COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 25 MAI 2023
N° RG 20/02465 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LTOD
S.A.R.L. FR INVESTISSEMENTS
c/
S.A.R.L. MSO
La SMABTP
La SMABTP
S.C.I. PIERRE TERRE VIGNE
S.A.R.L. AQUITAINE MANAGEMENT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 juin 2020 (R.G. 18/01091) par le Tribunal judiciaire de LIBOURNE suivant déclaration d’appel du 16 juillet 2020
APPELANTE :
S.A.R.L. FR INVESTISSEMENTS
société à responsabilité limitée au capital de 10 000 euros inscrite au RCS de Libourne sous le numéro 533 573 218 dont le siège social est situé [Adresse 2], agissant poursuite et diligence de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Béatrice DEL CORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.A.R.L. MSO
SARL inscrite au RCS de BORDEAUX sous le numéro 820 088 367, pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
sur appel provoqué de la SCI PIERRE TERRE VIGNE en date du 25.11.20
et sur appel provoqué de la SARL AQUITAINE MANAGEMENT en date du 18.11.20
Représentée par Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX
La SMABTP
Société d’assurance mutuelle, immatriculé au RCS de PARIS
sous le n° 775 684 764, dont le siege social est [Adresse 4] a [Localité 11] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
es qualité d’assureur de la SARL AQUITAINE MANAGEMENT
sur appel provoqué de la SCI PIERRE TERRE VIGNE en date du 18.11.20
et sur appel provoqué de la SARL AQUITAINE MANAGEMENT en date du 23.11.20
Représentée par Me Claire PELTIER substituant Me Jean-Jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX,
La SMABTP
Mutuelle immatriculée au RCS de Paris, sous le numéro 775 684 764, pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 4],
es qualité d’assureur de la société MSO
sur appel provoqué de la SCI PIERRE TERRE VIGNE en date du 18.11.20
et sur appel provoqué de la SARL AQUITAINE MANAGEMENT en date du 23.11.20
Représentée par Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.I. PIERRE TERRE VIGNE
Société Civile Immobilière au capital social de 16.000,00 €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 318 251 709, ayant son siège social situé [Adresse 6],
représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocate au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me Nadine DUSSANG substtiuant Me Florence MOLERES, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. AQUITAINE MANAGEMENT
au capital de 396 368,00 € immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 428 131 544 dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 9] pris en la personne de ses représentants Iégaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 avril 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Le 3 août 2013, un incendie a détruit un entrepôt appartenant à la SCI Pierre Terre Vigne, situé [Adresse 13] à [Localité 10], et figurant au cadastre de cette ville, [Adresse 12], section BM, numéro [Cadastre 5].
Cet incendie s’est propagé et a endommagé les immeubles voisins et notamment ceux situés sur les parcelles cadastrées :
– Section BM, numéro [Cadastre 7], appartenant à cette date à M. [G],
– Section BM, numéro [Cadastre 8], appartenant à cette date à la SCI Lamarre.
A la suite de la déclaration du sinistre par la SCI Pierre Terre Vigne à son assureur, un expert a été désigné le 6 août 2013.
Le 14 août 2013, le tribunal administratif saisi par la Commune de [Localité 10] dans le cadre d’une procédure d’arrêté de péril, a ordonné une expertise et un arrêté de péril a été pris le 21 août 2013.
La société Anco Atlantique a établi les 22 novembre 2013 et 3 février 2014 des diagnostics concernant l’état de l’ensemble des bâtiments endommagés par l’incendie et la SCI Pierre Terre Vigne a contacté des entreprises afin d’envisager la reconstruction du bâtiment détruit par l’incendie lui appartenant.
Suivant contrat de maîtrise d’oeuvre en date du 10 mars 2014, la SCI Pierre Terre Vigne a confié à la société Aquitaine Management la reconstruction du bâtiment à usage d’entrepôt sinistré.
Le 6 mai 2014, la SCI Pierre Terre Vigne a déposé un permis de reconstruire auprès de la mairie de [Localité 10], et par arrêté du 1er juillet 2014, a été autorisée à procéder à la reconstruction du bâtiment lui appartenant.
Au vu du devis établi par la société MSO Constructions, le 21 octobre 2014, la SCI Pierre Terre Vigne a signé un marché de travaux avec cette société concernant la démolition du mur endommagé séparant le bâtiment lui appartenant des bâtiments voisins et, le 21 décembre 2014, la SCI Pierre Terre Vigne a confié ces travaux à la société MSO Constructions.
Sur la base d’un compromis de vente signé le 22 juillet 2014, la société FR Investissements a, par acte authentique en date du 27 novembre 2014, acquis de M. [G] l’une des deux parcelles voisines de la propriété de la SCI Pierre Terre Vigne cadastrée à [Localité 10] Section BM, numéro [Cadastre 7], pour le prix de 5 000 euros.
Considérant que la SCI Pierre Terre Vigne a démoli le mur mitoyen sur lequel reposait la charpente du bâtiment lui appartenant, sans autorisation, que le mur reconstruit par la SCI Pierre Terre Vigne, qui n’a pas été reconstruit à l’endroit qu’il occupait avant l’incendie, empiétait sur sa propriété de 16 cm sur une longueur de 18 m, cause des désordres à ses propres bâtiments, la société FR Investissements, par exploit d’huissier en date du 6 mai 2016,régulièrement signifié à la SCI Pierre Terre Vigne, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Libourne afin de voir désigner un expert.
Par exploits d’huissier en date du 20 mai 2016, la SCI Pierre Terre Vigne a elle-même fait assigner respectivement la société Aquitaine Management et la société MSO Constructions aux fins de jonction des procédures, demandant que leur soient rendues communes les conclusions de l’expertise, en ce qu’elles ont procédé aux travaux litigieux, ainsi qu’à leurs assureurs.
Le 13 juillet 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Libourne a ordonné la jonction des procédures et désigné [E] [M], expert près de la cour d’appel de Bordeaux pour procéder à la mission d’expertise nécessaire au règlement du litige.
Le 14 février 2018, la société FR Investissements a acquis la parcelle Section BM, numéro [Cadastre 8] de la SCI Lamarre.
Le 5 juillet 2018, Mme [E] [M], à laquelle au mois de septembre 2017, le juge chargé du contrôle des expertises avait adjoint M. [I] expert sapiteur, a déposé son rapport.
Par exploits d’huissier en date des 13 et 18 septembre 2018, la société FR Investissements a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Libourne, en lecture de rapport d’expertise, la SCI Pierre Terre Vigne et la société Aquitaine Management, considérant que le mur n’avait pas été reconstruit à l’identique, que, reconstruit de biais, il empiétait sur sa propriété, lui causant un trouble anormal du voisinage et de graves préjudices, aux fins de condamnation à démolir et reconstruire le mur litigieux tel qu’il était antérieurement, sous astreinte, et à l’indemniser de ses divers préjudices, sur le fondement des dispositions des articles 544, 545, et 1240 du code civil.
Par jugement en date du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Libourne a :
– ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture et fixé la clôture des débats au jour des plaidoiries le 19 décembre 2019,
– rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, soulevée in limine-litis par la SCI Pierre Terre et Vigne,
– déclaré recevables en la forme les demandes présentées par la société FR Investissements,
– constaté que la société FR Investissements est bien fondée à demander réparation des légères dégradations affectant que le dallage des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], directement liées aux interventions des sociétés MSO Constructions et Sarl Aquitaine Management,
– dit qu’il convient de limiter les travaux de reprise à la seule partie du dallage située au droit du mur mitoyen reconstruit par la SCI Pierre Terre et Vigne, sur une surface représentant au maximum une bande d’une largeur d’environ un mètre, sur toute la longueur du mur reconstruit,
– donné acte à la Sarl Aquitaine Management et à la Sarl MSO Constructions de l’engagement qu’elles ont pris de remettre en état le dallage situé au droit du mur qu’elles ont reconstruit.
– rejeté le surplus des demandes de la société FR Investissements au titre de la réparation du dallage des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
– débouté la société FR Investissements de l’intégralité de ses autres demandes, fins et prétentions.
– condamné la société FR Investissements aux entiers dépens.
