Droits des Artisans : 26 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/08267

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Droits des Artisans : 26 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/08267

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 26 OCTOBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/08267 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OOLB

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 NOVEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 18/04484

APPELANTS :

Monsieur [T] [L]

né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 9] (ALGERIE) (099)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Dalil OUAHMED, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me HEURTEBISE

Madame [U] [C] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Dalil OUAHMED, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me HEURTEBISE

Société civile ETOILE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Dalil OUAHMED, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me HEURTEBISE

INTIMEE :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANG UEDOC agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN – ADDE – SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 22 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

M. Frédéric DENJEAN, Conseiller

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

**

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [T] [L] et son épouse née [U] [C] (les cautions) ont constitué la SCI Etoile (la SCI) immatriculée le 21 avril 2006, monsieur en étant gérant associé à hauteur de 19 parts tandis que madame est associée à hauteur de la part restante.

La SCI a accepté le 21 février 2007 une offre de crédit immobilier consentie par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc (la banque) d’un montant de 139306€ remboursable en 240 mensualités de 851,53€ au taux de 4,10% destiné au financement de l’acquisition d’un bien immobilier à Sommieres.

Par actes sous seings privés du 02 mars 2007, les époux [L] se sont portés cautions solidaires des engagements de la SCI pour une durée de 324 mois, à hauteur de 167167,20€.

La SCI n’ayant plus honoré les échéances du crédit, la banque l’a mise en demeure par courrier recommandé du 10 avril 2018, de même que chaque caution par lettres recommandées avec avis de réception des 10 avril et 13 juin 2018.

A défaut de régularisation dans les 10 jours, la déchéance du terme a été acquise.

Par acte d’huissier du 18 septembre 2018, la banque a assigné la SCI et les cautions devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de les entendre condamner au solde du crédit.

Par jugement du 14 novembre 2019, cette juridiction a :

donné acte à la banque de ce qu’elle ne réclame plus les intérêts dont il était demandé la déchéance pour défaut d’information annuelle des cautions ;

condamné solidairement la SCI et les cautions à payer à la banque la somme de 70049,75€ avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2018, débouté les cautions de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et la SCI et les cautions de leurs demandes de délais de paiement

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

condamné solidairement la SCI et les cautions aux dépens.

vu la déclaration d’appel du 23 décembre 2019 par la SCI et les cautions.

Vu leurs uniques conclusions transmises par voie électronique le 23 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur leurs moyens, au terme desquelles ils demandent, au visa des articles L313-10, L332-2 et L341-4 (nouveau L332-1) du code de la consommation, L313-22 du code monétaire et financier, 1134 ancien du code civil, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

à titre principal,

juger que les actes de cautionnement sont disproportionnés eu égard à la situation des époux [L] au jour de leur engagement et déchoir la banque de sa garantie ; la condamner à lui payer la somme de 5000 à titre de dommages et intérêts

à titre subsidiaire,

de juger que la banque a manqué à son obligation d’information et de conseil et la débouter de ses demandes ;

juger qu’aucune pénalité ou intérêts de retard au taux conventionnel ne sauraient leur être réclamés en raison du manquement de la banque à son obligation d’information annuelle de la caution

à toutes fins, allouer à la SCI et aux cautions les plus larges délais de paiement

en tout état de cause, condamner la banque à leur payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles la banque, au visa des articles 1103 et 2288 du code civil, demande de confirmer le jugement et de condamner les appelants à lui payer la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 22 août 2022.

MOTIFS

Sur la disproportion manifeste

Aux termes de l’article L. 341-4 , devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement qu’il incombe à la caution de rapporter, s’apprécie au regard de l’ensemble des engagements souscrits par cette dernière d’une part, de ses biens et revenus d’autre part, sans tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie, mais en fonction de tous les éléments du patrimoine, y compris la détention des parts d’une société civile immobilière et pas seulement de ses revenus.

Il appartient à la caution, qui l’invoque, de démontrer l’existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci.

En l’espèce, le premier juge a retenu au terme d’une analyse détaillée et pertinente de la ‘fiche de renseignements confidentiels cautions’ que celle-ci n’était pas opposable aux époux [L] qui n’en étaient ni rédacteurs ni signataires, toutes constatations et conclusions que la cour partage avec le premier juge.

Les époux [L] sont donc libres de démontrer qu’elle était leur situation financière réelle au jour de l’engagement.

