Droits des Artisans : 28 septembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/02480

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Droits des Artisans : 28 septembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/02480

5ème Chambre

ARRÊT N°-270

N° RG 19/02480 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PWA7

SARL PROXIA CONSTRUCTION

C/

M. [D] [G]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SARL PROXIA CONSTRUCTION Anciennement dénommée PROXIA DÉVELOPPEMENT – Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marc FORIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [D] [G] exerçant sous l’enseigne ‘ESPACE ET FERMETURES’

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Lorraine DE BRUYN, Plaidant, avocat au barreau de REIMS

Le 13 décembre 2006, M. [D] [G], exerçant sous l’enseigne ‘Espace et fermetures’, a souscrit par l’intermédiaire de la SARL Proxia Développement une police d’assurance ‘risques professionnels des artisans du bâtiment’ auprès de la compagnie AGF à effet au 1er janvier 2007, garantissant son activité de menuiserie.

À effet du 1er janvier 2009, la SARL Proxia Développement a replacé le risque auprès de la société QBE.

Selon facture du 2 février 2011, M. [D] [G] a effectué des travaux de couverture sur la maison de Mme [L] [Z], comprenant notamment des travaux de redressement et consolidation de charpente.

Par jugement du 8 août 2013, le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc a condamné M. [D] [G], sur le fondement de l’article 1792 du code civil, à réparer les désordres survenus rendant l’ouvrage impropre à sa destination. Il a été condamné à verser à Mme [L] [Z] la somme de 17 199,18 euros, outre la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par message électronique du 3 février 2014, la société QBE a confirmé son refus de garantir le sinistre, estimant que ses ‘garanties ne sont pas mobilisables car les travaux de charpente ne sont pas couverts par [leur] police’.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mars 2015, M. [D] [G] a mis en demeure la SARL Proxia Développement de se

positionner sur la prise en charge du préjudice qu’il a subi dans le cadre du litige l’opposant à Mme [L] [Z], considérant qu’en tant que courtier, elle avait manqué à son devoir de conseil et d’information, en ne l’informant pas que les conditions et objets de la garantie avaient changé à l’occasion de la régularisation du nouveau contrat avec la société QBE.

Par courrier du 16 avril 2015, la SARL Proxia Développement a contesté tout manquement.

Par exploit du 27 octobre 2016, M [D] [G] a dès lors fait assigner la SARL Proxia Développement devant le tribunal de Nantes afin de la voir condamner à lui payer la somme totale de 29 199,18 euros en réparation de son préjudice né du manquement de la société à son obligation de conseil à son égard.

Par jugement en date du 21 mars 2019, le tribunal a :

– condamné la SARL Proxia Développement à verser à M. [D] [G], exerçant sous l’enseigne ‘Espace et fermetures’, la somme de 13 439,43 euros, en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation d’information et de conseil,

– débouté M. [D] [G] du surplus de ses demandes,

– condamné la SARL Proxia Développement à verser à M. [D] [G], exerçant sous l’enseigne ‘Espace et fermetures’, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL Proxia Développement aux dépens, qui seront recouvrés directement par maître Sébastien Chevalier, avocat au barreau de

Nantes, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Le 11 avril 2019, la SARL Proxia Construction (anciennement dénommée Proxia Développement) a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 octobre 2021, elle demande à la cour de :

– recevoir la Société Proxia Construction en son appel,

– l’y dire bien fondée,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu à son encontre un manquement à son devoir de conseil et d’information, et l’a condamnée à verser à M. [D] [G] la somme de 13 439,43 euros au titre de la perte de chance,

– dire et juger que la garantie d’AGF n’aurait pas été mobilisable dans le cadre des désordres invoqués par les consorts [Z] au titre des travaux effectués par M. [D] [G],

– dire et juger que les clauses garantissant les activités de M. [D] [G] auprès de la société QBE étaient parfaitement claires et compréhensibles par lui,

– dire et juger que compte tenu de ses qualités propres de professionnel du bâtiment, M. [D] [G] était parfaitement à même de comprendre l’étendue des garanties souscrites tant auprès des AGF qu’auprès de QBE,

– en conséquence, dire et juger qu’elle n’a pas manqué à son obligation de conseil et d’information,

– débouter M. [D] [G] de son appel incident et donc de toutes demandes, fins et conclusions,

– le condamner au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2021, M. [D] [G] demande à la cour de :

– déclarer la SARL Proxia Construction mal fondée en son appel.

– l’en débouter.

– déclarer Proxia Construction recevable et fondé en son appel incident,

En conséquence,

– condamner la SARL Proxia Construction à lui verser exerçant la somme de 19 199,18 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation d’information et de conseil,

Subsidiairement,

– condamner la SARL Proxia Construction à lui verser la somme de 17 279 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation d’information et de conseil,

En tout état de cause,

– condamner la SARL Proxia Construction à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL Proxia Construction aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par la SCP Gautier Lhermitte, avocat au Barreau de Rennes, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de son appel la SARL Proxia Construction indique que M. [G] a signé les conditions particulières du contrat QBE mentionnant les activités assurées.

