Droits des Artisans : 29 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00352

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Droits des Artisans : 29 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00352

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/

AL

Rôle N°20/00352

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFM7O

[F] [B]

C/

SARL HOTEL DURANTE

Copie exécutoire délivrée

le : 29/09/2022

à :

– Me Valentin LORET, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 09 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01041.

APPELANTE

Madame [F] [B], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Valentin LORET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL HOTEL DURANTE, sise [Adresse 2]

représentée par Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Clément DIAZ, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat à durée indéterminée du 8 février 2010, Mme [F] [B] a été embauchée par la société à responsabilité limitée Hôtel Durante en qualité de réceptionniste. Le 28 juin 2018, elle a été victime d’un accident du travail, à la suite duquel son contrat de travail a été suspendu jusqu’au 27 février 2019.

Exposant que les heures supplémentaires qu’elle avait effectuées n’avaient pas été intégralement rémunérées, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice, par lettre reçue au greffe le 30 novembre 2018, à l’effet d’entendre prononcer la résiliation de son contrat de travail.

Au dernier état de ses prétentions, elle sollicitait le paiement des sommes suivantes :

– 32 175 euros en règlement des heures supplémentaires effectuées,

– 3 500 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 150 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 12 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 9 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement, Mme [B] a été déclarée inapte au travail de nuit par le médecin du travail, selon avis du 24 octobre 2019. Par suite, la société Hôtel Durante l’a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 25 novembre 2019.

Par jugement du 9 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nice a rejeté l’intégralité des demandes de Mme [B], et l’a condamnée aux dépens, la société Hôtel Durante étant pour le surplus déboutée de sa demande reconventionnelle fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [F] [B] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 9 janvier 2020.

L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance du 16 juin 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées le 8 avril 2020, l’appelante demande :

– l’infirmation du jugement entrepris,

– la résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux torts de son employeur,

– qu’il soit dit que cette résiliation produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– le paiement des sommes suivantes :

– 32 175 euros en règlement des heures supplémentaires effectuées,

– 9 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 12 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la remise de ses bulletins de salaire et de ses documents sociaux de fin de contrat, rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Au soutien de ses prétentions, Mme [F] [B] expose :

– sur son horaire de travail,

– que, si l’employeur prétend qu’elle travaillait 35 heures par semaine, de 18h30 à 0h30 les mardi, mercredi et jeudi, de 6h30 à 9h les mercredi, jeudi et vendredi, et de 9h à 18h30 le dimanche, elle travaillait en réalité entre 0h et 6h30 les mercredi, jeudi et vendredi, ainsi qu’il ressort d’une attestation de son ancienne directrice, Mme [P], et de deux attestations d’anciennes salariées,

– que les pièces adverses ne sont pas probantes,

– que l’hôtel Durante proposait un service de réception ouvert 24 heures sur 24,

– que les réceptionnistes de nuit dormaient sur place, et devaient répondre au téléphone en cas d’appel,

– que ces heures de travail n’étaient pas rémunérées,

– que la somme de 32 175 euros lui est due de ce chef, au titre des heures supplémentaires effectuées et demeurées impayées à compter du mois d’octobre 2015,

– que l’employeur s’est rendu coupable de dissimulation de travail salarié,

– sur la résiliation de son contrat de travail,

– que le défaut de paiement des heures supplémentaires effectuées justifie la résiliation du contrat de travail,

– que celle-ci doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 juillet 2020, l’intimée demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris,

– rejeter l’intégralité des demandes de Mme [B],

– condamner cette dernière à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Hôtel Durante réplique :

– sur l’horaire de travail,

– que Mme [B] travaillait 35 heures par semaine, de 18h30 à 0h30 les mardi, mercredi et jeudi, de 6h30 à 9h les mercredi, jeudi et vendredi, et de 9h à 18h30 le dimanche,

– qu’elle était régulièrement suivie par le service du médecine du travail,

– qu’elle a signé son planning,

– que, de 0h à 6h30, l’hôtel était surveillé par un prestataire,

– que la salariée n’était donc pas à la disposition de son employeur durant ce laps de temps,

– que la fiche de poste qu’elle produit n’est pas conforme aux consignes de l’employeur,

– qu’elle ne démontre donc pas avoir effectué des heures supplémentaires demeurées impayées,

– sur la résiliation du contrat de travail,

– qu’en l’absence d’heures supplémentaires impayées, cette demande est mal fondée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L 3171-4 alinéa 1er du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’. Ainsi, la preuve des heures de travail n’incombe spécialement à aucune des parties ; il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en présentant ses propres éléments.

