Droits des Artisans : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/03089

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Droits des Artisans : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/03089

4ème Chambre

ARRÊT N° 31

N° RG 22/03089

N° Portalis DBVL-V-B7G-SYEM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Novembre 2022, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l’issue des débats : 12 Janvier 2023, prorogée au 26 Janvier 2023

****

APPELANTE :

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble QUAI 152 [Adresse 3]

[Localité 7], représenté par son syndic, la société Citya Cagil Immobilier, dont le siège social est sis [Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Alain LE MAGUER de la SELARL LE MAGUER RINCAZAUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉS :

Monsieur [S] [W]

né le 30 Août 1979 à [Localité 8]

artisan boulanger, exploitant l’établissement ‘Chez Julie’

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Stéphan SEGARULL de la SELARL SEGARULL GUILLOU-PERRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

S.A.R.L. LENA

Prise en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphan SEGARULL de la SELARL SEGARULL GUILLOU-PERRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

SCI D’OLIVIER

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Xavier MASSIP de la SCP BG ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

S.C.I. ACT’YV

prise en la personne de ses gérants, monsieur [O] [R] et madame [T] [X], domiciliés es qualités audit siège et dûment habilités par délibération

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric-Pierre VOS de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Exposé du litige:

La SCCV Quai 152 a construit un immeuble situé face à la mer à [Localité 7], soumis au statut de la copropriété dont le règlement de copropriété et l’état descriptif de division ont été établis le 6 décembre 2018.

Le rez de chaussée de l’immeuble est affecté à des activités commerciales ou libérales tandis que les étages sont à destination d’habitation.

Suivant contrat du 28 mai 2021, la SCI d’Olivier, copropriétaire, a donné à bail à la société Lena le lot 9 au rez de chaussée, consistant en un local commercial et le lot 68 au sous-sol désigné comme un emplacement de stationnement double. Les lieux loués étaient destinés à l’exploitation d’une activité de boulangerie, pâtisserie, confiserie, chocolaterie, glacerie.

Pour l’exercice du commerce, le lot 68 a été transformé par la société Lena, avec l’accord de son bailleur, en un local recevant des équipements techniques, à savoir six groupes de climatisation et deux compresseurs.

La SCI Act’Yv, propriétaire d’un appartement occupé à titre de logement principal par M. [O] [R] et Mme [T] [X], au premier étage, au-dessus de la boulangerie s’est plainte de nuisances sonores provenant du local commercial et a fait diligenter des constats d’huissier décrivant cette situation.

Par actes d’huissier en date du 28 septembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Quai 152 [Adresse 3], représenté par son syndic, et la SCI Act’Yv ont fait assigner M. [S] [W] et la SCI d’Olivier devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient, aux fins de voir ordonner l’arrêt de toute activité de production de la boulangerie dans les locaux n°9 et 68, sous astreinte( RG 21/300)

Par acte d’huissier en date du 4 février 2022, le syndicat des copropriétaires a fait assigner devant le juge des référés la société Léna, société exploitante de la boulangerie aux mêmes fins. (RG 22/44)

Par acte d’huissier en date du 23 mars 2022, la société Léna a fait assigner devant le juge des référés la société Citya Cagil Immobilier, M. [R] et M. [B] [P], en qualité de membre du conseil syndical, aux fins de voir ordonner une expertise comptable de l’activité de la société et déterminer le coût de la remise en état des lieux dans le lot 68 et évaluer la perte d’exploitation subie ( RG 22/92).

Par ordonnance du 10 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient a :

-ordonné la jonction des deux premières instances (21/300 et 22/44)

-rejeté la demande de jonction de la troisième instance ;

– ordonné le renvoi de cette instance à l’audience des référés du 17 mai 2022 ;

– constaté le désistement d’instance et d’action du syndicat des copropriétaires à l’encontre de M. [W] et déclaré ce dernier hors de cause ;

– rejeté la demande visant à voir ordonner à la SCI d’Olivier et son locataire la société Léna de retirer, à compter de l’ordonnance, les appareils entreposés dans le local en sous-sol constituant le lot n°68 ;

– condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv à payer à M. [W] et la société Léna une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné ni solidum le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv à payer à la SCI d’Olivier une indemnité de 2 000 euros sur le même fondement ;

– condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv aux entiers dépens.

Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 17 mai 2022, intimant la société Léna, la SCI d’Olivier, M. [W] et la SCI Act’Yv.

La SCI Act’Yv a également interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 18 mai 2022.

Les affaires ont été jointes par ordonnance en date du 10 juin 2022 .

Dans ses dernières conclusions transmises le 15 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Quai 152 [Adresse 3], représenté par son syndic la société Citya Cagil Immobilier, demande à la cour au visa de l’article 835 du code de procédure civile, de :

– à titre principal, sur la demande reconventionnelle de sursis à statuer, de déclarer la société Léna et M. [W] irrecevables dans leur demande tendant à voir ordonner le sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Lorient dans la procédure enregistrée sous le n°RG 22/01100 ;

– débouter la société Léna, M. [W] et la SCI d’Olivier de leur demande tendant à voir ordonner le sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Lorient dans la procédure enregistrée sous le n°RG 22/01100 ;

Sur le fond,

– réformer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la demande visant à voir ordonner à la SCI d’Olivier et à son locataire la société Léna de retirer, à compter de l’ordonnance, les appareils entreposés dans le local en sous-sol constituant le lot n°68 et l’a condamné in solidum avec la SCI Act’Yv à payer à M. [W] et la société Léna une indemnité de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, à la SCI d’Olivier une indemnité de 2 000 euros sur le même fondement et à supporter les dépens.

