Droits des Artisans : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00714

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Droits des Artisans : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00714

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 24 janvier 2023

N° RG 21/00714 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FSFU

-PV- Arrêt n°

[L] [D] agissant en son nom personnel et ès qualités d’ayant droit de son frère [I] [D] / [H] [D]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du Puy en Velay, décision attaquée en date du 18 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 15/00260

Arrêt rendu le MARDI VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [L] [D] agissant en son nom personnel et ès qualités d’ayant droit de son frère [I] [D]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Karine PROTET LEMMET, avocat au barreau d’AURILLAC

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [H] [D]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Jean Antoine MOINS de la SCP MOINS, avocat au barreau d’AURILLAC

Timbre fiscal acquitté

INTIME

DÉBATS : A l’audience publique du 21 novembre 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [J] [U] [D] et Mme [K] [E] [C], ayant contracté mariage sans contrat préalable le 20 juillet 1946, sont tous deux décédés respectivement le 27 février 2012 et le 7 août 2011. Trois enfants sont issus de cette union : Mme [L] [D], M. [I] [D], décédé le 23 mai 2016, et M. [H] [D].

Par acte authentique conclu le 4 juillet 1990 auprès de Me [R] [F], notaire à [Localité 8] (Cantal), M. [J] [D] et Mme [K] [C] épouse [D] avaient consenti à M. [I] [D] une donation-partage par préciput et hors part portant sur le quart de leurs maisons d’habitation et de leur propriété agricole constituée de bâtiments et de terrain, l’ensemble étant situé sur le territoire de la commune de [Localité 3] (Haute-Loire), avec réserve de jouissance à titre de droit d’usage sur une des maisons d’habitation.

Saisi par assignation des 23 et 24 février 2015 de M. [H] [D], le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a, suivant un jugement n° RG-15/00260 rendu contradictoirement le 18 décembre 2020 :

– ordonné l’ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage des successions laissées par M. [J] [D], Mme [K] [C] épouse [D] et M. [I] [D] ;

– désigné Me [G] [O] et Me [A] [X], notaires à [Localité 7] (Cantal), en qualité de notaires chargés de ces règlements successoraux, avec possibilité de remplacement sur simple requête, chaque partie pouvant être assistée par tout notaire de son choix ;

– dit que M. [I] [D] et Mme [L] [D] ont commis des recels successoraux au préjudice de M. [H] [D] sur les sommes respectives de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 1.123,91 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 € ;

– dit que la succession de M. [I] [D] ainsi que Mme [L] [D] doivent restituer à la succession de M. [J] [D] les sommes précitées de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 1.123,91 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 € ;

– dit que la succession de M. [I] [D] ainsi que Mme [L] [D] sont déchues de tout droit au partage sur l’ensemble des restitutions susmentionné de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 1.123,91 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 € ;

– débouté [la succession de] M. [I] [D] de ses demandes formées en allégation de recel successoral ;

– débouté Mme [L] [D] de sa demande reconventionnelle formée à l’encontre de M. [H] [D] en allégation de recel successoral ;

– rappelé l’ensemble des diligences usuelles incombant au notaire instrumentaire ainsi que les principales règles en matière de partage successoral ;

– condamné Mme [L] [D] à payer au profit de M. [H] [D] une indemnité de 3.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

– rejeté le surplus des demandes des parties ;

– dit que les dépens de l’instance seront employés en frais privilégiés de partage.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 29 mars 2021, le conseil de Mme [L] [D], agissant à titre personnel et en qualité d’ayant droits de M. [I] [D], a interjeté appel du jugement susmentionné, l’appel portant sur l’ensemble des condamnations pécuniaires prononcé au titre des recels successoraux et au visa de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sur le rejet des allégations de recels successoraux.

‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 18 octobre 2022, Mme [L] [D], agissant à titre personnel et en qualité d’ayant droits de M. [I] [D], a demandé de :

‘ au visa des articles 815 et suivants, 843, 800, 778, 730-3, 730-2, 730-4 et 730-5 du Code civil ;

‘ avant dire droit, « Enjoindre à Monsieur [H] [D] de démontrer qu’il a obtenu les relevés du compte existant entre Madame [L] [D] et [I] [D] de manière légale et dire à défaut que l’ensemble des documents ainsi produit devra dès lors être écarté des débats. » ;

‘ confirmer le jugement du 18 décembre 2020 du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay en ce qui concerne le principe de l’ouverture des successions susmentionnées, la désignation des notaires instrumentaires et le rejet des allégations de recel successoral au sujet des sommes de 38.000,00 €, de 230,00 €, de 237,00 € et de 790,00 € ;

‘ réformer le jugement entrepris à l’égard de la succession de M. [I] [D] et de Mme [L] [D], avec ses conséquences de restitutions et de privations au partage, concernant :

* les recels successoraux retenus à hauteur des sommes de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 € [soit au total : 30.732,84 €], après avoir constaté que la succession de M. [J] [D] avait une dette de 30.700,00 € à l’égard de M. [M] et que cette somme a été réglée hors notaire par Mme [L] [D] et M. [I] [D] au moyen de deux chèques de 10.000,00 € en janvier et février 2013 et d’un chèque de 10.700,00 € en août 2013 ;

* le recel successoral retenu à hauteur de la somme de 1.123,91 €, subsidiairement à l’égard uniquement de Mme [L] [D] ;

‘ réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [la succession de] M. [I] [D] et Mme [L] [D] de leurs demandes formées à titre de recel successoral à l’encontre de M. [H] [D] ;

‘ dire que M. [H] [D] s’est rendu coupable de recel successoral à hauteur de la somme totale de 46.879,00 €, perçue de ses parents et non déclarée au moment des opérations successorales, avec condamnation pécuniaire au rapport de cette somme à la succession et déchéance de ses droits successoraux à concurrence ;

‘ rappeler l’ensemble des obligations et diligences incombant légalement et usuellement aux notaires en matière de règlements successoraux ;

‘ débouter M. [H] [D] de l’ensemble de ses demandes ;

‘ condamner M. [H] [D] à payer au profit de Mme [L] [D] une indemnité de 3.800,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ statuer ce que de droit concernant la demande de vente aux enchères de la maison de [Localité 5] (Cantal) ;

‘ condamner M. [H] [D] aux entiers dépens de l’instance ou à défaut ordonner l’emploi des dépens de l’instance en frais de partage, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile [au profit de Me Barbara Gutton, avocat au barreau de Clermont-Ferrand] ;

‘ Par dernières conclusions d’intimé et d’appel incident notifiées par le RPVA le 30 septembre 2022, M. [H] [D] a demandé de :

‘ au visa des articles 778 et suivants du Code civil ;

‘ constater l’absence d’appel concernant le principe de l’ouverture des règlements successoraux susmentionnés et la désignation des notaires instrumentaires ;

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les recels successoraux retenus à l’encontre de [la succession de] M. [I] [D] et de Mme [L] [D] au préjudice de M. [H] [D] à hauteur des sommes précitées de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 1.123,91 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 €, avec conséquences de droit en termes de condamnations à restitutions à la succession de M. [J] [D] et de déchéance de partage vis-à-vis de la succession de M. [I] [D] et de Mme [L] [D] ;

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [L] [D] à payer au profit de M. [H] [D] une indemnité de 3.000 € en application de l’article 700 du code procédure civile ;

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage ;

‘ réformer le jugement entrepris sur les points qui suivent et juger que M. [I] [D] et Mme [L] [D] ont commis des recels successoraux au préjudice de M. [H] [D] à hauteur des sommes respectives de 20.000,00 €, de 12.000,00 € et de 6.000,00 €, soit au total la somme de 38.000,00 € (ayant été remboursée en août 2012), avec conséquences de droit en termes de déchéance de partage ;

