Droits des Artisans : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00220

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Droits des Artisans : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00220

ARRÊT DU

26 Avril 2023

DB / NC

———————

N° RG 22/00220

N° Portalis DBVO-V-B7G -C7K5

———————

[V] [O]

S.C.P. ODILE STUTZ

C/

CRCAM D’AQUITAINE

——————

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 190-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [V] [O]

né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 8] (Aisne)

de nationalité française, chef d’entreprise

domicilié : ‘[Adresse 6]’

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Harry-James MAILLE, avocat plaidant au barreau de BERGERAC

APPELANT d’un jugement du tribunal judiciaire d’Agen en date du 25 janvier 2022, RG 19/01777

D’une part,

ET :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D’AQUITAINE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

RCS BORDEAUX 434 651 246

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Arnaud Silvère YANSOUNOU, avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉE

SCP ODILE STUTZ en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [V] [O]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représenté par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Harry-James MAILLE, avocat plaidant au barreau de BERGERAC

INTERVENANTE VOLONTAIRE

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 08 février 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

FAITS :

Par acte sous seing privé n° 10001080560 du 2 mai 2018, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine (le Crédit Agricole) a prêté à la SARL JMD Bâtiment la somme de 75 000 Euros à titre d’ouverture de crédit de trésorerie remboursable au taux d’intérêts initial de 2,6380 % l’an.

Le même jour, [V] [O], gérant de la SARL JMD Bâtiment, s’est porté caution solidaire du remboursement de cet emprunt dans la limite de la somme de 97 500 Euros en principal, intérêts, pénalités et intérêts de retard, pour une durée de 120 mois.

Par acte sous seing privé n° 10001081701 du 7 mai 2018, le Crédit Agricole a prêté à la SARL JMD Bâtiment la somme de 100 000 Euros à titre d’ouverture de crédit de trésorerie remboursable au taux d’intérêts initial de 2,3720 % l’an.

Par acte du même jour, [V] [O] s’est également porté caution solidaire du remboursement de cet emprunt dans la limite de la somme de 130 000 Euros en principal, intérêts, pénalités et intérêts de retard, pour une durée de 120 mois.

Par jugement rendu le 3 avril 2019, la SARL JMD Bâtiment a été admise au bénéfice d’un redressement judiciaire.

Elle a été placée en liquidation judiciaire le 4 juillet 2019, la SCP Odile Stutz étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le Crédit Agricole a déclaré au passif de la procédure collective les créances suivantes en principal :

– prêt n°10001080560 : 97 723,16 Euros,

– prêt n° 10001081701 : 100 384,55 Euros.

Par lettre recommandée du 8 juillet 2019, le Crédit Agricole a vainement mis en demeure M. [O] de lui payer la somme totale de 197 927,46 Euros au titre des sommes lui restant dues.

Par ordonnance du 11 octobre 2019, le juge de l’exécution a autorisé le Crédit Agricole à inscrire des hypothèques conservatoires sur deux biens immobiliers appartenant à M. [O] situés à [Localité 7] et [Localité 9].

Par acte du 23 octobre 2019, le Crédit Agricole a fait assigner M. [O] devant le tribunal de grande instance d’Agen afin de le voir condamner à lui payer les sommes restant dues sur les emprunts souscrits.

M. [O] a opposé ne pas avoir signé la fiche patrimoniale produite par la banque ; que ses engagements étaient disproportionnés à sa situation ; et que la banque avait soutenu abusivement la SARL JMD Bâtiment et manqué à son devoir de mise en garde.

Par jugement rendu le 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire d’Agen a :

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 97 500 Euros,

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 100 427,46 Euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– dit que les intérêts échus des sommes dues produiront eux-mêmes des intérêts, leur capitalisation étant annuelle, en application de l’article 1343-1 du code civil,

– débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine de sa demande en paiement des cotisations, assurances décès-invalidité et indemnités jusqu’au complet remboursement,

– débouté M. [V] [O] de ses demandes de dommages et intérêts,

– débouté M. [V] [O] de sa demande de moratoire de deux ans,

– débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine de sa demande de dommages et intérêts de 3 000 Euros,

– condamné M. [V] [O] aux entiers dépens de l’instance qui ne comprennent pas les frais relatifs à l’hypothèque judiciaire définitive à intervenir,

