COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 25 octobre 2022
N° RG 21/00043 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FQQU
-DA- Arrêt n° 481
[S] [X] / [E] [F] épouse [N], [V] [N], S.E.L.A.R.L. [Y] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ALBERTINO FERREIRA, S.A.R.L. ALBERTINO FERREIRA, S.A. MAAF ASSURANCES
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 23 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 17/03944
Arrêt rendu le MARDI VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et Mme [P] [D] du prononcé
ENTRE :
M. [S] [X]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représenté par Maître Olivier TOURNAIRE de la SELARL TOURNAIRE – MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
Mme [E] [F] épouse [N]
et M. [V] [N]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentés par Maître Anne JEAN de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
S.A. MAAF ASSURANCES
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Maître Christine EVEZARD-LEPY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
S.E.L.A.R.L. [Y] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ALBERTINO FERREIRA
[Adresse 1]
[Localité 3]
non représentée
S.A.R.L. ALBERTINO FERREIRA
[Adresse 9]
[Localité 7]
non représentée
INTIMES
DÉBATS : A l’audience publique du 12 septembre 2022
ARRÊT : PAR DÉFAUT
Prononcé publiquement le 25 octobre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Propriétaires à [Localité 7] (Puy-de-Dôme) d’une maison d’habitation qu’ils souhaitaient réhabiliter et agrandir, les époux [V] et [E] [N] née [F] ont commandé les travaux de gros oeuvre à la SARL Albertino Ferreira selon devis du 5 novembre 2013. Cette entreprise avait souscrit une assurance auprès de la compagnie MAAF Assurances.
Dans le cadre de ce projet, les maîtres de l’ouvrage ont confié à M. [S] [X], architecte, la réalisation de divers plans pour les travaux d’extension.
Mécontents du chantier en cours, les époux [N] ont demandé la suspension des travaux par lettre RAR le 17 juin 2014, et demandé des études au cabinet ALPHA BTP et au BET [A]. Le cabinet [R] a été sollicité pour un bilan financier.
Munis de ces éléments, les époux [N] ont obtenu du juge des référés au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand le 31 mars 2015 une ordonnance confiant une expertise à M. [B] [L]. Les opérations ont été étendues à M. [X] par ordonnance du 20 octobre suivant.
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 7 juin 2017.
Par exploits des 6 et 12 octobre 2017, les époux [N] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand : M. [S] [X], la SARL Albertino Ferreira et la SA MAAF Assurances, assureur de la SARL Albertino Ferreira.
Les époux [N] demandaient au tribunal de condamner solidairement M. [X] et la SARL Albertino Ferreira garantie par son assureur MAAF, à leur payer les sommes de 176 220 EUR avec indexation en réparation des dommages matériels ; 39 726,20 EUR à parfaire au titre d’intérêts d’emprunts ; 35 747,36 EUR à parfaire au titre de loyers ; 1 083,58 EUR à parfaire au titre de l’assurance ; 5 000 EUR à parfaire pour la surconsommation d’énergie ; 2 000 EUR à parfaire au titre de taxes et 10 000 EUR en réparation de leur préjudice moral ; le tout outre 5 000 EUR sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, y compris ceux du référé et le coût de l’expertise.
Devant le premier juge, M. [X] soutenait qu’il n’avait jamais eu de mission de maîtrise d »uvre, ni établi de plans EXE, ni suivi ou dirigé le chantier mais est seulement intervenu à deux reprises sur le site pour régler deux problèmes ponctuels, (une fenêtre et la porte d’entrée), que sa mission s’est limitée à l’établissement de trois esquisses facturées 800 EUR.
La SARL Albertino Ferreira, en liquidation amiable suite à sa dissolution décidée à compter du 30 juin 2018, concluait au débouté des époux [N], subsidiairement à la condamnation de M. [X] et la SA MAAF à la garantir de toutes les condamnations, aux motifs principalement que M. [X] avait coordonné les travaux et tenu des réunions de chantier, ce que l’expert avait retenu ; qu’elle-même avait exécuté les travaux demandés selon les prescriptions des consorts [N] et de M. [X] ; que le décaissement des terres avait été fait en dernier lieu à la demande de M. [X] ; qu’elle avait dû composer avec les desiderata changeants des maîtres de l’ouvrage ; qu’aucun délai n’était contractuellement prévu ni planning d’exécution ; que son assureur MAAF devait la garantir en application de l’article 2.1 du contrat d’assurance pour les dommages survenant avant réception et résultant d’un effondrement ou de menaces imminentes d’effondrement, le chantier ayant précisément été stoppé pour éviter la réalisation d’un tel risque.