‘ réformer le jugement entrepris sur les points qui suivent et juger que M. [I] [D] et Mme [L] [D] ont commis des recels successoraux au préjudice de M. [H] [D] à hauteur des sommes respectives de 230,00 € et de 357,00 € (par chèques du 8 novembre 2011 et du 18 août 2011 au profit de Mme [L] [D]), avec conséquences de droit en termes de condamnations à restitutions à la succession de M. [J] [D] et de déchéance de partage ;

‘ débouter Mme [L] [D] de l’ensemble de ses demandes ;

‘ condamner Mme [L] [D] à lui payer en cause d’appel une indemnité de 4.000,00 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamner Mme [L] [D] aux entiers dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Sébastien Rahon, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l’appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Par ordonnance rendue le 17 novembre 2022, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile collégiale du 21 novembre 2022 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Questions préalables

Il convient préalablement de constater qu’aucun appel principal ou incident n’est formé sur le principe de l’ouverture des règlements successoraux susmentionnés ainsi que sur la désignation des notaires instrumentaires.

Outre qu’elle procède par simple voie d’affirmations générales, alors qu’il lui incomberait d’énumérer chaque pièce de son adversaire dont les conditions d’obtention ne seraient pas légales et d’en apporter les preuves pièce par pièce, Mme [L] [D] inverse la charge de la preuve en demandant d’enjoindre à M. [H] [D] de démontrer qu’il a obtenu de manière légale les pièces bancaires ou éléments de comptes qu’il invoque à l’appui de ses demandes ou de ses moyens de défense. Ce chef de demande formé avant dire droit par Mme [L] [D] sera en conséquence rejeté.

2/ Concernant les griefs de recels successoraux

L’article 778 du Code civil dispose que « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits de succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenants à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. / Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. / L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. ».

En application des dispositions législatives qui précèdent, le recel successoral est un délit civil constitué dès lors qu’un cohéritier exerce intentionnellement des man’uvres ou des rétentions d’informations dans le but d’accroître matériellement et indûment ses droits dans la succession aux dépens des autres cohéritiers, quels que soient les moyens pour parvenir à ces fins frustratoires. Ainsi tout héritier doit-il communiquer lors de l’ouverture de la succession toutes informations utiles sur les libéralités et donations dont il a pu faire précédemment l’objet afin de permettre de vérifier, d’une part qu’elles n’ont pas excédé la quotité disponible et d’en opérer le cas échéant le rapport à la succession et d’autre part qu’elles n’ont pas résulté de man’uvres tendant à accroître frauduleusement ses droits et à rompre ainsi l’égalité du partage au préjudice des autres héritiers.

* Sur la somme de 38.000,00 €

M. [I] [D] et Mme [L] [D] ont reversé par chèque bancaire du 29 août 2012 auprès du notaire chargé du règlement de la succession laissée par M. [J] [D] la somme totale de 38.000,00 €, cette somme correspondant à des mouvements bancaires dont ils avaient bénéficiés depuis deux comptes Caisse de crédit agricole de Haute-Loire de M. [J] [D] par trois virements successifs de 20.000,00 € le 28 décembre 2011 et de 12.000,00 € le 14 février 2012 (compte n° 11 45 21 34 000) ainsi que de 6.000,00 € le 4 novembre 2011 (compte n° 11 45 21 34 235).