Statuant à nouveau,

– condamner in solidum la SCI d’Olivier et la société Léna à retirer à compter de l’arrêt à intervenir les appareils qui ont été entreposés dans le lot n°68 situé en sous-sol de l’immeuble et à remettre le local dans son état initial à destination d’emplacement de stationnement et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois ;

– débouter la société Léna, M. [W] et la SCI d’Olivier de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner in solidum la SCI d’Olivier et la société Léna à lui payer une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; et à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Concernant la demande de sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Lorient, saisi par les intimés d’une action engagée le 15 juin 2022 afin de voir déclarer nuls le premier alinéa de l’article 13 du règlement de copropriété relatif à l’usage des emplacements de stationnement et la résolution n°3 de l’assemblée générale du 11 avril 2022, le syndicat des copropriétaires fait observer que cette demande est irrecevable en application des articles 954 et 910-4 du code de procédure civile, faute d’avoir été présentée dans le cadre des premières écritures de M. [W] et de la société Lena du 15 juillet 2022

Il estime qu’en tout état de cause cette demande est mal fondée puisque la cour, saisie d’une décision relative à l’existence ou non d’un dommage imminent, doit apprécier son existence à la date à laquelle le premier juge s’est prononcé, que de plus la clause litigieuse n’est pas contraire à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, qu’elle a été acceptée dans le règlement de copropriété par M. [J] qui était gérant de la société promoteur et l’est également de la société bailleresse et qu’elle permet de respecter les règles posées par le PLU en matière de stationnement. Il ajoute que la nullité éventuelle de la résolution n° 3 est sans conséquence sur le présent litige.

Il soutient que la modification de l’affectation du lot 68 entraîne un trouble manifestement illicite. Le syndicat fait observer que l’article 13 affecte l’usage des parkings au stationnement exclusif des voitures particulières et interdit une utilisation annexe aux activités commerciales, de sorte que l’aménagement réalisé par la société Lena avec l’accord de son bailleur qui a impliqué des modifications sur les parties communes contrevient à ces dispositions ce qui caractérise un trouble manifestement illicite.

L’appelant conteste que ces modifications soient intervenues de manière transparente à l’égard du syndic et des membres du conseil syndical, désignés par l’assemblée constitutive du 2 juin 2021, ce d’autant que le bail commercial n’a jamais été communiqué au syndic comme l’exige l’article 25 du règlement. Il soutient que le conseil syndical a contesté les travaux réalisés dans le lot 68, bien avant la fin de leur exécution comme en attestent les procès-verbaux produits.

Il relève également que ces installations qui génèrent une chaleur importante sont situées à proximité du local de stockage des poubelles dans lequel se trouvent des containers inflammables et où les travaux de la société Lena ont entraîné la suppression du flocage anti-feu, ce qui crée un risque en cas d’incendie. Il ajoute que cette chaleur rend propice le développement de parasites dans les poubelles et que le sous-sol est sujet à des inondations, de sorte que cette installation est contraire aux règles de sécurité et que sa suppression est de nature à prévenir un dommages imminent.

Dans ses dernières conclusions transmises le 25 octobre 2022, la SCI Act’Yv demande à la cour de 

À titre liminaire,

– débouter la société Léna, M. [W] et la SCI d’Olivier de leur demande tendant à voir ordonner le sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Lorient dans la procédure enregistrée sous le n°RG 22/01100 ;

Par suite, au fond,

-infirmer l’ordonnance rendue le 10 mai 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient, sous le n°RG 21/00300, en ce qu’elle l’a déboutée de toutes ses demandes tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage et manifestement illicite dont elle souffre du fait de l’exploitation de la société Léna dans les locaux donnés à bail par la SCI d’Olivier et ce, sous peine d’astreinte, outre la condamnation des défenderesses aux frais et dépens de la procédure et a rejeté toutes les demandes visant à voir ordonner à la société d’Olivier et à son locataire, la société Léna, à retirer les appareils et équipements entreposés dans le local au sous-sol ; l’a condamnée in solidum avec le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 2 000 euros, d’une part, à la société Léna et M. [W] et, d’autre part, à la SCI d’Olivier et à supporter les dépens,

Statuant à nouveau,

– débouter la société Léna, M. [W] et la SCI d’Olivier de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

-ordonner à la société Léna de cesser son activité de production et fabrication dans les locaux donnés à bail par la SCI d’Olivier, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de sept jours suivant la signification de la décision à intervenir et d’ordonner de retirer, à compter de la décision à intervenir les appareils qui ont été entreprosés dans le local en sous-sol appelé lot n° 68 ;

– condamner la société Léna, M. [W] et la SCI d’Olivier à lui payer in solidum la somme de 4000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

La SCI rejoint l’argumentation du syndicat des copropriétaires relative au rejet de la demande de sursis à statuer. Elle estime que l’interdiction posée par l’article 13 n’est pas contraire aux dispositions de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965.

