Droits des Artisans : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00998

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Droits des Artisans : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00998

2ème Chambre

ARRÊT N°51

N° RG 20/00998

N° Portalis DBVL-V-B7E-QPDQ

M. [V] [P]

C/

M. [Z] [E]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me AUBIN

– Me LECLERCQ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Décembre 2022

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [V] [P]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Simon AUBIN de la SELARL SIMON AUBIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [E]

né le 04 Avril 1966 à [Localité 4] (22)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Pour réaliser la construction d’une maison d’habitation à [Adresse 5] (22), M. [Z] [E], maître de l’ouvrage, a, par marché de gré à gré du 10 septembre 2015, confié à M. [V] [P], artisan couvreur, l’exécution du lot couverture moyennant un prix global de 11 073,60 euros TTC.

Puis, par devis du 10 novembre 2016, M. [E] a commandé à M. [P] la réalisation d’une embase avec étanchéité en vue de l’évacuation de la VMC, moyennant un prix de 246 euros.

Le marché principal a été réglé mais, prétendant que sa facture de travaux supplémentaire émise le 13 novembre 2016 n’avait pas été payée, M. [P] a, par requête du 10 décembre 2018, saisi le juge d’instance de [Localité 4] qui, par ordonnance du 14 décembre 2018, a fait injonction à M. [E] de payer la somme de 246 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 21 septembre 2018 et les frais de procédure.

Le 22 janvier 2019, M. [E] a formé opposition contre l’ordonnance qui lui avait été signifiée le 26 décembre 2018, pour invoquer le défaut de qualité à agir de M. [P] et se porter demandeur reconventionnel en paiement de dommages-intérêts au motif que les travaux n’avaient pas été réalisés dans les délais contractuellement prévus, et étaient inachevés et affectés de malfaçons.

Par jugement du 12 novembre 2019, le tribunal d’instance de Dinan a :

reçu M. [E] en son opposition contre l’ordonnance rendue le 14 décembre 2018,

constaté qu’un devis a été signé le 10 Novembre 2016 entre M. [E] et l’entreprise [P] représentée par M. [P] pour un montant de 264 euros,

constaté que M. [E] est redevable de la somme précitée,

constaté, cependant, que la prestation relative au dit devis n’a pas été réalisée dans les règles de l’art par l’entreprise [P],

dit que la responsabilité contractuelle de l’entreprise [P] est engagée par application de l’article 1348-1 du code civil,

condamné l’entreprise [P], représentée par M. [P], à verser à M. [E] la somme de 3 139, 90 euros, correspondant au coût des travaux de reprise et des pénalités de retard, déduction faite du montant de la facture non réglée,

débouté M. [E] du surplus de ses demandes principales,

ordonné l’exécution provisoire,

condamné l’entreprise [P], représentée par M. [P], à verser à M. [E] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

dit que l’entreprise [P], représentée par M. [P], supportera les dépens, y compris ceux de la procédure d’injonction de payer et ses frais irrépétibles.

Prétendant que ni l’existence de malfaçon ou de non-façon qui lui seraient imputables, ni le coût des travaux de reprise ne seraient prouvés, M. [P] a relevé appel de ce jugement le 11 février 2020, pour demander à la cour de le réformer et de :

condamner M. [E] à la somme de 264 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal,

condamner M. [E] à la restitution de l’ensemble des sommes versées par M. [P] lors de l’exécution de la décision de première instance, soit la somme de 3 939,90 euros,

condamner M. [E] au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ayant formé appel incident pour invoquer la prescription de l’action du professionnel en paiement de sa facture de travaux supplémentaires, M. [E] demande quant à lui à la cour de :

dire irrecevable et en tous cas mal fondée la demande de M. [P] en paiement de la somme de 246 euros,

confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamner M. [P] au paiement des sommes de 1 742,86 euros au titre de la reprise des désordres, 1 661,04 euros au titre des pénalités de retard, et de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

débouter M. [P] de toutes ses demandes,

condamner M. [P] au paiement d’une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour M. [P] le 12 mars 2020 et pour M. [E] le 3 août 2020, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 octobre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande principale

Il résulte de l’article L. 218-2 du code de la consommation que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans à compter, s’agissant du paiement d’une facture de travaux, du jour de son établissement.

Au sens de ce texte, M. [P], artisan couvreur, est un professionnel, et M. [E], personne physique maîtresse d’ouvrage lui ayant commandé des travaux de couverture dans le cadre de la construction d’une maison d’habitation lui appartenant, est un consommateur.

Or, M. [P] a établi la facture de travaux supplémentaires litigieuse le 13 novembre 2016, mais ce n’est que par acte du 26 décembre 2018 qu’il n’a fait signifier la requête et l’ordonnance portant injonction de payer valant demande en justice et interrompant le délai de prescription en application de l’article 2241 du code civil.

Son action est donc irrecevable comme prescrite, de sorte que la disposition du jugement attaqué ayant dit que M. [E] était redevable de la somme de 264 euros TTC sera infirmée.

Sur la demande reconventionnelle

Au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, M. [E] fait valoir que M. [P] aurait manqué à ses obligations contractuelles en ne réalisant la sortie de VMC en toiture que tardivement, empêchant l’électricien de raccorder la gaine d’évacuation et ne la raccordant lui-même, et provoquant ainsi une accumulation de condensation dans les combles et l’humidification de la laine isolante puis, secondairement, celle des plâtres du plafond.