Expliquant qu’il n’y avait pas d’effondrement ni de menace grave et imminente, ce que reconnaît l’expert, puisque les ouvrages n’ont pas bougé depuis 2014, et qu’une telle menace ne peut s’apprécier à l’aune des travaux non encore réalisés, la SA MAAF demandait au tribunal de déclarer les époux [N] irrecevables et mal fondés, et de les condamner, ou toute partie succombante à lui payer 3 000 EUR au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’issue des débats, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué comme suit par jugement du 23 novembre 2020 :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par jugement mis à disposition,
Condamne M. et Mme [N] à payer à la SARL ALBERTINO FERREIRA la somme de 29.472,41 € (VINGT NEUF MILLE QUATRE CENT SOIXANTE DOUZE EUROS QUARANTE ET UN) ;
Condamne in solidum M. [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à payer à M. et Mme [N] 170.930 € (CENT SOIXANTE DIX MILLE NEUF CENT TRENTE EUROS) en indemnisation de leur préjudice matériel avec indexation sur l’index BT01 de la construction, l’indice de référence étant celui en vigueur au 7 juin 2017, ainsi que 36.830,94 € (TRENTE SIX MILLE HUIT CENT TRENTE EUROS QUATRE VINGT QUATORZE) en indemnisation de leur préjudice immatériel,
Les condamne sous la même solidarité à leur payer le montant de leurs loyers échus de juillet 2019 jusqu’à la réception des locaux achevés et les primes d’assurance de ces locaux échues jusqu’à la même date,
Dit que, dans leurs rapports, M. [X] devra supporter 20 % de la dette ainsi définie et que la SARL ALBERTINO FERREIRA devra en supporter 80 % et condamne chacun à garantir l’autre dans les dites proportions,
Dit qu’il sera fait application de l’article 1343-2 du code civil,
Ordonne la compensation entre les créances respectives de M. et Mme [N] d’une part et de la SARL ALBERTINO FERREIRA d’autre part,
Condamne M. [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à payer à M. et Mme [N] 4.000 € (QUATRE MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dit qu’ils devront supporter cette somme dans des proportions identiques à leur part de responsabilité et avec la même garantie réciproque que le principal,
Déboute M. et Mme [N] et M. [X] de leurs demandes de garantie de la SARL ALBERTINO FERREIRA par la SA MAAF ASSURANCES,
Condamne la SA MAAF ASSURANCES à payer à la SARL ALBERTINO FERREIRA la somme de 36.960 € (TRENTE SIX MILLE NEUF CENT SOIXANTE EUROS), ainsi que 1.500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA MAAF ASSURANCES à payer les dépens de l’instance l’opposant à la SARL ALBERTINO FERREIRA,
Condamne in solidum M. [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à tous les autres dépens, en ce compris ceux de référé et de l’expertise, qu’ils devront supporter dans les mêmes proportions de 80 % à la charge de la SARL ALBERTINO FERREIRA et 20 % à celle de M. [X], dont distraction au profit de la SCP TEILLOT et ASSOCIES.
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit. »
***
M. [S] [X] a fait appel de ce jugement le 7 janvier 2021, précisant :
Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués, en ce qu’il est fait grief au jugement attaqué : – D’avoir condamné in solidum Monsieur [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à payer à M et Mme [N] 170 930 euros en indemnisation de leur préjudicie matériel avec indexation sur l’index BT01 de la construction, l’indice de référence étant celui en vigueur au 7 juin 2017 ainsi que 36 830,94 euros en indemnisation de leur préjudice immatériel. – D’avoir condamné les mêmes sous la même solidarité à leur payer le montant de leurs loyers échus de juillet 2019 jusqu’à la réception des locaux achevés et les primes d’assurance de ces locaux échues jusqu’à la même date – D’avoir dit que, dans leurs rapports M [X] devra supporter 20 % de la dette ainsi définie et que la SARL ALBERTINO FERREIRA devra en supporter 80 % et condamne chacun à garantir l’autre dans les dites proportions – D’avoir dit qu’il sera fait application de l’article 1343-2 du code civil – D’avoir condamné Monsieur [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à payer à M et Mme [N] 4000 euros au titre de l’article 700 du CPC et dit qu’ils devront supporter cette somme dans les proportions identiques à leur part de responsabilité et avec la même garantie réciproque que le principal – D’avoir débouté M et Mme [N] et Monsieur [X] de leurs demandes de garantie de la SARL ALBERTINO FERREIRA par la SA MAAF assurances – D’avoir condamné in solidum Monsieur [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à tous les autres dépens en ce compris ceux de référé et de l’expertise qu’ils devront supporter dans les mêmes proportions de 80 % à la charge de la SARL ALBERTINO FERREIRA 20 % à celle de Monsieur [X] – D’avoir prononcé l’exécution provisoire de ce jugement en indiquant que l’exécution provisoire était de droit. »
Dans ses conclusions récapitulatives ensuite du 31 mai 2022 l’appelant demande à la cour de :
« Vu les dispositions de l’article 1240 du Code Civil,
Vu les dispositions de l’article 1231-1 du Code Civil,
Vu les dispositions de l’article L. 124-3 du Code de Assurances,
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 23 novembre 2020,
INFIRMER le jugement en ce qu’il a été rendu avec l’exécution provisoire de droit qui ne pouvait pas intervenir en l’espèce.
