Droits des Artisans : 27 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 17/03928

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Droits des Artisans : 27 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 17/03928

NA/SH

Numéro 22/03422

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 27/09/2022

Dossier : N° RG 17/03928 – N° Portalis DBVV-V-B7B-GXMQ

Nature affaire :

Demande en nullité d’un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction

Affaire :

[X] [O]

S.E.L.A.R.L. EKIP

C/

[I] [Y]

[G] [L] épouse [Y]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 27 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 21 Juin 2022, devant :

Madame DUCHAC, Présidente et Madame ASSELAIN, conseillère chargée du rapport,

assistées de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière, présente à l’appel des causes,

Madame DUCHAC, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame ASSELAIN et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame ASSELAIN, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [X] [O] en liquidation judiciaire

né le 17 Novembre 1965 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. EKIP prise en la personne de Maître [H] [D], es-qualités de liquidateur de Monsieur [X] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Intervenante volontaire

Représentés par Maître MARBAIS, avocat au barreau de TARBES,

Assistés de Maître CARMOUSE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMES :

Monsieur [I] [Y]

né le 06 Juin 1976 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Madame [G] [L] épouse [Y]

née le 22 Octobre 1976 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assistés de Maître ATTAL, de la SELAS D’AVOCATS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 28 JUILLET 2017

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

RG numéro : 15/01854

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 8 août 2013, M.et Mme [Y] ont confié la rénovation de leur maison d’habitation à M.[O], artisan, pour un montant de 58.041,54 euros.

M.et Mme [Y] ont également accepté le 22 avril 2014 un second devis établi par M.[O] pour la fourniture et la pose de menuiseries sur mesure pour un montant de 14.402,52 euros.

Les époux [Y] ont versé deux acomptes le 29 avril 2014, l’un de 17.908 euros pour le premier contrat et l’autre de 5.741,54 euros pour le second contrat.

Le 31 juillet 2014, M.[O] a établi à l’ordre de M.et Mme [Y] une facture de fourniture de menuiseries, sans la pose, d’un montant de 12.818,54 euros, qui n’a pas été réglée.

Par courrier recommandé du 20 août 2014, les époux [Y] ont dénoncé des défauts sur le chantier, et un retard dans l’exécution des travaux, et ont fait part de leur volonté de suspendre les travaux.

M.[O] a répondu le 5 septembre 2014, par l’intermédiaire de son conseil, que le contrat devait être mené à son terme et qu’à défaut il serait en droit de demander paiement intégral des sommes convenues.

Par ordonnance du 30 avril 2015, le juge des référés du tribunal d’instance de Toulouse a rejeté la demande de provision de M.[O], au titre de la facture de menuiseries.

Par acte d’huissier du 6 novembre 2015, les époux [Y] ont fait assigner M.[O] devant le tribunal de grande instance de Tarbes, pour obtenir la résiliation des deux contrats aux torts exclusifs de M.[O], et paiement de 12.827,56 euros au titre du trop-perçu, et de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 28 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Tarbes a rejeté les demandes de M.et Mme [Y], et a fixé à 5.000 euros la somme due par M.et Mme [Y] à M.[O] à titre de dommages-intérêts au titre du contrat de travaux du 8 août 2013, à 7.655,82 euros le montant des sommes dues par M.et Mme [Y] à M.[O] au titre du contrat de travaux du 22 avril 2014, et à la somme de 7.626,12 euros le trop perçu dû par M.[O] à M.et Mme [Y]. Il a ordonné la compensation des créances réciproques, et a condamné, en conséquence, les époux [Y] à payer à M.[O] la somme de 5.029, 70 euros, outre 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

M.[O] a relevé appel partiel de ce jugement par déclaration du 17 novembre 2017.

Il a été placé en redressement judiciaire par jugement du 4 mars 2019, converti en liquidation judiciaire par jugement du 14 avril 2020, désignant la SELARL Ekip’ en qualité de liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 14 septembre 2021, la cour d’appel de Pau a :

– évalué la créance de M.et Mme [Y] à l’encontre de M.[O], avant ouverture du redressement judiciaire de celui-ci, à la somme de 7.626,12 euros au titre du trop perçu relatif au contrat du 8 août 2013 ;

– évalué la créance de M.[O], représenté par son liquidateur, à l’encontre de M.et Mme [Y] :

– à la somme de 7.077 euros au titre du contrat du 22 avril 2014,

– à la somme de 5.400 euros à titre de dommages et intérêts,

– avant-dire droit sur le surplus, ordonné la réouverture des débats ;

– constaté que M.et Mme [Y] invoquent une faute de M.[O], postérieure à l’ouverture de la procédure collective, qui leur est préjudiciable ;

– invité M.et Mme [Y] à liquider le montant des dommages et intérêts sollicités en réparation du préjudice invoqué ;

– invité les parties à présenter leurs observations sur la compensation pouvant en résulter.

