Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 18/00375 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NQE6
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 décembre 2017
TRIBUNAL D’INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 11-17-000293
APPELANTS :
Madame [R] [Y] [H]
née le 07 Mars 1946 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
et
Monsieur [E] [O]
né le 20 Avril 1971 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Bernard BORIES de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT CAMBON AQUILA BARRAL, avocat au barreau de BEZIERS, substitué à l’audience par Me Pauline AQUILA de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT CAMBON AQUILA BARRAL, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEE :
Madame [T] [C]
née le 01 Août 1957 à [Localité 9] (94)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, substitué à l’audience par Me Yoann BEKAIRI, avocat au barreau de MONTPELLIER
Appelante à titre incident
Ordonnance de clôture du 17 août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Brigitte DEVILLE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, Président de chambre
M. Thierry CARLIER, Conseiller
Mme Brigitte DEVILLE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, Président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
**
FAITS ET PROCEDURE
[T] [C] est propriétaire d’une maison d’habitation avec jardin située sur la commune de [Localité 4] (34), cadastrée [Cadastre 6] et [Cadastre 5], jouxtant la maison, cadastrée [Cadastre 7] et [Cadastre 8] appartenant à [R] [Y] [H] et mise à disposition de son fils [E] [O].
Par jugement du 30 avril 2012 le tribunal de grande instance de Béziers, tenant l’empiètement de la construction de Madame [C] et l’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux, a notamment condamné Madame [C] à procéder à la démolition du mur de clôture mitoyen et à sa reconstruction à l’identique sur la limite mitoyenne de propriétés avec retrait de l’éventuel remblai effectué par Madame [Y] sur son fonds.
Par exploit en date du 15 février 2017 [T] [C] a assigné [R] [Y] [H] et [E] [O] devant le tribunal d’instance de Béziers afin de les voir condamner à effectuer des travaux d’élagage des branches dépassant sur sa propriété, à réaliser les travaux de remise en état du terrain, à enlever la terre positionnée contre le mur de clôture et à démolir le mur en banché.
Par jugement du 18 décembre 2017 ce tribunal a :
– condamné [R] [Y] [H], seule, à faire procéder à l’élagage des arbres avançant sur la copropriété de [T] [C] afin d’éviter tout débordement de ronces et branches des arbres, arbustes et arbrisseaux au-delà de la limite séparative des fonds et cela, sous astreinte provisoire de 20€ par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement et pendant un délai de quatre mois ;
– en l’absence d’élagage volontaire de [R] [Y] [H], passé ce délai de quatre mois, autorisé [T] [C] à faire procéder à toutes les coupes nécessaires aux seuls frais de [R] [Y] [H] et, en tant que de besoin, condamné celle-ci aux paiements desdits frais ;
– rejeté l’ensemble des demandes relatives à la présence de déchets et véhicules sur le terrain appartenant à [R] [Y] [H] ;
– condamné [R] [Y] [H] et [E] [O] à faire enlever la terre positionnée tout le long du mur de clôture dans la partie aval du terrain dans le mois suivant la signification du jugement et ce, sous astreinte provisoire de 20 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement et pendant un délai de quatre mois ;
– rejeté l’ensemble des demandes relatives à la démolition ou au remplissage du mur en banché ;
– rejeté l’ensemble des demandes relatives aux aboiements de chiens ;
– rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
– rejeté les demandes réciproques sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné [R] [Y] [H] et [E] [O] in solidum aux dépens ;
– prononcé l’exécution provisoire.
[R] [Y] [H] et [E] [O] ont relevé appel partiel de cette décision le 23 janvier 2018 en ce qu’elle les a condamnés, sous astreinte provisoire, à faire enlever la terre positionnée tout le long du mur de clôture dans la partie aval du terrain.
Vu les conclusions des appelants remises au greffe le 15 juillet 2019,
Vu les conclusions de [T] [C], appelante incidente, remises au greffe le 19 mai 2018,
MOTIFS
Sur l’appel cantonné de [R] [Y] [H] et [E] [O] :
Les appelants demandent l’infirmation du jugement en ce qu’il les a condamnés à enlever la terre positionnée tout le long du mur de clôture dans la partie aval du terrain.
Ils contestent avoir remblayé leur fonds et affirment que Madame [C] a fait procéder au décaissement de sa propre parcelle située maintenant en contrebas de la leur, ce que conteste l’intimée.