Comme l’a correctement analysé le premier juge, cette restitution d’août et septembre 2012 peut être qualifiée de spontanée dans la mesure où, d’une part elle est intervenue très antérieurement à l’acte introductif d’instance des 23 et 24 février 2015 et d’autre part M. [H] [D] ne justifie pas avoir adressé une mise en demeure de restituer cette somme à ses cohéritiers préalablement à ces restitutions. En effet, ce dernier ne précise pas en quoi c’est sur son intervention et celle du notaire instrumentaire que cette somme de 38.000,00 € a finalement été remboursée. Faute de justification d’une telle mise en demeure ou sommation ou de toutes autres démarches comminatoires susceptibles de constituer des poursuites, le délai d’un peu plus de six mois qui s’est écoulé entre la date du 27 février 2012 d’ouverture de la succession de M. [J] [D] et celles de ces remboursements intervenus en août et septembre 2012 n’apparaît pas déraisonnable.

Dans ces conditions, le doute devant bénéficier à M. [I] [D] et Mme [L] [D] concernant le critère intentionnel de ce délit civil de recel successoral qui leur est reproché, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande de recel successoral formée par M. [H] [D] à hauteur de la somme totale précitée de 38.000,00 €.

* Sur les sommes de 230,00 €, de 237,00 € et de 790,00 €

Deux chèques d’un montant respectif de 230,00 € et de 237,00 € ont été successivement établis le 8 novembre 2011 et le 18 novembre 2011 au profit de Mme [L] [D]. Cette dernière ne conteste pas la matérialité de ces deux encaissements, objectant qu’il s’agit de remboursement portant d’une part sur des frais de vêtements avancés pour M. [J] [D] et d’autre part de frais consécutifs aux obsèques de Mme [K] [D] (publication de l’avis obsèques) ou pour d’autres motifs (achats de boissons et de photos, soins de pédicure).

En l’occurrence, la modicité de ces montants ainsi que les factures produites créditent l’explication donnée à ce sujet par Mme [L] [D]. De plus le fait que ce ne soit pas l’écriture de M. [J] [D] qui figure sur les souches de ces chèques est sans incidence dans la mesure où l’utilité de ces dépenses pour ce dernier n’apparaît pas sérieusement contestable. Enfin, il n’apparaît pas démontré que ces chèques n’aient pas été personnellement signés par ce dernier.

Par ailleurs, le recel allégué par M. [H] [D] à hauteur de la somme de 790,00 € correspond à un retrait en espèces effectué le 27 octobre 2011 sur un des comptes de M. [J] [D].

En l’occurrence, aucun élément ne permet d’inférer avec certitude que ce retrait en espèces aurait été effectué par M. [I] [D] ou par Mme [L] [D].

Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes de recels successoraux formées par M. [H] [D] à hauteur des sommes précitées de 230,00 €, de 357,00 € et de 790,00 €.

* Sur les sommes de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 €

Les sommes de 5.930,00 € et de 4.000,00 € correspondent à des virements effectués le 27 octobre 2011 à partir d’un compte bancaire de M. [J] [D] sur un compte bancaire de indivis de M. [I] [D] et Mme [L] [D]. Les sommes de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 € correspondent à des remboursements de bons au porteur encaissés le 6 décembre 2011 par M. [I] [D] et Mme [L] [D] sur ce même compte joint.

En l’occurrence, il n’est pas contesté par Mme [L] [D] que les sommes de 5.930,00 € et de 4.000,00 € ont bien été virées sur le compte joint de M. [I] [D] et Mme [L] [D]. Ainsi que l’a correctement relevé le premier juge, le montant de chacune des sommes de 5.930,00 € et de 4.000,00 € s’avère beaucoup trop important, à l’échelle du patrimoine individuel de M. [J] [D], pour justifier des remboursements d’avances de dépenses de vie courante, ceux-ci étant au demeurant dépourvus de toutes pièces justificatives.