– rappelé qu’en application de l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution les frais d’hypothèque judiciaire provisoire sont, à défaut de décision contraire, de droit à la charge du débiteur,

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Le tribunal a estimé que si la fiche patrimoniale produite par la banque présentait des anomalies (signature, date), M. [O] n’apportait néanmoins pas la preuve de la disproportion qu’il invoquait ; qu’il disposait au contraire de biens immobiliers d’une valeur nette pondérée de 1 075 000 Euros ; que M. [O], gérant de nombreuses sociétés, devait être considéré comme une caution avertie de sorte qu’il n’était créancier d’aucune obligation de mise en garde et ne prouvait pas que la banque aurait eu des renseignements sur la SARL JMD Bâtiment des informations dont il n’aurait pas disposé ; et que les conditions posées par l’article L. 650-1 du code de commerce pour rechercher la responsabilité d’un établissement bancaire pour soutien abusif n’étaient pas réunies ; qu’en tout état de cause, en 2018, la SARL JMD Bâtiment était en situation bénéficiaire.

Par acte du 21 mars 2022, [V] [O] a déclaré former appel du jugement en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 97 500 Euros,

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 100 427,46 Euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– dit que les intérêts échus des sommes dues produiront eux-mêmes des intérêts, leur capitalisation étant annuelle, en application de l’article 1343-1 du code civil,

– débouté M. [V] [O] de ses demandes de dommages et intérêts,

– débouté M. [V] [O] de sa demande de moratoire de deux ans,

– condamné M. [V] [O] aux entiers dépens de l’instance,

– rappelé qu’en application de l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution les frais d’hypothèque judiciaire provisoire sont, à défaut de décision contraire, de droit à la charge du débiteur,

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [O] plus amples demandes.

Par jugement rendu le 11 mai 2022, le tribunal de commerce d’Agen a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de M. [O], la SCP Odile Stutz étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

La clôture a été prononcée le 14 décembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 8 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions d’appelant notifiées le 21 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [V] [O] et la SCP Odile Stutz, qui intervient volontairement, présentent l’argumentation suivante :

– Les engagements de caution sont disproportionnés à la situation de M. [O] :

* le tribunal a justement retenu que la fiche de déclaration de patrimoine qui lui est opposée n’a pas été remplie et signée par lui-même, dont la signature est différente, de sorte que le Crédit Agricole n’est pas recevable à contester la disproportion des engagements.

* ce document n’est de toute façon pas complet.

* il n’a pas été tenu compte des 6 emprunts qu’il avait en cours lors des cautionnements.

* la liquidation judiciaire de la SARL JMD Bâtiment l’a privé de ses revenus.

* son avis d’imposition de l’année 2019 relatif aux revenus 2018 mentionne des revenus totaux de 34 661 Euros, et pour l’année suivante 35 828 Euros.

* il ne possède que 60 % des parts de la SCI Arc en Ciel, et 1 % de la SCI Cardabelles.

– Le Crédit Agricole a manqué à son devoir de mise en garde :

* M. [O], artisan du bâtiment, est une caution non avertie qui ne dispose pas des compétences pour évaluer les risques liés à l’acte de cautionnement ou l’opportunité d’un crédit, ses différentes sociétés ayant été créées avec le recours à des professionnels du conseil.

* le Crédit Agricole ne produit aucun élément comptable de nature à démontrer que la SARL JMD Bâtiment ne supportait pas déjà, avant les emprunts souscrits, un niveau d’endettement trop élevé.

* en 2018, la SARL JMD Bâtiment avait été destinataire d’un commandement de payer la somme de 103 358,56 Euros et avait fait l’objet d’une saisie-attribution (même si ces actes ont ensuite été contestés et annulés du fait qu’ils concernaient une autre entreprise) et avait un solde de compte bancaire débiteur de 31 595,38 Euros.

