Droits des Artisans : 25 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/05172

·

·

Droits des Artisans : 25 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/05172

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 25/05/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/05172 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TKWL

Jugement (N° 20/03311) rendu le 03 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [W] [O]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Ludovic Denys, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [T] [L]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]

défaillant, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 23 février 2021 à l’étude d’huissier

DÉBATS à l’audience publique du 27 février 2023 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 juin 2022

****

[W] [O], propriétaire d’un immeuble situé [Adresse 1], a confié à M. [T] [L], artisan, l’exécution de travaux de peinture, de nettoyage et de traitement anti-mousse des toitures, selon devis du 4 juillet 2015 d’un montant de 2 800 euros, lesquels ont été réalisés en juillet 2015 et réglés.

Faisant état de désordres apparus courant 2017, consistant en un décollement de la peinture et l’apparition de mousse sur les zones traitées, et après réalisation d’une expertise amiable puis d’une expertise judiciaire ordonnée en référé, auxquelles l’entrepreneur, convoqué, n’a pas participé, il a fait assigner M.'[L] par acte d’huissier du 4 juin 2020 devant le tribunal judiciaire de Lille afin d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 20 348,26’euros au titre des travaux de reprise.

Par jugement du 3 novembre 2020, le tribunal a condamné M. [L] à payer à M.'[O] les sommes de 2 800 euros au titre des travaux mal exécutés et de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens comprenant le coût de l’expertise.

M. [O] a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions remises le 4 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de son argumentation, demande à la cour de condamner M. [L] à lui payer la somme de 20 348,26 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages affectant son immeuble, avec revalorisation selon l’évolution de l’indice BT01 du coût de la construction intervenue entre le dépôt du rapport et le jour du complet paiement, outre 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de référé et d’expertise judiciaire.

M. [L], auquel la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant ont été respectivement signifiées les 23 février et 29 mars 2021 par remise des actes en l’étude de l’huissier instrumentant, n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 1147 du code civil dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, applicable au cas présent compte tenu de la date du contrat, dispose que le débiteur [d’une obligation contractuelle] est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L’inexécution ainsi visée inclut la mauvaise exécution.

En l’espèce, l’expert désigné par l’assureur de M. [O] comme l’expert judiciaire ont constaté un décollement généralisé de la peinture/résine appliquée par M.'[L] dans plusieurs zones en façade avant de la couverture et des décollements moins importants en façade arrière ainsi qu’une présence de mousse quasi-généralisée.

Le premier expert indique que le décollement’semble résulter’d’un défaut d’exécution de M. [L] mais ajoute que la détermination de l’origine de ce désordre ne pourrait être avalisée que par des prélèvements et analyses en laboratoire en l’absence de certitude sur le produit employé et émet des hypothèses: incompatibilité du produit appliqué par rapport au subjectile, absence de primaire d’accrochage, épaisseur de produit insuffisante, défaut de nettoyage du subjectile avant application du produit, conditions de mise en oeuvre non respectées, défaut du produit.

L’expert judiciaire, pour sa part, explique que la terre cuite est poreuse par nature, que la couche de peinture rend étanche à l’eau et à l’air le dessus de la tuile, ce qui empêche la migration de la vapeur d’eau vers l’extérieur, d’où les décollements constatés de la peinture appliquée sur la façade externe des tuiles. Son avis, toutefois, n’est pas exempt de contradiction puisqu’après avoir affirmé, préalablement à cette explication, que « le revêtement de type peinture mis en oeuvre sur les tuiles en terre cuite n’est pas adapté’», il conclut quelques lignes plus loins en ces termes : «’en l’absence de la fiche technique de la peinture utilisée, nous ne pouvons pas nous prononcer sur sa compatibilité ou son incompatibilité avec les tuiles en terre cuite’», ce qui rejoint finalement l’observation de l’expert « amiable’» sur la nécessité d’une analyse du produit pour déterminer s’il était adapté ou non à la toiture dont il s’agit.

