Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/02986 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OEG2
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 AVRIL 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN – N° RG F 17/00389
APPELANT :
Monsieur [T] [P] [H]
né le 08 Mai 1968 à [Localité 5] (Portugal)
de nationalité Portugaise
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître Jean-Baptiste LLATI de la SCP PARRAT-LLATI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Maître Pauline CROS, avocat au barreau de
INTIMEE :
SARL SOCIETE DES ANCIENS ETABLISSEMENTS LELONG prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Vincent DE TORRES de la SCP DE TORRES – PY – MOLINA – BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Maître Pierre CHATEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
– Contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE :
M. [P] [H] était embauché par la société Anciens Etablissements Lelong dans le cadre de deux contrats à durée déterminée, du 10 septembre 2012 au 23 février 2013, puis du 29 avril au 31 juillet 2014, en qualité de mécanicien échelon 6, et à compter du 1er août 2014 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
La convention collective applicable est celle des services de l’automobile du 15 janvier 1981.
Le 2 mars 2017, M. [P] [H] était déclaré en arrêt maladie.
Le 18 avril 2017, la société Anciens Etablissements Lelong adressait à M. [P] [H] une lettre de convocation pour un entretien préalable à une mesure de licenciement, entretien fixé au 2 mai 2017.
Le 5 mai 2017, la société Anciens Etablissements Lelong notifiait à M. [P] [H] son licenciement en raison de son absence de longue durée qui rend nécessaire son remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l’entreprise.
Le 2 août 2017, M. [P] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan, contestant son licenciement et sollicitant le versement de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et un reliquat d’indemnité de licenciement.
Par jugement rendu le 2 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Perpignan a débouté M. [P] [H] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
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M. [P] [H] a interjeté appel de ce jugement le 30 avril 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 15 juillet 2019, il demande à la cour de :
À titre principal juger que son licenciement est nul et condamner la société Anciens Etablissements Lelong à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts ;
À titre subsidiaire juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Anciens Etablissements Lelong à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Dans tous les cas condamner la société Anciens Etablissements Lelong à lui verser les sommes suivantes :
– 174,89 € à titre de reliquat d’indemnité de licenciement ;
– 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonner la délivrance des documents de fin de contrat régularisés sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document manquant.
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Dans ses conclusions déposées par RPVA le 20 septembre 2019 la société Anciens Etablissements Lelong demande à la cour de :
Confirmer le jugement à l’exception du solde d’indemnité de licenciement pour un montant de 174,89 € ;
Condamner l’appelant à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
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Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 août 2022, fixant la date d’audience au 13 septembre 2022.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
L’article L 1132-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison notamment de son état de santé.
Le licenciement d’un salarié placé en arrêt maladie n’est possible que si cette absence est prolongée ou répétée et entraîne une situation objective de désorganisation de l’entreprise qui se trouve alors dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié malade.
L’article 2.10 de la convention collective nationale des services de l’automobile stipule que :
« Lorsque le bon fonctionnement de l’entreprise est perturbé par l’absence temporaire d’un salarié, l’employeur recherche les mesure internes ou les solutions externes adaptées pour assurer la continuité du service.
S’il apparaît que la continuité du service ne peut être assurée malgré la mise en ‘uvre de ces mesures, ou s’il n’existe aucune possibilité de remplacement temporaire, l’employeur peut être conduit à envisager un remplacement définitif du salarié absent.
En tout état de cause, il ne pourra être procédé au licenciement de son salarié que lorsque son indisponibilité persiste au-delà de 45 jours continus et dans le respect de la procédure légale de licenciement. »
M. [P] [H] soutient qu’il n’a pas fait l’objet d’une absence prolongée ou d’absences répétées, qu’il n’est pas justifié de la perturbation du fonctionnement de l’entreprise du fait de son absence, qu’il n’est pas justifié de l’impossibilité de recourir à un remplacement temporaire, que les difficultés de remplacement sont dues aux exigences de l’employeur, qu’il n’y a pas eu de remplacement définitif concomitamment au licenciement, le remplacement définitif étant intervenu en octobre 2017.
La société Anciens Etablissements Lelong fait observer qu’il n’est alléguée aucune cause de nullité du licenciement, qu’en ce qui concerne son bien-fondé, la clause de garantie d’emploi de la convention collective a été respectée et qu’il est démontré que la prolongation de l’absence a occasionné des perturbations au bon fonctionnement de l’entreprise et qu’elle a été dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié.
En l’espèce il n’est pas contesté que M. [P] [H] qui a été en arrêt de travail à compter du 2 mars 2017, a été licencié par courrier du 5 mai 2017, soit plus de 45 jours après son arrêt de travail initial.
La société Anciens Etablissements Lelong soutient qu’elle a rencontré des difficultés pour recruter un mécanicien pour remplacer M. [P] [H], toutefois elle ne justifie d’aucune démarche de recrutement à compter du 2 mars 2017, le seul document produit aux débats étant un courrier de pôle emploi en date du 28 août 2017 qui le remercie d’avoir choisi pôle emploi pour le recrutement d’un mécanicien et qui lui indique que son offre sera publiée jusqu’au 25 septembre 2017.
Elle soutient qu’elle a, dans un premier temps, recherché des mesures internes adaptées pour assurer la continuité du service, que ne disposant que de deux salariés, M. [P] [H], mécanicien, et une secrétaire Mme [N], le gérant, qui est carrossier, a tenté de faire face aux demandes de réparation en sollicitant des conseils auprès des confrères mécanicien.