Sur le fond, elle fait grief au premier juge d’avoir statué infra petita n’ayant pas examiné sa demande de cessation de l’activité de la boulangerie en raison des troubles qu’elle engendre pour les occupants de l’appartement situé au dessus, ce qui justifie l’annulation de l’ordonnance.

En tout état de cause, elle soutient que le trouble manifeste exigé par l’article 835 du code de procédure civile est caractérisé, puisque la transformation de l’usage du lot 68 est contraire aux dispositions du règlement de copropriété en l’absence d’autorisation de l’assemblée générale. Elle objecte qu’il appartient au propriétaire du lot et à l’exploitant de vérifier que l’activité commerciale prévue ne contrevient pas au règlement de copropriété et conteste que son gérant, membre du conseil syndical ait pris une part active aux modalités d’exécution de ces travaux. Elle relève que la société Léna a de plus violé les dispositions de son bail qui lui fait obligation de respecter les règlements applicables dans l’immeuble.

La SCI soutient en outre que les conditions d’exploitation de la boulangerie affectent les droits des autres copropriétaires ce dont témoignent les constats d’huissier produits, ce qui justifie l’arrêt de l’activité et le retrait des équipements litigieux

Elle ajoute que l’existence d’un dommage imminent est également démontrée, notamment au regard de la sécurité incendie, ce d’autant que la société Lena a installé dans les locaux au rez de chaussée un four à pizza de grande dimension qui génère une chaleur importante dans l’appartement, mais également dans la cave voisine dont elle est propriétaire. Elle relève que ce risque est de plus aggravé par la suppression lors des travaux dans le lot 68 du flocage anti-incendie présent dans le local de stockage des poubelles.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 14 novembre 2022, M. [W] et la société Léna demandent à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 10 mai 2022 ;

– dire et juger M. [S] [W] recevable et bien fondé en ses demandes;

Y faire droit,

En conséquence,

– déclarer irrecevable l’action introduite par le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv à l’encontre de M. [S] [W] ;

– débouter le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de M. [S] [W] ;

– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv à verser à M. [W] la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les mêmes aux entiers dépens d’instance ;

– dire et juger la société Léna recevable et bien fondée en ses contestations, fins et conclusions ;

Y faire droit,

En conséquence,

– dire et juger irrecevable la SCI Act’Yv de sa demande de cessation d’activité de production et de fabrication de la boulangerie exploitée au rez-de-chaussée de la copropriété par la société Léna ;

– débouter le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv de leurs demandes de retrait sous astreinte des matériels situés dans le local à usage privatif n°68 en sous-sol de la copropriété ;

– les dire mal fondées,

Subsidiairement au fond,

– surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive purgée de tout recours à intervenir dans l’instance pendante devant le Tribunal judiciaire de Lorient (RG 22/01100),

– débouter la SCI Act’Yv de sa demande de cessation d’activité de production et de fabrication de la boulangerie exploitée au rez-de-chaussée de la copropriété par la société Léna ;

– la dire mal fondée,

– débouter le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;

– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv à verser à la société Léna la somme de 9500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens d’instance.

M. [W] et la société Léna font valoir qu’a toujours été convenue l’installation dans l’immeuble d’une boulangerie et non d’un dépôt de pain, ce qui implique le pétrissage, le façonnage et la cuisson sur place, de sorte que les sujétions techniques étaient connues du promoteur, du syndic et des membres du conseil syndical, ce dont attestent leurs échanges avec la société Léna, observant que les travaux d’aménagement ont duré plusieurs semaines. Ils font observer que la validation des carrotages a été obtenue en mai 2021, sans remarque particulière, que des réunions ont été organisées entre les parties intéressées pour définir le choix et l’emplacement des appareils et que les études acoustiques ont été demandées et les corrections nécessaires apportées pour éviter les nuisances dans l’appartement au dessus de la boulangerie.

Ils demandent qu’il soit sursis à statuer jusqu’à ce que le tribunal se prononce sur la validité de l’article 13-3° du règlement de copropriété au regard de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 qui interdit au règlement de copropriété d’imposer une restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, par ses caractères ou sa situation compte tenu d’un risque de contrariété de décision.

Ils ajoutent que de même la contestation de la validité de la résolution n° 3 de l’assemblée générale du 11 avril 2022 qui a modifié la majorité requise entre la convocation et la tenue de la réunion justifie le sursis à statuer.

M.[W] fait remarquer que la demande de cessation d’activité présentée à son encontre est irrecevable puisque le commerce est exploité par la société Léna, ce qui avait conduit le syndicat des copropriétaires et la SCI Act ‘Yv à se désister de cette demande à son encontre.

La société Léna soutient que la demande de cessation d’activité  de la SCI Act’Yv est irrecevable puisqu’elle s’en est désistée devant le juge des référés comme en attestent les notes d’audience, même si l’ordonnance n’en fait pas mention, ce qui ne peut justifier son annulation ; que ce désistement résultait

du fait qu’à cette date il n’existait plus de nuisances dans l’appartement générées par l’exploitation au rez de chaussée.

