Droits des Artisans : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/00887

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Droits des Artisans : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/00887

N° RG 21/00887 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IWMC

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 25 JANVIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2019 002943

Tribunal de commerce de Rouen du 4 janvier 2021

APPELANTE :

SARL MENUISERIE [J]

RCS de Rouen 820 864 726

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assisté par Me Ahmed AKABA de la SELARL NORMANDIE-JURIS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Alexandre MAAT

INTIMEE :

SAS LEUL MENUISERIES

RCS de Niort n° 402 790 133

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Anne THIRION – CASONI, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 17 octobre 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l’audience publique du 17 octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 janvier 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 25 janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon devis ‘modification n°4’ numéroté D00123975 et daté du 24 avril 2018, la Sarl Menuiserie [J] a commandé à la Sas Leul menuiseries vingt et une fenêtres, pour un montant de 22 772,30 euros TTC dont 7 152,82 euros au titre de huit fenêtres d’étage. Le 25 mai 2018, M. [N], technico-commercial de la Sas Leul menuiseries, a effectué, en présence de M. [J], des prises de cotes ainsi que le relevé de gabarit des cintres de certaines fenêtres. Le devis signé a été annoté en conséquence. Un document intitulé ‘suite devis D00123975’, a été dressé le 6 juin 2018 qui précise certaines cotes.

Huit fenêtres ‘plein cintre’ ont été livrées le 16 octobre 2018 sur le chantier concerné, mais n’ont pu être posées à l’étage, à raison d’un cintrage inadapté. Un litige est né quant au paiement du solde de la facture. La Sas Leul menuiseries a saisi la juridiction compétente.

Par jugement du 4 janvier 2021, le tribunal de commerce de Rouen a :

– condamné la société Menuiseries [J] au paiement de la somme de

15 991,23 euros TTC assortie des intérêts majorés à trois fois le taux légal, à compter de la mise en demeure du 8 janvier 2019 jusqu’à parfait paiement ;

– dit que le coût de fabrication en pure perte des huit fenêtres litigieuses serait supporté pour moitié par chacune des parties ;

– condamné la société Menuiseries [J] à régler à la société Leul menuiseries la somme de 3 418,20 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

– condamné la société Menuiseries [J] à payer à la société Leul menuiseries la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 26 février 2021, la Sarl Menuiserie [J] a interjeté appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2021, la Sarl Menuiserie [J] demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1353 du code civil d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société Menuiserie [J] à payer à la société Leul menuiseries la somme en principal de 15 991,23 euros TTC, assortie des intérêts majorés à trois fois le taux légal, à compter de la mise en demeure du 8 janvier 2019 jusqu’à parfait paiement,

– dit que le coût de la fabrication en pure perte des huit fenêtres litigieuses serait supporté pour moitié par chacune des parties,

– condamné la société Menuiserie [J] à régler à la société Leul menuiseries la somme de 3 418,20 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

– condamné la société Menuiserie [J] à payer à la société Leul Menuiseries la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Menuiserie [J] aux entiers dépens de l’instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 74,54 euros.

y faisant droit, de :

– rejeter l’ensemble des demandes de la Sas Leul menuiseries,

– donner acte à la Sarl menuiserie [J] de ce qu’elle s’est acquittée de l’ensemble des sommes dues à la Sas Leul menuiseries au titre du contrat de fourniture des menuiseries,

– condamner la Sas Leul menuiseries à payer à la Sarl Menuiserie [J] la somme de 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la Sas Leul menuiseries aux entiers dépens.

Elle soutient en substance ce qui suit :

– la Sas Leul menuiseries a mis en fabrication les huit fenêtres d’étage sous sa seule responsabilité ;

– en sa qualité professionnelle, il lui appartenait de prendre des cotes précises et de noter le type de cintre adapté au chantier ;

– les modifications manuscrites sur les devis produits par la société Leul Menuiserie ont été effectuées par M. [D] [N], le technico-commercial de cette société, qui s’est déplacé par deux fois sur place ;

– outre une erreur de cintre, les fenêtres litigieuses sont surdimensionnées d’une dizaine de centimètres.