Elle précise que M. [G] a, en 2010-2011, réalisé des travaux de couverture sur la maison d’habitation de Mme [Z] en ce compris le redressement et la consolidation de la charpente, activité pour laquelle il n’était pas assuré auprès de la société QBE s’agissant de travaux affectant la structure de la charpente.

Elle déclare que la police d’assurance souscrite antérieurement auprès de la société AGF ainsi que celle souscrite auprès de la société QBE ne garantissent pas l’activité charpente.

Elle considère que M. [G] connaissait l’étendue des garanties souscrites auprès de la société QBE.

En réponse, M. [G] souligne qu’il est artisan en menuiserie et couverture depuis 2001, qu’il a souscrit auprès de la société AGF un contrat garantissant l’activité menuiserie étendue à l’activité charpente, puis aux activités menuiserie et couverture et travaux accessoires (notamment la mise en oeuvre d’éléments de charpente).

Il précise que la société Proxia Développement a transféré la police d’assurance à la société QBE sans demande ni intervention de sa part. Il considère que ce transfert devait être réalisé à garanties égales. Il prétend que le contrat QBE ne comporte pas la garantie relative à la mise en oeuvre d’éléments de charpente hors fermettes préfabriqués. Il explique que les travaux réalisés chez Mme [Z] entraient dans le champ de la garantie souscrite auprès de la société AGF.

En préliminaire, la cour rappelle qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de ‘dire et juger’ qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

– Sur le devoir de conseil et d’information.

Au visa de l’article L 520 du code des assurances, dans sa version applicable au cas présent, le courtier en assurances, tel que la société Proxima Construction, est soumis à une obligation de conseil et d’information vis à vis du souscripteur.

Il appartient à ce courtier en assurances de justifier de l’exécution de cette obligation.

Dans le contrat AGF de 2006, il est fait état d’une activité de ‘menuiserie bois, PVC et métal, et de fermetures de type grilles, volets et stores’.

M. [G] a demandé, par courrier du 1er mai 2007, que sa garantie soit étendue à l’activité de couverture.

Le contrat AGF du 10 juillet 2007 précise au paragraphe ‘activités garanties’ :

Vous avez déclaré n’exercer en propre que les activités suivantes :

– Menuiserie en bois sauf panneaux de façade et murs rideaux.

L’exercice de cette activité comprend également les travaux suivants :

– faux plafonds, cloisons, lambris,

– isolation thermique et acoustique,

– calfeutrement des joints intérieurs de construction,

– travaux accessoires de charpente,

– travaux pour foires, stands,

– agencements,

– fourniture et pose de produits verriers courants.

Par ailleurs les ouvrages de menuiserie peuvent être revêtus de tous matériaux en alliage, ferrés de toutes pièces de serrurerie, être traités contre toutes les altérations biologiques, teintés, peints, vernis, vitrés.

La réalisation complète de vérandas demeure exclue de cette activité.

– Pose de menuiseries métalliques et/ou en matériaux de synthèse, rideaux, grilles, portails métalliques, à l’exception des verrières et vérandas.

L’exercice de cette activité comprend également :

– les travaux de vitrage, calfeutrement sur chantier,

– la mise en oeuvre des éléments de remplissage, de fermetures intégrées, de matériaux ou de produits contribuant à l’isolation thermique, acoustique, feu et de sécurité,

– les travaux complémentaires d’habillage et de liaison,

– la réalisation éventuelle d’éléments décoratifs en bois incorporés aux menuiseries,

La mise en oeuvre de panneaux destinés à l’isolation frigorifique des ouvrages est exclue de cette activité.

– Fermetures et protections solaires.

Cette activité comprend l’installation des mécanismes et boîtiers de commande ainsi que leurs raccordements électriques.

– Couverture.

L’exercice de cette activité comprend également les travaux accessoires et nécessaires à la prestation principale.

– Réalisation d’étanchéité de technique courante à partir de feutres bitumés ou de chapes souples, collés, pour la mise hors d’eau de bâtiments, la surface mise en oeuvre par chantier étant limité à 15 m².

– Pose de zinguerie et châssis divers.

– Pose des écrans sous toiture,

– Etanchéité verticale et bardages dans les mêmes matériaux que l’entreprise met en oeuvre pour ses travaux de couverture,

– Pose de matériaux contribuant à l’isolation thermique des couvertures et bardages réalisés,

– Mise en oeuvre d’éléments de charpente hors fermettes préfabriquées,

– Ravalement et réfection des souches hors combles,

– Pose d’accessoires en PVC,

– Pose de paratonnerres,

– Travaux de maçonnerie et d’enduits limités aux raccords nécessaires entre la couverture et le gros oeuvre.

