Droits des Artisans : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01180

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Droits des Artisans : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01180

ARRET N°30

N° RG 21/01180 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GHYL

[A]

[G]

C/

[R] ÉPOUSE [C]

[C]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 24 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01180 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GHYL

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 janvier 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHELLE.

APPELANTS :

Monsieur [W] [S] [A]

né le 26 Septembre 1963 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Madame [U] [I] [O] [G] épouse [A]

née le 29 Novembre 1968 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Olivier MARTIN, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON

INTIMES :

Madame [X] [R] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Monsieur [T] [C]

[Adresse 1]

[Localité 5]

ayant tous les deux pour avocat Me Charles-Emmanuel ANDRAULT de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substitué par Me Louise MAINGUET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller qui a présenté son rapport

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

– Contradictoire

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

Les époux [A] ont fait construire une maison individuelle selon permis de construire du 20 janvier 2005, commune de [Localité 5] (17 120).

M. [A] est négociant de matériaux en bois.

Il a posé les murs d’ossature, les menuiseries extérieures , et fourni le bardage.

Les travaux ont été achevés le 30 mai 2006.

Les époux [A] ont vendu leur immeuble aux consorts [C]-[R] selon acte authentique du 20 avril 2015.

Par courrier recommandé du 13 janvier 2016, les acquéreurs se sont plaints d’infiltrations mettant en cause l’étanchéité de la toiture et des huisseries.

Leur assureur a mandaté un expert, le cabinet Eurexo.

Après expertise, les parties ont conclu le 23 mars 2016 un protocole d’accord.

De nouveaux désordres sont apparus, ont provoqué une seconde expertise du cabinet Eurexo, expertise contradictoire.

Le 7 avril 2016, le cabinet Eurexo indiquait que les tableaux d’habillage des fenêtres sont incomplets, inesthétiques, et ont été étanchéifiés avec des matériaux aux résistances limitées dans le temps. Il en déduisait une impropriété à destination sur l’ensemble est à venir à moyen terme.

Il préconisait la réalisation de l’habillage des tableaux de fenêtres.

De nouveaux désordres ont suscité une troisième expertise.

Le cabinet Eurexo constatait le 3 octobre 2016 un problème affectant le pare-pluie extérieur en fait pare-vapeur, une discontinuité des étanchéités à l’air et à l’eau dans la jonction des écrans de protection, des infiltrations persistantes au plafond du séjour.

Il évaluait le coût de la reprise de l’ensemble des bardages à la somme de 50000 euros.

L’entreprise Vivanvois présente lors des opérations d’expertise précisait que la pose encore plus que le produit engendrait les infiltrations.

Elle préconisait une réfection globale du bardage dans les cinq ans à venir avant une dégradation de l’ossature.

M. [A] reconnaissait un défaut sur deux menuiseries extérieures, menuiseries qu’il avait d’ailleurs réparées ou changées en 2011.

Par acte du 21 octobre 2016, les consorts [C]-[R] ont saisi le juge des référés aux fins d’expertise judiciaire.

Ils étaient déboutés de leur demande, le juge des référés disant n’y avoir lieu à référé.

L’expertise était ordonnée par arrêt de la cour d’appel de céans du 24 octobre 2017.

La cour limitait l’expertise aux travaux exercés sur la façade Ouest de l’immeuble.

Elle retenait notamment que le protocole d’accord ne s’opposait pas à ce qu’une expertise fût ordonnée sur son objet, soit les deux menuiseries de la façade Ouest, qu’il appartiendrait à la juridiction du fond d’apprécier si les conditions de la garantie des vices cachés seraient réunies.

Elle estimait que la garantie décennale était acquise pour les autres désordres.

L’expert judiciaire, Mme [Y], a déposé son rapport le 25 mars 2019.

Par acte du 22 octobre 2019, les consorts [C]-[R] ont assigné les époux [A] devant le tribunal de grande instance de La Rochelle aux fins d’indemnisation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1792, 1648 et suivants du code civil.