En l’espèce, Mme [F] [B] produit les pièces suivantes, à l’appui de sa demande de rappel d’heures supplémentaires :

– plusieurs présentations de l’hôtel Durante sur des sites de réservation en ligne, qui mentionnnent que la réception est ouverte 24 heures sur 24 (pièces 3 à 5),

– un décompte quotidien des heures de travail qu’elle prétend avoir effectuées (pièce 22),

– une attestation de Mme [Y] [P] (pièce 23), qui déclare avoir dirigé l’hôtel Durante du 15 octobre 2009 au 14 mars 2015, et qui indique : ‘Mme [B] faisait partie de l’équipe que je dirigeais, elle était employée comme réceptionniste. Ses horaires de travail étaient : les mardi-mercredi-jeudi de 18h30 à 9 heures (soit 3 fois 14,50 heures = 43,5 heures), et le dimanche de 9 heures à 18h30, soit 9,5 heures. Sa présence à l’hôtel était donc de 53 heures par semaine. Les heures travaillées au-delà de l’horaire légal n’ont jamais été payées.’,

– deux attestations d’anciennes salariées, Mmes [N] [C] et [I] [X] (pièces 23bis et 23 ter), qui confirment que le réceptionniste de nuit devait rester sur place, répondre au téléphone et assister les clients pendant la nuit, Mme [X] précisant que ce laps de temps n’était pas rémunéré,

– un document que Mme [B] déclare avoir affiché, pendant la nuit, dans l’hôtel, à la demande de sa direction, mentionnant le numéro de la chambre dans laquelle elle se trouvait, ainsi que son numéro de téléphone (pièce 24).

Ces pièces constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

En réponse, la société Hôtel Durante produit :

– une fiche du poste de réceptionniste de jour (pièce 4), selon laquelle ce poste était pourvu de 9h à 15h, ou de 14h à 18h30, ou encore de 9h à 18h30,

– une fiche du poste de réceptionniste de nuit (pièce 5), selon laquelle l’accueil des clients n’était prévu que jusqu’à 0h30 et à partir de 6h30,

– un planning signé par la salariée, selon laquelle celle-ci travaillait de 18h30 à 0h30 les mardi, mercredi et jeudi, de 6h30 à 9h les mercredi, jeudi et vendredi, et de 9h à 18h30 le dimanche, elle travaillait en réalité entre 0h et 6h30 les mercredi, jeudi et vendredi (pièce 6),

– une attestation de Mme [R] qui déclare qu’elle restait la nuit à l’hôtel, pendant sa coupure, ‘par convenance personnelle’ (pièce 27),

– diverses attestations de salariés qui déclarent ne pas avoir travaillé entre 0h30 et 6h30, et contestent les allégations de l’appelante (pièces 31, 32, 33, 41 et 42),

– une attestation de M. [A] [Z] (pièce 35), qui déclare qu’une chambre est mise à sa disposition dans l’hôtel pour y passer la nuit,

– une attestation de la société Altec (pièce 36), qui certifie assurer le gardiennage vidéo de l’hôtel en cause, de minuit à 6h30,

– une attestation de M. [E] [D] (pièce 38), boulanger, qui déclare qu’il ne croise personne dans l’hôtel lorsqu’il effectue ses livraisons, avant 6h30,

– une attestation de M. [L] [S], artisan, selon laquelle il avait reçu de la société intimée l’instruction de ne pas déranger le personnel entre minuit et 6h30 (pièce 45).

Au vu ces pièces, la preuve de l’existence d’heures supplémentaires impayées n’est pas suffisamment rapportée. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail, ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’.

En l’absence de preuve de l’existence d’heures supplémentaires impayées, la demande d’indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée. Le jugement entrepris sera donc également confirmé de ce chef.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur la résiliation du contrat de travail

Le juge du fond, saisi d’une demande de résiliation judiciaire d’un contrat de travail, dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l’encontre de l’employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure.

En l’espèce, la salariée fonde sa demande de résiliation judiciaire sur un seul grief : le défaut de paiement des heures supplémentaires qu’elle prétend avoir effectuées. Ce grief n’ayant pas été retenu, sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail doit être rejetée. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [B] relatives à la rupture de son contrat de travail.

Sur les demandes accessoires

Mme [F] [B], qui succombe, doit être condamnée aux dépens. Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la société Hôtel Durante l’intégralité des frais irrépétibles exposés en la cause. Mme [B] sera donc condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme le jugement entrepris, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [F] [B] aux dépens de la procédure d’appel,

Condamne Mme [F] [B] à verser à la société Hôtel Durante la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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