– condamné la société FR Investissements à verser la somme de 2000 euros à chacune des sociétés SCI Pierre Terre Vigne, Aquitaine Management et Sarl MSO Constructions et à l’assureur de ces deux dernières la SMABTP, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration électronique en date du 16 juillet 2020, la société FR Investissements a relevé appel de cette décision limité aux dispositions ayant :
– dit qu’il convient de limiter les travaux de reprise à la seule partie du dallage située au droit du mur mitoyen reconstruit par la SCI Pierre Terre Vigne, sur une surface représentant au maximum une bande d’une largeur d’environ un mètre, sur toute la longueur du mur reconstruit.
– rejeté le surplus des demandes de la société FR Investissements au titre de la réparation du dallage des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
– débouté la société FR Investissements de l’intégralité de ses autres demandes, fins et prétentions.
– condamné la société FR Investissements aux entiers dépens.
– condamné la société FR Investissements à verser la somme de 2000 euros à chacune des sociétés SCI Pierre Terre et Vigne, Aquitaine Management et SARL MSO Constructions et à l’assureur de ces deux dernières la SMABTP, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ont été intimées par l’acte d’appel la SCI Pierre Terre Vigne et la société Aquitaine Management.
La société Aquitaine Management a, à son tour, assigné en appel provoqué devant la cour d’appel de Bordeaux la société MSO Maçonnerie, par acte remis le 18 novembre 2020 et la SMABTP, ès qualité d’assureur de la société Aquitaine Management et de la société MSO Maçonnerie, par acte remis le 23 novembre 2020.
La SCI Pierre Terre Vigne a fait assigner en appel provoqué devant la cour d’appel de Bordeaux, la société MSO, par acte remis le 25 novembre 2020, et la SMABTP, ès qualités d’assureur de la société Aquitaine Management, de la société MSO et de la société MSO Maçonnerie, par acte remis le 18 novembre 2020.
La société FR Investissements, dans ses dernières conclusions d’appelante en date du 9 mars 2023, demande à la cour, au visa des articles 1353 du code civil, 544, 545, 1240 1792 du code civil, de :
A titre principal,
Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne en date du 15 juin 2020
– dire et juger que la SCI Pierre Terre et Vigne et la société Aquitaine Management ont engagé leur responsabilité,
– dire et juger que la SCI Pierre Terre et Vigne devra faire procéder à la démolition sous astreinte de 7 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, du mur en litige reconstruit à l’initiative de la SCI Pierre Terre et Vigne qui empiète sur le fonds cadastré BM [Cadastre 7] et ne se situe plus en limite de propriété du fonds BM [Cadastre 8] ,
– dire et juger que le mur qui devra être reconstruit, le sera conformément aux anciennes limites de propriété, telles que fixées à travers le rapport et plan du cabinet de géomètre Geosat, en annexe du rapport d’expertise de Mme [M], mur qui devra donc se situer en limite de propriété des fonds B [Cadastre 5], B [Cadastre 7] et B [Cadastre 8], et devra permettre de soutenir la charpente métallique de la toiture des bâtiments B [Cadastre 7] et B [Cadastre 8],
Subsidiairement, et dans l’hypothèse selon laquelle, la Cour d’appel de Bordeaux n’envisagerait pas la suppression du mur en litige, mais une solution alternative, visant à la conservation du mur litigieux et sa démolition partielle,
Vu la proposition de la société Pierre Terre et Vigne de procéder à la destruction partielle du mur en litige sur 18,50 mètres de long, de manière à rétablir les limites de propriété entre d’une part le fonds BM [Cadastre 7] et BM [Cadastre 5], travaux qui devront tenir compte des limites de propriété antérieures telles que fixées par le cabinet GEOSAT, mandaté par Mme [M],
– condamner à titre subsidiaire la société Pierre Terre et Vigne sous astreinte de 7000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à procéder à la démolition sur 18,50 mètres du mur et de ses fondations, de façon à ce que l’ouvrage n’empiète plus sur la parcelle BM [Cadastre 7], puis à sa reconstruction en tenant compte du plan et des limites antérieures fixées par le cabinet GEOSAT,
– autoriser la société FR Investissements une fois le mur reconstruit en limite de propriété du fonds BM [Cadastre 7], à pouvoir ancrer sur ce mur sa charpente et accomplir les aménagements nécessaires à celle-ci (notamment les systèmes d’écoulement des eaux pluviales).
– autoriser la société FR Investissements propriétaire du fonds BM [Cadastre 8] à réaliser sur la partie des 8 mètres de mur qui sera conservée, mur désormais implanté sur la parcelle BM [Cadastre 5], aux frais de la société Pierre Terre et Vigne, tous les aménagements et ancrage nécessaires permettant d’accueillir par la suite les charpentes métalliques du fonds BM [Cadastre 8]
– condamner dans tous les cas, la société Pierre Terre et Vigne à laisser pénétrer sur sa parcelle BM [Cadastre 5] toutes entreprises que mandaterait l’appelant, afin que celle-ci soit en mesure d’effectuer tous les travaux d’aménagement nécessaire sur le mur en litige permettant d’accueillir les futures charpentes métalliques des bâtiments BM [Cadastre 7] et BM [Cadastre 8] et les systèmes d’évacuation des eaux pluviales des dites charpentes, le tout sous astreinte de 7000 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir, – désigner tel expert foncier qu’il plaira, pour chiffrer le préjudice financier subi par la société FR Investissements découlant de la diminution de superficie du bâtiment BM [Cadastre 7] dans l’hypothèse selon laquelle le mur en litige ne serait pas démoli, en précisant que les frais découlant de cette expertise et des frais notariés et fiscaux seront à la charge de la société Pierre Terre et Vigne.
– condamner dès à présent la société Pierre Terre et Vigne à réparer l’intégralité des préjudices subis par la société FR Investissements,
– condamner en tout état de cause, in solidum la SCI Pierre Terre et Vigne et la SARL Aquitaine Management et leur compagnie d’assurance à payer à la Société FR Investissements la somme de 80 758,52 euros TTC au titre des adaptations et coût des charpentes métalliques des fonds [Cadastre 7] et [Cadastre 8], outre les intérêts au taux légal à partir du 6 mai 2016 date de l’assignation en référé jusqu’à parfait paiement,
– condamner in solidum la SCI Pierre Terre et Vigne et la Sarl Aquitaine Management à verser à la société FR Investissements la somme de 17 831,23 euros au titre de la réparation du dallage des bâtiments BM [Cadastre 7] et BM [Cadastre 8]
– condamner in solidum la SCI Pierre Terre et Vigne et la Sarl Aquitaine Management à verser la somme de 48 950 euros au titre du préjudice de jouissance et perte locative subis par l’appelante (décompte arrêté au 21 juillet 2022)
– condamner in solidum les intimés à verser la somme de 14500 euros HT en application des
dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les intimés à rembourser à l’appelante les entiers dépens comprenant notamment au titre des dépens l’ensemble des frais engagés, du cabinet Thales, de M. [J] [K], de M. [A], du cabinet B2B des deux constats d’huissier de Me [U] et de l’ensemble des frais d’expertise judiciaire (GEOSAT et Mme [M]) en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile
– débouter la société Pierre Terre et Vigne et les autres intimés de l’ensemble des demandes reconventionnelles qu’ils présentent à l’encontre de la société FR Investissements.