Elle produit aux débats les attestations de M. [R], gérant de garage, M.[Y], artisan et M. [U] retraité mécanicien, qui déclarent que M.[J], gérant de la société Anciens Etablissements Lelong, était dans l’embarras par manque de salarié et a sollicité auprès d’eux des conseils par téléphone. M [R] déclare que de temps en temps son employé s’est déplacé au garage de M. [J] à titre gracieux, ce qui est confirmé par l’attestation de M. [S].
Il n’est toutefois donné par les témoins aucune précision sur le nombre d’interventions et les dates auxquelles elle sont intervenues.
La société Anciens Etablissements Lelong soutient qu’elle n’a pas pu assurer la continuité du service, et produit pour en justifier les attestations de M. [F], gérant de société et client du garage, qui déclare que « suite à la défaillance au niveau de l’employé mécanique en mars 2017, ne pouvant garantir les délais de réparation et de livraison des véhicules il s’est dirigé vers d’autres enseignes, qu’il a été recontacté en octobre 2017 par M. [J] mais qu’il n’a pas pris de décision dans le choix de changement », et de M. [A], artisan carreleur qui déclare : « J’ai amené deux véhicules en réparation au mois de mars et qui sont restés longuement en attente pour cause dite (on est en attente de la rentrée de notre mécanicien M. [T]). Vu le retard qui m’a été donné pour rendre les véhicules j’hésite à refaire des réparations dans le garage Lelong ».
Toutefois sont produits aux débats 5 contrats de travail à durée déterminée signés avec M. [O], mécanicien pour les périodes du 27 au 28 mars 2017, 29 mars au 20 avril 2017, 21 avril au 5 mai 2017, 6 au 28 mai 2017, puis du 29 mai au 5 juillet 2017.
Il en résulte que sur cette période, le remplacement de M. [P] [H] a été effectif, et que ce n’est donc pas l’absence de mécanicien dans l’entreprise qui a incité des clients à se diriger vers un autre garagiste.
La société Anciens Etablissements Lelong fait valoir qu’elle a signé avec M. [O] un contrat de travail à durée indéterminée au motif que celui-ci ne voulait plus travailler dans le cadre de contrats à durée déterminée.
Toutefois alors que M. [P] [H] a été licencié le 5 mai 2017, il sera fait observer que deux contrats à durée déterminée ont été signés entre la société Anciens Etablissements Lelong et M. [O], le 6 mai 2017 puis le 29 juin 2017, et que si un contrat à durée indéterminée a été formalisé le 6 juillet 2017, il a été mis fin à la relation de travail pour des motifs non expliqués par l’employeur en procédure, le 31 août 2017.
Enfin la société Anciens Etablissements Lelong maintient qu’elle rencontrait des difficultés à recruter un mécanicien, alors qu’il ressort de son registre unique du personnel que suite au départ de M. [O] le 31 août 2017, elle a recruté M. [G] le 4 septembre 2017, que celui-ci a quitté l’entreprise le 22 septembre 2017 et a été remplacé par M. [Z] [D] le 9 octobre 2017.
Il n’est donc pas justifié que le bon fonctionnement de l’entreprise a été perturbé par l’absence temporaire de M. [P] [H] et qu’il n’existait pas de possibilité de remplacement temporaire de celui-ci nécessitant le licenciement définitif du salarié le 5 mai 2017.
Il en résulte que le licenciement de M. [P] [H] a été décidé au seul motif de l’absence pour maladie de celui-ci, il est donc nul en application de l’article L 1132-4 du code du travail.
Les dispositions de l’article L.1235-3-1 visées par le salarié dans ses conclusions ne sont pas applicables au litige dans la mesure où cet article est issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017 applicable au 1er janvier 2018, soit postérieurement au licenciement.
En application de la jurisprudence antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié victime d’un licenciement nul a droit à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, qui est au moins égale à 6 mois de salaire.
M. [P] [H] qui justifiait au jour de son licenciement d’une ancienneté de plus de 3 ans et était âgé de 49 ans, ne produit aucune pièce justifiant de sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à son licenciement.
Il lui sera alloué à titre d’indemnité la somme de 11 200 €, le jugement sera infirmé de ce chef.
La société Anciens Etablissements Lelong ne conteste pas devoir à M. [P] [H] à titre de solde d’indemnité de licenciement la somme de 174,89 €, elle sera condamnée en ce sens.
Sur les autres demandes :
Il sera fait droit à la demande de délivrance des documents de fin de contrat régularisés sans que cette condamnation ne soit assortie d’une astreinte.
La société Anciens Etablissements Lelong qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d’appel et condamnée en équité à verser à M. [P] [H] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Perpignan le 2 avril 2019 en toutes ses dispositions ;
Dit que le licenciement de M. [P] [H] est nul ;
Condamne la société Anciens Etablissements Lelong à verser à M. [P] [H] à titre de dommages-intérêts la somme de 11 200 € ;
Condamne la société Anciens Etablissements Lelong à verser à M. [P] [H] la somme de 174,89 € à titre de reliquat d’indemnité de licenciement ;
Ordonne à la société Anciens Etablissements Lelong de délivrer à M. [P] [H] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;
Y ajoutant ;
Condamne la société Anciens Etablissements Lelong à verser à M. [P] [H] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Anciens Etablissements Lelong aux dépens de première instance et d’appel.
la greffière, le président,