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 23 novembre 2020 en ce qu’il a limité l’indemnisation la compagnie MAAF a un montant de 36.960 € au titre de la garantie effondrement
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 23 novembre 2020 en ce qu’il a écarté le préjudice moral, la demande indemnitaire relative au surcoût du chauffage, la demande indemnitaire au titre du la consommation EDF et à l’indemnisation des intérêts d’emprunts faisant double emploi avec le règlement des loyers des consorts [N]
Statuant à nouveau,
FIXER définitivement la créance 220 671,83 euros au passif de la liquidation judiciaire de la SARL ALBERTINO FERREIRA auprès de la SELARL [Y], ès qualité de liquidateur judiciaire au profit de Monsieur [X]
DÉBOUTER les consorts [N] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Monsieur [X],
DÉBOUTER la SELARL [Y] ès qualité judiciaire de la SARL ALBERTINO FERREIRA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Monsieur [X],
DÉBOUTER la compagnie MAAF de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Monsieur [X],
CONDAMNER in solidum la SARL ALBERTINO FERREIRA et de son assureur décennal la MAAF de l’intégralité des sommes susceptibles d’être mises à la charge de Monsieur [X] en principal, intérêts et frais,
JUGER que la compagnie MAAF devra prendre en charge l’intégralité du montant du préjudice matériel au titre de la garantie effondrement pour un montant de 176.220 € au titre des travaux de reprise des désordres
JUGER que le montant de l’indemnisation de la compagnie MAAF devra être intégralement affectée au montant des condamnations mises à la charge la SARL ALBERTINO FERREIRA au profit des consorts [N] par jugement du Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 23 novembre 2020
Subsidiairement,
DIRE n’y avoir lieu à une condamnions in solidum et limiter la part des condamnations de Monsieur [X] :
– À 20% au titre des démolitions, soit 9.240 €
– À 50% au titre du permis de construire modificatif, soit 2.500 €
Soit une somme globale de 11.740 € à sa charge
CONDAMNER in solidum la SARL ALBERTINO FERREIRA et de son assureur décennal la MAAF ou toute personne succombante au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER in solidum la SARL ALBERTINO FERREIRA et de son assureur décennal la MAAF ou toute personne succombante aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL TOURNAIRE MEUNIER sur son affirmation de droit. »
***
Les époux [N] ont conclu en dernier lieu le 27 septembre 2021. Ils demandent à la cour de :
« Vu les dispositions de l’article 1231.1 du code civil
Confirmer le jugement rendu le 23 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND en ce qu’il a :
– Condamné in solidum [S] [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à indemniser Mr et Mme [N] des préjudices qu’ils subissent
– Fait application de l’article 1343-2 du code civil
– Condamné [S] [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA au paiement d’une somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC
– Condamné in solidum [S] [X] et la SARL ALBERTINO FERREIRA à tous les dépens comprenant ceux de référé et de l’expertise
Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mr et Mme [N] au paiement d’une somme de 29 472.41 € à la SARL ALBERTINO FERREIRA
Confirmer la décision en ce qu’elle a fait application de la garantie de la police souscrite par la SARL ALBERTINO FERREIRA auprès de la MAAF
Réformer la décision en ce qu’elle a limité la garantie aux travaux de démolition Condamner la MAAF à garantir l’ensemble des préjudices subis
Réformer le jugement en ce qu’il a fixé le montant des dommages matériels à la somme de 170 930 €
Condamner solidairement [S] [X] et la MAAF à payer et porter aux époux [N] la somme de 176 220 € en réparation des dommages matériels avec indexation sur l’indice BT 01 de la construction
Confirmer le jugement en ce qu’il a retenu au titre des préjudices immatériels les loyers et frais d’assurance
Condamner solidairement [S] [X] et la MAAF à payer et porter aux époux [N] :
– La somme de 55 673.76 € au titre des loyers, somme à parfaire au jour de l’exécution de la décision à intervenir
– La somme de 1 793.32 € au titre de l’assurance, somme à parfaire au jour de l’exécution de la décision à intervenir
Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [N] de leurs demandes formées au titre des intérêts d’emprunt, surconsommation d’énergie, taxe et préjudice moral
Condamner solidairement [S] [X] et la MAAF à payer et porter aux époux [N] :
– la somme de 46 274.17 € au titre des intérêts d’emprunt, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 5 000.00 € au titre de la surconsommation d’énergie, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 2 000.00 € au titre des taxes, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi
Fixer la créance des époux [N] au passif de la liquidation de la SARL ALBERTINO FERREIRA aux sommes suivantes :
– la somme de 176 220 € en réparation des dommages matériels avec indexation sur l’indice BT 01 de la construction
– la somme de 46 274.17 € au titre des intérêts d’emprunt, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 55 673.76 € au titre des loyers, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 1 793.32 € au titre de l’assurance, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 5 000.00 € au titre de la surconsommation d’énergie, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 2 000.00 € au titre des taxes, somme à parfaire au jour du jugement
– La somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi
Débouter [S] [X], la SELARL MANDATUM et la MAAF de toute demande contraire
Condamner solidairement [S] [X], la SELARL MANDATUM et la MAAF à leur payer et porter la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC
Condamner solidairement [S] [X] la SELARL MANDATUM et la MAAF aux entiers dépens comprenant ceux de référés et ceux de la présente instance, ainsi que les frais d’expertise, dont distraction à la SCP TEILLOT & ASSOCIÉS. »
***
Enfin, dans des conclusions nº 2 du 22 juin 2022 la compagnie MAAF Assurances demande pour sa part à la cour de :
« Confirmer le jugement déféré en son entier dispositif sauf en ce qu’il a condamné la SA MAAF ASSURANCES à payer à la SARL ALBERTINO FERREIRA la somme de 36 960 €, ainsi que 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SA MAAF ASSURANCES à payer à la SARL ALBERTINO FERREIRA la somme de 36 960 €, ainsi que 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouter Monsieur [X] de l’intégralité des demandes, y compris les demandes nouvelles en cause d’appel, qu’il formule à l’encontre de la SA MAAF ASSURANCES, demandes aussi irrecevables qu’infondés ;
Statuant à nouveau
Dire et juger que la garantie effondrement ne pouvait être mobilisée faute d’effondrement et de menace grave et imminente d’effondrement, laquelle ne doit pas s’apprécier au regard de l’incidence des travaux non encore réalisés pour terminer l’immeuble ;
Dire et juger que garantie effondrement ne pouvait pas non plus être mobilisée au profit de la SARL ALBERTINO FERREIRA, car cette dernière, en liquidation judiciaire, n’a pas engagé sa main-d »uvre et ses matériaux pour réaliser des travaux de démolition ;
Débouter Monsieur [X], les époux [N] et la SARL ALBERTINO FERREIRA, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la SA MAAF ASSURANCES;
Condamner Monsieur [X], ou tout autre partie succombant à l’instance, à payer et porter à la SA MAAF ASSURANCES une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [X], ou tout autre partie succombant à l’instance, aux entiers dépens. »
***
La déclaration d’appel a été signifiée à la SARL Albertino Ferreira le 10 février 2021, par remise à l’étude de l’huissier.