Les époux [A] ont conclu à l’irrecevabilité de l’action, subsidiairement, au débouté.

Par jugement du 26 janvier 2021 , le tribunal judiciaire de La Rochelle a notamment statué comme suit :

‘-rejette l’exception de transaction soulevée par les époux [A]

-dit que la prescription de l’action en garantie décennale est acquise concernant les désordres observés sur les façades Est, Nord, Sud de l’habitation.

-dit que les époux [A] engagent leur responsabilité décennale au titre des désordres constatés sur la façade Ouest

-dit que les époux [A] engagent leur responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés au titre des désordres constatés et concernant l’ensemble des façades de la maison.

Avant dire droit, sur la demande d’indemnisation des préjudices (coût des travaux de réparation des désordres et préjudice de jouissance),

-ordonne un complément d’expertise

-sursoit à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise

-déboute les acquéreurs de leur demande d’indemnisation au titre de la mauvaise foi contractuelle

-réserve les frais et dépens ‘

Le premier juge a notamment retenu que :

-sur l’exception d’inexécution

Il ressort des expertises que les travaux réalisés à l’issue de la transaction se sont avérés insuffisants.

Les vendeurs n’ont pas correctement exécuté la transaction dans la mesure où les désordres sur la façade Ouest subsistent.

Ils ne peuvent en conséquence l’ opposer aux acquéreurs.

-sur la responsabilité décennale

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire que la maison vendue n’était ni hors d’eau, ni hors d’air, que les désordres sont de nature décennale, rendent la maison impropre à sa destination.

La prescription décennale a été interrompue par le protocole d’accord du 23 mars 2016 pour les désordres qu’il vise.

Les autres désordres sont en revanche apparus postérieurement au délai de 10 ans qui a expiré le 30 mai 2016.

La clause de non-garantie relative aux désordres décennaux doit être réputée non écrite.

-sur la garantie des vices cachés

Le vendeur qui vend l’immeuble après l’avoir conçu ou construit est présumé connaître le vice.

Le vice relatif au non-respect de la norme sur l’étanchéité de l’air est apparu le 25 mars 2019, date de dépôt du rapport d’expertise.

L’action est recevable. La prescription n’est pas contestée.

La clause de non-garantie est inopposable, M. [A] ayant auto-construit la maison.

Il a monté, assemblé les panneaux, le pare-vapeur.

L’ expert indique que les vendeurs pouvaient difficilement ignorer les problèmes d’infiltrations d’eau.

Les désordres consistent en une absence d’étanchéité à l’eau et à l’air sur l’ensemble des façades.

Les vendeurs seront condamnés sur le fondement de la garantie des vices cachés pour l’absence d’étanchéité à l’eau et à l’air sur l’ensemble des façades, sur le fondement de la garantie décennale pour les désordres de la façade Ouest.

-sur le coût de réparation des désordres

Il convient d’ordonner un complément d’expertise et de surseoir à statuer sur les demandes d’indemnisation.

-sur les autres demandes

La mauvaise foi des vendeurs n’est pas établie. Les acquéreurs seront déboutés de leur demande d’indemnisation du préjudice moral subi de ce chef.

LA COUR

Vu l’appel en date du 9 avril 2021 interjeté par les époux [A]

Vu l’article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 23 décembre 2021, les époux [A] ont présenté les demandes suivantes :

Déclarer le présent appel bien fondé,

L’appel étant une voie de réformation, réformer le jugement attaqué,

Y faisant droit et statuant à nouveau,

Vu l’article 2052 du Code Civil,

-Constater que l’obligation mise à la charge de M. [A] par le protocole signé le 23.03.2016, à savoir le changement de deux fenêtres, a été exécutée;

Dire que si les désordres notés au protocole n’ont pu être résolus, ce n’est pas pour une faute imputable à M. [A];

Juger qu’aucune présomption de responsabilité ou d’imputabilité ne peut être appliquée à M.

