COUR D’APPEL D’AGEN
—
Chambre civile
N° RG 22/00254
N° Portalis DBVO-V-B7G -C7NM
GROSSES le
aux avocats
N° 45-2023
ORDONNANCE D’INCIDENT
DU 26 Avril 2023
APPELANTE :
SCP ODILE STUTZ en qualité de liquidateur de M. [N] [P]
[Adresse 9]
[Localité 15]
représentée par Me Gilles HAMADACHE, avocat au barreau d’AGEN
APPELANTE d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire d’AGEN le 25 janvier 2022, RG : 19/01203
INTIMÉS :
Monsieur [J] [S]
né le 11 juillet 1944 à [Localité 10]
de nationalité française, retraité
Madame [Y] [C] épouse [S]
née le 06 mars 1946 à [Localité 14]
de nationalité française, retraitée
domiciliés ensemble : [Adresse 11]
[Localité 5]
représentés par Me David DUBUISSON, cabinet ALPHA CONSEILS, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Alexis BAUDOUIN, SCP TEN FRANCE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de POITIERS
Monsieur [N] [P]
né le 23 mai 1969 à [Localité 15]
de nationalité française, artisan
domicilié : [Adresse 13]
[Localité 5]
Madame [B] [D]
née le 29 juillet 1968 à [Localité 12]
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 4]
[Localité 2]
Assignés, n’ayant pas constitué avocat
A l’audience tenue le 22 mars 2023 par André BEAUCLAIR, président de chambre faisant fonction de conseiller de la mise en état à la chambre civile de la cour d’appel d’AGEN, assisté de Nathalie CAILHETON, greffière, sur saisine d’office, a été évoquée la présente affaire, les représentants des parties ayant été entendus ou appelés.
A l’issue des plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré, l’ordonnance devant être rendue ce jour.
‘ ‘
‘
Le 29 juin 2017, les époux [N] [P] et [B] [D], en instance de divorce, ont signé un mandat de vente exclusif avec l’agence immobilière VALADIE IMMOBILIER, portant sur un bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 5] (47) cadastré section AB n°[Cadastre 6]-[Cadastre 7]-[Cadastre 8], leur appartenant en indivision.
Aux termes d’une lettre d’intention d’achat du 15juillet 2017, les époux [J] [S] et [Y] [C] ont fait une offre d’achat portant sur ce bien moyennant un prix de 177.400 euros, frais d’agence inclus.
Le 05 septembre 2017, la SCP Odile STUTZ, agissant es-qualites de liquidateur de M. [P], artisan, a adressé un courrier aux époux [S], leur indiquant qu’elle devait présenter une requête au juge commissaire afin d’être autorisée à signer I’acte de vente de ce bien indivis, et les invitant à lui adresser un chèque d’arrhes de 10 % du prix proposé, qui resterait définitivement acquis à la procédure en cas de désistement pour un motif autre que la non-survenance d’une des éventuelles conditions suspensives énoncées dans leur proposition.
Le 29 septembre 2017, les époux [S] ont émis une offre ferme d’acquisition pour un prix de 170.000,00 euros net vendeur, et adressé un chèque d’arrhes de 17.000,00 euros à la SCP ODILE STUTZ.
Par ordonnance en date du 23 janvier 2018, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de M. [P] a autorisé la SCP Odile STUTZ, es-qualités a :
– signer l’acte relatif à la cession du bien immobilier.
– percevoir les droits indivis revenant à la procédure de liquidation judiciaire de M. [P], déduction faite des frais notariés qui grèveraient la vente, et du règlement des créances de l’indivision.
Cette ordonnance précisait qu’il était pris acte de ce que l’acquéreur avait versé au titre d’arrhes la somme de 17.000 euros à la SCP Odile STUTZ, et que cette somme resterait acquise à la procédure, à titre de dommages et intérêts, en cas de désistement injustifié de la part de l’acquéreur.