La SCI Pierre Terre et Vigne, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 21 février 2023, demande à la cour, au visa des articles 544, 1231-1, 1240, 1792 du code civil et 31 du code de procédure civile, ainsi que de l’avis de la 2 ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 03.06.2021 n° 21-70.006 avis n° 15008 P, de:
In limine Litis,
– se déclarer compétente pour statuer sur les fins de non-recevoir tranchées par le tribunal judiciaire,
Réformer le jugement en ce qu’il a considéré que la Sarl FR Investissements avait un intérêt et une qualité pour agir,
Statuant à nouveau :
– juger que la Sarl FR Investissements n’a ni intérêt, ni qualité pour agir à se prévaloir de l’existence d’un mur antérieurement à son acte authentique du 27 novembre 2014,
En conséquence,
– déclarer irrecevables les demandes de la SARL FR Investissements en ce qu’elles tendent à ce que :
* le mur actuel soit supprimé sous astreinte de 7 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
* un nouveau mur soit reconstruit à l’identique du mur mitoyen antérieur en sa hauteur,
*les modifications de limite de propriété donnent lieu à un transfert gratuit de propriété et une rectification notariée aux frais exclusifs de la SCI Pierre Terre et Vigne,
* la SARL FR Investissements soit indemnisée d’une charpente métallique neuve pour un montant de 89 338,11 euros
*elle soit indemnisée du dallage ou d’un préjudice de jouissance,
– juger que la SARL FR Investissements n’a ni intérêt, ni qualité pour agir pour invoquer un quelconque empiétement du mur sur la parcelle BM [Cadastre 8],
En conséquence,
– déclarer irrecevables les demandes de la SARL FR Investissements à ce titre,
– débouter la société FR Investissements de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Sur le fond,
Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société FR Investissements de ses demandes, et en ce qu’il a:
* dit qu’il convenait de limiter les travaux de reprise à la seule partie du dallage située au droit du mur mitoyen reconstruit par la société Pierre Terre et Vigne sur une surface représentant au maximum une bande d’une largeur d’environ 1m sur toute la longueur du mur reconstruit,
* rejeté le surplus des demandes de la société FR Investissements au titre de la réparation du dallage des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8],
* débouté la société FR Investissements de l’intégralité de ses autres demandes, fins et prétentions,
* condamné la société FR Investissements aux entiers dépens,
* condamné la société FR Investissements à verser la somme de 2.000 euros à chacune des sociétés Pierre Terre et Vigne, Aquitaine Management et la SARL MSO Constructions et à l’assureur de ces deux dernières la SMABTP au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Réformer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Pierre Terre et Vigne à titre reconventionnel,
Statuant à nouveau,
– ordonner sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir à la société FR Investissements à laisser pénétrer sur les parcelles BM [Cadastre 7] et [Cadastre 8], toute entreprise mandatée ou artisan, par la SCI Pierre Terre et Vigne pour imperméabiliser le mur existant séparant leurs fonds respectifs,
– condamner la société FR Investissements à indemniser la société Pierre Terre et Vigne de son préjudice locatif actualisé au mois de décembre 2020, à hauteur de 80 500 euros, suite à son refus de voir imperméabiliser le mur.
– juger qu’il n’existe aucun empiétement sur les parcelles appartenant à la société FR Investissements,
– débouter la société FR Investissements de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– débouter la société Aquitaine Management, la société MSO et la société SMABTP de toutes demandes dirigées à l’encontre de la SCI Pierre Terre et Vigne,
Dans l’hypothèse où un empiétement était démontré,
– juger que l’empiétement est limité et partiel et n’existe que de 16 cm d’une partie du mur à l’angle SUD EST sur la parcelle BM [Cadastre 7] appartenant à la SARL FR Investissements,
Dans l’hypothèse où la démolition était ordonnée,
– homologuer la solution technique de l’expert judiciaire Mme [M] qui a indiqué la possibilité d’une démolition partielle limitée à l’empiétement,
– ordonner la démolition partielle de la partie du mur empiétant de 16 cm sur la parcelle BM [Cadastre 7] aux frais in solidum de la société Aquitaine Management, de la société MSO et de leurs compagnies d’assurance respective, la SMABTP,
– qualifier le mur de propriété exclusive de la SCI Pierre Terre et Vigne,
Dans l’hypothèse d’une démolition intégrale du mur,
– condamner in solidum la société Aquitaine Management, la société MSO et leurs compagnies d’assurances respectives, la SMABTP, à prendre à leur charge les frais de démolition et de reconstruction,
– juger qu’en cas de reconstruction s’agissant d’un mur mitoyen, la société FR Investissements sera tenue de participer à la moitié de tous les frais engagés,
– débouter la société FR Investissements de l’ensemble de ses demandes concernant le coût d’une charpente métallique, le coût d’un prétendu dallage, le coût d’un prétendu préjudice locatif, les différents postes n’étant justifiés par aucune faute, aucun préjudice ni aucun lien de causalité avec l’éventuel empiétement partiel du mur à l’angle Sud Est de la parcelle BM [Cadastre 7].
– condamner SOIT la société FR Investissements à indemniser la SCI Pierre Terre et Vigne de la somme totale de 16 000 euros correspondant aux préjudices subis en cas de démolition intégrale du mur sur le fondement de l’article 1147 du code civil, qui se compose des coûts de relogement des locataires actuels et de la perte de loyers pendant les travaux.
-SOIT in solidum la société Aquitaine Management et la SMABTP à indemniser la SCI Pierre Terre et Vigne de la somme de 16 000 euros correspondant aux préjudices subis en cas de démolition intégrale du mur sur le fondement de l’article 1134 du code civil, qui se compose des coûts de relogement des locataires actuels et de la perte de loyers pendant les travaux.
– condamner in solidum la société Aquitaine Management, la société MSO et leur compagnie d’assurance la SMABTP, à garantir et à relever indemne entièrement la société Pierre Terre et Vigne de toute condamnation et somme pouvant éventuellement être prononcée à son encontre et mise à sa charge en ce compris les frais d’article 700 du CPC et les dépens,
En tout état de cause,
– condamner la société FR Investissements à payer à la SCI Pierre Terre et Vigne la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, outre les entiers dépens d’instance.
La société Aquitaine Management, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 2 août 2022, demande à la cour, au visa des articles du code civil, de :
– A titre principal:
– déclarer recevable mais mal fondé l’appel diligenté par la société FR Investissements à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne le 15 juin 2020.
En conséquence,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne le 15 juin 2020.
A titre subsidiaire, si la responsabilité de la société Aquitaine Management venait à être retenue:
– Faire droit à l’appel incident de la société Aquitaine Management,
– Faire application de la clause d’exclusion de solidarité contenue dans la convention
de maîtrise d »uvre conclue entre la société Aquitaine Management et la SCI Pierre Terre et Vigne.
En conséquence:
– limiter le montant des condamnations susceptibles d’être prononcées à l’encontre de la Sarl Aquitaine Management à sa quote-part de responsabilité dans les préjudices invoqués.
A titre infiniment subsidiaire :
– faire droit à l’appel provoqué de la société Aquitaine Management.
En conséquence :
– condamner in solidum la société MSO et la SMABTP, en sa qualité d’assureur de la société MSO, à garantir et relever indemne la société Aquitaine Management des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.
En tout état de cause :
– condamner la SMABTP à mobiliser ses garanties au profit de la SARL Aquitaine Management au titre de la police d’assurance responsabilité civile professionnelle souscrite par cette dernière et dès lors à garantir la société Aquitaine Management des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.
– condamner la partie qui succombera à payer à la société Aquitaine Management une indemnité de 4000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction au profit de la SCP Latournerie Milon Czamanski Mazille par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société MSO et la SMABTP en qualité d’assureur de la société MSO, dans leurs dernières conclusions d’intimées en date du 16 août 2022, demandent à la cour, au visa des articles 653 et suivants, 1231, 1240 et suivants et 1792 du code civil, de :
A titre principal,
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire,
– débouter les sociétés Pierre Terre et Vigne et Aquitaine Management, et toute autre partie de leurs demandes fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société MSO Maçonnerie et de son assureur la SMABTP.
A titre subsidiaire
– condamner in solidum les sociétés Pierre Terre et Vigne, Aquitaine Management et son assureur la SMABTP à garantir et relever intégralement indemne la société MSO Maçonnerie et son assureur la SMABTP de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à leur encontre.
Et en tout état de cause,
– rejeter toute autre demande plus ample ou contraire.
– condamner in solidum la société Pierre Terre et Vigne, la société Aquitaine Management et son assureur la SMABTP à verser à la société MSO Maçonnerie et son assureur la SMABTP 4 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d’appel.