Par dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2021, la Sas Leul menuiseries demande à la cour, au visa des articles 1113, 1194 et 1217 du code civil, 550, 551 et 700 du code de procédure civile, de :

– débouter la Sarl Menuiserie [J] ;

– condamner la Sarl Menuiserie [J] au paiement de la somme en principal de 21 909,08 euros assortie des intérêts majorés à trois fois le taux légal, à compter de la mise en demeure du 8 janvier 2019 jusqu’à parfait paiement ;

– condamner la Sarl Menuiserie [J] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– confirmer pour le surplus le jugement ;

– condamner la Sarl Menuiserie [J] au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Thirion-Casoni.

Elle soutient en substance ce qui suit :

– le devis porte sur des menuiseries plein ceintre ;

– les menuiseries de l’étage ont été fabriquées suivant les cotes et dessins fournis par la Sarl Menuiseries [J] le 6 avril 2018 et sur ses indications ;

– il appartient à l’entrepreneur en charge du chantier de définir avant sa commande la nature du cintre qu’il estimait être adaptée aux besoins de ses clients et non au fournisseur ;

– elle a aidé à la prise des gabarits des fenêtres complexes du rez-de-chaussée et non de l’étage ou la prise de cote n’avait pas d’intérêt s’agissant de menuiseries simples ;

– la Sarl Menuiserie [J] aurait dû commander des fenêtres en anses de panier et non en plein cintre ou cintre surbaissé ;

– la Sarl Menuiserie [J] ne démontre aucun surdimensionnement ;

– les fenêtres du rez-de-chaussée ont été livrées et posées sans aucun problème ;

– le tribunal a inclus dans ses calculs trois menuiseries qui relèvent en réalité d’une autre commande.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2022.

Par message électronique du 20 décembre 2022, la cour a invité les parties à faire part de leurs observations sur le défaut de saisine du chef de l’appelant incident à raison de l’absence de demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions signifiées par la Sas Leul menuiseries.

La Sas Leul Menuiseries n’a pas fait part d’observations.

La Sarl Menuiserie [J] a indiqué par message RPVA du 22 décembre 2022 que la cour n’était pas saisie.

MOTIFS

Sur l’étendue de la saisine de la cour

Il résulte des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’intimé forme un appel incident et ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation, ni l’annulation du jugement, la cour n’est pas valablement saisie de l’appel incident.

La Sas Leul menuiseries n’a formé aucune demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions ci-dessus visées de sorte que la cour ne peut que confirmer les dispositions du jugement qui ne sont pas critiquées par la Sarl Menuiserie [J].

Sur les demandes de l’appelante

La Sarl Menuiserie [J] conclut à une exception d’inexécution.

En application de l’article 1231-1 du code civil, le professionnel est tenu d’une obligation de conseil précontractuelle. L’obligation de conseil n’est pas due à l’égard de l’acheteur professionnel si sa compétence lui donne les moyens d’apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du matériel.

Par ailleurs, la qualité de professionnelle de la Sarl Menuiserie [J] ne délie pas la Sas Leul menuiseries de son obligation de diligence et de bonne foi dans l’exécution de ses obligations contractuelles.

Il est constant que les huit menuiseries litigieuses n’ont pu être posées à raison, non pas uniquement d’une erreur de cotes, dont les parties s’imputent mutuellement la responsabilité, mais d’une erreur sur la nature même du châssis, puisque le plein cintre n’était pas adapté au support.

La Sas Leul menuiseries plaide qu’elle n’a fait que mettre en fabrication les châssis plein cintre qui lui ont été commandés au lieu et place de châssis en anse de panier qui auraient été les seuls adaptés. Or, contrairement à ces affirmations, il ne résulte pas du devis annoté que la Sarl menuiserie [J] lui aurait commandé des châssis plein cintre. Il est en effet spécifiquement précisé que les croquis n’ont pas de valeur contractuelle et la nature des menuiseries n’apparaît pas dans le descriptif contractuel. Aucune expertise n’est versée aux débats alors qu’une telle pièce permettrait à la cour de déterminer la nature du cintre en fonction des cotes ou des mentions du devis.

