Droits des Artisans : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01956

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Droits des Artisans : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01956

MHD/PR

ARRET N° 40

N° RG 21/01956

N° Portalis DBV5-V-B7F-GJWY

[Z]

C/

SELARL EKIP’

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 mai 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de ROCHEFORT-SUR-MER

APPELANT :

Monsieur [C] [Z]

né le 10 août 1973 à [Localité 6] (79)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Ayant pour représentant M. [P] [G], défenseur syndical à l’Union Locale CGT du PAYS DE [Localité 1]-[Localité 7], muni d’un pouvoir

INTIMÉE :

SELARL EKIP’

N° SIRET : 453 211 393

[Adresse 2]

[Localité 3]

Prise en la personne de Maître [V] [J],

Prise en son établissement secondaire de [Localité 8] situé [Adresse 5]

Ayant pour avocat postulant Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET- ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Yves-Marie LE CORFF, substitué par Me Philippe HERVÉ de L’ASSOCIATION D’AVOCATS FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 novembre 2022, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Madame Valérie COLLET, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite du jugement prononcé par le tribunal de commerce de La Rochelle le 21 septembre 2018 plaçant Monsieur [Y] [A], artisan, en liquidation judiciaire et la désignant en qualité de mandataire liquidatrice, la SELARL [J] es qualités :

– par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 octobre 2018, a licencié pour motif économique Monsieur [C] [Z], salarié de Monsieur [A],

– par courrier du 28 novembre 2018, a indiqué au salarié que sa mission en qualité de mandataire judiciaire était suspendue ‘ dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Poitiers sur l’appel interjeté par Monsieur [A] à l’encontre du jugement de liquidation judiciaire ‘ en application de l’ordonnance prononcée le 30 octobre 2018 par le premier président de la cour d’appel suspendant l’exécution provisoire assortissant la décision frappée d’appel.

Par arrêt du 12 mars 2019, la cour d’appel de Poitiers a infirmé le jugement attaqué et a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire en désignant la SELARL [J] en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance de référé du 22 février 2019, le conseil de prud’hommes de Rochefort, ‘ saisi par requête du 19 janvier 2019 par Monsieur [C] [Z] aux fins d’obtenir les indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec remise sous astreinte de 50 € par jour de retard des documents sociaux, ‘ a renvoyé l’affaire directement à l’audience du bureau de jugement du 23 avril 2019 lequel – par jugement du 26 juillet 2019 – a notamment, en substance :

– ordonné à Maître [V] [J], en qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [Y] [A] de délivrer les bulletins du mois d’août, septembre, octobre et novembre 2018, une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la décision,

– ordonné la remise des documents sociaux sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter du 15ème jour du prononcé de la présente décision jusqu’à la délivrance de la totalité des documents,

– dit que le conseil se réservait le pouvoir de liquider l’astreinte sur simple demande de Monsieur [Z].

Par jugement du 17 mars 2020, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation de Monsieur [Y] [A] et a désigné la SELARL EKIP’ anciennement dénommée SELARL [V] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 28 mai 2021, le conseil de Prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer ‘ saisi par requête du 15 juin 2020 par Monsieur [C] [Z] de demandes formées contre la SELARL EKIP’ prise en la personne de son représentant légal aux fins d’obtenir la liquidation de l’astreinte prononcée et la condamnation au paiement de la somme de 65 500 € ‘ a :

– rejeté l’exception d’incompétence, soulevée au visa de l’article R. 662-3 du code de commerce,

– déclaré irrecevable Monsieur [Z] en son action en liquidation de l’astreinte à l’encontre de la SELARL EKIP’, sur le fondement des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [Z] aux entiers dépens et à payer à la SELARL EKIP’ une somme de 300 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 15 juin 2021, Monsieur [Z] a interjeté appel de cette décision en intimant Maître [V] [J], mandataire judiciaire de la SELARL EKIP’.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions transmises par LRAR le 10 août 2021, reçues au greffe de la cour le 11 août 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [Z] demande à la cour de :

– infirmer le jugement attaqué,

– dire et juger que la liquidation d’astreinte prononcée par le conseil dans son jugement est recevable,

– condamner le liquidateur ès – qualités au paiement des sommes de :

° 65 500 €

° 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 7 octobre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SELARL EKIP’ prise en la personne de Maître [V] [J] demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’exception de compétence qu’elle avait soulevée,

– statuant à nouveau,

– dire que le conseil de prud’hommes était incompétent pour connaitre d’une action à son encontre prise à titre personnel,

– renvoyer Monsieur [C] [Z] à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire de La Rochelle seul compétent ou une juridiction limitrophe suivant les dispositions de l’article 47 du code de Procédure civile.

– condamner Monsieur [Z] à lui verser prise à titre personnel, une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– à titre subsidiaire,

– rejeter comme irrecevable la demande de liquidation d’astreinte,

– la dire et juger sans objet,

– à titre subsidiaire, au fond

– débouter Monsieur [C] [Z] de ses demandes, fins et prétentions contraires,

– encore plus subsidiairement

– réduire le montant de l’astreinte à 1 € symbolique.

* en tout état de cause,

– condamner Monsieur [C] [Z] à lui payer une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner [C] [Z] aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Henri-Noël Gallet, avocat aux offres de droits.