Mme. [A] dans l’exécution du contrat de transaction;

Juger que le protocole stipulait à la charge de M. Mme [A] une obligation de moyen.

Dire que M. Mme [A] ont prouvé qu’ils ont exécuté l’engagement du protocole tenant dans le remplacement de deux fenêtres;

Juger que M. Mme [A] se trouvent en conséquence libérés de leur obligation;

Vu l’article 2044 du code civil, juger que s’agissant des désordres affectant la façade ouest la contestation est terminée.

Sur le fondement de la garantie des vices cachés et du délai pour agir, constater que les acheteurs ont envoyé à M. Mme [A] une réclamation dès le 13 janvier 2016 visant un ensemble de désordres évoqués ensuite devant l’expert judiciaire;

Constater que dans l’action en justice des acquéreurs, ces désordres ont été invoqués pour la première fois dans l’assignation en ouverture de rapport le 22 octobre 2019;

Juger en conséquence prescrite l’action des acquéreurs fondée sur l’article 1641 du Code Civil;

Vu l’article 2268 du code civil, Juger que la bonne foi des vendeurs est présumée;

-Juger que M. Mme [A] peuvent opposer aux acquéreurs la clause de non garantie des vices cachés;

-Débouter M. [C] et Mme [R] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

-Condamner M. [C] et Mme [R] à payer à M. Mme [A] une somme de 5.000€ au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

A l’appui de leurs prétentions, les époux [A] soutiennent en substance que :

-Les travaux ont été achevés le 30 mai 2006. Le certificat de conformité est du 7 mars 2012. La vente est intervenue le 20 avril 2015.

-Selon l’article 2052 du code civil, la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

-Ils ont exécuté les travaux promis.

C’est probablement le diagnostic qui avait été mal fait.

L’expert d’assurance a mal fait son travail, n’a pas émis de réserve.

-Le désordre ne suffit pas à établir la faute.

-Ils ont fait remplacer deux fenêtres. Ils n’avaient pas souscrit une obligation de résultat.

-Les consorts [C]-[R] avaient reconnu que les travaux réalisés n’avaient pas permis de remédier aux désordres, donc avaient reconnu la réalité des travaux effectués.

-Le vice généralisé n’a pas été découvert à la faveur de l’ expertise judiciaire.

-Dès leur réclamation du 13 janvier 2016, outre les 2 fenêtres, ils dénonçaient l’intégralité des désordres.

-L’action en garantie des vices cachés est prescrite.

-Subsidiairement, les époux [A] sont de bonne foi.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 24 septembre 2021, les consorts [C]-[R] ont présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu les articles 1648 et suivants du code civil,

-CONFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de LA ROCHELLE du 26 janvier 2021 en ce qu’il a :

-rejeté l’exception de transaction soulevée par Monsieur [A] et Madame [G]

-dit que Monsieur [A] et Madame [G] engagent leur responsabilité décennale au titre des désordres constatés sur la façade ouest de la maison

-dit que Monsieur [A] et Madame [G] engagent leur responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés au titre des désordres constatés et concernant l’ensemble des façades de la maison.

-ordonné avant dire droit un complément d’expertise judiciaire confiée à Madame [Y] avec pour mission notamment de vérifier si les désordres relatifs à l’étanchéité à l’eau et à l’air existent sur l’ensemble des façades de la maison et non exclusivement sur la façade ouest.

-REFORMER le jugement du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE du 26 janvier 2021 en ce qu’il a débouté Monsieur [C] et Madame [R] de leur demande d’indemnisation au titre de la mauvaise foi contractuelle.