Au terme de leurs conclusions (abstraction faite des ‘dire et juger’ qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions), ils demandent à la Cour de :

– réformer le jugement,

– débouter le Crédit Agricole de ses demandes,

– subsidiairement,

– condamner le Crédit Agricole à payer à M. [O] à titre de dommages et intérêts un montant égal à 90 % de ses engagements,

– en tout état de cause,

– condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 5 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 30 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine présente l’argumentation suivante :

– Les cautionnements n’étaient pas disproportionnés à la situation de M. [O] :

* avant l’octroi des prêts à la SARL JMD Bâtiment, elle a actualisé les éléments relatifs à la situation patrimoniale de M. [O], qui s’est porté caution pour un montant total de 227 500 Euros et, le 2 juin 2018, a signé une déclaration de patrimoine.

* il y a déclaré être propriétaire de plusieurs biens immobiliers à [Localité 7] et [Localité 9] d’une valeur nette de 1 075 000 Euros et son avis d’imposition 2017 mentionne des revenus de 92 024 Euros dont 57 337 Euros de revenus fonciers nets.

* les emprunts souscrits permettaient de percevoir les revenus des biens financés.

* lorsqu’elle l’a assigné en paiement, il disposait d’un patrimoine immobilier et de parts de SCI lui permettant de faire face à son engagement.

– Elle n’a manqué à aucun devoir de mise en garde :

* M. [O] a créé de multiples sociétés, exerçant dans des domaines différents, de sorte qu’il doit être considéré comme étant une caution avertie.

* lors de l’octroi des prêts, la SARL JMD Bâtiment, qui avait été immatriculée le 23 mars 2017, présentait un résultat positif au 30 juin 2018.

* en l’absence de disproportion de l’engagement de la caution, il n’existe aucun risque d’endettement.

– Elle est fondée à obtenir 3 000 Euros de dommages et intérêts :

* M. [O] n’a pas répondu aux tentatives amiables de conciliation.

* elle a été contrainte d’engager une procédure judiciaire.

* son débiteur doit être considéré comme ayant fait preuve d’une résistance abusive ou d’une négligence coupable.

Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples ‘dire et juger, constater’ qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elle demande à la Cour de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

– condamner M. [O] à lui payer la somme de 3 000 Euros à ce titre pour inexécution contractuelle fautive,

– le condamner à lui payer la somme de 3 000 Euros à titre de frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux dépens incluant le coût de l’hypothèque judiciaire provisoire et celui de l’hypothèque définitive à intervenir.

——————-

MOTIFS :

1) Sur la disproportion des engagements en qualité de caution opposée par M. [O] :

Aux termes de l’ancien article L. 332-1 du code de la consommation, applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Ce texte n’impose pas au créancier de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La disproportion doit être manifeste, c’est à dire flagrante ou évidente, au regard de tous les éléments du patrimoine de la caution et pas seulement de ses revenus.

Enfin, la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d’anomalie apparente sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée au créancier.

En l’espèce, la banque produit aux débats une fiche de ‘renseignements confidentiels sur le patrimoine et les revenus du déclarant (le déclarant étant défini comme la personne physique susceptible de se porter caution)’ qui comporte de façon manuscrite sa date (‘2.06.18″), le lieu où elle a été établie (‘Monflanquin’) et la mention ‘[V] [O]’ avec signature.

Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la mention manuscrite du nom ‘[V] [O]’ et la signature sont quasiment identiques à celles, émanant de M. [O], qui figurent sur les actes de cautionnement établis à la même période.

Dès lors, il peut être d’autant moins sérieusement soutenu que M. [O] n’a pas signé la fiche de renseignements qu’il est seul à connaître les éléments de patrimoine et charges qui y sont déclarés.

Ce document doit être retenu.

Dans cette déclaration, M. [O] a déclaré disposer de revenus de 264 337 Euros, d’un patrimoine net de 1 125 000 Euros pour des charges de 29 434 Euros et des cautionnements déjà donnés pour un montant de 557 440 Euros, et a précisé disposer d’une ‘surface patrimoniale nette des engagements de caution déjà donnés’ de 567 560 Euros.

Au seul vu de cette déclaration, établie à la même période que les cautionnements, et peu important qu’elle soit postérieure d’un mois, les cautionnements souscrits sont en adéquation avec la situation de M. [O].

Le jugement qui l’a condamné à exécuter ses engagements doit être confirmé.

Cependant, en application des articles L. 622-7 et L. 622-21 du code de commerce, du fait de l’ouverture de la procédure collective postérieurement à la décision du tribunal, M. [O] ne peut pas être condamné à payer les sommes réclamées, nées antérieurement à la procédure collective.