Sur le fond, elle soutient que la demande de retrait du matériel et de cessation d’activité est mal fondée. Elle conteste l’existence d’un trouble manifestement excessif dès lors que la modification de l’affectation du lot 68 qui abrite les compresseurs et les groupes de climatisation est conforme à la destination mixte de l’immeuble et à l’article 11 du règlement de copropriété et ne nécessite donc pas d’autorisation de l’assemblée générale. Elle relève qu’elle n’entraîne pas de nuisances démontrées aux copropriétaires. La société fait observer que le constat du 19 août 2022 dressé à la demande de la copropriété établit l’absence de nuisances sonores, ce qui l’a conduit à déplacer le litige sur une augmentation de la chaleur générée par ce local alors que les mesures ont été prises pendant une période de canicule et que cette augmentation n’a pas été constatée lors de la réunion d’expertise un mois plus tard. Elle constate que les nuisances provenant du commerce au rez de chaussée ne sont pas non plus démontrées par la SCI.

Elle conteste également l’existence d’un dommage imminent en raison d’un risque d’incendie et relève que les photographies produites par les appelantes ne concernent pas le local de stockage des poubelles, que les travaux n’y ont pas conduit à la suppression du flocage qui en tout état de cause n’a pas de vocation coupe-feu et est déjà tombé dans d’autres parties du sous-sol, en avril 2021, sans lien possible avec les équipements installés dans le lot 68. Elle relève que le four à pizza se trouve au rez de chaussée au droit de la terrasse végétalisée des parties communes et non en dessous de la terrasse de la SCI, ni de l’appartement et n’est pas alimenté par les équipements situés au sous-sol, que le risque d’inondation n’est pas non plus établi.

Dans ses dernières conclusions transmises le 15 novembre 2022, la SCI d’Olivier demande à la cour de :

A titre liminaire,

– surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes présentées par le syndicat de copropriété et la SCI Act’Yv dans l’attente d’une décision définitive, purgée de tout recours, à intervenir dans l’instance actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Lorient et enregistrée sous le RG n°22/01100 ;

– déclarer la demande de la SCI Act’Yv tendant à voir ordonner la cessation par la société Léna de son activité de production et de fabrication dans les locaux donnés à bail par la SCI d’Olivier irrecevable en tant que nouvelle en cause d’appel, et en conséquence la rejeter ;

Sur le fond, et à titre principal, confirmer l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions et en ce qu’elle a :

– rejeté la demande visant à voir ordonner à la SCI d’Olivier et son locataire la société Léna de retirer les appareils entreposés dans le local en sous-sol constituant le lot numéro 68 et de remettre le ledit local dans son état initial ;

– condamné in solidum le syndicat de copropriété et la SCI Act’Yv à verser à la SCI d’Olivier, d’autre part, une indemnité d’un montant de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles outre aux entiers dépens ;

– condamné in solidum le syndicat de copropriété et la SCI Act’Yv aux entiers dépens ;

Et en conséquence et y additant,

– débouter le syndicat de copropriété et la SCI Act’Yv de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner in solidum le syndicat de copropriété et la SCI Act’Yv à verser à la SCI d’Olivier la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

– ordonner que le jeu de l’astreinte ne commencera à courir, au plus tôt, qu’après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ;

– réduire le montant de l’astreinte qui serait prononcée au strict minimum et à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

– condamner in solidum le syndicat de copropriété et la SCI Act’Yv en 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

La SCI d’Olivier rejoint l’argumentation de la société Léna sur la demande de sursis à statuer jusqu’à ce que le litige relatif à la validité de la restriction d’usage des lots privatifs ait fait l’objet d’une décision purgée de tout recours. Elle ajoute que les motifs de respect des règles d’urbanisme invoqués par le syndicat des copropriétaires pour justifier l’usage défini pour les emplacements de stationnement ne sont pas fondés compte tenu de la surface du local commercial.

Elle estime que la demande de cessation d’activité présentée par la SCI est irrecevable puisqu’elle s’en était désistée devant le juge des référés, ce sorte que cette demande est nouvelle en appel.

Elle rejoint également l’argumentation de la société Léna quant à l’absence de trouble manifestement illicite occasionné par la modification d’affectation du lot 68, compte tenu de l’impossibilité pour le règlement de copropriété d’imposer des restrictions aux droits des copropriétaires sur leurs parties privatives dès lors que la destination de l’immeuble est respectée et qu’elle n’entraîne pas de nuisances.

Concernant la demande de la SCI Act’Yv d’arrêter l’activité de production et de fabrication dans les locaux donnés à bail, la SCI d’Olivier objecte que l’existence de nuisances subies dans l’appartement n’est pas démontrée suite aux travaux réalisés et que de même la chaleur générée par les installations au rez de chaussée n’est pas établie. Elle ajoute que les équipements installés dans le lot 68 sont surélevés ce qui exclut un risque en cas d’inondation observant que la présence d’une faible quantité d’eau a été constatée une seule fois dans l’immeuble.

A titre subsidiaire, elle soutient que l’arrêt de l’exploitation du fond ne peut intervenir de façon immédiate, sauf à générer une perte d’exploitation et de denrées importante, qu’un délai de six mois doit lui être accordé.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 novembre 2022.