-CONDAMNER les époux [A] au paiement d’une somme de 20.000,00€ à titre de dommages intérêts à titre d’indemnisation de la mauvaise foi contractuelle des époux [A]

SUBSIDIAIREMENT, CONDAMNER les époux [A] à payer à Monsieur [T] [C] et Madame [X] [R] :

-une somme en principal de 58 406, 70 € TTC au titre de la réparation des désordres outre intérêts à compter du 22 janvier 2019 en application de l’indice du coût de la construction.

-une somme de 15 000.00 € en réparation de leur préjudice de jouissance

EN TOUT ETAT DE CAUSE ,CONDAMNER les époux [A] au paiement d’une somme de 6000.00 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel comprenant les frais d’expertise taxés à 4400.00 € TTC.

A l’appui de leurs prétentions, les consorts [C]-[R] soutiennent en substance que :

-Le protocole n’a pas autorité de la chose jugée, n’a pas été exécuté.

-Les vendeurs n’ont pas produit de factures quant aux travaux réalisés.

-Il ne préconisait aucune solution technique. Il actait un engagement, celui de mandater un artisan et de remédier aux problèmes d’étanchéité.

-L’expert judiciaire a indiqué que l’immeuble n’était pas hors d’eau.

Les tableaux des fenêtres n’ont pas d’habillage.

La membrane entre l’ossature bois et le bardage est un pare-vapeur non un pare-pluie réglementaire. Le bois est saturé en eau, ce qui entraîne son pourrissement.

L’expert a réalisé un test d’infiltrométrie dont les résultats sont catastrophiques.

L’immeuble n’est conforme ni à la RT 2000, ni à la RT 2005.

Il n’est pas non plus hors d’air du fait du défaut d’isolation au niveau des menuiseries.

-Le défaut était indécelable sauf à démonter les ouvertures. Une expertise était nécessaire.

-Contrairement à ce qui a été retenu dans l’ arrêt du 24 octobre 2017, les vices étaient connus des vendeurs. M. [A] était intervenu en 2011 sur les menuiseries extérieures.

-Le défaut d’ étanchéité à l’air a été révélé par l’expertise.

-C’est la cour qui avait donné mission à l’expert de vérifier l’étanchéité à l’eau comme à l’air.

-Le courrier du 13 janvier 2016, les rapports amiables ne font jamais référence à l’étanchéité à l’air ni à la RT 2000 ou 2005.

-Le délai de 2 ans a donc couru à compter du 25 mars 2019.

-L’assignation en référé du 21 octobre 2016 est interruptive de prescription.

-Le vendeur a la qualité de constructeur. Sa connaissance des vices est présumée.

-Le préjudice de jouissance existe. Les désordres entraînent une surconsommation d’énergie, des salissures, des moisissures, un défaut de conservation du bâti bois.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 septembre 2022.

SUR CE

-sur les fins de non recevoir

1) sur l’exception de transaction

L’ancien article 2052 du code civil dispose que les transactions ont entre les parties l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion.

Les époux [A] soutiennent que l’exécution du protocole d’accord interdit toute demande afférente aux désordres de la façade Ouest.

Les consorts [C]-[R] estiment que la preuve de l’exécution du protocole d’accord n’est pas rapportée, que l’action exercée a un objet différent.

S’il est de droit constant que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet, la transaction ne peut être opposée à l’un des contractants que s’il en a respecté les conditions.

Elle ne saurait interdire une action portant sur des prétentions dont le fondement est né ou s’est révélé postérieurement à la transaction.

Il convient donc de s’interroger sur l’objet exact du protocole d’accord, son exécution, comparer l’objet du protocole transactionnel et les demandes formées en justice.

Le protocole du 23 mars 2016 indique :

‘Depuis l’acquisition, Mme [R] a constaté un défaut d’étanchéité à l’eau dans la chambre du rez de chaussée côté Ouest ainsi que sur la chambre gauche à l’étage qui est non étanche à l’air au niveau des menuiseries extérieures.’

Les parties ‘ont convenu de mettre fin amiablement à leur litige, sous réserve de l’exécution des engagements suivants avant le 15 septembre 2016.

