MARS/SH
Numéro 23/00765
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 28/02/2023
Dossier : N° RG 21/01233 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H22E
Nature affaire :
Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction
Affaire :
[Z] [E]
C/
[O] [W]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 28 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 09 Janvier 2023, devant :
Madame ROSA-SCHALL, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l’appel des causes,
Madame ROSA-SCHALL, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame REHM, magistrate honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [Z] [E]
né le 31 Décembre 1959 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté et assisté de Maître DARSAUT-DARROZE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMEE :
Mademoiselle [O] [W]
née le 09 Octobre 1959 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et assistée de Maître DE BRISIS de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 10 FÉVRIER 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT-DE-MARSAN
RG numéro : 17/00055
Madame [O] [W] était propriétaire jusqu’au 13 juin 2017 d`un immeuble à Campet Lamolere (40) composé d’une maison individuelle à usage d’habitation avec dépendances et terrain.
En 2005, elle a confié la rénovation du toit à Monsieur [Z] [E], artisan zingueur charpentier couvreur.
En 2015, après la chute d’un arbre sur la toiture de cette maison, Madame [W] a sollicité l’intervention de Monsieur [I], charpentier-couvreur, pour réparer la toiture endommagée. Celui-ci a constaté un problème de ventilation de la toiture et la présence de tuiles abîmées par le gel.
Par acte d’ huissier du 15 septembre 2015, Madame [O] [W] a sollicité auprès du président du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan statuant en référé l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.
Par ordonnance du 17 décembre 2015 Monsieur [M] a été désigné en qualité d’expert.
L’expert a déposé son rapport le 12 décembre 2016.
Par acte d’ huissier en date du 13 Janvier 2017, Madame [O] [W] a fait assigner Monsieur [Z] [E] devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, devenu tribunal judiciaire, pour le voir condamner, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil à lui payer la somme de 42 031,34 euros TTC au titre des travaux réparatoires et celle de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par acte d’huissier en date du 9 Octobre 2017, Monsieur [Z] [E] a appelé en la cause son assureur multirisque professionnel, la société d’assurance MAAF.
Cette seconde procédure a été jointe à la première.
Par jugement du 10 février 2021, le tribunal a :
– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [Z] [E] contre la compagnie d’assurance MAAF ;
– déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Mme [O] [W] contre la compagnie d’assurance MAAF ;
– déclaré recevable l’action en responsabilité contractuelle de Mme [O] [W] contre M. [Z] [E] ;
– condamné M. [Z] [E] à verser à Mme [O] [W] la somme de l4 483,44 euros TTC ;
– débouté Mme [O] [W] de sa demande de dommages et intérêts ;
– condamné M. [Z] [E] à verser à Mme [O] [W] une somme de 3 000 euros au titre de l’ article 700 du code de procédure civile, ainsi que la somme de 1 500 euros à la compagnie d’assurance MAAF sur le même fondement ;
– condamné M. [Z] [E] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise et de la procédure en référé ;
– rejeté les prétentions plus amples ou contraires ;
– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la présente décision
Monsieur [Z] [E] a interjeté appel limité de ce jugement le 9 avril 2021.
Par conclusions du 7 décembre 2022, Monsieur [Z] [E] demande, au visa de l’article 1147 du Code Civil, considérant l’absence de faute contractuelle pouvant lui être imputée et à défaut d’un quelconque préjudice démontré par Madame [O] [W], de réformer le jugement déféré, de débouter Madame [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui payer une indemnité de 5 0000 € sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile et à tous les dépens, en ce compris les frais d’expertise.
Par conclusions du 6 octobre 2021, Madame [O] [W] demande de débouter Monsieur [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions et reconventionnellement, au visa des articles 1147 ancien du Code civil et 1231-1 du Code civil, de condamner Monsieur [Z] [E] à lui payer la somme de 42 031,34 € TTC au titre des travaux réparatoires.
Subsidiairement, elle demande de le condamner à lui payer la somme de 14 483,44€ TTC et celle de 6 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens en ce compris les frais d’expertise et de la procédure en référé.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022 à 8h30.
Les conclusions transmises par RPVA postérieurement à la clôture le 7 décembre 2022 à 9h57 par Monsieur [Z] [E] et le 15 décembre 2022 par Madame [O] [W]- ‘ qui sollicitait notamment le rejet des conclusions du 7 décembre 2022 ‘ seront déclarées irrecevables d’office, en application des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile.