SUR QUOI,

I – SUR L’ EXCEPTION D’INCOMPÉTENCE MATÉRIELLE :

En application de l’article R. 662-3 du code de commerce :

‘Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8, à l’exception des actions en responsabilité civile exercées à l’encontre de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire.’

***

En l’espèce, la SELARL EKIP’ soulève l’incompétence du conseil de prud’hommes – qui dispose d’une compétence d’attribution et non d’une plénitude de juridiction – pour connaître de l’action engagée à titre personnel contre elle par Monsieur [Z] au motif que la juridiction prud’homale n’est pas compétente pour prononcer une condamnation personnelle contre un mandataire judiciaire au travers d’une demande de liquidation d’astreinte.

Monsieur [Z] ne conclut pas sur l’exception d’incompétence.

***

Cela étant, comme l’a très justement relevé le premier juge par des motifs pertinents que la cour adopte à défaut de tout élément nouveau développé par la SELARL, l’objet de l’instance ayant abouti au jugement critiqué vise l’obtention de la liquidation d’astreinte prononcée le 26 juillet 2019 dont le conseil de prud’hommes s’était réservé expressément la liquidation et non la mise en jeu de la responsabilité civile de SELARL [V] [J] devenue la SELARL EKIP’ pour des fautes qu’elle aurait pu commettre dans l’exercice de son mandat de mandataire judiciaire ou de mandataire liquidatrice de l’entreprise [A].

En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’intimée.

II – SUR LE DÉFAUT DE QUALITÉ DE LA SELARL EKIP’ :

En application de l’article 122 du code de procédure civile : ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’

Il est acquis, qu’en matière contentieuse, l’appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance et dans la même qualité (Civ. 1re, 10 juill. 2014, n° 12-21.533 P : D. 2014. Actu. 1597; JCP 2014. 1232, note [E] [I]. )

***

En l’espèce, la SELARL EKIP’ soulève son défaut de qualité pour répondre à la demande formée par Monsieur [Z] tendant à la liquidation de l’astreinte et au paiement à ce titre de la somme de 65 500 € au motif :

– que l’astreinte a été prononcée à l’encontre de la procédure collective et non à l’encontre de la SELARL EKIP’ anciennement dénommée SELARL [V] [J] prise à titre personnel qui n’était, au demeurant, pas dans la cause.

– qu’une astreinte ne peut donc être liquidée à l’encontre d’un tiers.

Elle en conclut que la demande formulée par Monsieur [C] [Z] à son encontre de la SELARL EKIP’, es-nom, est radicalement irrecevable.

En réponse, Monsieur [Z] fait valoir :

– que l’argumentation du jugement attaqué ‘ne tient pas’,

– que la condamnation au versement d’une astreinte est bien formulée à l’encontre de la SELARL [V] [J] en sa qualité de mandataire judiciaire et n’a rien de collectif

– que tous les courriers que son conseil a envoyés à l’intimée rappelaient la qualité soit de mandataire soit de liquidateur de la SELARL.

***

Cela étant, il convient de rappeler :

– que le jugement du 26 juillet 2019 a :

° ordonné à Maître [V] [J], en qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [Y] [A] de délivrer au salarié ses bulletins du mois d’août, septembre, octobre et novembre 2018, une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la décision, le tout sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter du 15ème jour du prononcé de la présente décision jusqu’à la délivrance de la totalité des documents,

° dit que le conseil se réservait le pouvoir de liquider l’astreinte sur simple demande de Monsieur [Z],

– que par requête du 15 juin 2020, Monsieur [Z] a engagé son action en liquidation d’astreinte contre la SELARL EKIP’ prise en la personne de Maître [V] [J].

Ainsi, alors que la condamnation à la remise des documents sociaux sous astreinte a été prononcée contre Maître [V] [J] prise es qualités, à savoir contre la mandataire judiciaire d’une société en redressement judiciaire, Monsieur [Z] engage une action en liquidation d’astreinte contre la SELARL EKIP’ représentée par sa représentante légale.

Sur le fondement des principes sus-rappelés, cette action doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité de la défenderesse à y répondre puisque celle – ci n’était pas partie au jugement du 26 juillet 2019 et qu’elle n’était pas ainsi soumise à l’obligation de délivrance sous astreinte des documents sociaux.

Le fait pour Monsieur [Z] d’interjeter appel du jugement attaqué en intimant Maître [V] [J], mandataire judiciaire de la SELARL EKIP’ ou de viser dans le dispositif de ses conclusions la condamnation de Maître [V] [J] en sa qualité de mandataire judiciaire est inopérant à régulariser la procédure de première instance qui a été engagée à tort contre une personne étrangère à l’astreinte dont la liquidation était demandée.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué de ce chef.

III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens doivent être supportés par Monsieur [Z] avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 28 mai 2021 par le conseil de Prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer sauf en ce qu’il a condamné Monsieur [Z] à payer la somme de 300 € à la SELARL EKIP’ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirmant de ce dernier chef,

Statuant à nouveau,

Déboute la SELARL EKIP’ de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne Monsieur [Z] aux dépens,

Autorise Maître Henri-Noël Gallet, avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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