Ils produisent à cette fin :

– une attestation d’acquisition par la SCI en date du 08 mars 2007 du bien situé à Sommières, financé par l’emprunt, sans indication de prix donc sans détermination de la valeur des parts sociales de la SCI qu’ils faussent ainsi volontairement pour la minorer au seul capital social de 100 euros ;

– un projet dressé par un comptable, duquel il ressort que le foyer, composé des deux parents cautions et de trois enfants percevait un revenu mensuel de 1167 euros au titre des seuls revenus de monsieur.

La banque réplique pour tenter de faire apprécier l’absence de disproportion que :

– les époux [L] étaient propriétaires d’un appartement sis [Adresse 8] dont les époux [L] se gardent de proposer aux débats la moindre estimation de valeur en mars 2007, pas plus que sur l’emprunt restant à amortir ;

– madame [L] percevait des prestations familiales de 656 euros mensuels portant le revenu mensuel à hauteur de 1800 euros

– des revenus locatifs mensuel de 900 euros sont mentionnés dans la fiche de renseignements

– les parts sociales de la SCI sont à prendre en considération, valorisées à hauteur de 100000 euros, valeur d’acquisition du bien acquis à Sommieres

– M. [L], artisan façadier, était dirigeant de deux sociétés dont il ne fournit aucune valorisation des parts sociales au jour de l’engagement.

En l’état de ces éléments, la cour se doit de constater que les époux [L] ne font pas la preuve de la plus complète loyauté dans le débat judiciaire au regard d’éléments produits par la banque.

Sont en effet à prendre en considération dans l’appréciation de leur situation financière au jour de l’engagement :

– la valorisation des parts sociales de la SCI par l’acquisition de l’immeuble à hauteur de 100000 euros tels que mentionnés dans l’acte de prêt, étant observé que le montant des échéances de 851 euros était couvert par la valeur locative de 900 euros de deux appartement loués ;

– la valeur de leur immeuble d’habitation à [Localité 5] qui peut en toute cohérence être fixée entre 140 et 160000 euros au regard de la valeur figurant non dans la ‘fiche de renseignements confidentiels caution’ non opposable mais dans un document signé dénommé situation patrimoniale non argué de faux qui mentionne une valeur estimée de 160000 euros avec 20000 euros de capital à rembourser;

– les prestations familiales perçues par madame.

Il en résulte alors que la preuve n’est pas rapportée que l’engagement de caution à hauteur de 167167 euros des époux [L] était manifestement disproportionné à leurs biens et revenus.

Le rejet de cette prétention entraîne le rejet de la demande subséquente en dommages et intérêts fondée sur le cautionnement excessif.

Sur les manquements de la banque

Les époux [L] forment une demande subsidiaire de dommages et intérêts en soulignant deux fautes commises par la banque : ne pas leur avoir remis le contrat de prêt et les actes de cautionnement après signature ; de mauvais conseils donnés par leur conseiller bancaire.

Le premier grief se heurte à la mention de l’engagement de caution selon laquelle chacun reconnaît que le contrat de prêt lui a été remis le 02 mars 2017 ; les engagements de caution dont les époux [L] ne pouvaient ignorer l’existence leur ont été transmis, s’il ne l’avaient été précédemment, le 23 juin 2018.

Le second grief se heurte à l’absence de toute documentation de ce qui ne ressort que d’allégations, les choix opérés par les époux [L] leur étant personnels à défaut de preuve contraire.

La demande indemnitaire sera rejetée à défaut de preuve de faute, préjudices et lien de causalité n’étant au demeurant pas plus étayés.

Sur la déchéance du droit aux intérêts pour manquement à l’obligation d’information annuelle

En l’absence d’appel incident de la banque qui demande confirmation du jugement lui ayant donné acte de ce qu’elle ne réclame plus les intérêts dont il était demandé la déchéance pour défaut d’information annuelle des cautions, la cour n’est pas saisie de ce point qui ne lui est pas dévolu.

Sur la demande de délais de paiement

L’application des dispositions de l’article 1244-1 devenues 1343-5 du code civil se heurte au double écueil de l’absence de bonne foi des époux [L] dans le débat judiciaire et de l’absence de toute démonstration d’une situation financière obérée de nature à leur octroyer des délais dont ils ont déjà bénéficié par l’écoulement du temps nécessaire au traitement de leur appel d’un jugement non assorti de l’exécution provisoire.

Parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la SCI Etoile et les époux [L] supporteront les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement en toutes ses dispositions dévolues à la cour

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SCI Etoile, M. [T] [L] et son épouse née [U] [C] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc somme de 1500€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum la SCI Etoile, M. [T] [L] et son épouse née [U] [C] aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

 


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