La déclaration d’appel a ensuite été signifiée le 23 avril 2021 à la SELARL [Y] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Albertino Ferreira, par remise à l’étude de l’huissier.
Ni l’un ni l’autre ne comparaissent devant la cour.
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu’en première instance.
Une ordonnance du 30 juin 2022 clôture la procédure.
MOTIFS
1. Sur les désordres
L’expert judiciaire M. [B] [L], mandaté par le juge des référés, a rendu un rapport très détaillé et complet le 7 juin 2017. Ses premières visites sur les lieux lui ont permis de relever un certain nombre de difficultés techniques dans la construction de la maison des époux [N], le chantier ayant été arrêté à la demande de ceux-ci au mois de mai 2014.
L’ampleur des désordres a conduit l’expert à solliciter rapidement l’assistance de M. [G], ingénieur structure, en qualité de sapiteur et à commettre la société SIC INFRA afin de procéder à des vérifications techniques par sondages.
M. [L] précise en effet dans son rapport :
Ces différents éléments, ceux vu lors de notre première visite, ceux relevés par l’expert [C], ceux constatés par un ingénieur [A], ceux consignés par l’huissier [U], ont été à l’origine de notre décision de nommer SIC INFRA pour procéder au vérifications techniques par des sondages localisés sur les points litigieux qui devront ensuite être étudiés par l’ingénieur structure [G], notre sapiteur.
Au total 24 sondages ont été effectués dans les fondations, au rez-de-chaussée et à l’étage du bâtiment. Il en résulte sans ambiguïté des défaillances majeures que l’expert expose dans son rapport de la façon suivante :
L’ensemble de ces vérifications a été réalisé par une entreprise agréée dont les résultats d’essais ne peuvent pas être mis en cause, avec la fourniture d’une implantation des sondages sur le plan de l’ensemble de la maison et, en annexe, des photographies correspondantes des sondages réalisés.
Ce document extrêmement technique ne pouvait être interprété que par l’ingénieur structure, Monsieur [G], qui avait expressément demandé certaines vérifications et qui nous assiste dans les conclusions de cette expertise, en nous fournissant un diagnostic général.
Résumé des résultats du diagnostic effectué par le sapiteur [G] :
(le document complet est joint en annexe du présent rapport).
Nous ne reprendrons pas l’intégralité du rapport mais ne retiendrons que les conclusions qui semblent toutefois nous conforter sur des éléments de structure qui nous semblaient déjà litigieux lors de nos visites, mais surtout nous les confirmer par des preuves techniques, en résumé :
– une grande majorité des fondations vérifiées ne sont pas correctement dimensionnées ni reliées les unes aux autres
– les poutres béton et consoles vérifiées ne sont pas suffisamment dimensionnées
– les poteaux sont de qualité médiocre quand au béton et sont insuffisamment ferraillés
– linteau et chaînages verticaux sont insuffisamment ferraillés voire inexistants
– discontinuité du chaînage horizontal
– aucune dissociation entre le bâtiment existant et le bâtiment neuf en extension
– dans l’existant, appuis de linteaux insuffisants et absence de chevêtre de l’escalier.
La qualité du travail accompli par l’expert, qui s’est attaché, au moyen de professionnels qualifiés, à des vérifications extrêmement techniques et précises, n’est pas remise en cause.
Le résultat en tout cas de ces investigations témoigne de l’état catastrophique du bâtiment. Citant en effet son sapiteur ingénieur structure, M. [L] écrit à ce propos:
Quid des possibilités de réparation ‘
Pour consolider le bâtiment actuel, sujet des désordres décrits ci-dessus, des travaux sont toujours possibles.