SUR CE :
Le jugement n’est contesté que des chefs suivants :
– par l’appelant qu’en ce qu’il l’a condamné à payer à Madame [O] [W] la somme de 14 483,44 € TTC et au paiement d’une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux dépens en ce compris les frais d’expertise et de la procédure de référé
– par la demande reconventionnelle de Madame [O] [W], sur le montant des travaux réparatoires et de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant acte du 13 juin 2017 reçu par Maître [D] [T], notaire associé à [Localité 5], Madame [O] [W] a vendu le bien immobilier dans lequel ont été effectués les travaux de toiture à Monsieur [L] [J].
En page 20 de cet acte, il est indiqué que suite à l’action introduite le 15 septembre 2015 par Madame [W] à l’encontre du premier couvreur, une expertise est intervenue qui a conclu à des travaux réparatoires que l’acte rappelle, et qu’un [E] rapport d’expertise a été effectué par Monsieur [M], dont la copie est annexée à l’acte.
Il est ensuite stipulé : « les parties reconnaissent que les termes de la présente vente ont été négociés en toute connaissance des travaux devant être effectués sur le bien vendu, par l’acquéreur à ses frais, et que le prix convenu entre eux tient compte du montant des réfections énoncées.
L’acquéreur reconnaît avoir été informé qu’aucune subrogation à son profit n’interviendra quant à l’indemnité qui pourrait être versée à Madame [W] demanderesse à ladite procédure.
En conséquence l’indemnité perçue par Madame lui restera acquise définitivement sans qu’elle soit utilisée à la réfection des travaux de la toiture, qui sont pris en charge, ainsi qu’il est dit ci-dessus, par l’acquéreur.
L’acquéreur prendra le bien en l’état et fera son affaire personnelle, sans recours contre quiconque quant aux désordres constatés par ledit expert.
D’un commun accord, les parties déclarent que le bien est vendu en l’état et connaître parfaitement et dès avant ce jour, la situation. »
Sur l’action en responsabilité contractuelle contre Monsieur [Z] [E]
Les parties ne contestent pas la qualification des désordres intermédiaires puisque les désordres évoqués ne rendent pas l’immeuble impropre à sa destination et ne compromettent pas sa solidité comme constaté par l’expert judiciaire.
Dès lors, la responsabilité contractuelle de Monsieur [Z] [E] est subordonnée à la preuve de sa faute.
Monsieur [E] fait valoir que les travaux commandés n’étaient pas ceux d’une rénovation en vue d’une habitation mais exclusivement des travaux de confortement de l’existant.
Pour autant, la facture détaillée du 15 septembre 2005 d’un montant de 35 174,30 € TTC dont à déduire 34 480 € d’acompte, mentionne notamment la démolition d’une charpente, la pose d’une couverture en tuiles dc 12 et d’un film isolant ainsi que le voligeage de sous face de toiture en pin.
Cette facture détaillée va à l’encontre de l’argumentation de Monsieur [E] selon laquelle il n’intervenait que pour mettre un bâtiment ancien hors d’eau et conforter l’existant. Elle démontre au contraire, qu’il s’agissait de travaux de rénovation d’une toiture consistant notamment en la dépose de la couverture existante, de la charpente, de la réfection de celle-ci, et de la pose d’une nouvelle couverture en tuiles.
L’expert judiciaire rappelle que le bâtiment était une ancienne ferme, pour lequel aucune réglementation thermique ou autre n’était applicable.
Il expose par contre :
– qu’en 2005, les DTU de l’ensemble des couvertures en tuiles de terre cuite, s’ils comportaient peu de précisions, précisaient par contre que l’écran souple devait être posé tendu sur les chevrons et que le niveau d’appui des liteaux devait être relevé par une contre latte d’une épaisseur minimale de 20 mm clouée sur la face supérieure du chevron.
– que le décret 88 – 319 du 5 avril 1988 portant modification des articles R 111- 6 et R 111 -7 du code de la construction et de l’habitation relatifs aux équipements et aux caractéristiques thermiques des bâtiments d’habitation étaient applicables.
Il conclut que les travaux réalisés par Monsieur [Z] [E] ne respectent pas la réglementation en vigueur tant du point de vue de la ventilation de la couverture en tuiles de terre cuite (épaisseur de la lame d’air insuffisante) que de l’isolant thermique mis en ‘uvre (niveau de résistance thermique qui ne correspond pas au niveau requis par la réglementation), défauts de mise en ‘uvre dont il indique qu’ils relèvent de la responsabilité de Monsieur [E].
Monsieur [E] pour s’opposer à la mise en ‘uvre de sa responsabilité contractuelle, soutient ensuite que Madame [W] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice.
L’expert judiciaire a constaté qu’une grande partie des tuiles du versant nord ont gelé alors que seules quelques tuiles sur le versant Ouest sont atteintes et que l’isolant est un produit réfléchissant mince posé avec des contres linteau de 16 mm alors que le fabricant préconise de respecter une lame d’air de 20 mm de part et d’autre de l’isolant.