Il est convenu et arrêté ce qui suit :

M. [A] s’engage à financer l’habillage des deux dites menuiseries continues au niveau des étanchéités avec la façade côté Ouest et ce par un artisan et sous accord esthétique des consorts [C]-[R].

Le présent protocole d’accord constitue expressément une transaction aux termes des dispositions des articles 2044 et suivants du code civil. Il revêt, de (sic) l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Il résulte donc du protocole qu’il porte sur un défaut d’étanchéité affectant deux menuiseries situées sur la façade Ouest.

Il est expressément limité à deux fenêtres.

Le remède convenu porte de manière concordante sur l’habillage de deux menuiseries.

M. [A] s’était engagé à faire intervenir un artisan, et à tenir compte des attentes esthétiques de l’acquéreur.

Les époux [A] ne démontrent pas avoir fait réaliser des travaux par un artisan, n’ont produit ni en première instance, ni en appel la moindre facture justifiant de l’intervention d’un artisan.

Si lors de l’expertise judiciaire, M. [A] indiquait avoir changé la fenêtre du bureau, il ne s’est aucunement expliqué sur les réparations qui devaient être effectuées en 2016 en exécution du protocole.

L’action exercée le 22 octobre 2019 est une action en indemnisation fondée sur des désordres décennaux, subsidiairement, sur la garantie des vices cachés.

La somme demandée correspond au coût des travaux de reprise de l’intégralité des menuiseries.

L’objet des demandes excède donc manifestement les deux menuiseries visées dans le protocole, protocole qui n’est en tout état de cause pas opposable aux acquéreurs, faute d’avoir été exécuté dans les termes convenus.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les époux [A] de leur demande d’irrecevabilité fondée sur l’existence du protocole d’accord transactionnel du 23 mars 2016.

2) sur la prescription des actions exercées

a) sur la garantie décennale

Le tribunal a estimé que l’action fondée sur la garantie décennale était recevable s’agissant des désordres de la façade Ouest, qu’elle était prescrite s’agissant des désordres affectant les autres façades.

Le point de départ de la prescription décennale s’agissant des immeubles construits par un particulier est la date d’achèvement des travaux.

Il résulte de l’acte de vente que la déclaration d’achèvement des travaux a été déposée le 30 mai 2006, que le délai d’épreuve a expiré le 30 mai 2016.

Les vendeurs ont été assignés devant le juge des référés aux fins d’expertise judiciaire le 21 octobre 2016, postérieurement à cette date.

Le tribunal a retenu que le protocole d’accord valait reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait et avait interrompu la prescription.

Si en effet un nouveau délai décennal de garantie commence à courir à compter d’une reconnaissance non équivoque de responsabilité, le protocole ne peut valoir interruption de la prescription décennale compte tenu de son objet limité et faute pour les parties d’ avoir qualifié expressément les désordres affectant les deux fenêtres.

L’action en garantie décennale est donc prescrite à défaut d’avoir été interrompue avant le 30 mai 2016.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

b) sur l’ action en garantie des vices cachés

Il est de droit constant que la possibilité de mettre en oeuvre les garanties légales ne fait pas obstacle à une action en garantie des vices cachés de droit commun.

L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus.

-sur la forclusion

Les vendeurs soutiennent que l’action est forclose dans la mesure où les acquéreurs avaient connaissance des vices dès le 13 janvier 2016.

Les acquéreurs soutiennent que le point de départ de l’action est le dépôt du rapport d’expertise judiciaire, que seul ce rapport leur a permis de connaître le vice dans toute son ampleur et ses conséquences.

Par courrier recommandé du 13 janvier 2016, les acquéreurs ont écrit aux vendeurs un courrier intitulé : vices cachés, étanchéité de la maison.

Ils évoquaient deux ‘gros soucis dus, semble-t-il, à des problèmes de conception et de finitions de la maison’.