Les sommes dues doivent seulement faire l’objet d’une fixation de créance, étant précisé d’une part, que le cours des intérêts dus par la caution a été arrêté en application de l’article L. 622-28 du code de commerce et, d’autre part, que la fixation de créance s’étend également aux frais irrépétibles et dépens de 1ère instance, mais pas à ceux de l’appel.

Le jugement doit, compte tenu de cet élément nouveau, être réformé sur ces points.

2) Sur le manquement au devoir de conseil invoqué par M. [O] :

Pour invoquer un manquement d’un établissement ayant octroyé un crédit à son obligation de mise en garde envers elle, une caution, fut-elle non avertie, doit rapporter la preuve que son engagement n’est pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du crédit, lequel résulte de l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur, débiteur principal.

En l’espèce, en premier lieu, la SARL JMD Bâtiment a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 13 mars 2017 pour l’exercice d’une activité de travaux de maçonnerie générale et gros-oeuvre de bâtiment.

Selon son bilan pour sa première période d’activité du 1er mars 2017 au 30 juin 2018, elle disposait d’actifs immobilisés de 121 035,32 Euros, de capitaux propres de 186 236,40 Euros, a réalisé un chiffre d’affaires net de 2 856 934,72 Euros et un résultat courant avant impôts de 112 472,33 Euros.

Ces chiffres démontrent qu’au début de son activité, cette société était saine de sorte qu’il est exclu de considérer que les crédits de trésorerie qui lui ont été accordés par actes des 2 et 7 mai 2018 auraient été inadaptés à sa situation ou auraient créé un risque d’endettement.

Dès lors, le Crédit Agricole n’était tenu d’aucune obligation de mise en garde, ce qui rend sans objet la discussion sur le caractère averti ou non à la vie des affaires de M. [O].

En second lieu, comme indiqué au paragraphe relatif à la disproportion, les cautionnements souscrits par M. [O] n’étaient pas inadaptés à sa situation personnelle, excluant à nouveau tout devoir de mise en garde.

Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. [O] doit être confirmé.

3) Sur la demande de dommages et intérêts présentée par le Crédit Agricole :

Selon le dernier alinéa de l’article 1231-6 du code civil, c’est seulement s’il prouve avoir subi un préjudice distinct du seul retard de paiement indemnisé par l’obtention des intérêts moratoires, que le créancier peut obtenir des dommages et intérêts supplémentaires.

Par conséquent en l’espèce, dès lors que le Crédit Agricole n’explique pas, et a fortiori ne justifie pas, d’un préjudice distinct de celui réparé par l’obtention des intérêts de retard arrêtés à la date du redressement judiciaire, sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement sera également confirmé sur ce point.

4) Sur les demandes annexes :

L’équité impose d’allouer au Crédit Agricole, en cause d’appel, la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la banque relative aux frais d’inscription de l’hypothèque provisoire et de l’hypothèque définitive.

En effet, ces frais sont de plein droit à la charge de M. [O] en application des articles L. 512-2 alinéa 1er et L. 111-8 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS :

– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

– CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 97 500 Euros,

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 100 427,46 Euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– dit que les intérêts échus des sommes dues produiront eux-mêmes des intérêts, leur capitalisation étant annuelle, en application de l’article 1343-1 du code civil,

– condamné M. [V] [O] aux entiers dépens de l’instance,

– condamné M. [V] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,

– FIXE la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine au redressement judiciaire de [V] [O] aux sommes suivantes :

1) 97 500 Euros au titre des sommes restant dues par la SARL JMD Bâtiment sur l’ouverture de crédit de trésorerie souscrite le 2 mai 2018, et ce avec intérêts au taux légal du 25 janvier 2022 au 11 mai 2022,

2) 100 427,46 Euros au titre des sommes restant dues par la SARL JMD Bâtiment sur l’ouverture de crédit de trésorerie souscrite le 7 mai 2018, et ce avec intérêts au taux légal du 25 janvier 2022 au 11 mai 2022,

3) 500 Euros au titre de l’indemnité pour frais irrépétibles allouée par le tribunal,

4) les dépens de 1ère instance,

– CONDAMNE [V] [O] à payer, en cause d’appel, à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE [V] [O] aux dépens de l’appel.

– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

 


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