Mais il s’agit là de travaux extrêmement complexes à réaliser sur l’existant, en sous-‘uvre, en doublant certaines parties verticales, en confortant les poutres insuffisantes par la mise en place de poutres métalliques pouvant entraîner l’obligation de mettre en place des poteaux métalliques supplémentaires (à condition d’être acceptés par M. et Mme [N]), revoir les raidisseurs verticaux aux emplacements réglementaires, dépose de la toiture en fermettes et des tuiles pour création de linteau et de chaînage correct, démolition du linteau sous la toiture terrasse, création d’une structure à l’aplomb de l’existant pour création d’un joint de dilatation entre les 2 constructions, reprise en sous-‘uvre des linteaux du bâtiment existant, etc. etc.
À la lumière de ces constatations, l’ingénieur conclut [citation de l’avis de l’ingénieur structure] :
– « il va sans dire que l’ampleur des travaux de confortement et leur complexité se traduirait par un coût certainement plus élevé qu’une démolition et une reconstruction.
De plus ce type de travaux peut engendrer des désordres sur le reste de la structure au moment de sa mise en ‘uvre.
Enfin nous n’avons pas pu contrôler l’ensemble des structures du bâtiment (par exemple le ferraillage des chaînages des acrotères, les renforts d’angle). En conséquence les travaux de confortement que nous venons de décrire risquent d’être amplifiés par la découverte d’éléments insuffisamment dimensionnés en cours de chantier. »
– « En définitive, la solution de confortement ne nous paraît pas adaptée à la situation, pour des raisons à la fois économiques et techniques.
Nous préconisons donc de procéder à une démolition et à une reconstruction du bâtiment en
extension en respectant les règlements en vigueur et les règles de l’art. »
M. [L] valide pleinement l’avis de son ingénieur structure en ces termes dénués de toute ambiguïté : Cet avis motivé d’un professionnel est sans appel pour notre expertise ! Il ajoute un peu plus loin : À la lumière de ces 3 avis, 2 ingénieurs structure et 1 entreprise de maçonnerie, nous concluront que la démolition de l’ensemble des travaux litigieux est donc rendue non seulement nécessaire mais obligatoire dans ce cas.
Pour résumer, le bâtiment tel que construit par la SARL Albertino Ferreira est affecté de défauts tellement importants que la seule solution acceptable consiste à le démolir entièrement et à le reconstruire.
Il convient maintenant de savoir quelles sont les causes de cette situation catastrophique, ce qui conduit à s’interroger sur les responsabilités encourues.
2. Sur la responsabilité de la SARL Albertino Ferreira, constructeur du gros oeuvre
Comme on l’a vu ci-dessus le gros oeuvre de l’immeuble des époux [N], qui n’a jamais été achevé depuis mai 2014, est affecté de malfaçons considérables, à tel point que la seule solution acceptable pour y remédier consister à tout démolir pour reconstruire ensuite sur des bases saines.
Étant donné les éléments ci-dessus relevés par l’expert judiciaire, ces malfaçons sont évidemment imputables à la SARL Albertino Ferreira qui avait en charge l’édification du gros oeuvre de l’ouvrages et qui a gravement manqué à son obligation contractuelle de résultat.
Cette question ne saurait faire débat tant la nature et la gravité des fautes professionnelles commises par le constructeur du gros oeuvre ont été parfaitement démontrées par M. [B] [L] dans son rapport.
3. Sur la responsabilité de l’architecte M. [S] [X]
Le premier juge a retenu la responsabilité partielle de M. [X] dans les malfaçons qui affectent la construction défectueuse, au motif qu’elle est « clairement mise en évidence » par l’expertise de M. [L] (jugement, page 5).
M. [X] s’en défend, disant essentiellement qu’il n’était chargé d’aucune mission de conception et qu’il a seulement fourni aux époux [N] quatre esquisses au 1/100, ne permettant pas de réaliser la construction. Il conteste avoir remis aux artisans des plans plus précis, et s’être rendu sur le chantier à sept reprises, contrairement à ce que dit l’expert judiciaire. Au total, M. [X] considère que son rôle extrêmement limité n’a pu avoir aucune conséquence néfaste sur la construction dont la qualité déplorable doit être reprochée uniquement à la SARL Albertino Ferreira.
De leur côté, les époux [N] plaident que l’architecte a remis « des plans de construction » aux entreprises et notamment la SARL Albertino Ferreira, qui ont été utilisés pour l’édification de l’ouvrage. Ils affirment que les entreprises ont travaillé sur des « documents d’exécution » et des « plans de construction » établis par M. [X], lequel en outre « a assuré une mission de suivi de chantier en prenant des décisions quant à la réalisation des travaux. » Ils lui reprochent en outre, même s’il intervenait sans disposer d’un contrat écrit, d’avoir « manifestement manqué à son obligation de conseil » ce qui d’après eux constitue une faute à l’origine des désordres qu’ils subissent.
Étant rappelé que l’architecte engage sa responsabilité contractuelle avant réception dans le cadre d’une obligation de moyens, il convient donc de savoir si M. [X] a commis des fautes professionnelles qui peuvent être considérées comme étant à l’origine du dommage, en concurrence avec les défauts de fabrication imputables à la SARL Albertino Ferreira.
Or l’examen du dossier montre une réalité bien différente de celle exposée par le premier juge dans ses motifs qui sont fondés sur le rapport d’expertise de M. [L].