Dans une instance précédente opposant les parties, le tribunal de grande instance de Béziers, par jugement du 30 avril 2012, a condamné Madame [C] à procéder à la démolition du mur de clôture mitoyen et à sa reconstruction identique sur la limite mitoyenne des deux propriétés avec retrait de l’éventuel remblai effectué par Madame [Y] sur son fonds.
Ce jugement a relevé dans ses motifs que l’expert judiciaire [L] n’avait pas constaté que Madame [Y] avait procédé à un remblai sur son fonds mais, qu’en toute hypothèse, cet éventuel remblai devait être enlevé avant la démolition du mur.
Ainsi le premier juge ne pouvait s’appuyer sur cette décision qui évoquait seulement l’éventualité d’un remblai pour ordonner sa démolition puisque l’expert judiciaire n’a jamais relevé sur les lieux un remblaiement de son fonds par Madame [Y] [H].
Au contraire, en page 8 de son rapport, Monsieur [L] déclare que Madame [C] a fait procéder à un décaissement de son terrain de l’ordre de 1,50 m puisque sa maison comporte, pour partie, un sous- sol.
En conséquence, il ne peut être reproché à Madame [Y] [H], après avoir permis l’édification du nouveau mur de clôture par Madame [C], d’avoir égalisé ses terres afin de retrouver la hauteur naturelle de son fonds surplombant la parcelle de l’intimée qui l’a décaissée afin de doter sa maison d’un sous-sol.
Compte tenu de cette situation de fait le nouveau mur de clôture devait être bâti comme un mur de soutènement.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a condamné Madame [Y] [H] et Monsieur [O] à faire enlever la terre positionnée tout le long du mur de clôture dans la partie aval du terrain.
Sur l’appel incident de Madame [C] :
1/ Sur l’élagage des arbres dépassant sur la propriété de Madame [C] :
Le jugement a condamné [R] [Y] [H] seule à faire procéder à l’élagage des arbres avançant sur la propriété de [T] [C] afin d’éviter tout débordement de ronces et branches des arbres, arbustes et arbrisseaux au-delà de la limite séparative des fonds.
[T] [C] soutient que cette décision n’a pas été exécutée ainsi que le démontrent des photographies prises le 17 mai 2018 et demande, dans ces conditions, que sa voisine soit condamnée à arracher tous les arbres plantés à moins de 2 m de la limite séparative.
Madame [Y] [H] ne conteste pas l’injonction qui lui a été faite par le tribunal mais affirme qu’elle a procédé à la coupe des branches, ronces et arbrisseaux dépassant la limite séparative.
Pour justifier sa demande Madame [C] verse aux débats plusieurs photographies dont elle affirme qu’elles ont été prises au mois de mai 2018 mais sans en faire la démonstration.
Elle ne rapporte donc pas la preuve que ces photographies sont postérieures à la décision rendue le 18 décembre 2017 et donc que Madame [Y] [H] s’est abstenue d’exécuter l’obligation qui lui a été faite.
Sa demande sera donc écartée.
2/ Sur la demande de Madame [C] relative à des déchets et des épaves de véhicules encombrant le terrain de Madame [Y] [H] et Monsieur [O] :
Madame [C] s’appuie sur un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 12 juin 2017 constatant que sont entreposés de manière désordonnée sur le terrain voisin divers véhicules qui sont en mauvais état apparent, qu’une vieille brouette métallique est remplie d’ordures brûlées et que le terrain ressemble à une casse automobile.
Sur les photographies prises par l’huissier de justice seul le véhicule rouge est manifestement hors d’état de fonctionner puisqu’il est dépourvu de rétroviseur et de phares.
Les photographies annexées au constat d’huissier ne permettent pas d’affirmer que les autres véhicules automobiles stationnés sont en mauvais état.
Ainsi, la présence sur le terrain de Madame [Y] [H] d’un seul véhicule automobile hors d’état de fonctionner ne permet pas à Madame [C] de soutenir que ce fonds supporte une casse, ou cimetière de voitures, destinée à l’entrepôt, la démolition et la revente en pièces détachées de véhicules automobiles hors d’usage.
De même la simple présence d’une brouette pleine ne peut être assimilée à un dépôt à l’air libre de matériaux de démolition et de déchets interdits par les règles d’urbanisme de la commune.
Certes le jardin, propriété de Madame [Y] [H], occupé par [E] [O], est mal entretenu et supporte la présence de plusieurs véhicules automobiles. Cependant il ne peut être reproché aux appelants de garer les véhicules qu’ils possèdent sur le terrain jouxtant leur maison d’habitation.
La vision par Madame [C] de ces stationnements constitue un trouble de voisinage qui ne peut être qualifié d’anormal puisque lié à la proximité des fonds et à leur utilisation naturelle et légitime.