Ces activités ont été reprises dans l’attestation d’assurance AGF de 2008.

Selon les conditions particulières souscrites en 2009, par l’intermédiaire de la société Proxia Construction, auprès de la société QBE, les risques garantis concernaient la couverture y compris les travaux accessoires d’étanchéité dans la limite de 15 m² par chantier et à l’exclusion de la pose des capteurs solaires, les menuiseries extérieures à l’exclusion des vérandas et les menuiseries intérieures.

La définition de ces activités est celle indiquée en annexe par la nomenclature des assureurs pour les activités BTP et la nomenclature des activités additionnelles proposées par QBE soit pour la première nomenclature :

Couverture y compris travaux d’étanchéité dans la limite de 15 m² par chantier.

La réalisation en tous matériaux (hors structures textiles), y compris par bardeau bitumé, de couverture, vêtage, vêture.

Cette activité comprend les travaux de :

– zinguerie et éléments accessoires en PVC,

– pose de châssis de toit (y compris exutoires en toiture), de capteurs solaires,

– réalisation d’isolation et d’écran sous toiture,

– ravalement et réfection des souches hors combles,

– installation de paratonnerre.

Ainsi que les travaux accessoires ou complémentaires de :

– raccordement d’étanchéité,

– réalisation de bardages verticaux.

L’attestation d’assurance QBE rappelle les activités prévues par les conditions particulières contractuelles.

Selon la facture de travaux du 2 février 2011, M. [G] a réalisé des travaux de couverture pour une somme totale de 20 400 euros, englobant pour 778,80 euros ‘la fourniture et pose de fardes (30 x 250) 118 ML redressement et consolidation de charpente’.

Le rapport d’expertise précise que M. [G] a réalisé des travaux en couverture consistant en un redressement et consolidation de la charpente, un remplacement de tuiles compris chevrons, écran de sous-toiture et litonnage, ainsi que les travaux de zinguerie et égouttage associés. Ces travaux, consistant en la pose de fardes, avaient pour objet de permettre la réalisation d’une couverture rectiligne.

Il s’agit de travaux accessoires à l’activité de couverture de M. [G].

La comparaison des contrats AGF et QBE démontre que la garantie relative à la mise en oeuvre d’éléments de charpente hors fermettes préfabriquées a été supprimée.

Certes le répertoire Sirene de 2008 mentionne pour M. [G] une activité principale de ‘travaux en menuiserie bois et PVC’ sans référence à des travaux en charpente mais en mai 2007, M. [D] avait demandé l’extension de la garantie à l’activité de mise en oeuvre d’éléments de charpentes hors fermettes préfabriquées.

Cette dernière activité n’est pas reprise dans le contrat QBE.

Or les travaux réalisés en 2011(même s’ils ont été mal réalisés) entraient dans le champ d’application de la garantie précédemment souscrite auprès de la société AGF.

La société Proxia Construction devait signaler à M. [G] la disparition des garanties sur ‘les travaux accessoires de charpente’ et sur ‘la mise en oeuvre d’éléments de charpente hors fermettes préfabriqués’.

Elle n’a pas attiré l’attention de M. [G] sur les modifications apportées par la société QBE ; en tous les cas, elle n’en justifie pas.

Il convient de rappeler à la société Proxia Construction qu’elle est un professionnel de l’assurance, que le devoir de conseil et d’information pèse sur elle et ce dès avant la conclusion du contrat d’assurance et pendant la durée du contrat sur l’étendue des garanties.

Force est de constater l’absence de tout élément probant sur l’information de M. [G] sur les modifications contractuelles du contrat d’assurance.

C’est par une juste appréciation que les premiers juges ont retenu un manquement de la société Proxia Construction à son devoir de conseil et d’information.

Le jugement est confirmé à ce titre.

– Sur le préjudice.

M. [G] discute les dispositions du jugement retenant le principe d’une perte de chance et réclame la réparation intégrale de son préjudice correspondant à la condamnation prononcée par le tribunal de Bar-le-Duc.

À titre subsidiaire, il évalue la perte de chance à 90 %.

La société Proxia Construction indique que la garantie AGF n’aurait pas été mobilisable pour les travaux entrepris par M. [G].

Le préjudice résultant d’un manquement aux devoirs de conseil et d’obligation est analysé en une perte de chance qui ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance d’être mieux assuré si elle s’était réalisée.

En l’espèce, il convient d’évaluer le préjudice de M. [G] à 90 % des sommes auxquelles il a été condamné, soit 17 279 euros.

Le jugement est infirmé sur le quantum.

– Sur les autres demandes.

Succombant en son appel, la société Proxia Construction est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf celle relative à la demande indemnitaire de M. [G] ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Proxia Construction à payer à M. [G] la somme de 17 279 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de conseil et d’information ;

Y ajoutant,

Condamne la société Proxia Construction à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société Proxia Construction aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente

 


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