La société SMABTP es qualité d’avocat de la société Aquitaine Management s’est constituée tardivement. N’étant plus recevable à signifier ses conclusions, est réputée s’approprier les motifs du jugement par application de l’article 945 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2023.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l’action de la société FR Investissements :
Il est constant qu’il appartient à la seule cour d’appel de trancher les fins de non recevoir afférentes à l’appel, c’est à dire celles sur lesquelles la juridiction du premier degré s’est prononcée dans le cadre de la décision déférée à la cour, le conseiller de la mise en état, qui n’est pas juridiction d’appel des décisions de première instance, n’ayant compétence à trancher, au terme des dispositions de l’article 914 du code de procédure civile et des dispositions de l’article 789-6° du code de procédure civile dans sa rédaction résultat du décret du 11 décembre 2019, par renvoi de l’article 907, que les fins de non recevoir afférentes à la procédure d’appel.
Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société FR Investissements soulevée par la SCI Pierre Terre Vigne au motif qu’au jour de l’assignation, en septembre 2018, la société FR Investissements justifiait de sa qualité de propriétaire des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] et ainsi de son intérêt à entamer une procédure à l’encontre de sa voisine.
La SCI Pierre Terre Vigne conteste cette décision faisant grief au tribunal d’avoir, dans ses motifs, indiqué que la société FR Investissements n’avait pas d’intérêt à agir (pages 16 et 17), après avoir constaté que lors de l’acquisition, la société FR Investissements n’avait pas acquis un mur mitoyen puisqu’il était détruit ou ne justifiait pas de l’intérêt qu’elle pourrait avoir à la démolition et à la reconstruction d’un mur mitoyen lui permettant d’envisager la réhabilitation des bâtiments sinistrés qu’elle a acquis. Elle insiste en effet essentiellement sur le fait que la société FR Investissements n’a jamais acquis de droits sur un mur mitoyen entre les fonds BM [Cadastre 5] et [Cadastre 7] puisqu’au jour de son acquisition le dit mur était démoli.
La société FR Investissements soutient au contraire qu’au jour de la signature du compromis de vente avec M. [G], le 22 juillet 2014, le bâtiment vendu était encore composé de tous ses murs porteurs, dont le mur mitoyen séparant les fonds BM [Cadastre 7] et BM [Cadastre 8] de la parcelle BM [Cadastre 5], qu’au jour de la réitération de l’acte de vente, le 27 novembre 2014, le mur mitoyen n’était démoli que depuis quelques jours, sans accord de M. [G], son vendeur, que le constat d’huissier du 16 juillet 2015 constate que les travaux de reconstruction sur le fonds voisin BM [Cadastre 5] sont en cours et notamment l’édification d’un mur qui empiète sur le fonds BM [Cadastre 7], en sorte que c’est postérieurement à la signature de l’acte authentique que la SCI Pierre Terre Vigne a construit le mur en litige et qu’à la date de l’assignation de septembre 2018, la société FR Investissements, en sa qualité de propriétaires des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], justifiait d’un intérêt à agir et à entamer une procédure à l’encontre de sa voisine, propriétaire de la parcelle BM [Cadastre 5].
Le tribunal a justement rappelé que selon les dispositions de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé et que l’intérêt ou la qualité à agir s’apprécie au moment de l’exercice de l’action, c’est-à-dire au jour de l’introduction de la demande.
Pour avoir qualité à agir sur le fondement de l’article 545 du code civil, sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, ou sur le fondement de la responsabilité délictuelle du fait des désordres imputables à un voisin, le propriétaire, troublé dans sa jouissance ou subissant une atteinte à sa propriété, doit justifier de sa qualité de propriétaire à la date de l’assignation, soit en l’espèce en septembre 2018, ce qui est le cas dès lors que la société FR Investissements avait acquis la parcelle voisine de celle de la SCI Pierre Terre Vigne (BM n°[Cadastre 7]) , de M. [G], le 27 novembre 2014, et celle de la SCI Lamarre (BM n°[Cadastre 8]), le 14 février 2018, ce qui lui conférait en conséquence à la fois qualité et intérêt à agir en réparation d’un empiétement, d’un trouble anormal ou d’un préjudice allégué, soit en indemnisation ou en démolition et reconstruction du mur litigieux.
En conséquence le tribunal est approuvé d’avoir retenu que la société FR Investissements était recevable en son action, la question de savoir si elle pouvait exiger le rétablissement d’un mur mitoyen qui était démoli au moment de son acquisition intéressant le bien fondé de son action.
– Sur le fond
A ) Sur la demande en démolition du mur reconstruit séparant les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] de la parcelle [Cadastre 5] sur le fondement de l’empiétement :
Le tribunal a rejeté la demande de démolition du mur reconstruit fondée sur l’empiétement, considérant que :
– la SCI Pierre Terre et Vigne a obtenu de la mairie de [Localité 10] par arrêté du 1er juillet 2014 l’autorisation de démolir et reconstruire le mur séparant les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 5] et que ni la SCI Lamarre, ni la société FR Investissements n’ont pris l’initiative d’un recours contre cette autorisation de sorte que la société FR Investissements n’est pas fondée à remettre en cause la démolition du mur, dont elle n’a jamais été propriétaire, puisque son acte de vente fait état d’un mur démoli,
-il n’est pas contesté le caractère mitoyen du mur initial ou du mur reconstruit qui s’écarte selon l’expert géomètre, désigné par le tribunal pour assister l’expert, de la ligne divisoire sur laquelle il a été reconstruit de 16 cm à l’angle sud est sur la parcelle BM [Cadastre 7] et de 7cm à l’angle nord-est sur la parcelle BM [Cadastre 7], mais qui, selon l’expert a bien été reconstruit sur la limite séparative des deux fonds alors que le tracé initial du mur ne peut être déterminé avec certitude, en sorte que l’expert observe qu’il n’est peut être pas reconstruit à l’endroit exact sur lequel reposait le mur initial,
-Si ce mur a été reconstruit légèrement de biais, cela lui permet ainsi d’être en continuité du mur de pierre existant et en parallèle au mur opposé, que ce nouveau mur, construit dans les règles de l’art peut parfaitement remplir son rôle de mur mitoyen et notamment sa fonction porteuse.
-la mitoyenneté excluant l’empiétement le mur mitoyen appartient aux propriétaire des fonds situés de part et d’autre et l’article 455 ne peut trouver application à l’espèce.
Si la propriété implique le droit de jouir de son bien de la manière la plus absolue, ce droit à pour limite la propriété de l’autre. En effet, selon l’article 545 du code civil, ‘Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité’.
À défaut d’accord, la construction d’un mur au-delà de la ligne de partage des fonds constitue un empiétement et une voie de fait, obstacle au jeu de la mitoyenneté, emportant pour le propriétaire qui la subit le droit à obtenir la démolition du mur. De même, l’empiétement réalisé en surplomb du mur mitoyen s’exposera à la même sanction, ou du moins, au retrait de la construction jusqu’à la ligne divisoire.
Ainsi, aucun propriétaire n’est tenu de supporter un empiétement quelconque sur sa propriété aussi minime soit il.
Il n’est pas contesté que la société Pierre Terre Vigne a pris en charge la démolition et la reconstruction du mur qui existait entre les deux fonds après avoir déposé et obtenu un permis de construire pour une reconstruction à l’identique.
Il n’est d’aucune utilité de préciser ici que cette autorisation de reconstruction à l’identique à été affichée et non contestée par les tiers et notamment M. [G] ou la société FR Investissements dès lors que ce qui est reproché à la société Pierre Terre Vigne est de n’avoir précisément pas reconstruit le mur à l’identique, ce sur quoi elle n’établit pas avoir obtenu l’accord de son voisin.
Or, quelle que soit la qualification donnée à ce mur, il résulte du rapport du géomètre, sapiteur désigné par le tribunal pour assister l’expert qu’ à l’angle Nord Est de la parcelle BM [Cadastre 8] (ex Lamarre devenue propriété de la société FR Investissements), le mur est situé en retrait par rapport à l’ancien mur de 7cm, réalisant ainsi un empiétement sur le fond de la SCI Pierre Terre Vigne, et à l’angle Sud Est de la parcelle BM [Cadastre 7] (ex [G] devenue FR Investissements), le mur est situé en avant de 16 cm réalisant un empiétement sur la parcelle acquise par la société FR Investissements sur une bande de 18m50 de long.