En revanche, le fait de laisser à la vue de Madame [C] la voiture rouge manifestement à l’état d’épave représente pour elle une gêne esthétique constitutive d’un trouble anormal de voisinage.
Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes relatives à la présence de déchets et de véhicules sur le terrain appartenant à [R] [Y] [H] et de condamner celle-ci ainsi que [E] [O], occupant de l’immeuble, à enlever le véhicule rouge à l’état d’épave, les autres demandes de Madame [C] étant rejetées.
En réparation de ce préjudice esthétique persistant jusqu’à ce jour, il convient d’allouer à Madame [C] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts.
3/ Sur la demande de Madame [C] relative à une humidité en sous-sol de son immeuble :
Se référant à un rapport de l’expert de sa société d’assurance, Madame [C] soutient que, lors de fortes pluies, le sous-sol de son immeuble est inondé en raison de l’absence de drain effectué sur la propriété voisine dans la partie enterrée du mur.
Le premier juge a justement constaté que Madame [C] a évoqué une inondation de son garage lors de fortes pluies sans produire un constat du désordre allégué. Le rapport de l’expert est fondé sur ses seules affirmations.
Elle ne démontre pas plus en cause d’appel la réalité du désordre invoqué et, en conséquence, la demande a ce titre sera écartée et le jugement confirmé.
4/ Sur la demande de Madame [C] relative aux aboiements des chiens appartenant à [E] [O] :
Madame [C] soutient que les aboiements excessifs des chiens de [E] [O] constituent pour elle un trouble anormal de voisinage qu’il convient de faire cesser.
L’huissier de justice qui a procédé à un constat sur les lieux, le 12 juin 2017, a rencontré un artisan qui lui a indiqué que les chiens avaient aboyé, ce jour-là, de manière assourdissante pendant de longues minutes.
Madame [C] produit une attestation manuscrite de Monsieur et Madame [X] [F] à laquelle ne sont pas annexées de pièces d’identité. Trois autres attestations sont dactylographiées, ne comportent pas, pour deux d’entre elles, de justificatif d’identité et ne comprennent pas les mentions exigées par le code de procédure civile. Ces attestations non conformes sont donc insusceptibles de rapporter la preuve d’un trouble anormal du voisinage généré par les aboiements excessifs des chiens.
Seule demeure la déclaration d’un artisan auprès de l’huissier de justice mais cet unique témoignage ne permet pas d’affirmer que ces aboiements sont continuels de nuit comme de jour et qu’ils constituent un inconvénient anormal du voisinage.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Tenant l’appel cantonné de [R] [Y] [H] et [E] [O], confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné [R] [Y] [H] et [E] [O] à faire enlever la terre positionnée tout le long du mur de clôture dans la partie aval du terrain et en ce qu’il a rejeté la demande de [T] [C] en enlèvement du véhicule automobile rouge ;
Et statuant à nouveau sur l’ensemble des demandes des parties pour une meilleure compréhension de la décision :
Déboute [T] [C] :
– de sa demande d’enlèvement de la terre positionnée tout le long du mur de clôture par Madame [Y] [H] et [E] [O] dans la partie aval du terrain ;
– de sa demande d’arrachage des arbres, arbustes et arbrisseaux plantés à moins de 2 m de la limite séparative ;
– de sa demande de remise en état et de désencombrement du jardin appartenant à [R] [Y] [H] et occupé par [E] [O] ;
– de sa demande de démolition du mur ou de remplissage de ce mur en raison de l’humidité alléguée de son sous-sol ;
– de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’humidité alléguée de son sous-sol ;
– de sa demande de dommages et intérêts en réparation du trouble allégué généré par les aboiements des chiens de [E] [O] ;
Condamne in solidum [R] [Y] [H] et [E] [O] à procéder à l’enlèvement de la voiture rouge à l’état d’épave stationnée sur leur terrain et ce, dans les 45 jours de la signification de la présente décision délai passé lequel courra une astreinte de 100 € par jour de retard pendant 30 jours après quoi il sera à nouveau fait droit ;
Condamne in solidum [R] [Y] [H] et [E] [O] à payer à [T] [C] la somme de 800 € à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage généré par la présence de cette épave ;
Condamne [T] [C] à payer à [R] [Y] [H] et [E] [O] ensemble la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel ;
Fait masse des dépens d’appel et dit qu’ils seront supportés à proportion du quart par [R] [Y] [H] et [E] [O] ensemble et à proportion des trois quarts par [T] [C].
Le greffier, Le président,