M. [P] prétend quant à lui que la création de la sortie de VMC en toiture n’aurait pas été prévue dans son marché initial et avait été réalisée au titre de travaux supplémentaires, que le raccordement de la gaine de VMC à la sortie en toiture incombait à l’électricien, et qu’en l’absence de toute expertise amiable ou judiciaire, il ne serait pas prouvé que les malfaçons dénoncées étaient en lien avec sa prestation.

Le premier juge a cependant exactement relevé qu’ayant accepté de réaliser des travaux d’évacuation de la VMC en toiture, il lui appartenait de procéder au raccordement de la gaine déjà posée, ou, à tout le moins, d’alerter le maître de l’ouvrage sur l’impossibilité d’utiliser la VMC tant que ce raccordement ne serait pas réalisé.

Il a en outre pertinemment relevé qu’un cliché photographique produit établissait l’existence d’une importante tache en plafond, et qu’il ressortait de l’attestation du maître d’oeuvre Veillet que la gaine d’évacuation de la VMC n’avait pas été raccordée à la sortie en toiture, que cette malfaçon avait eu pour conséquence de détremper la laine de verre située dans les combles, et qu’il avait ultérieurement constaté, à l’automne 2016, l’apparition, en dépit de ce que le raccordement avait fini par être réalisé, d’une importante tache en plafond ne pouvant s’expliquer que par un défaut d’étanchéité de la sortie de VMC en toiture ou par l’absence de liaison entre la gaine de VMC et cette sortie en toiture durant plusieurs semaines.

Il en a donc à juste titre déduit que l’existence du désordre et son imputation à la prestation de M. [P] était suffisamment démontrées, même en l’absence de mesure d’expertise.

Le maître d »uvre a en effet émis deux hypothèses sur l’origine de la tache d’humidité apparue en plafond, mais, selon les énonciations du jugement attaqué, M. [P] a lui-même indiqué lors de sa comparution devant le tribunal qu’il était revenu sur le chantier après le constat du maître d’oeuvre pour contrôler, du reste à l’insu de M. [E], la bonne tenue des joints de fixation des bacs acier de la toiture, de sorte que le désordre ne peut être imputable qu’à l’absence de liaison pendant plusieurs semaines entre la gaine de la VMC et sa sortie en toiture, ce qui est plausible au regard du défaut de raccordement et de l’imprégnation de la laine de verre précédemment constatés.

Or, il a été observé que cette malfaçon devait être imputée à faute au couvreur, celui-ci étant tenu, puisqu’il intervenait après la pose de la gaine par l’électricien, de procéder lui-même au raccordement ou, à tout le moins, d’alerter le maître de l’ouvrage sur l’impossibilité d’utiliser la VMC tant que ce raccordement ne serait pas effectué.

Il résulte par ailleurs du devis de l’entreprise Nuance Peinture que les travaux de réfection de plafond s’élèvent à la somme de 1 742,86 euros TTC, M. [P] ne formulant aucune critique étayée de ce chiffrage.

Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné ce denier au paiement de cette somme.

En revanche, c’est à tort que le premier juge a alloué à M. [E] une somme de 1 661,04 euros au titre des pénalités contractuelles de retard.

En effet, il ressort des pièces produites que les délais d’exécution sanctionnés par ces pénalités contractuelles ne concernaient que le non-respect du planning du marché initial qui, contrairement à ce que le maître de l’ouvrage prétend, ne comportait pas la réalisation d’une sortie de VMC en toiture.

Que cette omission résulte d’un défaut de préconisation du maître d’oeuvre ayant assisté M. [E] ou, comme M. [P] le suggère, d’une modification du projet qui prévoyait initialement une bouche de sortie de VMC omise par le maçon, celle-ci n’est pas imputable à M. [P] qui n’a été chargé de réaliser cet ouvrage qu’a posteriori, par devis de travaux supplémentaires du 10 novembre 2016, en dehors du marché initial qui devait être exécuté avant le 15 octobre 2015.

Il convient par conséquent, après réformation du jugement attaqué en ce sens, de condamner M. [P] à payer à M. [E] la somme de 1 742,86 euros.

Il n’y a en revanche pas matière à condamner M. [E] à restituer le surplus versé au titre de l’exécution provisoire du jugement, le présent arrêt infirmatif valant titre de restitution.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [P], qui a pris l’initiative d’une action en paiement irrecevable et succombe partiellement en son appel, supportera seul les dépens de première instance et d’appel.

D’autre part, c’est par d’exactes considérations d’équité que le premier juge a alloué à M. [E] une indemnité de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il serait en outre inéquitable de laisser à sa charge de l’intégralité des frais exposés par lui à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une indemnité complémentaire de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal d’instance de Dinan en ce qu’il a constaté que M. [E] était redevable de la somme de 264 euros en exécution du devis du 10 novembre 2016 et condamné l’entreprise [P] à lui payer la somme de 3 139,90 euros incluant des pénalités de retard ;

Déclare M. [P] irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 264 euros au titre du devis de travaux supplémentaires du 10 novembre 2016 ;

Condamne M. [P] à payer à M. [E] la somme de 1 742,86 euros à titre de dommages-intérêts ;

Déboute M. [E] de sa demande en paiement de pénalités contractuelles de retard ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ; 

Condamne M. [P] à payer à M. [E] une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [P] aux dépens d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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