Par courrier en date du 24 janvier 2018, la SCP Odile STUTZ a demandé à la SCP BRUGALIERES-SAVARD, Notaire chargé de la rédaction des actes, de procéder à l’établissement de l’acte de vente dans les meilleurs délais.
Par courriers recommandés avec accusés de réception du 07 juin 2018, Maître [X] [O], Notaire, a transmis aux époux [S] un projet de l’acte authentique de vente de l’immeuble qu’il était chargé de recevoir, leur précisant qu’ils disposaient d’un délai de réflexion de dix jours pour l’informer de leur volonté de renoncer à la signature.
La réitération de la vente par acte authentique n’est pas intervenue.
Par courrier et courriel en date du 03 août 2018, le conseil des époux [S] a sollicité auprès de la SCP Odile STUTZ la restitution des fonds versés à titre d’arrhes.
Le 11 octobre 2018, Maître [X] [O] a dressé un procès-verbal de difficultés.
Par courrier recommandé avec accusé de réception et courriel en date du 23 janvier 2019, le conseil des époux [S] a mis la SCP Odile STUTZ en demeure de leur restituer sous huitaine le dépôt de garantie versé.
Par courrier en date du 11 mars 2009, la SCP Odile STUTZ a fait part de son refus de restituer les arrhes de 17.000,00 euros versés au soutien de leur offre.
Par courrier recommandé en date du 29 avril 2019, le conseil des époux [S] a, à nouveau, mis la SCP Odile STUTZ en demeure de leur restituer le dépôt de garantie versé.
Saisi par requête de la SCP Odile STUTZ en date du 10 avril 2019 visant à ce que soit constaté le désistement fautif des époux [S], et à être autorisée à conserver la somme de 17.000 euros, versée à l’appui de leur offre d’acquisition à titre de dommages et intérêts, et par ordonnance en date du 1er août 2019. le juge commissaire du Tribunal de commerce d’AGEN s’est déclaré incompétent, et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
Par acte d’huissier en date du 03 juillet 2019, les époux [S] ont assigné M. [P], la SCP Odile STUTZ, ès-qualités, et Mme [B] [D] en nullité de la vente de l’immeuble et ont réclamé que soit ordonnée la restitution des sommes versées par eux et notamment la consignation de 17.000,00 euros versée entre les mains de la SCP Odile STUTZ.
Par actes d’huissier en date des 18 et 19 décembre 2019, la SCP Odile STUTZ a assigné M. [P] et Mme [B] [D] aux fins notamment de voir dire parfaite la vente de l’immeuble litigieux.
Par ordonnance en date du 10 juin 2020, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures.
Par jugement en date du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire d’AGEN a notamment :
– déclaré la demande principale des époux [S], recevable.
– débouté les époux [S] de leurs demandes formées sur le fondement du dol,
– débouté la SCP Odile STUTZ de sa demande reconventionnelle de constatation judiciaire de la vente de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 5] (47) cadastré section AB n°[Cadastre 6]-[Cadastre 7]-[Cadastre 8].
– débouté la SCP Odile STUTZ de sa demande visant à être autorisée es-qualités à conserver la somme de 17.000,00 euros versée par les époux [S]
– condamné la SCP Odile STUTZ à restituer aux époux [S] la somme de 17.000,00 euros.
– débouté les parties de leurs plus amples demandes.
– condamné la SCP Odile STUTZ aux dépens,
– condamné la SCP Odile STUTZ à payer aux époux [S] la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La SCP Odile STUTZ ès qualités a interjeté appel de cette décision par déclaration d’appel en date du 28 mars 2022 intimant M. [J] [S], Mme [Y] [C], M. [N] [P] et Mme [B] [D]. Tous les chefs du jugement sont expressément visés dans la déclaration d’appel.
La déclaration d’appel a été régulièrement signifiée à M. [J] [S], Mme [Y] [C], M. [N] [P] par acte du 6 mai 2022, par acte remis à étude, et à Mme [D] par acte du 27 avril 2022.
