable la demande d’actualisation du poste des pertes de gains professionnels futurs formulée par [I] [Z] en cause d’appel

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il condamne la SA AXA France IARD à payer à [I] [Z] 116.184,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement

statuant à nouveau de ce chef :

DIT que compte-tenu de l’imputation de la créance de débours de la CPAM 63 pour la période du 2 septembre 2016 au 31 janvier 2022 sur les pertes de gains professionnels futurs ainsi entièrement absorbées et, pour partie sur l’incidence professionnelle, le préjudice de [I] [Z] consécutif à l’accident du 26 mai 2014 s’établit ainsi :

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.assistance temporaire tierce personne : 117,12 euros

.perte de gains professionnels actuels : 10.331,49 euros

° permanents :

.perte de gains professionnels futurs : entièrement absorbé

.incidence professionnelle : 22.731,15 euros (après imputation du solde créance CPAM)

.¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

.total : 275 euros

.partiel : 3.207,50 euros

.souffrances endurées : 4.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 1.500 euros

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 27.600 euros

.préjudice esthétique permanent : 3.500 euros

.préjudice d’agrément : 5.000 euros

CONDAMNE la SA AXA France IARD à payer à [I] [Z] la somme de 78.262,26 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts comme prévu à l’article 1343-2 du code civil

y ajoutant :

CONDAMNE la société AXA France Iard à payer à la caisse primaire d’assurance maladie du Puy de Dôme :

* la somme complémentaire de 16.625,53 euros au titre de sa créance de débours correspondant aux arrérages échus de la pension d’invalidité servie à [I] [Z] pour la période du 1er janvier 2020 au 31 janvier 2022

* ainsi que les arrérages de cette pension échus jusqu’à la date du présent arrêt

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel

REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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