Concernant l’encaissement sur ce même compte joint des trois bons au porteur d’un montant respectif de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 €, qui n’est pas matériellement contesté par Mme [L] [D], cette dernière réplique que ces encaissements proviennent en réalité de bons au porteur provenant de leur oncle M. [P] [D]. Cette explication n’est pas davantage crédible en cause d’appel qu’en première instance. En effet, Mme [L] [D] produit elle-même à ce sujet une attestation délivrée le 20 juillet 2017 par Mme [T] [N] épouse [Z], indiquant notamment que Mme [L] [D] avait reçu de cet oncle deux bons au porteur d’un montant chacun de 1.000,00 € alors que les trois bons au porteur litigieux sont d’un montant respectif de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 €. À supposer que la remise de ces bons au porteur procède d’une intention libérale de M. [J] [D], il n’en demeure pas moins que ces sommes encaissées l’année même du décès de ce dernier n’ont fait l’objet d’aucune déclaration spontanée à la succession de la part de M. [I] [D] et de Mme [L] [D] et n’ont été divulguées que par les recherches personnelles de M. [H] [D] en cours de procédure, ce qui confirme la mauvaise foi et l’intention frustratoire de ses cohéritiers à ce sujet par rapport à l’égalité du partage.

Les sommes de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 représentant un montant total de 30.732,84 €, Mme [L] [D] s’estime en tout état de cause libérée de toute obligation de rapport à la succession et déchargée de toute suspicion de recel successoral en faisant valoir en cause d’appel que son frère M. [I] [D] a procédé à partir de leur compte joint au paiement d’une dette de la succession de M. [J] [D] à hauteur de la somme quasi-équivalente de 30.700,00 € au profit de M. [V] [M]. Ces paiements seraient intervenus au moyen de trois chèques qu’elle produit en copie, d’un montant respectif de 10.000,00 € le 20 janvier 2013, de 10.000,00 € en février 2013 [sans plus d’indication de date] et de 10.700,00 € le 10 août 2013. M. [V] [M] a établi le 3 mars 2021 une attestation dans laquelle il confirme avoir prêté la somme de 30.700,00 €à M. [J] [D] ainsi que le mode de remboursement précédemment mentionné.

À ce sujet, Mme [L] [D] verse aux débats deux courriers (en copie) qu’elle dit avoir été établis par M. [J] [D] de son vivant. Le premier courrier est une lettre dactylographiée ainsi libellée : « [J] [D], j’ai emprunté à un ami de la famille, / Mr [V] [M], directeur. / Voici les sommes que je lui ai emprunté par mois / Soit la somme de 5700 €. en 2008, la somme de 5000 € en 2003. / la somme de 5000 € en 2004, la somme de 5000 € en 2005, / la somme de 5000 € en 2006 et la sommes de 5000 € en 2007. / Pour des soins médicaux. / Si je meurs sans avoir remboursé la somme de 37000 €, c’est mon fils jean-louis et thérèse qui le ferront avec le compte joint que je leur ai demandé, d’ouvrir de mon vivant, [Localité 3], le 15 juillet 2008 / [signature manuscrite :] [D] ». Le second courrier est une lettre manuscrite ainsi libellée : « [B] [V] / je vous remerci pour les 30’700 que vous m’avait preter pour [K] au [Localité 4] [son épouse placée dans un établissement de retraite] / si je vous rend pas lagent / ces jean louis et therese avec le compte joint que je vai faire ouvrir pour mettre mon argent desus pour vous rembourse / [Localité 3] le 27.9.2008 / a biento / [signature :] [D] ».

En l’occurrence, ces deux courriers s’avèrent insuffisamment probants pour objectiver une reconnaissance de dette de M. [J] [D] envers M. [V] [M], ceux-ci n’ayant pas été établis avec mention tout à la fois en lettres et en chiffres de l’engagement contracté. En effet il résulte formellement et impérativement des dispositions de l’article 1367 du Code civil notamment que « L’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent (‘) ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit [ce qui est le cas] ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. (‘) [Ce qui n’est pas le cas pour la mention en lettres] ». Ainsi le premier courrier dactylographié doit-il être purement et simplement écarté dans la mesure où il n’est pas établi de la main même de M. [J] [D] tandis que le second courrier manuscrit doit être écarté dans la mesure où il ne contient pas la mention en lettres de la somme empruntée, étant au demeurant observé qu’il s’apparente davantage à une correspondance privée qu’à une reconnaissance de dette. De plus, M. [H] [D] fait justement observer que M. [V] [M] est le concubin de Mme [L] [D], ce qui enlève toute crédibilité à son attestation, étant au demeurant constaté que cette attestation fait mention d’un prêt au moyen de mensualités alors que la prétendue reconnaissance de dette dactylographiée de M. [J] [D] fait mention de sommes empruntées annuellement, sans plus de précisions. Ce remboursement est donc visiblement intervenu pour des causes étrangères à la situation actuellement litigieuse.

Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a retenu la situation de recel successoral de la succession de M. [I] [D] ainsi que de Mme [L] [D] en ce qui concerne les sommes précitées de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 €.

* Sur la somme de 1.123,91 €

Mme [L] [D] ne conteste pas le paiement par un chèque du 25 novembre 2011 de la somme de 1.123,91 € provenant d’un compte bancaire de M. [J] [D] au profit d’un artisan au titre de travaux effectués sur la maison de M. [I] [D]. Il ressort par ailleurs que ce chèque porte la signature de M. [I] [D] alors que celui-ci n’avait aucune procuration sur ce compte bancaire appartenant à M. [J] [D]. Le délit de recel successoral apparaît dès lors suffisamment caractérisé à l’encontre de ce dernier.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu ce recel successoral à l’encontre de M. [I] [D] mais infirmé en ce qu’il a retenu ce recel successoral à l’encontre de Mme [L] [D].

* Sur la somme de 46.879,00 €

Mme [L] [D] ne démontre pas davantage en cause d’appel qu’en première instance le recel successoral qu’elle allègue elle-même à l’encontre de M. [H] [D] à hauteur de la somme totale de 46.879,00 € à partir de la succession laissée par ses parents. Elle soutient à ce sujet que « (‘) de nombreuses sommes ont été versées par les époux [J] et [K] [D] à leur fils [H] (‘) », produisant plusieurs pièces composées de relevés bancaires de comptes ou de talons de carnet de chèques entre le 22 septembre 1980 et le 6 octobre 1988, à partir desquels elle établit un tableau récapitulatif à hauteur de la somme totale de 46.879,00 €. M. [H] [D] conteste avoir bénéficié de ces sommes, disant avoir été financièrement indépendant au cours de la période 1980-1988.

La somme totale de 146.318,00 FF figurant dans ce tableau récapitulatif correspond d’abord à la somme de 22.306,03 € et non à celle de 46.879,00 € dès lors que l’on fait application du convertisseur officiel [1,00 € = 6,55.957 FF]. À ce sujet, Mme [L] [D] ne précise aucunement son mode de calcul quant à l’incidence de l’inflation dont elle fait état jusqu’à la date du 1er janvier 2017.

En l’occurrence, force est de constater que Mme [L] [D] ne fait état à titre probatoire que d’éléments manuscrits figurant de manière nominative sur des copies de souches de carnets de chèques ou des documents bancaires (prénom [H]), parfois en surcharge après effacement de précédentes appositions manuscrites, ainsi que de mentions dactylographiées et chiffrées de débits de chèques sur des relevés d’opérations bancaires mais sans aucune indication nominative des bénéficiaires des chèques ainsi pointés. Ces éléments sont insuffisants pour objectiver des transferts de fonds dont aurait bénéficié M. [H] [D] de la part de ses parents au cours de cette période 1980-1988.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande de reconnaissance de recel successoral formée par Mme [L] [D] à l’encontre de M. [H] [D].

3/ En ce qui concerne les autres demandes

Il convient de constater qu’aucune demande particulière n’est formée en cause d’appel en ce qui concerne la vente aux enchères de la maison de [Localité 5], tant dans le cadre de l’appel principal que dans celui de l’appel incident.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qui concerne le rappel de l’ensemble des obligations et diligences incombant légalement et usuellement aux notaires en matière de règlements successoraux.