Motifs :

-Sur la demande de sursis à statuer :

En application de l’article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent présenter dès les conclusions mentionnées à l’article 905-2, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, lesquelles doivent être reprises dans le dispositif de leurs conclusions conformément à l’article 954.

En l’espèce, il apparaît que M. [W] et la société Léna ont déposé leurs conclusions en application de l’article 905-2 du code de procédure civile le 15 juillet 2022. Si ces écritures sollicitaient un sursis à statuer, cette demande n’était pas reprise dans le dispositif, lequel demandait au contraire la confirmation de l’ordonnance qui a rejeté cette demande, de sorte que celle-ci est irrecevable.

Cette demande est toutefois régulièrement présentée par la SCI d’Olivier au regard des textes susvisés et doit donc être examinée.

Il est justifié de la saisine du tribunal judiciaire de Lorient par cette société pour contester l’article13 du règlement de copropriété qui stipule, s’agissant des stationnements en sous-sol, qu’il ne pourra y être exploité aucun atelier de réparation et qu’ils ne pourront être utilisés comme annexes aux activités commerciales ( stockage ou remises), en ce que cette disposition contrevient à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 qui pose comme principe que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires sur leurs parties privatives en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, par ses caractères et sa situation et à l’article 9 qui prévoit une jouissance libre par le copropriétaire des parties privatives et communes sous la conditions de ne pas porter atteinte à la destination de l’immeuble ni aux droits des autres copropriétaires.

Toutefois, les demandes présentées par le syndicat et la SCI Act’Yv ne dépendent pas uniquement de l’appréciation de la validité de cette clause.

Par ailleurs, comme le relèvent les appelants, l’annulation également demandée de la résolution n°3 de l’assemblée générale du 11 avril 2022 n’est pas de nature à avoir des conséquences sur le présent litige. En effet, au constat de l’absence de l’unanimité considérée nécessaire à la modification de l’article 13, aucune décision n’a été votée et le règlement est demeuré dans sa rédaction initiale qui ne sera pas affectée par une annulation de la résolution.

En conséquence, le rejet de cette demande par le juge des référés est confirmé.

-Sur la recevabilité des demandes de cessation d’activité et de retrait des équipements du lot 68 :

*Sur la recevabilité des demandes à l’encontre M. [W] :

L’ordonnance critiquée a constaté le désistement d’instance et d’action du syndicat des copropriétaires à l’encontre de M. [W]. Le syndicat l’a intimé dans l’instance d’appel, alors qu’il résulte sans la moindre équivoque du bail que le local litigieux est exploité par la société Léna. Toutefois, il n’est présenté devant la cour aucune demande contre lui par le syndicat relativement au retrait des équipements et à la remise en état du lot 68.

Il en est de même en ce qui concerne la SCI Act’Yv. La note de l’audience du 5 avril 2022 en première instance met en évidence que celle-ci s’était également désistée de ses demandes à son encontre, ce que le juge des référés a omis de constater dans sa décision et sera corrigé par la cour.

*Sur la recevabilité de la demande de cessation de l’activité de boulangerie de la SCI Act’Yv :

La société Léna soutient que la SCI s’est désistée de cette demande devant le premier juge à l’audience du 5 avril 2022. L’ordonnance ne contient aucune mention en ce sens et rappelle les prétentions de la SCI contenues dans ses conclusions reçues le 28 mars 2022 et notamment la demande de cessation de l’activité de production et de fabrication dans les locaux donnés à bail sous astreinte, ainsi que le retrait des appareils entreposés dans le lot 68.

La note d’audience de la procédure RG 21/300 précise certes que la société ne demande pas la cessation de l’activité de la boulangerie mais mentionne entre parenthèse « lot 68 » donc le lot au sous-sol et ajoute que la boulangerie est au dessous de l’appartement, ce qui entraîne des troubles. La note d’audience dans la procédure 22/44 indique que le conseil de la SCI demande la remise en état du lot 68 sous astreinte. Il ne peut donc être déduit de ces documents un désistement à l’audience de la SCI Act’Yv de sa demande de cessation de l’activité exercée dans les lieux loués. Sa demande devant la cour est recevable.

-Sur la demande d’annulation de l’ordonnance par la SCI Act’Yv :

La SCI relève que le premier juge a statué infra petita et n’a pas examiné sa demande d’arrêt de l’activité ce qui justifie l’annulation de la décision. Toutefois, cette prétention n’est pas reprise dans le dispositif de ses écritures et n’a donc pas à être examinée par la cour conformément à l’article 954 du code de procédure civile.

-Sur les demandes de cessation de l’activité de boulangerie dans les lieux loués et de retrait des équipements du lot 68 :

Ces demandes, présentées s’agissant de la cessation d’activité uniquement par la SCI Act’Yv sont fondées sur l’article 835 du code de procédure civile qui donne au juge des référés le pouvoir, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est constant que pour apprécier le trouble ou le risque allégué, la cour doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision.

