Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 25 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 18/06406 – N° Portalis DBVK-V-B7C-N6DU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 NOVEMBRE 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 15/03629
APPELANT :
Monsieur [X] [B] [P]
né le 31 Mai 1967 à [Localité 10] (64)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [E] [T]
né le 22 Avril 1974 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD – CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD – CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTERVENANTS :
SA MAAF ASSURANCES
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué sur l’audience par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [W] [N]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 21 Février 2023, révoquée avant l’ouverture des débats et une nouvelle clôture au 14 mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
en présence de Mme Marine HOF, greffière stagiaire
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [X] [B] [P] a entrepris, en qualité de maître d’ouvrage, une opération d’extension d’un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 11].
Sont intervenus à l’acte de construire :
– Monsieur [E] [T], assuré auprès de la Maf, en qualité de maître d’oeuvre,
– pour le lot gros oeuvre, étanchéité et cloisons : la SARL BCM Construction BTP (aujourd’hui en liquidation judiciaire), assurée auprès de la SA Maaf Assurances,
– pour le lot menuiseries, plomberie et électricité : Monsieur [W] [N], artisan exerçant à l’enseigne Agence Multi Services Techniques (AMST).
Les travaux n’ont fait l’objet d’aucune réception.
Se plaignant de désordres et malfaçons survenus en octobre 2010, Monsieur [X] [B] [P] a obtenu par ordonnance de référé du 26 juin 2013 la désignation de Monsieur [G] [D] en qualité d’expert, remplacé par Monsieur [I] [F] selon ordonnance du 2 juillet 2013, lequel a déposé son rapport le 30 juin 2014.
Par ordonnance du 20 novembre 2013, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à Maître [O] et à Maître [L] en leur qualité d’administrateur et de mandataire judiciaire de la SARL BCM Construction BTP alors placée en redressement judiciaire, ainsi qu’à la Maf en sa qualité d’assureur de Monsieur [T].
Aux termes de son rapport, l’expert a relevé :
– des infiltrations d’eau au premier et au deuxième étage, dues à un défaut d’étanchéité, l’absence de gorges, des malfaçons dans l’exécution des talonnettes et une absence de relevé d’étanchéité jusqu’au talon,
– des travaux de reprise sur la toiture avec un recouvrement insuffisant, inesthétique pour un toit neuf, l’expert émettant des réserves sur l’étanchéité à terme,
– des malfaçons dans la mise en oeuvre des sorties de bec de canard, trop courtes,
– des microfissures sur la façade dues à la mise en place de l’enduit, ne garantissant pas l’étanchéité.
Par actes des 9 et 11 septembre 2015, Monsieur [X] [B] [P] a assigné Monsieur [E] [T] et la Maf devant le tribunal de grande instance de Perpignan aux fins de les voir condamner à payer le coût total des travaux de reprise ainsi que des dommages et intérêts.
Selon actes des 25 septembre et 2 octobre 2015, Monsieur [T] et la Maf ont fait délivrer une assignation en intervention forcée à Monsieur [N], ainsi qu’à la Maaf Assurances, assureur de la société BCM Construction BTP, dont le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Perpignan le 24 septembre 2014.
Ces instances ont été jointes.
Par jugement contradictoire du 19 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Perpignan a :
– Jugé qu’aucune réception des travaux n’est intervenue ;
– Jugé que Monsieur [E] [T] n’est pas responsable, au titre du manquement à son obligation de moyens, des « désordres relatifs aux infiltrations, à l’état dégradé de la toiture, aux micro fissurations des façades et au trop plein de la terrasse affectant l’immeuble de Monsieur [B] [P] » ;
– Jugé que la Maf ne doit pas sa garantie ;
– Débouté Monsieur [X] [B] [P] de l’ensemble de ses demandes ;
– Fait droit à la demande reconventionnelle de Monsieur [E] [T], et à ce titre, condamné Monsieur [X] [B] [P] au paiement de la somme de 2 437,50 euros au titre du solde des honoraires, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;
– Condamné Monsieur [X] [B] [P] à payer à Monsieur [E] [T], Monsieur [W] [N] et la Maaf, à chacun, la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit n’y avoir lieu à statuer pour le surplus, et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– Condamné Monsieur [X] [B] [P] aux dépens de1’instance en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et en a autorisé la distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le 20 décembre 2018, Monsieur [X] [B] [P] a relevé appel de ce jugement à l’encontre de Monsieur [E] [T] et de la Maf.
Le 18 avril 2019, Monsieur [T] et la Maf ont formé appel provoqué à l’encontre de Monsieur [W] [N] et de la SA Maaf Assurances, assureur de la SARL BCM Construction.
Vu les dernières conclusions de Monsieur [X] [B] [P] remises au greffe le 8 février 2023 ;
Vu les dernières conclusions de Monsieur [E] [T] et de la Maf remises au greffe le 19 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de Monsieur [W] [N] remises au greffe le 14 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SA Maaf Assurances remises au greffe le 21 février 2023 ;
La clôture de la procédure a été prononcée au 21 février 2023.
Par ordonnance du 14 mars 2023, la clôture a été révoquée afin de prendre en compte les nouvelles conclusions de la Maaf du 21 février 2023, une nouvelle clôture ayant été prononcée le même jour.
MOTIFS DE L’ARRÊT :
En l’espèce, il convient d’une part de relever que la réalité des désordres constatés par l’expert (infiltrations dans le séjour et au niveau de la poutre ( premier étage), infiltrations au niveau de la jonction entre l’ancien bâtiment et la nouvelle construction ( deuxième étage), trop plein de la terrasse et micro fissurations des façades n’est pas discuté.
Il n’est pas davantage discuté ni discutable qu’en l’absence de réception, ces désordres ne présentent pas un caractère décennal.