Si l’expert ne mentionne pas expressément cet empiétement dans ses conclusions, il indique cependant clairement dans le corps de son rapport (page 21) ‘Côté impasse, le nouveau mur a bien été implanté en retrait, ce qui est visible aujourd’hui au niveau des fermes qui ont été étayées faute de support : on constate (photographies à l’appui) que les extrémités des fermes sont en retrait par rapport au mur’ et il résulte en effet des photographies qu’elle ne reposent plus sur le mur, au contraire des fermes situées du côté de la propriété [H]. L’expert poursuit ‘Côté impasse, le mur semble avoir été construit de biais par rapport à l’implantation d’origine, telle qu’on peut l’imaginer, même si aujourd’hui il est impossible d’identifier sur site, l’emplacement exact de l’ouvrage initial’.
Il poursuit, indiquant que : ‘En revanche rien n’explique pourquoi l’autre extrémité de ce mur pourrait avoir été implantée de manière à ‘rentrer’ dans la propriété de la Sarl FR Investissements.’ (Page 22)
L’expert a d’ailleurs noté que ‘selon les dires du maître de l’ouvrage, la SCI Pierre Terre Vigne, et de la Sarl Aquitaine Management, le mur aurait été décalé de 40 cm côté impasse afin de s’aligner sur le mur en pierre existant’ et, (page 23) qu’il ‘était donc admis que le mur litigieux n’était pas implanté au même emplacement qu’à l’origine’.
Enfin, la société Pierre Terre Vigne convient expressément d’un empiétement très restreint, de 1 m2, comme ressortant du rapport d’expertise judiciaire (ses conclusions pages 25), insistant sur le fait que la reconstruction du mur légèrement en biais et également source d’un empiétement sur son propre terrain, mais en aucun cas le fait qu’une autre partie du mur empiète, dans une moindre mesure d’ailleurs, sur son propre terrain, au bénéfice d’une autre parcelle acquise par la société Pierre Terre Vigne (BM [Cadastre 8]), est de nature à justifier ou autoriser l’empiétement, au demeurant plus important, sur une autre partie de la propriété de la société FR Investissements (BM [Cadastre 7]).
Il est par ailleurs établi par le constat d’huissier du 16 juillet 2015, postérieur à l’acquisition de la parcelle BM [Cadastre 7] par la société FR Investissements et non utilement contesté qu’à cette date le mur en litige n’était toujours pas reconstruit, étant en cours de reconstruction, en sorte que la société FR Investissements n’a pas acheté sa parcelle avec un mur d’ores et déjà reconstruit.
Ainsi, dès lors qu’il est constant qu’une partie du mur reconstruit empiète sur la parcelle propriété de la société FR Investissements, il ne pourra qu’être ordonné sa démolition.
La société Pierre Terre Vigne soutient, subsidiairement, que la démolition ne devra concerner que la partie du mur empiétant sur la parcelle de la société FR Investissements, conformément à ce que propose l’expert judiciaire, Mme [M], selon laquelle (page 32)’il conviendrait de reprendre les charges du nouveau bâtiment construit par la SCI Pierre Terre et Vigne à partir du mur de refend jusqu’au mur en retour, démolir le mur litigieux et le reconstruire en retrait’.
Cependant, la société FR Investissements s’y oppose fermement objectant que la proposition de l’expert qui consisterait à détruire une partie du mur seulement n’a fait l’objet d’aucune étude technique sérieuse de faisabilité chiffrée par un bureau d’étude, faisant notamment valoir qu’il résulte clairement du rapport d’expertise que le problème de l’empiétement d’une partie du mur sur la parcelle [Cadastre 7] n’est pas le seul problème puisque, le mur ayant été construit en biais, s’éloigne par ailleurs de la parcelle [Cadastre 8], devenue propriété de la société FR Investissements, pour empiéter sur la parcelle [Cadastre 5] propriété de la société Pierre Terre Vigne, posant également problème dès lors que la charpente métallique du bâtiment situé sur la parcelle [Cadastre 8] ne repose plus sur le mur, initialement mitoyen, qui était en conséquence un mur porteur pour les constructions situées de part et d’autres, soutenant leurs charpentes respectives, ce qui a obligé à étayer la structure et a amené l’expert à préconiser la pose de sabots pour la partie de charpente du bâtiment située sur la parcelle BM [Cadastre 8] qui n’était plus soutenue par le mur tel que reconstruit.
Il apparaît en conséquence que la question de la démolition seulement partielle du mur, du fait du caractère partiel de l’empiétement, suppose résolue la question du droit à la reconstruction d’un mur à mitoyen à l’identique, sur toute sa longueur, qui est contesté à la société FR Investissements au motif essentiel qu’elle aurait acquis un mur démoli ne lui conférant en conséquence aucun droit à reconstruction à l’identique, en sorte qu’il convient préalablement de trancher cette question avant de déterminer si la démolition doit être ordonnée sur toute la longueur du mur ou seulement sur la partie qui empiète.
B – Sur la demande en reconstruction à l’identique du mur reconstruit séparant les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] de la parcelle [Cadastre 5] :
Pour débouter la société FR investissement de sa demande de démolition et de reconstruction du mur mitoyen dans ses proportions d’origine, le tribunal a notamment retenu que la société FR Investissements, qui avait acquis le 27 novembre 2014 une parcelle dépourvue de mur mitoyen, dès lors que celui ci avait été démoli préalablement, ne disposait en conséquence d’aucun droit à exiger sa reconstruction à l’identique alors qu’au surplus, l’empiétement qu’elle déplorait, excluait la mitoyenneté.
La question posée à la cour est ici de savoir si le fait que la société FR investissements a acquis une parcelle (BM [Cadastre 7]) sur laquelle était implanté un mur mitoyen endommagé par un incendie, au jour de la signature du compromis de vente, le 22 juillet 2014, qui était entièrement démoli au jour de l’acte authentique du 27 novembre 2014, obligeait la société Pierre Terre Vigne, qui ne conteste pas avoir pris l’initiative de sa démolition et de sa reconstruction, à le reconstruire à l’identique.
La société Pierre Terre Vigne, répond avec le tribunal à cette question par la négative, faisant notamment valoir que l’acte authentique d’acquisition passé entre la société FR Investissements et M. [G], en date du 27 novembre 2014, faisait état d’un mur démoli, ne conférant en conséquence aucun droit au profit de la société FR Investissements à sa reconstruction.
Or, il est constant que le compromis de vente signé entre la société FR Investissements et M. [G], le 22 juillet 2014, mentionnait expressément la présence d’un ‘mur mitoyen’ qui avait certes été détruit par un incendie mais qui était toujours en place, et que l’acte authentique du 27 novembre 2014 mentionnait qu’il ‘existait au jour de la signature du compromis de vente, un mur mitoyen, aujourd’hui démoli sans accord du vendeur, entre l’immeuble objet de la présente vente et l’immeuble cadastré section BM n°[Cadastre 5]’.
Il résulte de même des conclusions du rapport du sapiteur de Mme [M], la société Geosat, société de Géomètres-experts, que ‘l’ancien mur était donc mitoyen’
Cela n’est pas remis en cause par le rapport de l’expert judiciaire qui confirme en effet que ce mur, bâti aux confins des parcelles en litige, servait de limite de propriété entre les parcelles et avait également une fonction de mur porteur, les charpente des bâtiments de part et d’autre prenant appui sur le dit mur, répondant à la définition de mur mitoyen.
Cela n’est pas véritablement contesté par la SCI Pierre Terre Vigne qui se prévaut avec le tribunal précisément de cette mitoyenneté pour exclure toute notion d’empiétement.
Il en ressort qu’ il existait, au jour du compromis de vente, sur la parcelle BM [Cadastre 7], un mur qualifié par tous de mitoyen, qui avait été endommagé par un incendie et qui était démoli au jour de l’acte authentique, en sorte que la signature du compromis a emporté pour la société FR Investissements, le transfert de l’ensemble des droits et actions de M. [G] attachés à l’existence d’un mur mitoyen entre les deux fonds, préalablement endommagé par un incendie et qui faisait partie du patrimoine immobilier de son auteur au jour du compromis de vente, peu important qu’au jour de la vente ce mur était démoli.