M. [O] verse encore aux débats un écrit de la société Thierry Béghin (couverture-zinguerie) ainsi rédigé : « A la suite de la visite technique effectuée à votre domicile le 2 septembre 2019, j’ai pu constater la pose d’un produit de rénovation des tuiles sur votre toiture. Par notre retour d’expérience, et sans que cela soit étayé par une étude scientifique, nous avons déjà constaté que ce type de produit est adapté aux tuiles de type béton mais pas du tout pour des tuiles de type terre cuite comme les vôtres. Nous pensons que c’est la raison du désordre actuel’».

Malgré les réserves exprimées par ces différents avis sur les causes exactes des désordres, il est acquis que M. [L], qui était débiteur d’une obligation de résultat, complétée par une garantie de dix ans mentionnée par la facture de sa prestation, a manqué à cette obligation, que ce soit par le choix d’un produit inadapté, une méthode d’application inappropriée de celui-ci, voire les deux, et est donc responsable du préjudice subi par M.'[O]. Se pose donc la question de la détermination et de la réparation de ce préjudice.

L’expert missionné par l’assureur de l’appelant considère qu’il s’agit d’un désordre esthétique ne rendant pas l’ouvrage impropre à sa destination, que la reprise du revêtement pourrait représenter un enjeu financier de l’ordre de 5 000 euros TTC si d’aventure la reprise nécessitait la dépose du produit et que le coût de la suppression de la mousse pourrait être de plus ou moins 500 euros.

L’expert judiciaire, à la suite de la description des désordres et de leur cause probable, déclare que « tous les désordres constatés sont de nature à rendre les tuiles impropres à leur destination dans l’immédiat’». Il n’exclut donc pas qu’elles puissent être remises en état d’être conformes à leur destination.

Il ajoute : « Suite à la consultation de la société Technitoit, spécialiste depuis plus de quinze ans du traitement des couvertures en tuiles terre cuite ou béton, nous avons obtenu une réponse négative en ce qui concerne la mise en oeuvre de leur traitement sur la couverture de l’habitation de M. [O]’», ce qui est peu clair ; or, l’attestation de Technitoit censée être annexée au rapport de l’expert, n’étant pas produite, ne peut éclairer la cour ; au surplus, l’avis qui y est exprimé est celui d’une entreprise commerciale, non celui de l’expert lui-même ni d’un sachant à l’impartialité garantie.

Il n’est donc pas établi que la toiture ne puisse pas être remise en état et que sa réfection totale, préconisée par l’expert et au coût de laquelle correspond le montant des dommages et intérêts demandés par l’appelant, s’impose.

En revanche, alors que le tribunal a estimé devoir limiter l’indemnisation de M.'[O] au montant de la dépense qu’il a exposée inutilement, soit le montant réglé à M.'[L], il est indéniable que son préjudice consiste également dans la nécessité, pour éviter une aggravation, de reprendre à tout le moins le traitement des tuiles et d’éradiquer la mousse, prestation dont le premier expert, au mois d’août 2018, estimait le coût global de l’ordre de 5 500 euros, lequel n’a pu qu’augmenter depuis lors, à laquelle s’ajoutent la contrariété et les tracas occasionnés par la situation, de sorte que la cour estime une indemnité de 10’000 euros plus adaptée. Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués.

Celui-ci sera en revanche confirmé en ce qui concerne la condamnation du défendeur, aujourd’hui intimé et partie perdante, aux dépens incluant le coût de l’expertise judiciaire mais non les frais de la procédure, distincte, de référé, et au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles. Il appartient à M. [L] de supporter également les dépens d’appel et d’indemniser l’appelant des autres frais qu’il a exposés pour assurer à bon escient la défense de ses intérêts devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour

infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [T] [L] à payer à M. [W] [O] la somme de 2 800 euros à titre de dommages et intérêts,

statuant à nouveau sur ce chef, condamne M. [T] [L] à payer à M. [W] [O] la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur 2 800 euros et à compter de ce jour sur le surplus,

confirme le jugement en ses autres dispositions,

condamne M. [L] aux dépens d’appel et au paiement à M. [O] d’une indemnité de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x