S’agissant d’un artisan intervenant pour la fabrication de menuiseries sur mesure, qui a pris la responsabilité de dresser le devis et dépêché son technico-commercial sur le site, la Sas Leul menuiseries était tenue de s’assurer que le devis et les pièces subséquentes soit suffisamment précises pour que les menuiseries mises en fabrication soient adaptées au support.

M. [J] a relevé spontanément, dès le 28 novembre 2018, qu’il n’avait jamais commandé de plein cintre. La cour relève que ce courrier est annoté, sur cette question du cintre, par un salarié de la Sas Leul menuiseries qui indique ‘pas clair depuis le début. Aucune flèche’. Il s’induit qu’un doute existait, pour la Sas Leul menuiseries, sur le type de châssis. Elle a néanmoins passé commande de menuiseries plein cintre, ce qui, dans ce contexte, constitue une faute contractuelle de sa part alors qu’elle aurait dû faire lever ce doute par son cocontractant.

Elle ne peut aujourd’hui réclamer paiement des menuiseries inadaptées au support. Aucune faute de la Sarl Menuiserie [J] n’est démontrée qui justifierait qu’elle soit condamnée à prendre à sa charge une partie de la commande.

Déduction faite du prix de ces huit fenêtres, le montant du devis est de

13 016,24 euros HT (18 976,92 – 5 139,12 – 821,56) soit 15 619,49 euros TTC.

Celui qui se prétend libéré de son obligation doit prouver les paiements effectués.

La Sarl Menuiserie [J] allègue avoir réglé une somme totale de 3 677,31 euros et prétend que le tribunal aurait commis une erreur en ne retenant qu’une somme de

1 821,46 euros. La seule preuve de paiement qu’elle verse est un relevé de compte qui vise un montant de 910,73 euros.

La Sas Leul Menuiseries soutient qu’aucun des paiements allégués ne correspond au marché litigieux et verse copie des factures correspondantes. La Sarl Menuiserie [J] ne réplique pas. Il ressort de sa pièce n°3 que la somme de 910,73 euros correspond en réalité à un litige relatif à des portes sur une commande distincte numérotée P 000279657.

A défaut de toute preuve de la réalité de paiements allégués sur le marché objet du présent litige, il n’y a lieu à aucune imputation.

Il ne résulte d’aucune pièce que la Sarl Menuiserie [J] aurait, comme elle le prétend, payer en indemnisation une somme de 2 700 euros aux maîtres de l’ouvrage. Elle ne peut donc prétendre à la déduction de cette somme sur le montant dû.

Il en résulte une créance de 15 619,49 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 janvier 2019, versée en pièce 17 et dont la réception n’est pas contestée. Il n’y a pas lieu de faire application ab initio d’un taux majoré triple à défaut de fondement juridique allégué au soutien de cette demande.

Sur les frais de procédure

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles n’appellent pas de critique.

La Sarl Menuiserie [J] succombe à l’instance et sera condamnée aux dépens d’appel, dont distraction au bénéfice de Me Thirion-Casoni.

L’équité commande en outre sa condamnation à payer une somme pour frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile, fixée à

3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce que le tribunal a :

– condamné la société Menuiserie [J] au paiement de la somme de

15 991,23 euros TTC assortie des intérêts majorés à trois fois le taux légal, à compter de la mise en demeure du 8 janvier 2019 jusqu’à parfait paiement ;

– dit que le coût de fabrication en pure perte des huit fenêtres litigieuses serait supporté pour moitié par chacune des parties ;

– condamné la société Menuiserie [J] à régler à la société Leul Menuiseries la somme de 3 418,20 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la Sarl Menuiserie [J] à payer à la Sas Leul menuiseries une somme de 15 619,49 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019 ;

Condamne la Sarl Menuiserie [J] à payer à la Sas Leul menuiseries la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la Sarl Menuiserie [J] à payer à la Sas Leul menuiseries aux dépens dont distraction au bénéfice de Me Anne Thirion-Casoni.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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