*Sur le trouble manifestement illicite :

Le règlement de copropriété (pièce 18 du syndicat) en son article 11 dispose que l’immeuble est à usage principal d’habitation et pour partie à usage commercial et de profession libérale, que tout changement de la destination d’un local, non conforme à la destination prévue est soumis à l’accord des copropriétaires.

Les dispositions relatives à l’usage des parties privatives sont prévues à l’article 13 et rappellent que chaque copropriétaire aura en ce qui concerne les locaux lui appartenant le droit d’en jouir et d’en disposer librement à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires et de ne rien faire qui puisse compromettre la solidité, la sécurité ou la tranquillité de l’immeuble, ce qui constitue une application des dispositions de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965.

L’obligation pour les activités commerciales de n’occasionner aucun trouble par rapport à la destination de l’immeuble est en outre rappelée au second paragraphe de cet article. Le règlement de copropriété n’énonce cependant aucun type d’activités commerciales interdites dans les locaux situés au rez de chaussée de l’immeuble, la seule limite à l’exploitation étant donc constituée par l’absence de nuisances de toute nature aux autres copropriétaires.

L’article 13-3° prévoit des dispositions particulières, s’agissant des emplacements de stationnement et stipulent que les parkings et garages ne peuvent servir qu’au stationnement des voitures particulières à l’exclusion du stationnement de tout autre véhicule, caravane, camping-car remorques, bateaux, etc, qu’il ne peut y être exploité aucun atelier de réparation et qu’ils ne peuvent être utilisés comme annexes aux activités commerciales.

La demande d’arrêt de l’activité dans les locaux donnés à bail :

Cette demande de la SCI Act’Yv concerne les locaux situés au rez de chaussée sous son appartement.

L’activité commerciale de boulangerie, pâtisserie, confiserie, chocolaterie et activités annexes prévues dans le bail conclu entre la SCI d’Olivier et la société Léna et développée dans le lot 9 ne contrevient pas en elle-même au règlement de copropriété. Elle implique nécessairement la mise en place d’ une zone de production dont les équipements sont installés à l’intérieur de ce lot comme en attestent les constats du commissaire de justice et les analyses acoustiques et non au sous-sol dans le lot 68.

L’exploitation commerciale au rez de chaussée est conforme la destination mixte de l’immeuble. Sa cessation ne peut donc être ordonnée qu’à charge pour la SCI Act’Yv de rapporter la preuve que cette activité lui occasionne des nuisances.

Sur ce point, il résulte des pièces produites que, suite à l’ouverture de la boulangerie le 4 août 2021, les occupants de l’appartement propriété de la SCI Act’Yv situé au dessus de local commercial se sont plaints dès le 11 août suivant de nuisances nocturnes et notamment de bruits de compresseur au dessous de la chambre parentale et de bruits de fabrication (chocs, chariots). La société Lena justifie avoir fait réaliser des mesures acoustiques par la société JLBI entre le 1er juillet et le 29 novembre 2021 qui ont permis d’évaluer les dépassements des émergences réglementaires et la gêne ressentie par les occupants de l’appartement et de préconiser les travaux permettant de respecter les normes. L’exploitante verse aux débats les factures des travaux réalisés jusqu’au début 2022 pour mettre en conformité les locaux de la zone de production avec les préconisations des études et notamment la pose de sol souple et de matériaux destinés à éviter les transmissions solidiennes.

La SCI Act’Yv ne démontre pas la persistance de ces nuisances acoustiques et ne produit notamment aucun constat en ce sens à compter de fin janvier 2022.

Elle invoque également une augmentation de la chaleur dans l’appartement et dans sa cave n°49 au rez de chaussée, générée par l’unité de production de la boulangerie et produit au soutien de son argumentation un procès-verbal de commissaire de justice du 19 août 2022.

Ce constat énonce une température dans la cave n°49 supérieure de 7 degrés à celle relevée dans la cave n°38 de M. [P]. Toutefois, outre que la comparaison avec une seule autre cave n’est pas significative, le plan des lieux démontre que les deux caves sont orientées différemment, la cave de la SCI se situant dans la partie sud de l’immeuble. Par ailleurs au regard du plan du local commercial annexé au constat du 21 août 2021, la cave litigieuse ne jouxte pas le fournil.

S’agissant des appartements, le commissaire de justice a relevé, dans celui de M. [P] situé au milieu du premier étage et séparé de celui de la SCI par 5 autres appartements, une température sur le mur en béton banché, à hauteur d’homme de 21,8° côté boulangerie et de 20,1° sur le mur opposé. Il n’est pas précisé si cet appartement dispose ou non d’un système de climatisation en fonctionnement lors des relevés. Dans l’appartement de la SCI, situé le plus au sud de l’immeuble et disposant de grandes surfaces vitrées, le constat énonce un écart important entre l’extérieur (18°) et l’intérieur (entre 23,2 et 25,5°) et une température croissante en se rapprochant du sol. Cependant il ne peut être établi un lien certain entre cette constatation et l’exploitation de la boulangerie, en l’absence de possibilité de corréler ces relevés avec la situation des équipements de la boulangerie produisant de la chaleur. La SCI ne peut invoquer une augmentation prévisible de cette nuisance du fait de l’installation d’un four à pizza. En effet, les photographies non discutées de l’intérieur du local commercial produites par la société Léna montrent que ce four est situé en pignon sud, près de la porte de sortie sur l’extérieur dans une partie qui ne se situe pas sous l’appartement de la SCI, mais sous la terrasse végétalisée, partie commune.