Monsieur [B] [P] recherche donc la responsabilité du maître d’oeuvre sur le fondement de l’ancien article 1147 du code civil, exigeant la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
Il résulte de la proposition d’honoraires sur la base d’une mission complète signée le 25 mars 2009 par le maître d’oeuvre et le maître de l’ouvrage et du rapport d’expertise que la mission de Monsieur [T] s’était limitée au bâtiment hors d’eau hors d’air, le compte rendu n° 34 du 7 janvier 2011 indiquant que la mission de maîtrise d’oeuvre s’arrêterait au clos/couvert + isolation, l’expert précisant que Monsieur [B] [P], non satisfait de la prestation de Monsieur [T], avait préféré arrêter la mission de ce dernier au stade hors d’eau hors d’air.
Par conséquent, la circonstance que le maître d’oeuvre ait déclaré à l’expert qu’il assumait sa responsabilité pour les travaux jusqu’en mars 2011 ne peut être assimilée à une reconnaissance de responsabilité de sa part mais signifie simplement que le maître d’oeuvre n’a plus suivi les travaux postérieurement au mois de mars 2011, date à laquelle sa mission a pris fin.
Par ailleurs, force est de constater que cette mention relevée par l’expert n’est corroborée par aucune constatation de ce dernier quant à d’éventuels manquements du maître d’oeuvre, Monsieur [F] imputant exclusivement les désordres relevés à des défauts d’exécution des entreprises BCM Construction et AMST.
S’agissant du suivi du chantier, il ressort du rapport d’expertise qu’une réunion de chantier avait lieu chaque semaine avec l’architecte, un compte rendu étant adressé aux entreprises et au maître de l’ouvrage, Monsieur [T] préconisant des reprises concernant les façades (CR du 22 octobre 2010) et les appuis/seuilS des menuiseries terrasse (CR des 12 et 26 novembre 2010 et du 25 février 2011).
L’expert conclut ‘ Que ce soit pour les façades et les appuis seuils, Monsieur [T] avait attiré l’attention des entreprises TEC BAT et BCM’.
Monsieur [F] ajoute, en réponse à un dire du 28 avril 2014, que Monsieur [T] avait également attiré l’attention de Monsieur [B] [P] sur l’urgence de protéger l’étanchéité de la terrasse, tel que cela ressort des comptes rendus des 3, 10, 16 et 23 décembre 2010.
Il précise enfin que suite au constat d’huissier du 21 octobre 2010, Monsieur [T] a procédé à de nombreuses reprises relatives aux malfaçons au niveau de la mise en oeuvre et du matériel.
D’autre part, s’agissant du manquement du maître d’oeuvre à son obligation de conseil et de renseignement, si le maître de l’ouvrage reproche à Monsieur [T] d’avoir conseillé l’application d’une couche de peinture ‘ élastique ‘, l’expert impute les malfaçons affectant l’enduit de façade à la mise en oeuvre de ce dernier par l’entreprise BCM et non à un défaut de prescription du maître d’oeuvre, Monsieur [T] ayant demandé à TEC BAT ( sous-traitant de BCM) de reprendre les marbrures, tel que cela ressort des comptes rendus des 22 octobre et 29 novembre 2010.
Sur le défaut de conseil quant au choix de l’entreprise invoqué par le maître de l’ouvrage, la seule circonstance que l’entreprise BCM avait été créé moins d’un an avant le début des travaux n’impliquait pas nécessairement son absence de compétence ou de qualification pour réaliser les travaux litigieux, étant relevé en outre que son redressement judiciaire n’a été prononcé par le tribunal de commerce de Perpignan que le 27 mars 2013, soit presque quatre ans après le début des travaux litigieux, rien ne démontrant en conséquence que Monsieur [T] aurait commis une faute dans le choix de cette entreprise dont l’activité s’est poursuivie plusieurs années après son intervention sur le chantier de Monsieur [B] de Lions, ce dernier ne produisant en tout état de cause aucun élément établissant que cette entreprise aurait été défaillante dans le cadre d’autres chantiers.
Si Monsieur [T] a bien commis une faute en établissant le 4 mars 2011 les procès-verbaux de réception sans réserve pour les lots confiés aux entreprises BCM et AMST alors que l’ouvrage était affecté de nombreux désordres, cette faute n’a occasionné aucun préjudice au maître de l’ouvrage qui a refusé à juste titre la réception, de sorte que la responsabilité contractuelle du maître d’oeuvre ne peut être retenue, en l’absence d’un préjudice résultant de cette faute.
Par conséquent, il ressort du rapport d’expertise et des pièces versées aux débats que les désordres constatés par l’expert et les préjudices en résultant pour Monsieur [B] de Lions ne sont pas imputables à des manquements commis par Monsieur [T] dans le cadre de sa mission, de sorte que les demandes présentées à l’encontre de ce dernier et de son assureur, la Maf, seront rejetées, sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’appel en garantie du maître d’oeuvre à l’encontre de Monsieur [W] [N] et de la SA Maaf Assurance, assureur de la société BCM Constructions.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Enfin, Monsieur [B] [P] n’est pas fondé à opposer l’exception d’inexécution pour refuser de régler le solde d’honoraires dû au maître d’oeuvre alors qu’aucun manquement contractuel n’a été caractérisé à l’encontre de ce dernier.
Monsieur [B] [P] sera donc condamné à payer à Monsieur [T] la somme de 2 437,50 euros au titre du solde des honoraires, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [X] [B] [P] et la Maf à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en appel :
– 2 500 euros à Monsieur [E] [T]
– 1 500 euros à Monsieur [W] [N]
– 1 500 euros à la SA Maaf Assurances
Condamne Monsieur [X] [B] [P] aux entiers dépens d’appel.
Le greffier, Le président,