Ils distinguaient :

– l’ étanchéité du toit

Ils rappelaient avoir constaté une fuite d’eau importante dès le premier mois après l’achat, soutenaient que les fuites étaient réapparues malgré les réparations effectuées par le vendeur.

Ils indiquaient que le toit n’était toujours pas étanche, dénonçaient des fuites dans le salon et dans le bureau.

Ils indiquaient avoir fait venir un artisan couvreur zingueur qui avait ‘constaté que les travaux été très mal faits’ et indiqué que s’il intervenait il fallait tout refaire.

-l’étanchéité des huisseries

‘Nous avons constaté des fuites en mai 2015 au niveau des huisseries de la chambre du bas’.

Ils indiquaient avoir réalisé que le bois supportant l’huisserie était trempé.

Ils avaient fait intervenir un menuisier qui ‘a estimé que la pose n’était absolument pas faite dans les règles, que l’ossature de la maison allait se dégrader immanquablement à cause des infiltrations et qu’il serait impossible d’enrayer ce souci sans reprendre toute la pose.

Il manque en effet un cadre entre l’ossature et l’huisserie, les pare-pluie sont inopérants, les bavettes sont trop courtes et trop proches du bois, le haut du cadre n’est pas du tout protégé. Ces constatations sont valables pour toutes les fenêtres de la maison et les 4 exposées à l’Ouest ont vraisemblablement laissé passer de l’eau que nous ne voyons pas encore puisque cela se passe derrière l’habillage intérieur.

C’est certainement ce qui explique les auréoles présentes sur les appuis intérieurs dans les chambres du haut.

En résumé , il faudrait d’après ce professionnel, déposer les huisseries, insérer un cadre bois, remettre un pare-pluie avant de reposer les fenêtres et de créer les finitions.

C’est l’unique solution pour rendre la maison saine et espérer protéger toute l’ossature bois.

Toute autre intervention ne ferait que camoufler la misère et n’empêcherait pas que l’eau continue de s’infiltrer.’

Ils précisaient que cette expertise leur avait ‘glacé le sang’et demandaient à l’acquéreur de faire intervenir à ses frais une entreprise compétente.

Il résulte donc de ce courrier que les acquéreurs savaient le 13 janvier 2016, ayant pris soin de faire visiter l’immeuble par un menuisier et un couvreur zingueur que toutes les menuiseries étaient défectueuses, que le désordre était grave, menaçait à terme l’ossature de la maison.

Le courrier recense presque l’intégralité des malfaçons et non-conformités qui seront détaillées dans le rapport d’expertise judiciaire.

Le point de départ du délai d’action en garantie des vices cachés est donc le 13 janvier 2016.

Les consorts [C]-[R] ont assigné leurs vendeurs devant le juge des référés le 21 octobre 2016, assignation interruptive de la forclusion.

L’expertise a été ordonnée par arrêt de la cour d’appel de céans en date du 24 octobre 2017.

Les acquéreurs devaient donc agir au fond avant le 24 octobre 2019.

Ils ont assigné les époux [A] au fond le 22 octobre 2019, moins de cinq années avant la vente du 20 avril 2015.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action fondée sur la garantie des vices cachés.

-sur la gravité des vices

L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus.

Le rapport d’expertise judiciaire confirme :

-le défaut d’habillage des tableaux des fenêtres qui a pour conséquence que l’air et la pluie pénètrent entre le pare-pluie et le bardage,

-l’absence de pare-pluie entre l’ossature-bois et le bardage, élément fondamental dans une construction en bois, sa fonction étant de mettre le bâtiment hors eau et hors air,

-la mise en place défectueuse du pare-vapeur sur les parois intérieures,

-le défaut de pose des bavettes extérieures qui fait que l’eau de pluie pénètre à l’intérieur.

L’expert conclut que l’immeuble n’est ni hors d’eau, ni hors d’air, ajoute qu’il n’est conforme ni à la RT 2000, ni à la RT 2005.