De plus, à l’issue de sa première visite le 20 septembre 2022, en fin de la période caniculaire de l’été, l’expert, interrogé sur la nécessité d’étendre les opérations d’expertise à des troubles calorifiques a précisé ne pas en avoir constatés de façon évidente lors de la visite des lieux.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la SCI ne justifie pas de nuisances émanant de l’exploitation commerciale au rez de chaussée de nature à caractériser un trouble anormal du voisinage et par suite un trouble manifestement illicite. Sa demande de cessation d’activité ne peut être accueillie à ce titre.

Le retrait des équipements du lot 68 et sa remise en état:

Le lot 68 situé au sous-sol de l’immeuble est désigné dans l’état descriptif de division intégré dans le règlement de copropriété dont il constitue l’article 10, comme un emplacement de stationnement double clos.

Il est acquis qu’il accueille six groupes de climatisation et deux compresseurs, équipements destinés à la production de froid pour les vitrines situées dans la boulangerie au dessus.

S’agissant d’un local accessoire à une activité commerciale, sa désignation dans le règlement de copropriété n’empêche pas en elle-même d’en changer l’affectation en l’absence de contrariété avec la destination de l’immeuble et d’atteinte aux droits des autres copropriétaires. En l’espèce, la destination de l’immeuble est mixte et il est établi par les études acoustiques que le risque d’émergences sonores supérieures aux normes dans l’appartement de la SCI Act’Yv au premier étage avait été évalué en juillet 2021, dès avant l’ouverture de la boulangerie et la mise en fonctionnement de ces équipements et a été traité par les travaux effectués par la société Léna. Il n’est fait état d’aucune plainte au titre de nuisances dans d’autres appartements du fait de la modification d’affectation de ce lot.

Les constats du commissaire de justice établis le 19 août 2021 et le 19 août 2022 témoignent du bruit généré par le fonctionnement des équipements à ce niveau, lequel est cependant destiné, comme le rappellent les appelants, uniquement au stationnement des voitures des propriétaires, ce qui ne perturbe pas la jouissance de ces espaces.

En revanche, les stipulations de l’article 13-3°du règlement de copropriété interdisent une utilisation de ces espaces comme annexe d’une activité commerciale.

Les pièces produites établissement que la modification de l’affectation du lot litigieux qui se situe près de la porte d’accès au sous-sol, immédiatement à la suite du local de stockage des poubelles, n’a pas été réalisée de façon dissimulée.

Les échanges de mails et de textos entre la bailleresse et sa locataire d’une part et entre M. [R], associé de la SCI Act’Yv et membre du conseil syndical à l’instar de M. [P] son président, d’autre part, démontrent en effet que ces derniers ont été effectivement avisés de la pose des équipements litigieux dans le garage au sous-sol, voire associés à la définition des travaux devant y être effectués afin de pallier les nuisances acoustiques identifiées par le fonctionnement des groupes et compresseurs dès avant l’ouverture du commerce et de les corriger. Il est ainsi démontré qu’en juin 2021 (pièce 6), M. [R] avait recommandé à M. [W], pour son efficacité acoustique, un groupe d’insufflation ; que l’étude acoustique de juillet 2021 lui avait été communiquée, ( pièce 7-2) et qu’il avait également discuté les solutions d’isolation.

Il est justifié de la tenue de réunions entre les copropriétaires intéressés, l’exploitant du commerce et le président du conseil syndical à ce sujet (pièces 8 et 11). Celle relatée dans le mail de M. [R] du 27 juillet 2021 qui y mentionne la présence du syndic de la copropriété vise l’article 13 uniquement dans ses paragraphes 1 et 2 relatifs à l’absence de nuisances. M. [P] président du conseil syndical, en juillet 2021 avait conseillé à M [W] de surélever les groupes en raison d’inondations dans les garages dont les travaux de traitement n’étaient pas encore programmés.

Si le règlement de copropriété doit être respecté par les copropriétaires et les occupants des lots, le syndic de copropriété, désigné à titre provisoire par le vendeur avant l’assemblée constitutive du 28 mai 2021 (cf acte de vente de la SCI Act’Yv) et assisté dans sa mission par le conseil syndical doit également vérifier que les travaux dont il a connaissance, exécutés dans les lots sont conformes aux dispositions de ce document.

Il résulte donc des pièces rappelées plus haut que la société Léna et sa bailleresse ont opéré une modification de l’affectation du lot 68 conforme à la destination mixte de l’immeuble et procédé pendant plusieurs mois aux

investissements nécessaires à la suppression des nuisances en réalisant des travaux d’isolation du local lui-même et des équipements installés, sans que le syndic ou le conseil syndical qui ont évoqué lors des échanges l’article 13 du règlement pour demander des corrections acoustiques ne fassent état de la limitation d’usage de ce lot prévue au 3°, ce qui était de nature à générer une ambiguïté sur l’acceptabilité de cette modification par la représentation de la collectivité des copropriétaires.