Chacune des parties échouant au moins partiellement l’une envers l’autre dans ses accusations de recel successoral, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre d’entre elles, tant en première instance qu’en cause d’appel.

Enfin, l’ensemble des dépens de l’instance sera employé en frais privilégiés de partage, tant en première instance qu’est en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONSTATE qu’aucun appel principal ou incident n’est formé sur le principe de l’ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage des successions de Mme [K] [E] [C] épouse [D], décédée le 7 août 2011, de M. [J] [U] [D], décédé le 27 février 2012, et de M. [I] [D], décédé le 23 mai 2016, ainsi que sur la désignation de Me [G] [O] et de Me [A] [X], notaires à [Localité 7] (Cantal), afin de procéder à ces règlements successoraux, conformément à l’ensemble des règles légales et usuelles applicable.

REJETTE la demande formée avant dire droit par Mme [L] [D], tendant à enjoindre à M. [H] [D] de démontrer qu’il a obtenu de manière légale les pièces qu’il invoque à l’appui de ses demandes ou de ses moyens de défense.

CONFIRME le jugement n° RG-15/00260 rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay en ce qu’il a :

– REJETÉ les demandes de reconnaissance de recels successoraux formées par M. [H] [D] à l’encontre de M. [I] [D] ainsi que de Mme [L] [D] à hauteur des sommes respectives de 38.000,00 €, de 230,00 €, de 357,00 € et de 790,00 € avec toutes conséquences de droit en termes de condamnations à restitutions et de privations de partage vis-à-vis de la succession de M. [I] [D] ainsi que de Mme [L] [D] ;

– DIT que M. [I] [D] ainsi que Mme [L] [D] ont commis des recels successoraux au préjudice de M. [H] [D] à hauteur des sommes respectives de 5.930,00 €, de 4.000,00 €, de 12.596,18 €, de 4.127,90 € et de 4.078,76 €, avecc toutes conséquences de droit en termes de condamnations à restitutions et de privations de partage vis-à-vis de la succession de M. [I] [D] ainsi que de Mme [L] [D] ;

– DIT que M. [I] [D] a commis un recel successoral au préjudice de M. [H] [D] à hauteur de la somme de 1.123,91 €, avec toutes conséquences de droit en termes de condamnation à restitution et de privation de partage vis-à-vis de la succession de M. [I] [D] ;

– REJETÉ la demande de reconnaissance de recel successoral formée par Mme [L] [D] à l’encontre de M. [H] [D] à hauteur de la somme de 46.879,00 €, avec toutes conséquences de droit en termes de condamnations à restitutions et de privations de partage vis-à-vis M. [H] [D] ;

‘ RAPPELÉ l’ensemble des obligations et diligences incombant légalement et usuellement aux notaires en matière de règlements successoraux ;

‘ DIT que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage, avec en tant que de besoin application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Moins, avocat au barreau d’Aurillac.

INFIRME ce même jugement en ce qu’il a :

– DIT que Mme [L] [D] a commis un recel successoral au préjudice de M. [H] [D] à hauteur de la somme de 1.123,91 €, avec toutes conséquences de droit en termes de condamnation à restitution et de privation de partage vis-à-vis de Mme [L] [D] ;

‘ CONDAMNÉ Mme [L] [D] à payer au profit de M. [H] [D] une indemnité de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant.

DÉBOUTE Mme [L] [D] et M. [H] [D] de leurs demandes de défraiement formées en cause d’appel au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

DIT que les dépens de l’instance en cause d’appel seront employés en frais privilégiés de partage, avec en tant que de besoin application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Barbara Gutton et de Me Sébastien Rahon, avocats au barreau de Clermont-Ferrand.

Le greffier Le président

 


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