En effet, les quatre plans versés au dossier par l’architecte, facturés pour 800 EUR aux époux [N] le 7 mars 2014, ne sont manifestement pas de nature à permettre la réalisation d’une construction, d’autant moins celle dont il est question ici s’agissant de l’importante extension d’un bâtiment existant. En effet, le premier plan intitulé « élévation » montre uniquement la façade du bâtiment, sans cotes ni mesures, il s’agit d’un simple dessin dénué de toute valeur du point de vue de la réalisation de l’ouvrage. Les trois autres documents montrent les coupes en plan du rez-de-chaussée, du premier et du second étage. Ici encore, même s’ils comportent quelques dimensions intérieures et extérieures, ces plans ne sont à l’évidence pas suffisants pour engager une construction aussi importante. Il s’agit encore de simples dessins créés à partir d’un outil informatique, dont l’essentiel des éléments servant à la réalisation d’un immeuble sont absents : il n’y a aucun réseau des fluides ni emplacement des évacuations, des prises de courant, des aérations, du système de chauffage, etc. Surtout, contrairement à ce que dit l’expert dans son rapport, ces plans ne sont pas établis au 1/50 mais au 1/100, ce qui les rend d’autant moins aptes à servir pour les entreprises chargées de la construction.
D’évidence par conséquent, ces quatre plans n’avaient nullement vocation à être utilisés par la SARL Albertino Ferreira pour engager la réalisation de la structure essentielle « gros oeuvre » du bâtiment souhaité par les époux [N]. Et le fait que l’ouvrage ressemble in fine aux dessins tracés par M. [X] n’y change strictement rien.
En outre, dans la partie de son rapport où il examine le rôle de M. [X], M. [L] écrit que l’architecte s’est rendu au moins sept fois sur le chantier durant les travaux. Or cette affirmation ne laisse pas de surprendre dans la mesure où elle est manifestement tirée d’un dire produit par le conseil des époux [N], ainsi d’ailleurs que M. [L] s’en explique en ces termes :
Dans son dernier dire, le cabinet TEILLOT, intervenant pour M. et Mme [N], nous affirme que l’architecte [X] est intervenu au minimum 7 fois sur le chantier en détaillant les raisons de sa présence [‘]
Dans le dernier dire du cabinet TEILLOT, intervenant pour M. et Mme [N], il est
écrit : [‘] M. [X] s’est rendu sur le chantier à 7 reprises [‘]
Sa responsabilité [de l’architecte] que nous avons naturellement minimisée au vu du caractère ponctuel de ses interventions, semble bien avérée et nous en avons eu confirmation à la lecture du dire de l’avocat des époux [N].
En supposant même que sept visites de l’architecte sur un chantier d’une telle importance puissent être considérées comme une surveillance suffisamment constante, il n’en reste pas moins que cette information tirée par l’expert uniquement d’un dire produit par le conseil des maîtres de l’ouvrage, sans nulle autre vérification ni preuve, ne peut être reçue qu’avec la plus grande circonspection.
L’expert judiciaire M. [L] affirme encore :
De plus, en remettant ces « esquisses » aux entreprises du chantier [N], comme indiqué d’ailleurs par toutes les parties, l’architecte donne donc à ces documents valeur de projet de construction en leur conférant le rôle de plans pour la consultation des entreprises ce qui, en tant qu’architecte, valide son acceptation de voir ces esquisses considérées par les dites entreprises comme plans pour les études d’exécution.
En réalité, cette remise de plans par M. [X] aux différentes entreprises, non contestée par les parties, pouvait donner à penser aux dites entreprises que l’architecte avait bien la mission de direction de chantier, ces derniers ne pouvant pas être au courant de la nature du contrat qui liait l’architecte à M. et Mme [N] .
De nouveau ici, la cour ne peut qu’être étonnée par une telle argumentation, validée par le premier juge, alors qu’elle procède d’une confusion des rôles quelque peu surprenante. En effet, aucun entrepreneur de construction, doué d’un minimum de conscience professionnelle, ne pouvait sérieusement décider de se lancer dans l’édification du gros oeuvre de l’ouvrage dont il est question au vu des simples dessins tracés par M. [X]. Comme déjà exposé ci-dessus, les quatre dessins ne pouvaient que fournir une idée générale du projet mais ne contenaient évidemment pas toutes les précisions nécessaires pour engager la réalisation de la structure de l’immeuble ou « gros oeuvre ».
Certes, dans une attestation produite d’ailleurs par M. [X] lui-même, l’artisan plâtrier peintre déclare qu’il a effectué son devis, à la demande des époux [N], « à partir des plans de l’architecte », ce qui n’a rien d’étonnant car le simple dessin des pièces intérieures du bâtiment pouvait lui servir à évaluer le coût de ses prestations. Mais il ne faut pas confondre cette situation particulière avec celle de la SARL Albertino Ferreira qui était chargée de la construction du gros oeuvre, ce qui n’est pas du tout la même chose. Autant un plâtrier peintre peut utiliser de simples dessins afin d’avoir une idée assez précise du travail à réaliser ; autant ce n’est pas du tout possible lorsqu’il s’agit de bâtir le gros oeuvre de l’édifice. Ici encore, il y a une confusion aussi bien dans l’expertise que dans les motifs du tribunal, que la cour ne peut pas valider. Il s’agit en outre d’un cas particulier puisque dans une autre attestation l’artisan chauffagiste explique qu’il a réalisé les réservations des écoulements et arrivées d’eau au niveau de la cuisine « à partir du plan du cuisiniste ».