La SCP Odile STUTZ ès qualités a conclu au fond les 21 juin et 16 novembre 2022. Les époux [S] ont conclu au fond le 20 septembre 2022.
Par message du 29 décembre 2022 le greffe de la cour demande à l’appelante de bien vouloir justifier de la signification de ses premières conclusions aux intimés n’ayant pas constitué, [N] [P] et [B] [D]. La SCP Odile STUTZ répond qu’elle n’est pas en mesure de justifier de cette signification. Le 6 février 2023, le conseiller de la mise en état prie les parties de lui adresser leurs observations sur la caducité partielle encourue.
Par conclusions d’incident en date du 20 mars 2023, la SCP Odile STUTZ conclut au rejet de la proposition du Conseiller de la mise en état tendant à voir prononcer la caducité partielle de la déclaration d’appel de la SCP ODILE STUTZ ès qualités pour absence de signification aux intimés défaillants de ses conclusions d’appelant dans le délai d’un mois.
Elle fait valoir que :
– la caducité partielle en litige constitue une atteinte disproportionnée aux droits protégés par l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme relatif à l’accès au juge.
Par message RPVA du 21 mars 2023, le conseil des époux [S] déclare s’en remettre à l’appréciation de la cour.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l’article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
La notification de conclusions au sens de l’article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu’à l’alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe.
Si le magistrat de la mise en état ne doit pas soulever d’office la caducité encourue du chef du défaut de signification des conclusions de l’appelant à la partie intimée non constituée, il peut toujours le faire en application des dispositions ci-dessus.
Ces dispositions règlent les modalités d’accès au juge, elles limitent l’accès au juge par la partie sur laquelle est mise l’obligation de signifier ses conclusions à la partie intimée non constituée. Cette norme est suffisamment accessible, précise et prévisible. Le but poursuivi est de permettre à une partie de ne pas être jugée hors sa présence sans qu’elle ait connaissance des griefs qui lui sont reprochés.
Au regard du principe du contradictoire, cette atteinte n’est pas disproportionnée en ce que :
– la signification de la déclaration d’appel en date du 6 mai 2022 ne porte en elle-même aucune indication sur le fond du litige, cette information figurant sur la déclaration d’appel jointe à la signification
– ladite déclaration d’appel ne reprend que les chefs du jugement critiqués. Ces chefs sont énoncés dans les termes même de la décision critiquée, la déclaration d’appel n’apporte aucun élément sur les moyens qui seront invoqués et les pièces qui seront produites à l’appui de ces moyens.
Il ne peut être considéré que l’interdiction d’invoquer de nouvelles prétentions devant la cour protège suffisamment les droits de la partie intimée non constituée.
Ainsi, les textes qui prévoient la sanction de la caducité de la déclaration d’appel, qui s’applique même en l’absence de grief, poursuivent le but nécessaire et légitime de favoriser la célérité de la procédure d’appel avec représentation obligatoire ; ils établissent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; le respect des diligences procédurales prévues dans l’instance d’appel est conforme à l’exigence de procès équitable de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La SCP Odile STUTZ n’ayant pas signifié ses conclusions aux consorts [P] [D], sa déclaration d’appel est donc caduque en ce qu’elle les intime.
PAR CES MOTIFS :
Nous, André BEAUCLAIR, président de chambre, magistrat faisant fonction de conseiller de la mise en état, statuant publiquement et par ordonnance prononcée par mise à disposition au greffe et susceptible de déféré dans le délai de 15 jours,
Déclarons caduque la déclaration d’appel de la SCP Odile STUTZ ès qualités en ce qu’elle intime les consorts [N] [P] et [B] [D],
Condamnons la SCP Odile STUTZ aux dépens de l’incident.
La greffière Le conseiller de la mise en état
Nathalie CAILHETON André BEAUCLAIR