L’expert annonce la pourriture du bois.

Ces conclusions circonstanciées ét argumentées ne sont pas réfutées et emportent la conviction.

Il résulte des éléments précités que l’immeuble souffre de vices cachés affectant l’intégralité des menuiseries, que ces vices n’étaient pas apparents pour des particuliers profanes, n’ont pu être décelés qu’après occupation de l’immeuble, qu’ils sont graves en ce qu’ils compromettent la solidité de l’ouvrage et entraînent des conditions d’habitation très dégradées.

Les consorts [C]-[R] sont donc fondés à exercer une action en indemnisation des préjudices que leur causent les vices cachés précités.

-sur la clause de non garantie des vices cachés

L’article 1644 du code civil dispose:

Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

L’article 1645 du code civil prévoit: Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

Les vendeurs se prévalent de la clause exclusive de garantie figurant dans l’acte de vente, assurent être de bonne foi.

Il est de droit confirmé que le vendeur qui a conçu et construit l’immeuble est assimilé au vendeur professionnel réputé connaître le vice.

En l’espèce, il est constant que c’est M. [A], négociant de matériaux en bois, qui a posé les murs d’ossature, les menuiseries extérieures et le bardage de la maison.

Il a confirmé à l’expert judiciaire avoir auto-construit la maison, monté et assemblé les panneaux (murs), posé l’isolation, le pare-pluie, les menuiseries.

Il a en outre remplacé deux fenêtres dans les chambres 1 et 3, dormant compris, ayant constaté des infiltrations d’eau.

L’acte de vente rappelle que l’exonération de garantie des vices cachés ‘ ne s’applique pas si le vendeur a la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, ou s’il est réputé et s’est comporté comme tel.’

Le vendeur compte tenu de l’importance des travaux réalisés est réputé constructeur.

Les acquéreurs sont donc fondés à demander réparation de l’intégralité des préjudices subis.

-sur les préjudices

Les acquéreurs demandent à titre principal la confirmation du jugement qui a ordonné un complément d’expertise.

Compte tenu de la solution donnée au litige, le complément d’expertise est particulièrement justifié, l’expert devant évaluer le coût des travaux de reprise concernant l’intégralité des façades et non seulement la façade Ouest et recueillir des éléments permettant d’apprécier le préjudice de jouissance subi.

-sur la demande de dommages et intérêts

Les consorts [A]-[C] réitèrent leur demande de condamnation des vendeurs à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que leur a causé la mauvaise foi des vendeurs.

La mauvaise foi des vendeurs est établie par les productions.

Ils n’ont pas informé les acquéreurs de ce qu’ils avaient eux-mêmes construit l’immeuble. Ils leur ont caché avoir changé avant la vente deux fenêtres ayant déjà subi des infiltrations.

Leur comportement déloyal cause un préjudice moral aux acquéreurs qui au regard du prix demandé et payé étaient fondés à croire avoir acheté une maison construite dans les règles de l’art. Ce préjudice sera évalué à la somme de 4000 euros.

-sur les autres demandes

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge des appelants.

Il est équitable de les condamner à payer aux intimés la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

-infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

-rejeté l’exception de transaction

-ordonné un complément d’ expertise

-sursis à statuer sur l’indemnisation des préjudices (coût des travaux et préjudice de jouissance) dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire

Statuant de nouveau :

-dit irrecevables les demandes des consorts [C]-[R] fondées sur la garantie décennale

-dit recevable l’action fondée sur la garantie des vices cachés

-dit que les époux [A] ont la qualité de vendeurs réputés constructeurs

-condamne les époux [A] à indemniser les consorts [C]-[R] de l’intégralité de leurs préjudices

-condamne les époux [A] à payer aux consorts [C]-[R] la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral que leur a causé la mauvaise foi des vendeurs

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-condamne les époux [A] aux dépens d’appel

-condamne les époux [A] à payer aux consorts [C]-[R] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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