Dans ces conditions, trois autres attestations produites au dossier en première instance par la SARL Albertino Ferreira, émanant du couvreur et de deux maçons, rédigées en termes plutôt confus, disant que l’architecte tenait régulièrement des réunions de chantier, sans autres précisions ni détails sur les dates et le rôle joué par celui-ci, sont à l’évidence dénuées de toute valeur probante, ce d’autant plus qu’elles émanent d’au moins deux personnes (maçons) ayant travaillé sous l’autorité de la SARL Albertino Ferreira.
Étant rappelé par ailleurs que M. [X] n’a été chargé par les maîtres de l’ouvrage d’aucun contrat de maîtrise d’oeuvre, et que son rôle s’est limité à fournir les quatre croquis ci-dessus analysés, il convient donc de considérer que la réalisation catastrophique du bâtiment par la SARL Albertino Ferreira ne peut être imputée qu’aux seules carences professionnelles graves de celle-ci, qui de toute manière n’aurait jamais dû accepter de travailler dans de telles conditions.
Quant au rôle de conseil que M. [X] n’aurait pas rempli correctement à l’égard des époux [N], on cherche vainement dans le dossier la preuve qu’il en ait été chargé. Il est certes intervenu une fois, ce qu’il reconnaît, à la demande de Mme [E] [N] et dans le cadre de relations amicales que les époux [N] entretenaient manifestement avec lui (cf. courrier électronique du 16 mars 2014), mais cette intervention ponctuelle ne témoigne nullement de l’exercice d’un contrat de maîtrise d’oeuvre qui de toute manière ne lui a jamais été confié. N’étant pas l’architecte du chantier, et n’étant intervenu que très ponctuellement à la demande expresse des époux [N], faute de meilleure preuve, il n’est pas démontré que M. [X] était en mesure de conseiller utilement les maîtres de l’ouvrage de quelque manière que ce soit sur la qualité du gros oeuvre réalisé par la SARL Albertino Ferreira.
L’attestation [T], artisan électricien, versé au dossier par les époux [N], confirme en réalité ce qui est dit ci-dessus. Il en résulte en effet que cet entrepreneur a été sollicité par Mme [N] afin de lui proposer un devis pour la partie électricité du chantier. Il est évident dans ces conditions qu’il a contracté directement avec Mme [N], hors toute intervention de M. [X] en qualité d’architecte. M. [T] rappelle la demande d’intervention de Mme [N] auprès de M. [X] concernant une difficulté avec la SARL Albertino Ferreira, mais son témoignage révèle le caractère extrêmement minime du problème puisqu’il s’agissait uniquement de savoir où placer la sortie de la hotte aspirante, ce qui encore une fois n’a rien à voir avec les malfaçons considérables relevées par l’expert judiciaire.
Au total, les motifs ci-dessus conduisent à l’infirmation du jugement en ce que le tribunal a retenu une part de responsabilité professionnelle à charge de M. [S] [X].
3. Sur l’immixtion du maître de l’ouvrage
Cette question, qui était soulevée devant le premier juge, lequel y a répondu négativement, n’est plus en débat céans. De ce chef, il y a donc lieu à confirmation du jugement.
4. Sur la garantie de la compagnie MAAF ASSURANCES
La SARL Albertino Ferreira était assurée en responsabilité civile professionnelle par la compagnie MAAF. Cependant, l’immeuble n’ayant jamais été achevé ni réceptionné la garantie décennale ne peut s’appliquer. L’architecte M. [X] et les époux [N] recherchent donc la mise en cause de l’assureur de l’entreprise défaillante sur une autre partie du contrat, le premier dans le cadre d’une demande en garantie qui vu la décision de la cour est maintenant inutile, les seconds afin d’obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices nonobstant le défaut de réception.
La clause du contrat MAAF dont il est question ici prévoir l’intervention de l’assureur dans un contexte bien particulier. Il s’agit en effet d’une garantie « effondrement » qui, comme exactement jugé par le tribunal judiciaire, est une garantie de chose et non une garantie de responsabilité civile.
La clause litigieuse 2.1 est ainsi rédigée :
Nous vous garantissons avant réception les dommages matériels résultant de l’effondrement total ou partiel d’un ouvrage de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert, soumis à l’obligation d’assurance et causés aux travaux neufs que vous, ou votre entreprise, avez réalisés dans le cadre des activités déclarées aux Conditions Particulières.
Par effondrement, il faut entendre l’écroulement des ouvrages de fondation, d’ossature, de clos (à l’exception de leurs parties mobiles) et de couvert nécessitant le remplacement ou la reconstruction de la partie endommagée.
Cette garantie s’étend aux cas de menaces imminentes d’effondrement des ouvrages cités ci-dessus ayant justifié les mesures d’urgence nécessaires pour éviter une aggravation du dommage ou pour prévenir les accidents pouvant atteindre des personnes.
La garantie porte sur la perte de votre main d’oeuvre et/ou de vos matériaux que vous avez mis en oeuvre, y compris les frais de démolition, de déblaiement, de dépose ou de
démontage éventuellement nécessaires.