M. [O] et la SELARL Ekip’, intervenue volontairement à l’instance, demandent à la cour d’appel, par conclusions notifiées le 5 mai 2022, au visa de l’article 5 du code de procédure civile, de :

– juger que les époux [Y] n’ont pas formulé de demande en réparation d’un préjudice ;

– juger que les époux [Y] n’ont formulé, ni fondé une quelconque action en responsabilité ;

– juger que la cour d’appel n’est pas saisie d’une demande en réparation au titre d’une action en responsabilité en application de l’article 5 du code de procédure civile ;

– juger que la demande est irrecevable ;

– juger que les époux [Y] n’ont pas déclaré leur créance antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective ;

– juger que les époux [Y] n’ont pas déclaré une créance postérieure au jugement d’ouverture au titre de la réparation de leur préjudice ;

En conséquence,

– débouter, M.et Mme [Y] en leur demande de compensation à l’encontre de la liquidation judiciaire de M.[O] ;

– juger que la cour d’appel n’a pas été saisie d’une demande de réformation du jugement quant à l’article 700 et aux dépens ;

– en conséquence, débouter M.et Mme [Y] de leur demande tendant à voir infirmer le jugement de premier instance au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M.et Mme [Y] aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M.et Mme [Y] demandent à la cour d’appel, par conclusions notifiées le 10 juin 2022, de :

– vu l’arrêt avant dire droit ayant retenu le principe de préjudice et de créance postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective des époux [Y],

– vu les conclusions de M.[O] et de son liquidateur en date du 5.05.2022, ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture au regard de la tardiveté des écritures de M.[O] et de son liquidateur nécessitant une réponse des concluants,

– compte tenu de l’abstention volontaire de M.[O] d’informer ses co-contractants de la procédure de redressement judiciaire en date du 4.03.2019, transformée en liquidation judiciaire, constitutive d’une faute postérieure à la liquidation judiciaire,

– ordonner la compensation entre les sommes dues par M.et Mme [Y] à M.[O] au regard de l’arrêt avant dire droit, soit la somme de 12.477 euros, et la créance des époux [Y] postérieure à la procédure collective tenant à la faute de M.[O] soit la somme de 12.000 euros et à titre subsidiaire la somme de 8.000 euros;

– réformer le jugement dont appel sur la condamnation de M.et Mme [Y] à régler à M.[O] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M.[O] au règlement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile cette créance étant postérieure à la procédure collective.

A l’audience du 21 juin 2022, la cour a révoqué l’ordonnance de clôture de la mise en état prononcée le 11 mai 2022, et reporté la clôture à la date de l’audience.

MOTIFS

Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées devant la cour d’appel le 14 janvier 2021, avant réouverture des débats, M.et Mme [Y] demandaient à la cour de :

‘confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [O] au règlement d’une somme de 7.626,12 euros à titre de dommages intérêts au titre du trop perçu, et débouter M.[O] de sa demande de réformation à ce titre compte tenu de l’abstention volontaire de M. [O] d’informer ses co-contractants de la procédure de redressement judiciaire en date du 4.03.2019, transformée en liquidation judiciaire’.

Contrairement à ce que soutient M.[O], représenté par son liquidateur, M.et Mme [Y] invoquaient ainsi une faute dommageable de M.[O], dont ils recherchaient la responsabilité. La cour n’est donc pas allée au-delà de ce qui lui était demandé en :

– constatant que M.et Mme [Y] invoquaient une faute de M.[O], postérieure à l’ouverture de la procédure collective, qui leur était préjudiciable ;

– invitant M.et Mme [Y] à liquider le montant des dommages et intérêts sollicités en réparation du préjudice invoqué, l’article 564 du code de procédure civile permettant aux parties de présenter de nouvelles demandes pour opposer compensation ;

– et en invitant les parties à présenter leurs observations sur la compensation pouvant en résulter.

L’article L 622-22 du code de commerce impose au débiteur, partie à l’instance, d’informer le créancier poursuivant de l’ouverture de la procédure collective dans les dix jours de celle-ci.