En revanche, lorsqu’en février 2018, la société FR Investissements a acquis de la SCI Lamarre la parcelle BM [Cadastre 8], alors qu’elle est curieusement taisante sur cette acquisition ne versant pas l’acte aux débats, il n’existait pas de mur mitoyen sur cette parcelle puisque le mur avait été reconstruit en retrait de la propriété de la SCI Lamarre et il n’est nullement établi que l’acte de vente mentionnait la présence d’un mur mitoyen, en sorte que la société FR Investissements ne s’est vu transmettre aucun droit à un mur mitoyen sur cette parcelle.
Or, il résulte du rapport d’expertise que le mur construit de biais par rapport au mur initial se trouve en retrait de la ligne divisoire initiale, uniquement à l’angle Nord Est de la parcelle BM [Cadastre 8](page 23), et l’expert a envisagé une démolition partielle de la seule partie du mur emportant empiétement sur la parcelle BM [Cadastre 7], observant que par ailleurs celui ci n’est pas affecté dans sa portion porteuse.
Quant au rapport d’expertise Anco, contrairement à ce qu’indique la société FR Investissements (sa pièce n°13 page 8), il ne permet pas de conclure qu’après l’incendie le mur mitoyen séparant les fonds [Cadastre 5] et [Cadastre 7] était toujours en place et assurait une fonction porteuse, les constatations de l’expert ne faisant précisément référence à aucune parcelle, indiquant au contraire ‘le mur ne peut plus assurer de fonction porteuse’ sans préciser sur quelle parcelle ou partie de parcelle. Le second rapport Anco n’est pas plus précis quant aux constatations opérées, ne permettant pas de déterminer si elles concernent la parcelle [Cadastre 7] ou [Cadastre 8].
Par ailleurs, pour déterminer si le mur mitoyen doit être reconstruit dans toute sa longueur, du moins en limite de parcelle [Cadastre 7], il conviendrait d’établir qu’en dehors de l’empiétement qui ne concerne qu’une longueur de 18,50 mètre, le mur mitoyen tel qu’il a été reconstruit s’écarte de la ligne divisoire pour le surplus au point qu’il n’assume plus sa fonction porteuse de la charpente de la partie de bâtiment située sur la parcelle [Cadastre 7], dès lors que la parcelle [Cadastre 8] a été acquise en l’état du mur tel qu’il avait été reconstruit après sa démolition, lequel ne présentait pas un caractère mitoyen puisqu’il était construit en retrait de la ligne divisoire et n’avait en conséquence déjà plus aucune fonction porteuse pour la charpente de la partie de bâtiment située sur la parcelle BM [Cadastre 8].
En conséquence, la démolition partielle du mur avec ses fondations tel qu’il empiète actuellement sur une partie de la parcelle [Cadastre 7], comme préconisé par l’expert, qui considère qu’il s’agit d’une solution possible, suffit à rétablir la société FR Investissements dans ses droits et le mur dans sa mitoyenneté entre les parcelles BM [Cadastre 5] et [Cadastre 7].
Enfin, il n’est pas utilement contesté que la démolition et la reconstruction du mur mitoyen est rendue nécessaire du fait de la SCI Pierre Terre Vigne responsable vis à vis des tiers des travaux qu’elle a commandés à l’origine d’un dommage et celle-ci ne saurait prétendre, du fait qu’elle a seule procédé aux dits travaux qui lui incombaient en tant que propriétaire du fonds dans lequel s’était déclaré l’incendie qui s’est propagé au mur mitoyen, à un renoncement de ses voisins à la mitoyenneté du mur alors qu’un tel renoncement ne se présume pas et qu’en tout état de cause, ainsi que l’observe justement la société FR Investissements, il est précisément exclu par les dispositions de l’article 656 du code civil dès lors que, comme en l’espèce, le mur soutenait un bâtiment lui appartenant.
Pas davantage, la SCI Pierre Terre Vigne, ne saurait invoquer à son profit les règles applicables à l’exhaussement d’un mur mitoyen alors qu’ici, le mur mitoyen d’origine situé en limite de parcelle BM [Cadastre 7] a été entièrement démoli entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique et reconstruit.
Enfin, le fait que M. [G] ait été éventuellement indemnisé par son assureur des suites de l’incendie, ce qu’il appartient à la société SCI Pierre Terre Vigne d’établir et qui ne pourrait de toute façon pas constituer une indemnisation tenant à la reconstruction du mur hors de ses limites d’origine, ayant occasionné un empiétement, dès lors que cela n’est apparu que postérieurement à la vente de sa parcelle, est sans incidence sur la responsabilité de la SCI Pierre Terre Vigne résultant d’une reconstruction imparfaite.
Dès lors, la société FR Investissements, tiers lésé par les travaux de reconstruction du mur mitoyen, constitutifs d’un ouvrage, ce que constitue la reconstruction intégrale de ce mur dès lors qu’il s’avère n’être pas conforme à sa destination de mur mitoyen servant de limite de divisoire entre les parcelles en litige (BM [Cadastre 5] et [Cadastre 7]), est en droit d’obtenir, sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil, auprès des locateurs d’ouvrage et du maître de l’ouvrage, la SCI Pierre Terre Vigne, la réparation intégrale de ses préjudices dont la reconstruction à l’identique de la partie de mur mitoyen dont la démolition est ordonnée sur le fondement de l’empiétement
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé et la démolition partielle du mur ordonnée, sous astreinte, de même que sa reconstruction à l’identique par la société Pierre Terre Vigne. Il sera également prononcé de ce chef une astreinte afin de garantir l’effectivité de cette condamnation, bien que non sollicitée par la société Pierre Terre et Vigne, ainsi qu’il sera dit au dispositif.
Dès lors que le mur reconstruit, sur une partie de la parcelle [Cadastre 7] sera sur toute la longueur de celle ci un mur mitoyen, la société FR Investissement sera autorisée à y ancrer sa charpente et à y accomplir les aménagements nécessaires à celle ci (système d’écoulement des eaux pluviales).
Enfin, il sera fait droit à la demande reconventionnelle de la société Pierre Terre Vigne tendant à voir ordonner sous astreinte à la société FR Investissements de laisser pénétrer sur ses parcelles toute entreprise mandatée pour procéder à l’imperméabilisation du mur existant séparant les fonds respectifs, pour la partie du mur demeurant en place comme il sera dit au dispositif.
Quant à l’indemnisation d’un préjudice locatif résultant d’un refus injustifié de la société FR Investissements de la laisser pénétrer sur son terrain pour procéder à l’ imperméabilisation, la société Pierre Terre Vigne ne saurait prospérer à défaut d’établir l’existence d’un quelconque préjudice locatif qui ne saurait résulter d’un listing de ses revenus locatifs établi à sa seule initiative, n’ayant aucune valeur probante d’un manque locatif imputable à une attitude de refus de la société FR Investissements (ses pièces 15 et 16).
C- Sur le recours de la société Pierre Terre et Vigne à l’encontre de la société Aquitaine Management, de la société MSO et de la SMABTP et sur les recours respectifs entre les sociétés Aquitaine Management et MSO :
La société Pierre Terre Vigne sollicite la condamnation in solidum soit de la société FR Investissements, soit de la société Aquitaine Management et de son assureur, à l’indemniser d’un préjudice locatif de 16 000 euros en cas de réparation intégrale du mur sur le fondement des dispositions de l’article 1134 du code civil, comprenant le coût du relogement de ses locataires en place et la perte de loyers ainsi que la condamnation in solidum de la société Aquitaine Management et de la Sarl MSO, et leur assureur, la société SMABTP, sociétés auxquelles elle avait confié un marché de travaux pour la reconstruction d’un mur mitoyen consécutivement à un incendie, sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour manquement à l’obligation d’information et de conseil et sur le fondement de la responsabilité décennale.