Il conclut que le non-respect des préconisations du DTU sur la pose de l’écran souple sous toiture a engendré un défaut de ventilation de la toiture à l’origine du gel des tuiles.
Lorsque Monsieur [I], charpentier couvreur est intervenu chez Madame [W] au mois d’août 2015, après la chute d’un arbre sur le toit, il précise notamment dans son attestation avoir tout de suite remarqué qu’il n’y avait aucune ventilation ce qu’il a signalé à Madame [W] qui lui a demandé d’y remédier en posant des chatières. Il a indiqué avoir changé les tuiles très fortement abîmées qui auraient pu mettre à mal l’étanchéité du toit.
Monsieur [E] qui soutient que les tuiles étaient affectées d’un défaut n’a pas pour autant souhaité financer durant l’expertise, les essais sur celles-ci et n’a pas appelé en la cause le fabricant des tuiles de sorte qu’aucune investigation complémentaire spécifique aux tuiles n’a été effectuée. Par ailleurs, aucun dire n’a été adressé à l’expert par Monsieur [E].
Au surplus, et comme relevé par le premier juge, l’expert a noté que même des tuiles remplacées récemment ont commencé à geler ce qui conforte son analyse selon laquelle le désordre des tuiles est imputable à l’absence de ventilation de la toiture.
Le rapport d’expertise de Monsieur [F] du 5 juin 2021 qui indique qu’ aucun défaut n’ est de nature à entamer l’intégrité des tuiles posées, qu’aucun sinistre n’a été constaté dans le logement et qu’il n’est pas nécessaire de reprendre cette toiture, ne comporte aucune analyse de la réglementation en vigueur lors de la pose, concernant la ventilation de la couverture en tuiles de terre cuite et l’épaisseur de la lame d’air, alors qu’elle est la faute contractuelle reprochée à Monsieur [Z] [E].
Le premier juge a exactement retenu en lecture de l’expertise judiciaire que l’insuffisance de l’épaisseur de la lame d’air engendrait un défaut de ventilation qui a causé le gel d’une partie des tuiles, désordre imputable à Monsieur [Z] [E] qui n’a pas respecté la réglementation en vigueur ce qui constitue une faute.
Si Monsieur [L] [J] précise, que depuis le 13 juin 2017, date depuis laquelle il est propriétaire de la maison, celle-ci n’a pas subi de modifications ni de réparation de toiture et qu’il n’y a aucun problème à signaler sur la couverture, il convient de rappeler que le charpentier qui est intervenu en 2015 a posé des chatières sur le toit pour parer au défaut de ventilation.
En conséquence, dès lors que le fait générateur, le dommage et le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage sont démontrés, la responsabilité contractuelle de Monsieur [E] est engagée, sans qu’il puisse s’en exonérer en soutenant qu’il n’existe pas de préjudice, ce dont la preuve n’est de toute façon pas rapportée, puisque le bien immobilier a été vendu à un prix tenant compte du montant des réfections énoncées ce que précise expressément l’acte de vente et qu’aucun élément ne permet de démentir.
Concernant l’isolation thermique de la toiture, le premier juge, par des motifs pertinents que la cour approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties et a exactement retenu qu’aucun désordre ne pouvait être retenu en l’absence de caractérisation par l’expertise judiciaire d’un manque d’effectif d’isolation au regard des normes en vigueur en 2005.
Sur la réparation des désordres
Madame [O] [W], qui rapporte la preuve de la faute contractuelle de Monsieur [E] au regard de l’existence des désordres dans les travaux commandés n’a pas à rapporter la preuve de la réalisation effective des travaux de reprise pour pouvoir bénéficier de son indemnisation, et son préjudice ne peut pas être contesté au regard de la clause contenue dans l’acte de vente du 13 juin 2017.
Le jugement étant confirmé en ce qu’il a jugé qu’aucun désordre ne pouvait être retenu concernant l’isolation thermique de la toiture, il sera confirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [Z] [E] à payer à Madame [O] [W] la somme de 14 483,44 € TTC et en ce qu’il a débouté Madame [W] du surplus de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Monsieur [Z] [E] qui succombe en son recours sera condamné aux dépens de l’appel et débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les circonstances de la cause ne font pas paraître inéquitable que Madame [O] [W] supporte les frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel. Elle sera déboutée de cette demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Prononce l’irrecevabilité des conclusions transmises par RPVA postérieurement à la clôture du 7 décembre 2022, le 7 décembre 2022 à 9h57 par Monsieur [Z] [E] et le 15 décembre 2022 par Madame [O] [W] ;
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [Z] [E] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Déboute Madame [O] [W] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [Z] [E] aux dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme ROSA-SCHALL, conseillère faisant fonction de Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Marie-Ange ROSA-SCHALL