Par ailleurs, il apparaît que la limitation posée par l’article 13-3° du règlement est remise en cause par de nombreux copropriétaires comme en témoigne la demande de réunion d’une assemblée générale extraordinaire pour en modifier les termes et limiter une utilisation autre que le stationnement d’une voiture particulière au respect des normes de sécurité notamment d’incendie et à la destination de l’immeuble.

Au regard de ces éléments, de l’absence de nuisances démontrées pour les copropriétaires dans la jouissance de leurs lots ou des parties communes du fait de cette modification, le trouble invoqué du fait de la modification d’usage de ce lot ne présente pas un caractère manifestement excessif justifiant le retrait de ces équipements.

*Le dommage imminent :

Le syndicat des copropriétaires et la SCI Act’Yv invoquent un risque d’incendie lié à la chaleur dégagée par les appareils situés dans le lot 68, mise en évidence dans les procès-verbaux du commissaire de justice d’août 2021 en insistant sur son positionnement proche du local de stockage des poubelles qui contient des équipements inflammables et dans lequel le flocage anti-feu au plafond a été supprimé lors des travaux dans le lot litigieux. Ils rappellent également la survenance d’ inondations dans le sous-sol.

Le constat du 19 août 2021 mentionne une température dans le local de stockage des poubelles de 28,1°. Il est établi que la société Socotec a été consultée par la société exploitante pour déterminer si les installations dans le lot au sous-sol remettaient en cause la solidité de l’immeuble, la sécurité incendie et l’isolation thermique de la résidence.

Dans son rapport du 27 septembre 2021, la société Socotec a conclu à l’absence de risque à l’égard de la solidité de l’immeuble. Elle a défini des travaux devant être complétés pour assurer la sécurité incendie et pris acte de la demande du conseil syndicat que le local 68 soit isolé sur le plan thermique par rapport au garage et au local poubelles, situés de chaque côté du lot, en précisant que cette isolation n’était pas obligatoire réglementairement.

Il est justifié d’un rapport de la société Socotec du 1er février 2022 ayant pour objet la vérification de l’exécution des travaux préconisés. Ce rapport confirme que les travaux sont conformes à la réglementation incendie et à l’isolation thermique par rapport aux locaux adjacents.

Il est par ailleurs rappelé dans ces documents que le plancher haut du lot est en béton banché coupe feu une heure minimum et protégé par un flocage destiné à assurer l’isolation thermique des locaux non chauffés au sous-sol par rapport aux locaux chauffées du rez de chaussée. Ce flocage présent dans l’ensemble des lots du sous-sol et dans la circulation comme en témoignent les photographies versées par les différentes parties n’a donc pas de vocation coupe-feu. La société Socotec a également précisé que les murs latéraux avaient été doublés afin d’atteindre un niveau coupe-feu de deux heures.

Les appelants ne versent aux débats aucun avis technique de nature à remettre en cause l’analyse de Socotec.

Il est démontré de plus par la société Léna et la SCI d’Olivier que la chute de partie du flocage en plafond s’est produite dans l’espace de circulation du sous-sol en 2020 et avait donné lieu à une demande de reprise au constructeur en charge de ces travaux ( pièce 47), qu’elle s’est renouvelée en avril 2021 dans le garage de M. [P], éloigné, selon le plan du sous-sol, du lot 68. Il ne peut donc être établi aucun lien de causalité entre ces événements et les travaux réalisés ultérieurement dans le lot 68. Quant au développement de parasites dans les poubelles déploré par le syndicat du fait de la chaleur dans le local, le mail de M. [P] (pièce 37) pointe au delà de celle-ci un défaut d’entretien, de nettoyage et d’utilisation des containers.

Le risque d’inondation de nature à impacter les équipements qui sont surélevés n’est pas avéré. Les photographies produites démontrent la présence d’une faible hauteur d’eau dans le sous-sol, à une date qui n’est pas précisée sur les photographies produites et il est établi par la facture de la société Satem du 30 mars 2022, que des travaux ont été réalisés pour solutionner ces entrées d’eau sans que leur récurrence ne soit démontrée ultérieurement.

Au regard de ces éléments, l’existence du dommage imminent allégué n’est pas démontrée.

En conséquence, la demande de retrait des équipements et de remise en état ne peut être accueillie.

-Sur les demandes annexes :

Compte tenu des éléments de contexte du litige rappelé plus haut, il n’apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel. Les demandes à ce titre seront rejetées et l’ordonnance réformée.

Les dispositions de l’ordonnance relatives aux dépens sont confirmées. Succombant en leurs prétentions, le syndicat des copropriétaires et la SCI Art’Yv seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Constate le désistement d’instance et d’action de la SCI Act’Yv contre M. [S] [W],

Déclare recevable la demande de la SCI Act’Yv de voir ordonner la cessation de production et de fabrication dans les locaux donnés à bail par la SCI d’Olivier,

Déboute la SCI Act’Yv de cette demande,

Confirme l’ordonnance sauf en ce qui concerne les condamnations au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Déboute les parties de leurs demandes de frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de la résidence de l’immeuble Quai 152 et la SCI Act’Yv aux dépens d’appel.

Le Greffier, Po/ Le Président empêché,

B. DELAPIERREGROSSE

 


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