Alors que par déclaration du 17 novembre 2017, M.[O] avait relevé appel du jugement rendu le 28 juillet 2017 ordonnant la compensation des dettes réciproques des parties, il n’a pas informé M.et Mme [Y] de l’ouverture à son bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire, par jugement du 4 mars 2019. M.[O] n’a pas davantage fait figurer M.et Mme [Y] sur la liste de ses créanciers établie en application de l’article R 622-5 du code de commerce, de sorte que le mandataire judiciaire n’a pu avertir M.et Mme [Y] d’avoir à lui déclarer leur créance, dans les conditions prévues par l’article R 622-21 du même code.

La faute commise par M.[O], postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective, a donc empêché M.et Mme [Y] de déclarer leur créance antérieure au jugement d’ouverture, de sorte que cette créance antérieure est inopposable à la procédure collective. La faute de M.[O] a également empêché les maîtres de l’ouvrage de la possibilité d’invoquer et d’obtenir, s’agissant de créances connexes, la compensation des dettes réciproques dans les conditions prévues par l’article L 622-7.

La cour, dans son arrêt avant dire droit rendu le 14 septembre 2021, a évalué la créance de M.et Mme [Y] à l’encontre de M.[O], avant ouverture du redressement judiciaire de celui-ci, à la somme de 7.626,12 euros au titre du trop perçu relatif au contrat du 8 août 2013.

La faute commise par M.[O], postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective, a donc fait perdre à M.et Mme [Y] la possibilité d’obtenir la compensation à hauteur de la somme de 7.626,12 euros.

La créance de dommages et intérêts de M.et Mme [Y] à l’encontre de M.[O] doit donc être évaluée à 7.626,12 euros.

Cette créance de M.et Mme [Y], postérieure au jugement d’ouverture, n’est pas née régulièrement puisqu’elle procède d’une faute de M.[O]. Elle ne bénéficie donc ni du paiement préférentiel prévu par l’article L 622-17 du code de commerce, ni même du régime de déclaration des créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture prévu par l’article L 622-24.

La créance postérieure de M.et Mme [Y] est donc également inopposable à la procédure collective, et insusceptible d’ouvrir droit à compensation avec leur dette à l’égard de M.[O]. Il est toutefois rappelé qu’en application de l’article L643-11 du code de commerce, après clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif, et en cas de fraude à l’égard des créanciers, le tribunal peut autoriser la reprise des actions individuelles à l’encontre du débiteur.

Dans son arrêt du 14 septembre 2021, la cour a évalué la créance de M.[O], représenté par son liquidateur, à l’encontre de M.et Mme [Y] :

– à la somme de 7.077 euros au titre du contrat du 22 avril 2014,

– à la somme de 5.400 euros à titre de dommages et intérêts.

M.et Mme [Y] doivent donc payer à M.[O] la somme de 12.477 euros, sans pourvoir lui opposer de compensation avec leur propre créance.

Le jugement est infirmé en ce sens.

M.[O], qui a relevé appel partiel, n’a pas critiqué les chefs de jugement mettant à la charge de M.et Mme [Y] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, et les dépens de première instance. M.et Mme [Y] n’ont pas saisi la cour d’un appel incident sur ces points dans le délai prévu par l’article 909 du code de procédure civile. La demande de M.et Mme [Y], formulée dans leurs conclusions notifiées postérieurement à la réouverture des débats, tendant à la réformation du jugement en ce qu’il les a condamnés au paiement d’une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance n’est donc pas recevable.

Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre partie en cause d’appel.

Les dépens d’appel sont à la charge de M.et Mme [Y].

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement rendu le 28 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Tarbes, au regard de la procédure collective ouverte au bénéfice de M.[O] le 4 mars 2019, sauf en ce qu’il a mis à la charge de M.et Mme [Y] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens de première instance;

Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés et y ajoutant,

Constate l’inopposabilité à la procédure collective ouverte au bénéfice de M.[O], de la créance de M.et Mme [Y] antérieure au jugement d’ouverture de cette procédure ;

Evalue la créance postérieure de dommages et intérêts de M.et Mme [Y] à l’encontre de M.[O] à la somme de 7.626,12 euros ;

Déclare cette créance postérieure inopposable à la procédure collective ouverte au bénéfice de M.[O] ;

Dit que M.et Mme [Y] doivent payer à M.[O], représenté par son liquidateur la société Ekip’, la somme de 12.477 euros, sans pourvoir lui opposer de compensation avec leur propre créance ;

Déclare irrecevable la demande de M.et Mme [Y] tendant à la réformation du jugement en ce qu’il les a condamnés au paiement d’une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Dit que M.et Mme [Y] sont tenus de supporter les dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUELCaroline DUCHAC

 


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