Faute de disposition contraire, qui n’existe pas en l’espèce, la garantie ci-dessus exposée ne peut être alléguée que par l’entreprise et ne bénéficie pas au maître de l’ouvrage (cf. 3e Civ., 11 juin 2013, nº 12-16.530).
Toute action directe à ce titre du maître de l’ouvrage est donc exclue, ce pourquoi les époux [N] allèguent l’application de cette clause non pas à leur profit mais au bénéfice de la SARL Albertino Ferreira, ce afin que celle-ci recevant les fonds les leur restitue dans le cadre de sa liquidation judiciaire.
Or nonobstant l’avis contraire mais erroné du premier juge, il apparaît clairement à la lecture de l’expertise de M. [L] que les conditions d’application de cette clause ne sont nullement remplies.
Le contrat MAAF garantit en effet l’entrepreneur contre le risque d’effondrement consommé, mais également contre la possibilité d’un effondrement, pourvu toutefois que la menace soit « imminente » et que des mesures d’urgence nécessaires aient été prises afin d’éviter l’aggravation du risque, selon les termes du contrat ci-dessus rapportés.
Or rien de cela n’existe en l’espèce. En effet M. [L] écrit sur ce point dans son rapport :
Notre réponse, appuyée par les constatations et les rapports de Monsieur [G] et de Monsieur [A], est que, dans l’état actuel du chantier, il n’y a pas de menace imminente d’écroulement, mais que toute poursuite des travaux entraînant des surcharges réparties ou ponctuelles sur ce gros ‘uvre jugé défectueux présente une menace grave d’écroulement.
On ne saurait être plus clair pour dire qu’effectivement il n’existait lors du rapport au mois de juin 2017 aucune menace imminente d’écroulement, sauf à poursuivre les travaux et à créer des surcharges supplémentaires, ce qui n’a jamais eu lieu puisque le chantier a été arrêté et de toute manière ne peut pas être repris avant démolition étant donné les graves désordres résultant de la réalisation catastrophique du gros oeuvre par la SARL Albertino Ferreira. Et l’on ne peut pas sérieusement assimiler l’arrêt des travaux avec les « mesures d’urgence nécessaires » pour éviter l’aggravation du dommage selon les termes du contrat.
Il convient d’observer en outre que le chantier est arrêté depuis le mois de mai 2014, soit plus de huit années à ce jour, et que l’immeuble, nonobstant les importants désordres dont il est affecté, ne s’est jamais effondré, du moins rien de tel n’est démontré.
La garantie de la compagnie MAAF n’est donc pas mobilisable et le jugement sera infirmé sur ce point également.
5. Sur les réparations
Contrairement à ce qui est affirmé par les époux [N] dans leurs conclusions page 12, le tableau récapitulatif des honoraires de maîtrise d’oeuvre inséré dans le rapport d’expertise judiciaire indique bien que les sommes dont il s’agit sont « TTC » et non pas hors taxes.
Ceci étant précisé, le tribunal a pertinemment arbitré tous les préjudices des époux [N], et sur ce point la cour confirme la décision par adoption des motifs.
6. Sur l’exécution provisoire
Le présent arrêt rend en toute hypothèse ce débat sans objet.
7. Sur l’article 700 du code de procédure civile
Étant donné le contexte très particulier de ce dossier il n’est pas inéquitable que chaque partie garde ses frais irrépétibles tant en première instance qu’en appel.
8. Sur les dépens de première instance et d’appel
Étant donné la solution donnée au litige par la cour, M. [X] et la compagnie MAAF doivent être exclus de tout paiement des dépens, qui seront donc mis au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Albertino Ferreira.
9. Sur les conséquences de la liquidation judiciaire de la SARL Albertino Ferreira
Aucune condamnation ne peut désormais être prononcée contre la SARL Albertino Ferreira, il sera donc procédé uniquement par fixation des sommes à son passif comme précisé ci-après dans le dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,
Infirme le jugement en ce que le tribunal :
‘ Condamne in solidum M. [S] [X] avec la SARL Albertino Ferreira à payer diverses réparations aux époux [V] et [E] [N] (170’930 EUR et 36’830,94 EUR), ainsi que le montant de loyers et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Dit que dans les rapports entre M. [S] [X] et la SARL Albertino Ferreira, le premier doit supporter 20 % de la dette ;
‘ Condamne in solidum M. [S] [X] avec la SARL Albertino Ferreira à une partie des dépens ;
‘ Condamne la compagnie SA MAAF Assurances à payer diverses sommes à la SARL Albertino Ferreira, et à supporter une partie des dépens, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Déboute les époux [V] et [E] [N] de toutes leurs demandes contre M. [S] [X] et contre la compagnie SA MAAF Assurances ;
Juge que la totalité des dommages subis par les époux [N] incombe exclusivement à la SARL Albertino Ferreira ;
Juge que la garantie effondrement dans le contrat souscrit par la SARL Albertino Ferreira auprès de la compagnie SA MAAF Assurances n’est pas mobilisable ;
Confirme le jugement pour le reste, mais dit que toutes les condamnations prononcées contre la SARL Albertino Ferreira sont désormais fixées à la liquidation judiciaire de celle-ci ;
Dit n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel ;
Met les dépens de première instance et d’appel à charge de la SARL Albertino Ferreira, sous forme d’inscription au passif de sa liquidation judiciaire ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Le greffier Le président