La société Aquitaine Management conteste l’analyse du sapiteur qui conclut à un empiétement et estime que la reconstruction du mur de biais permettait seule de reconstruire le mur dans son implantation d’origine, que le représentant de la société FR Investissements aurait lors des opérations d’expertise dissimulé la présence de sabots venant précisément compenser cette position initiale de biais du mur mitoyen, laquelle permettait de respecter le prolongement du mur en pierre, comme il résulte du rapport d’un géomètre expert auquel elle a eu recours, en date du 14 octobre 2015. Elle conteste de même avoir engagé sa responsabilité sur quel que fondement que ce soit dès lors qu’elle n’était investie d’aucune mission de coordination et de pilotage des travaux et se prévaut en tout état de cause de la clause d’exclusion de solidarité prévue au contrat de maîtrise d’oeuvre.
En tout état de cause, elle observe que si la cour devait retenir sa responsabilité et prononcer une condamnation solidaire avec son assureur et la société MSO, elle condamnerait cette dernière, avec son assureur, la société SMABTP, à la relever indemne du fait de la faute commise par la société MSO qui était tenue de ‘l’implantation des ouvrages et de la prise de niveaux’ et que de même, s’agissant de la dalle légèrement endommagée, la société MSO était tenue de la découpe du béton.
La SMABTP, assureur de la société Aquitaine Management n’ayant pas conclu est réputée s’approprier les motifs des premiers juges en ce qu’ils ont fait droit à ses demandes.
La société MSO et son assureur, la SMABTP, observent que le mur en lui même n’est affecté d’aucun désordre constructif, que s’agissant de son implantation l’expert a relevé qu’il était impossible d’identifier l’emplacement exact du mur d’origine, que si l’expert sapiteur a relevé que par rapport à l’ancien mur, le nouveau mur construit de biais, l’avait été en retrait de 7 cm de la parcelle BM [Cadastre 8] à l’angle Nord Est, et en avant de 17cm de la parcelle BM [Cadastre 7], à l’angle Sud est, il a également noté la présence de contrainte techniques compréhensibles du fait de la présence d’un autre mur en pierre dont la reconstruction du mur en biais permettait d’assurer la continuité. Sur le recours de la société Aquitaine Management, elle rappelle qu’elle n’a commis aucune faute, ayant respecté les plans du maître d’oeuvre, qui était investi d’une mission complète incluant l’établissement des plans, la direction et l’exécution des travaux.
Or, il a été sus retenu que la reconstruction d’un mur mitoyen constituant une structure porteuse, constituait un ouvrage et que son défaut d’implantation en retrait de la parcelle BM [Cadastre 5] empiétant sur la parcelle BM [Cadastre 7] et en retrait de la parcelle BM [Cadastre 8] empiétant sur la parcelle [Cadastre 5], était établie, ainsi qu’il a été conclu par l’expert judiciaire, reprenant notamment le rapport de son sapiteur et, quand bien même cette reconstruction en biais permettait d’assurer une continuité avec le mur en pierre de la propriété [H], elle ne lui permettait plus d’assurer sa fonction de mur mitoyen pour les bâtiments situés de part et d’autre, portant en conséquence atteinte à la destination de l’ouvrage alors qu’il n’est pas allégué que la société Pierre Terre Vigne qui a pris possession de ce mur, n’en aurait pas payé le prix, excluant son intention de le recevoir, ni que des réserves auraient été formulées lors de sa réception.
La société MSO conclut au contraire, sans être contredite, que le maître d’oeuvre aurait encore manqué à ses obligations en ne suggérant pas au maître de l’ouvrage, lors de la réception, d’émettre des réserves.
Or, s’agissant de la société Aquitaine Management il est constant qu’elle s’est vu confier la mission de ‘reconstruction d’un bâtiment existant après sinistre à destination d’entrepôts avec une optimisation maximale des volumes et des normes incendie sur le même emplacement que celui détruit.’
Le contrat mentionnait également en son article 7 que ‘ le maître d’oeuvre devra assister le maître de l’ouvrage de toute son expérience nécessaire à la parfaite exécution des travaux dont l’exécution lui est confiée par le présent contrat.’
Il prévoyait expressément que le maître d’oeuvre était investi notamment de la mission d’établir un projet de réparation et reconstruction, d’établir les plans complets du projet, de coordonner l’ensemble des travaux et de procéder à la réception du chantier.
Il n’y était effectivement pas mentionné une mission de DET ‘direction de l’exécution des travaux’ en sorte qu’il n’avait pas en charge le suivi de l’exécution des travaux.
Cependant, la société MSO observe à bon droit que le maître d’oeuvre avait en charge l’exécution des plans du projet.
Dès lors, il est constant que la mission de la société Aquitaine Management et celle de la société MSO, en charge de l’implantation de l’ouvrage, sont en lien avec le désordre en sorte que ces sociétés ont engagé leur responsabilité décennale de plein droit vis à vis du maître de l’ouvrage.
Par ailleurs, c’est à bon droit que la société MSO et son assureur font valoir que les clauses d’exclusion ou de limitation de solidarité contenues dans les contrats d’architectes ne sont pas applicables en matière d’assurance obligatoire étant au surplus observé qu’elles ne sont pas davantage opposables au maître de l’ouvrage, dès lors que le maître d’oeuvre a engagé, in solidum, sa responsabilité à son égard pour avoir indissociablement participé à la réalisation d’un même préjudice.
Enfin, il n’est pas établi que la SMABTP garantit la responsabilité décennale de la société Aquitaine Management qui ne fait elle même état que d’une assurance responsabilité civile professionnelle.
La société Pierre Terre Vigne subit un préjudice locatif du fait de la nécessité de démolir et reconstruire le mur dont le principe n’est pas contesté par la société Aquitaine Management à hauteur de 6 000 euros au regard de l’évaluation de ses flux de loyers mais en revanche la somme de 10 000 euros annoncée pour le relogement de ses locataires n’est justifiée, ni en son principe dès lors qu’elle n’établit pas qu’elle sera effectivement amenée à reloger ses locataires, ni en son montant.
La société Aquitaine Management sera en conséquence seule condamnée, conformément à la demande formulée par la société Pierre Terre Vigne, à l’indemniser de ce préjudice à hauteur de 6 000 euros.
Enfin, responsables de plein droit, les sociétés Aquitaine Management et MSO devront, in solidum, relever indemne la société Pierre Terre Vigne de toute condamnation prononcée à son encontre.
Dans les rapports entre les constructeurs, il convient de relever qu’il existe une faute d’exécution imputable à la société MSO dès lors que le mur ne se trouve pas implanté dans son tracé d’origine mais il existe également une faute de conception imputable à la société Aquitaine Management en charge des plans dès lors que l’expert a relevé notamment (page 23 de son rapport) que la société Aquitaine Management dans le cadre de ses dires a expliqué cette différence de tracé qui lui est imputée par la nécessité que le mur soit implanté dans la continuité de celui de la propriété Le Pennec et rejoigne le mur de pierre qui le doublait côté SCI Pierre Terre Vigne, en sorte que la société Aquitaine Management qui a admis avoir opté pour ce tracé et la société MSO supporteront chacune 50 % de la charge finale de la dette.
Enfin, la société MSO et son assureur, la SMABTP, devront relever et garantir la société Aquitaine Management au titre du préjudice locatif à hauteur de 50 % de la condamnation mise à leur charge.
D – Sur les demandes indemnitaires de la société FR Investissements :
La société FR Investissements demande la condamnation in solidum de la société Pierre Terre Vigne, de la société Aquitaine Management et de leurs assureurs, la société SMABTP, à l’indemniser du coût de l’adaptation des charpentes métalliques à hauteur de 80 758,52 euros, de la réfection du dallage à hauteur de 17 831,23 euros et de son préjudice de jouissance et de sa perte locative à hauteur de la somme de 48 950 euros, étant précisé qu’elle ne formule une demande d’expertise que subsidiairement, dans l’hypothèse où le mur ne serait pas démoli.
Cependant, c’est de manière pertinente que la société Pierre Terre Vigne observe que l’état de la charpente métallique est sans lien avec la démolition et la reconstruction du mur mais avec l’incendie, ainsi que le relevait l’expertise judiciaire de manière parfaitement claire, retenant, photographies à l’appui (page 14 et 15 de son rapport), que ‘le diagnostic de la charpente métallique du bâtiment B était identique à celle du bâtiment A, qu’elles ont été dégradées par l’incendie et ont fléchi sous l’effet de la chaleur, ou sont tombées, que la charpente (poteaux et poutres) ne peut plus jouer le rôle de structure porteuse’ (page 14 et 15), mentionnant expressément que ‘le rapport Anco du 3 février 2014 concernait l’ensemble des immeubles A et B’, contrairement à ce que soutient la société FR Investissements.
Il résulte encore du plan figurant en page 13 du même rapport d’expertise que le bâtiment A est bien celui situé sur les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], propriété de la société FR Investissements.
Par ailleurs, la société FR Investissements fait valoir que le rapport d’expertise privé, Saretec, contradictoire, sollicité par les assureurs, préconisait de conserver la charpente métallique à la suite de l’incendie attestant qu’elle n’avait pas été endommagée par l’incendie, mais force est de constater avec le tribunal que c’est en possession de ce rapport Saretec et des rapports Anco (rapport d’expertise page 7) que l’expert judiciaire s’est prononcé en sens contraire.
Dès lors, ainsi que l’a justement retenu le tribunal, la société FR Investissements ayant acquis en l’état, à faible prix, deux parcelles sur lesquelles se trouvait un bâtiment dont la structure métallique était déjà fortement endommagée par un incendie, et ce dès avant le compromis de vente, l’incendie lui étant incontestablement antérieur, ne saurait avoir aucun droit à exiger l’indemnisation de la dégradation de la charpente, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de ce chef.
S’agissant de la réfection du dallage, la question est ici simplement de savoir si la réparation du dallage qui a été ordonnée par le tribunal sur la seule partie située au droit du mur d’une largeur de 1 mètre sur toute la longueur du mur reconstruit, n’étant pas contesté que cette partie a été endommagée par les travaux de reconstruction du mur, constituait une réparation suffisante, la société FR Investissements faisant valoir qu’elle ne saurait être contrainte d’accepter un ‘rafistolage’ ayant au contraire soumis à l’expert un devis de reprise de l’ensemble, observant encore que la démolition du mur entraînera d’autres dégâts s’agissant de la dalle.
Cependant, l’expert, a préconisé une reprise partielle du dallage, telle qu’elle a été circonscrite par le tribunal, considérant qu’elle suffisait à réparer le désordre occasionné et la nécessité de procéder à une reprise totale ne saurait résulter d’un unique constat d’huissier, du 12 décembre 2014, alors qu’il résulte du rapport d’expertise que c’est en possession de ce constat (rapport page 7) que l’expert s’est déterminé.
Quant aux devis produits par la société FR Investissements, effectivement soumis à la contradiction des parties dans le cadre des débats, ils ne sont de nature à attester que le coût des travaux de reprise, mais en aucun cas leur nécessité, alors qu’en tout état de cause, il n’est sollicité devant la cour aucune autre mesure d’expertise ou de contre expertise, en dehors d’une demande subsidiaire pour la seule hypothèse où la cour n’ordonnerait pas la démolition du mur, comme il est mentionné au dispositif de ses conclusions.
Enfin, la démolition ordonnée du mur est en soi de nature à remettre en cause la nécessité de procéder avant celle-ci à la réfection partielle du dallage susceptible d’être de nouveau endommagé par la démolition, mais force est de constater que cette mesure, telle qu’elle a été ordonnée par le tribunal, n’est pas remise en cause par la société Pierre Terre Vigne.
Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a limité la réfection du dallage sur une bande de environ 1 mètre sur toute la longueur du mur reconstruit et donné acte à la société Aquitaine Management et à la Sarl MSO de leur engagement de le remettre en état.
La société FR Investissements sollicite également l’octroi d’une somme de 48 950 euros (5540 euros par mois sur 88 mois) au titre d’un préjudice de jouissance et locatif dès lors que depuis décembre 2014, elle ne peut pas procéder aux travaux de réhabilitation de sa charpente métallique qui repose dans le vide tant que le mur mitoyen n’est pas rétabli pouvant à nouveau servir de structure porteuse.
Elle fait en effet valoir qu’elle n’a pu louer son bâtiment et que l’empiétement lui cause nécessairement préjudice de jouissance.
Cependant, s’agissant de la perte de revenus locatifs, elle résulte à l’évidence de l’incendie qui avait d’ores et déjà détruit la charpente métallique obligeant à la reprendre en sorte que la société FR Investissement a acquis un bâtiment qui ne pouvait être loué en l’état obligeant l’acquéreur à reprendre la structure du bâtiment, ce qui n’emporte aucune responsabilité du maître de l’ouvrage ou des constructeurs.
Quant au fait que le mur mitoyen a été mal reconstruit générant un empiétement, il n’est pas établi qu’il soit à l’origine d’un préjudice locatif indemnisable.
Dans ces circonstances, il a été retenu que s’agissant de la parcelle BM [Cadastre 8], la société FR Investissements ne pouvait se prévaloir d’aucun droit à reconstruction d’un mur mitoyen, ayant acquis la parcelle en l’état d’un mur reconstruit.
La société FR Investissements est en conséquence déboutée de sa demande de ces chefs, le jugement étant confirmé en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes.
Au vu de l’issue du présent recours le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à la charge de la société FR Investissements et l’a condamnée à verser une somme de 2 000 euros à chacune des sociétés Pierre Terre et Vigne, MSO et Aquitaine Management, celles ci étant déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance.
Succombant pour l’essentiel la société Pierre Terre et Vigne supportera les entiers dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer à la société FR Investissements une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, laquelle comprend notamment les frais engagés auprès de professionnels dans le cadre de l’organisation de sa défense.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Infirme partiellement le jugement entrepris.
Statuant à nouveau des chefs réformés :
Condamne la SCI Pierre Terre Vigne à procéder à la démolition du mur reconstruit entre les parcelles BM [Cadastre 5]/ BM [Cadastre 7] sur une longueur de 18 m 50 correspondant au seul empiétement, ce dans un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant une durée 3 mois.
Condamne la SCI Pierre Terre Vigne à procéder à la reconstruction de la partie de mur ainsi démolie conformément au rapport et au plan du cabinet Geosat annexé au rapport d’expertise judiciaire, le mur devant se situer sur en ligne divisoire entre les parcelles BM [Cadastre 5]/ BM [Cadastre 7] et retrouver sa fonction de mur porteur pour la charpente du bâtiment située sur les parcelles BM [Cadastre 7] qu’il devra soutenir.
Dit que cette condamnation sera exécuté dans les trois mois suivant la démolition du mur et, passé ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant une durée 3 mois.
Autorise la société FR Investissements à ancrer sa charpente et à accomplir les aménagements nécessaires à celle ci (système d’écoulement des eaux pluviales).
sur toute la longueur du mur en parcelle entre les parcelles BM [Cadastre 5] et BM [Cadastre 7]
Ordonne à la société FR Investissements de laisser pénétrer sur ses parcelles toute entreprise mandatée pour procéder à l’imperméabilisation du mur existant séparant les fonds respectifs, pour la partie du mur demeurant en place.
Dit que cette condamnation sera exécuté dans les trois mois suivant la présente décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une durée 3 mois.
Déboute la SCI Pierre Terre Vigne, la Sarl MSO et la Sarl Aquitaine Management de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions hormis en ce qu’il a statué sur les dépens de première instance et y ajoutant :
Condamne la Sarl Aquitaine Management à payer à la SCI Pierre Terre Vigne une somme de 6 000 euros au titre de son préjudice locatif résultant de la nécessité de démolir le mur.
Rejette les demandes reconventionnelles indemnitaires de la société Pierre Terre Vigne à l’encontre de la société FR Investissements.
Condamne la SCI Pierre Terre et Vigne à payer à la société FR Investissements une somme de 6 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
Condamne la SCI Pierre Terre et Vigne aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Condamne in solidum la Sarl Aquitaine Management, la Sarl MSO et son assureur la société SMABTP à relever et garantir indemne la société Pierre Terre Vigne de toutes les condamnations mises à sa charge en ce compris celle sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Dit que dans leurs rapports entre elles, la Sarl Aquitaine Management et la Sarl MSO, sous la garantie de la SMABTP, supporteront chacune 50 % de la charge finale de ces condamnations.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE