COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 23 FEVRIER 2023
N° RG 19/03636 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LDMJ
Monsieur [W] [L]
SCI GOLD N’FITNESS
c/
Monsieur [T] [P] [D]
SA MAAF ASSURANCES
Société EXPERT INGIENERIE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 mai 2019 (R.G. 18/07257) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 28 juin 2019
APPELANTS :
Monsieur [W] [L]
né le 01 Décembre 1969 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
exerçant sous l’enseigne FITNESS GOOD GYM
La SCI GOLD N’FITNESS, société civile immobilière, inscrit au RCS de Bordeaux sous le numéro Siret 503 507 329 00012, dont le siège social se situe [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié au dit siège
Représentés par Me ANDOLFATTO substituant Me Christa POULET-MEYNARD de la SELARL CPM AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[T] [P] [D]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX
MAAF ASSURANCES SA inscrite au RCS DE NIORT sous le numéro B 542 073 580, Entreprise régie par le Code des assurances, dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal, Directeur général, domicilié en cette qualité au dit siège,
en qualité d’assureur de M. [P] [D] [T]
Représentée par Me MAHAUD substituant Me Marie-cécile GARRAUD de la SCP DEFFIEUX – GARRAUD – JULES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTe :
La société EXPERT INGENIERIE, Société par actions simpli’ée a associé unique, immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de BORDEAUX sous 1e n° 813 754 165, dont 1e siege social se situe [Adresse 3]
Représentée par Me Paola JOLY substituant Me Christophe BAYLE de la SCP BAYLE – JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [L], gérant de la salle de sport exerçant sous l’enseigne Fitness good gym sise [Adresse 1] a confié à la SAS Expert ingénierie une mission de maîtrise d »uvre pour l’aménagement d’un centre de remise en forme aquatique.
A la demande de M. [L], M. [P] [D] a établi des devis et un acte d’engagement et le CCTP ont été régularisés avec celui-ci et la SCI Gold N’Fitness venant au droits de M. [L], dont il était par ailleurs le gérant.
L’acte d’engagement signé le 20 mars 2016 a confié à M. [T] [P] [D] la réalisation des lots démolition, maçonneries, menuiseries intérieures et extérieures, plâtrerie, carrelages faïences, serrurerie et peinture pour un montant de 67 000 euros TTC.
Alléguant de nombreuses malfaçons, une non-conformité des travaux, un bouchage du réseau d’assainissement public et un abandon du chantier par M. [P] [D] en juillet 2016, la SAS Expert ingénierie a, après avoir délivré à ce dernier une vaine mise en demeure, résilié le contrat de travaux le 21 juillet 2016.
A défaut de résolution amiable du litige avec l’assureur de M. [P] [D], la MAAF, et en raison de l’absence de l’entrepreneur lors de la réalisation d’un constat contradictoire, M. [L] a, par acte du 10 août 2018, assigné M. [P] [D] et la MAAF devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d’indemnisation du préjudice subi.
En cours de procédure, la SCI Gold N’fitness est intervenu volontairement à l’instance.
Par jugement du 29 mai 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– dit la SCI Gold N’fitness recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
– dit et jugé M. [L] et la SCI Gold N’fitness recevables et bien fondés en partie en leurs demandes,
– dit et jugé la résiliation du marché de travaux intervenue le 21 juillet 2016 irrégulière,
– débouté M. [L] et la SCI Gold N’fitness de leur demande de paiement de la somme de 3 350 euros,
– débouté M. [P] [D] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
– condamné M. [P] [D] à payer à M. [L] et à la SCI Gold N’fitness la somme de 330 euros,
– débouté M. [L] et la SCI Gold N’fitness de leurs demandes de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral,
– condamné la MAAF à garantir et relever indemne M. [P] [D] de sa condamnation,
– dit et jugé opposable et applicable la franchise de 500 euros prévue au contrat de responsabilité civile professionnelle souscrit par M. [P] [D],
– débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens par elle engagés
Le 28 juin 2019, M. [L] et la SCI Gold Fitness ont relevé appel du jugement en ce qu’il a:
– dit et jugé la résiliation du marché de travaux intervenue le 21 juillet 2016 irrégulière,
– débouté M. [L] et la SCI Gold Fitness de leur demande de paiement de la somme de 3 350 euros,
– condamné M. [P] [D] à leur payer la somme de 330 euros,
– débouté M. [L] et la SCI Gold Fitness de leur demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral,
– débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie conserverait à sa charge les frais et dépens par elle engagés.
Par acte du 12 septembre 2019, M. [L] et la SCI Gold N’fitness ont assigné en intervention forcée la SAS Expert ingénierie.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 février 2020, M. [L] et la SCI Gold N’fitness demandent à la cour, sur le fondement des articles 1103 et suivants, 1217 et suivants et 1231 et suivants du code civil, ainsi que les articles 126 et 328 et suivants du code de procédure civile, de :
– les dire recevables et bien fondés en leur appel,
– déclarer recevable l’intervention forcée de la société Expert ingénierie,
– infirmer le jugement en ce qu’il :
– a dit et jugé la résiliation du marché de travaux intervenue le 21 juillet 2016 irrégulière,
– les a déboutés de leur demande de paiement de la somme de 3 350 euros,
– a condamné M. [P] [D] à leur payer la somme de 330 euros,
– les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
– a débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens par elle engagés.
Statuant à nouveau,
– constater que M. [P] [D] a endommagé le réseau d’assainissement public par la réalisation de ses travaux sur le chantier de Fitness Good gym,
– constater qu’il avait souscrit une assurance responsabilité décennale auprès de la MAAF valable pour tout chantier ouvert entre le 3 décembre 2015 et le 31 décembre 2016, et une assurance responsabilité civile valable à compter du 3 décembre 2015,
En conséquence,
– dire et juger qu’il engage sa responsabilité contractuelle,
– le condamner solidairement avec la MAAF à leur payer les sommes suivantes :
– 5 539,25 euros correspondant aux montants des factures de réparation du réseau d’assainissement public et aux frais divers,
– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
– dire et juger que ces sommes emporteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
– condamner Expert ingénierie à garantir et à les relever indemne de toutes éventuelles condamnations liées à la rupture du contrat de marché avec M. [P] [D],
– condamner solidairement M. [P] [D] et la MAAF à leur verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance,
– condamner solidairement M. [P] [D], la MAAF et la SAS Expert ingénierie à leur verser la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour d’appel,
– débouter M. [P] [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à leur encontre,
– débouter la société Expert ingénierie de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à leur encontre,
– débouter la MAAF assurances de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions telles que dirigées à leur encontre.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 mai 2020, M. [P] [D] demande à la cour, sur le fondement des articles 122 et suivants du code de procédure civile ainsi que les articles 1217 et suivants du code civil, de :
– dire et juger le rejet de la demande de pénalités contractuelles formulées par M. [L] et la SCI Gold N’Fitness est définitif,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– jugé la résiliation du marché de travaux de M. [P] [D] irrégulière,
– débouté M. [L] et la SCI Gold N’fitness de leur demande de paiement de la somme 5 209,25 euros,
– débouté M. [L] et la SCI Gold N’fitness de leur demande d’indemnisation pour préjudice moral,
– condamné la MAAF à garantir et relever indemne M. [P] [D] dans l’hypothèse d’une condamnation de ce dernier,
– infirmer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
– déclarer M. [L] en sa qualité de gérant de l’enseigne Fitness Good gym irrecevable à agir,
– le débouter de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la SCI Gold N’fitness à régler à M. [P] la somme de 21 500 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au solde de son marché en raison de sa résiliation fautive,
– dire et juger que ni la faute de M. [P] [D], ni le lien de causalité ne sont rapportés dans l’endommagement du réseau d’assainissement,
– constater l’absence d’intérêt à agir en remboursement de M. [L] et de la SCI Gold N’fitness,
– les débouter de leur demande de paiement de la somme de 5 539,25 euros,
– condamner in solidum M. [L] et la SCI Gold fitness à régler à M. [P] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 septembre 2019, la SA MAAF assurances demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– limité la condamnation prononcée à l’encontre de M. [P], garanti par MAAF assurances SA, à la somme de 330 euros au titre du remboursement de la facture d’hydrocurage de la société Hydrolog,
– dit et jugé opposable et applicable la franchise de 500 euros prévue au contrat de responsabilité civile professionnelle souscrit par M. [P] [D],
– débouté M. [L] et la SCI Gold N’fitness du surplus de leurs réclamations,
Y ajoutant,
– condamner M. [L] et la SCI Gold N’fitness in solidum à lui verser une juste indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Deffieux Garraud Jules en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 février 2020, la SASU Expert ingénierie demande à la cour, sur le fondement des articles 554 et 555 du code de procédure civile, de :
A titre liminaire et à titre principal,
– constater l’absence d’évolution du litige depuis la phase de première instance,
– déclarer l’appel provoqué par M. [L] et la SCI Gold N’fitness à l’encontre de la société Expert ingénierie suivant acte de la SCP Carbonnier Deurwaedere du 12 septembre 2019 irrecevable,
– déclarer les demandes de M. [L] et de la SCI Gold N’fitness ainsi que les demandes éventuelles de toute autre partie irrecevables,
En conséquence,
– débouter M. [W] [L] et la SCI Gold N’fitness de l’intégralité de leurs demandes fins et conclusions à l’encontre de la société Expert ingénierie tout comme les éventuelles demandes des autres parties à son encontre,
A titre subsidiaire,
– infirmer le jugement de la 7e chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux du 29 mai 2019 en ce qu’il a :
– dit et jugé que la résiliation du marché de travaux intervenue le 21 juillet 2016 est irrégulière,
– débouté M. [L] et de la SCI Gold N’fitness de leur demande de paiement de la somme de 3 350 euros,
– confirmer le jugement de la 7e chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux du 29 mai 2019 en ce qu’il a débouté M. [P] [D] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence, statuant à nouveau,
– dire et juger que la résiliation du marché de travaux conclu entre M. [L] et de la SCI Gold N’fitness et M. [P] [D] est régulière,
– dire et juger que la société Expert ingénierie n’a commis aucun manquement,
– dire et juger que M. [P] [D] n’est pas fondé à solliciter le paiement du solde son marché et qu’il ne démontre l’existence d’aucun préjudice ou lien de causalité entre un éventuel manquement et un éventuel préjudice,
En conséquence,
– débouter M. [P] [D] de ses demandes,
– débouter M. [L] et la SCI Gold N’fitness de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Expert ingénierie tout comme les éventuelles demandes des autres parties à son encontre,
A titre reconventionnel ou en tout état de cause,
– condamner M. [L] et la SCI Gold N’fitness ou toute partie succombante à régler à la société Expert ingénierie la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 décembre 2022.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS
Sur l’appel provoqué diligenté par M. [L] et la SCI Gold N’Fitness à l’encontre de la SAS Expert Ingénierie
Les appelants soutiennent qu’ils sont recevables à avoir mis en cause pour la première fois devant la cour d’appel la SAS Expert Ingénierie à l’origine de la résiliation du marché de M. [P] [D], dès lors que les premiers juges ont jugé que la lettre de résiliation était nulle et de nul effet alors que le maitre d »uvre ne disposait pas d’une délégation de pouvoir ou de signature l’autorisant à agir en lieu et place du maitre de l’ouvrage.
La SAS Expert Ingénierie affirme pour sa part que son intervention forcée devant la cour d’appel est irrecevable car elle n’a pas été partie devant le tribunal et que l’évolution du litige n’a pas été caractérisée par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige.
M. [T] [P] [D] et la MAAF n’ont pas conclu sur cette question.
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L’article 554 du code de procédure civile dispose : « Peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité. »
L’article 555 du même code ajoute : « Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause. »
Il résulte de ces textes que l’intervention forcée d’un tiers en cause d’appel nécessite une évolution du litige.
Or, une telle évolution du litige ne peut résulter de la motivation de la décision entreprise, laquelle ne modifie pas les éléments de fait ou de droit qui étaient connus de toutes les parties devant le tribunal. Notamment, en première instance M. [P] [D] soutenait que la résiliation de son marché de travaux était irrégulière pour avoir été diligentée par le maitre d »uvre et non par le maitre de l’ouvrage (cf : jugement page 5)
En conséquence, l’intervention forcée diligentée par les appelants à l’encontre de la SAS Expert Ingénierie est irrecevable.
Les appelants seront condamnés à verser à la SAS Expert Ingénierie la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
Sur la qualité à agir de M. [W] [L]
Le tribunal a jugé que l’action de M. [L] et de la SCI Gold N’Fitness, laquelle était intervenue volontairement en première instance, étaient recevables, après avoir relevé que M. [L] était associé de ladite SCI.
M. [P] [D] soutient à nouveau devant la cour d’appel que M. [L] ne disposerait pas d’un droit à agir alors qu’il ne serait que le gérant de la personne morale et que seule cette dernière, laquelle avait passé seule le marché de travaux avec lui, dispose d’un intérêt à agir.
M. [L] et la SCI Gold N’Fitness soutiennent que le gérant dispose d’un intérêt distinct de celui de la personne morale qu’il représente, notamment en ce qu’il sollicite l’indemnisation d’un préjudice moral.
La SA MAAF n’a pas conclu sur ce point.
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Dans leurs écritures devant la cour d’appel, M. [L] et la SCI Gold N’fitness sollicitent indistinctement la condamnation de M. [P] [D] et de la MAAF à leur payer des sommes au titre de travaux de reprise ou de leur préjudice moral.
Sauf pour la cour a considérer que le gérant de la SCI ne démontrerait pas l’existence d’un préjudice propre, et qu’ainsi son préjudice ne serait pas fondé, la seule réclamation de la liquidation de préjudices qu’il affirme avoir subis suffit à le déclarer recevable à agir.
Sur les demandes des appelants
Sur la responsabilité des désordres et les travaux de reprise de ceux-ci
Le tribunal a considéré qu’il ne pouvait pas être contesté que M. [P] [D] avait par son activité dégradé le réseau d’assainissement et l’a condamné à payer la somme de 330 euros correspondant à la facture de l’entreprise Hydrolog.
Les appelants soutiennent que la responsabilité de M. [P] [D] résulte des comptes rendus de chantier ou encore de l’attestation de M. [C]. Ils ajoutent que le coût des travaux de reprise ses sont élevés à la somme de 5539,25 euros et sollicitent sa condamnation ainsi que celle de son assureur pour ce montant.
M. [P] [D] considère que les appelants ne rapportent pas la preuve de sa faute dans la survenance du dommage. Notamment, il n’était pas présent lors des comptes rendus de chantier, et n’y a pas été régulièrement convoqué. En outre, la somme réclamée en réparation du dommage n’a pas été réglée par la SCI Gold N’fitness alors que cette dernière a signé un protocole transactionnel avec l’entreprise qui a effectué les travaux de reprise, et qu’aux termes de protocole le paiement est suspendu à la présente procédure.
La SA MAAF expose que la responsabilité de son assuré, M. [P] [D] n’est pas recherchée sur un fondement de la responsabilité décennale ajoutant qu’il n’est pas en outre démontré l’existence d’un vice caché au jour de la réception lequel compromettrait la solidité ou la destination de l’ouvrage, que les travaux confiés à son assuré n’ont pas été achevés, ni réceptionnés par le maitre de l’ouvrage, qu’en outre si son assuré avait souscrit une garantie responsabilité civile auprès d’elle la garantie n’a pas vocation à être mobilisée alors que les désordres affectent un ouvrage appartenant à un tiers.
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Il résulte des pièces du dossier que M. [L] et la SCI Gold N’fitness ont signé un contrat de maitrise d »uvre avec la société Expert Ingénierie le 25 septembre 2015 (cf : pièce n° 33 des appelants)
Le 20 mars 2016, les maitres de l’ouvrage ont par ailleurs signé avec M. [P] [D] un contrat au terme duquel ce dernier a reçu les lots démolition, maçonnerie, menuiseries intérieures et extérieures, plâtrerie et cabines préfabriquées, carrelage faïence, et peintures.
Aux termes de ce document les travaux devaient commencer en mars 2016 pour s’achever en juin de la même année. (cf : pièce n° 1 des appelants)
Le maitre d »uvre s’est aperçu que M. [P] [D] n’avait pas respecté le calendrier contractuellement fixé et qu’en outre des malfaçons affectaient les travaux qu’il avait entrepris a, le 11 juillet 2016, mis le constructeur en demeure de terminer ses travaux. ( cf : pièce n° 31 des appelants)
M. [P] [D] n’a pas réagi et a quitté le chantier dans le courant du mois de juillet 2016, sans donner aucune explication sur ses carences.
Le maitre d »uvre a résilié son marché le 21 juillet 2016, et par courriel du 28 juillet 2016 lui a reproché d’avoir endommagé le réseau des eaux usées appartenant à la société de gestion de l’assainissement Bordeaux Métropole.
Monsieur [P] [D] n’a pas davantage réagi, et lorsque son assureur a été mis en cause, il a affirmé à celui-ci qu’il ne serait pas intervenu sur le chantier ( cf : lettre de la MAAF du 17 janvier 2017- pièce n° 13 des appelants)
Désormais M. [P] [D] reconnait à la lecture des comptes rendus de chantier qu’il était bien intervenu sur le chantier et que le 13 juillet 2016, il avait même exécuté 95 % des travaux qui lui avaient été confiés.
En revanche, il conteste être à l’origine de la détérioration du réseau des eaux usées.
Toutefois, il résulte du compte rendu de chantier du 20 juillet 2016 qu’il a été constaté à cette occasion que le tout à l’égout était bouché, à une époque où seule l’entreprise de M. [P] [D] pouvait en être la cause, alors qu’en outre antérieurement, à plusieurs reprises, le maitre d »uvre avait été contraint de rappeler à M. [P] [D] qu’il devait laisser le chantier et ses abords propres (cf : pièces n° 23 et 24 des appelants : comptes rendus de chantier n° 12, 17, 26, 32, 41, 43 et 46)
Par ailleurs, le constat qui a été dressé le 29 juillet 2016 démontre que le réseau des eaux usées a subi des dommages en raison de la présence de gravats ayant obstrué les égouts.
En raison de l’urgence, de l’abandon du chantier par M. [P] [D] et de la nécessité de déboucher le réseau des eaux usées les maitres de l’ouvrage ont fait appel à l’entreprise Multiprestations dont le représentant a attesté avoir trouvé dans les égouts des gravats qui empêchaient l’écoulement normal des eaux usées. ( cf : pièce n° 30 des appelants )
Parallèlement, M. [P] [D] n’a pas réagi aux reproches qui lui étaient adressés pour se contenter de répondre dans le cadre de la présente procédure que la preuve de l’imputation de ces désordres ne serait pas rapportée.
En conséquence, il ne peut être contesté que M. [P] [D] a par son activité généré des gravats qui se sont retrouvés dans le réseau d’assainissement dans lequel ils avaient été déversés, et qu’ils ont endommagé ce réseau.
Dès lors, il doit supporter le coût de remise en état du réseau d’assainissement.
Or, il résulte de la procédure opposant les maitres de l’ouvrage à la société de gestion de l’assainissement Bordeaux Métropole que le coût des travaux de reprise des désordres s’élève à la somme de 5209, 25 euros, ainsi qu’en fait foi le protocole d’accord signé par les parties le 31 juillet 2019.
En conséquence, le jugement déféré sera réformé sur ce point alors qu’il avait limité le coût des travaux au seul déblaiement entrepris par la société Hydralog pour un montant de 330 euros.
Par ailleurs, dans la mesure où seule la SCI Gold N’fitness a contracté avec M. [P] [D], et qu’elle est seule propriétaire des lieux, la condamnation profitera à elle seule, M. [L] étant débouté de sa demande de ce chef.
Sur le préjudice moral des appelants
Le tribunal a jugé que les appelants ne rapportaient pas la preuve de l’existence d’un préjudice moral.
M. [L] et la SCI Gold N’ fitness soutiennent au contraire que leur préjudice serait avéré alors qu’ils auraient fait confiance à un artisan qui n’aurait pas achevé ses travaux dans les délais qu’il avait acceptés, qu’il aurait même abandonné le chantier, qu’ils ont dû rechercher en urgence une nouvelle entreprise dont le coût de l’intervention a été plus élevé, que de plus M [P] [D] a endommagé le réseau d’assainissement ce qui leur a occasionné une procédure avec le gestionnaire du réseau, qu’il a fait preuve d’une grande mauvaise foi en niant auprès de son assureur son intervention sur le chantier.
M. [P] [D] conteste l’existence même d’un tel préjudice.
***
Si on peut s’étonner que le gérant de la SCI et la SCI elle-même sollicitent de concert un même préjudice qu’ils auraient subi indistinctement, ils doivent en toute hypothèse justifier de leur préjudice moral, indépendamment des fautes commises par l’entreprise de construction ayant occasionné un sinistre dont ils demandent en outre réparation.
Ce préjudice doit constituer une atteinte à des valeurs non pécuniaires des appelants comme une atteinte à l’honneur, à la vie privée et/ou à leurs sentiments.
En l’espèce, les appelants qui ont pris l’initiative de mettre un terme au contrat qui les liait avec M. [P] [D], en raison de ses manquements, ne justifient pas de l’existence du préjudice moral qu’aurait subi que ce soit M. [L], d’une part, ou la SCI d’autre part.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] et la SCI Gold N’fitness de leur demande au titre d’un tel préjudice.
Sur la garantie de la MAAF
Le tribunal a jugé qu’il résultait des conditions générales et particulières du contrat de responsabilité civile professionnelle souscrit par M. [P] [D] que ce dernier était garanti au titre des dommages subis par un tiers à l’occasion de ses activités professionnelles si bien qu’elle était tenue de garantir et relever indemne son assuré de la condamnation prononcée.
Les appelants sollicitent la confirmation de cette décision sur ce point.
La MAAF conteste sa garantie au motif qu’il ne serait pas démontré que son assuré serait responsable des dégradations qui auraient été causées au bien d’un tiers, et qu’en outre le préjudice n’affecterait pas les appelants mais ce tiers.
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La responsabilité de M. [P] [D] a été retenue dans les désordres ayant affecté le réseau d’évacuation des eaux usées appartenant à la société de gestion de l’assainissement Bordeaux Métropole.
Il résulte de l’article 8 des conditions générales du contrat multirisque professionnel souscrites par M. [P] [D] que celui-ci était garanti lorsque sa responsabilité était engagée à l’occasion d’un sinistre, cette garantie permettant de compenser financièrement les dommages corporels matériels ou immatériels consécutifs subis par un tiers.
Le 31 juillet 2019, la société de gestion de l’assainissement Bordeaux Metropole a signé avec M. [L], qui ne pouvait intervenir qu’en sa qualité de gérant de la SCI Gold N’fitness, un protocole d’accord, aux termes duquel ce dernier a accepté de payer à la société gestionnaire des eaux usées le coût des travaux qui ont été rendus nécessaires par la faute commise par M. [P] [D], soit la somme de 5209, 25 euros.
En conséquence, les appelants sont fondés à solliciter outre la condamnation de M. [P] [D] au paiement de cette somme, la garantie de son assureur.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu la garantie de la MAAF.
Néanmoins la MAAF pourra opposer à son assuré la franchise de 500 euros prévue au contrat de responsabilité civile professionnelle souscrit par M. [P] [D].
Sur l’appel incident de M. [P] [D]
Le tribunal a débouté M. [P] [D] de sa demande de dommages et intérêts, après avoir relevé qu’il reconnaissait lui-même dans ses écritures qu’il ne les réclamait pas au titre de la rupture du marché mais au titre du solde de celui-ci.
M. [P] [D] reprend cette demande devant la cour d’appel et soutient qu’il a été mis fin prématurément et irrégulièrement à son marché, si bien qu’il est en droit de solliciter le solde des sommes qui auraient dû lui revenir.
La société Expert Ingénierie considère que même à considérer que la résiliation de l’acte d’engagement serait irrégulière, faute d’avoir été notifiée par le maitre de l’ouvrage, qu’il est démontré que cette résiliation est intervenue en raison de l’abandon du chantier par M. [P] [D], des fautes graves qu’il a commises, et des retards récurrents qu’il observait malgré les relances qui lui étaient régulièrement adressées, ainsi qu’en font foi les comptes rendus de chantier.
M. [L] et la SCI Gold N’fitness exposent pour leur part que la demande de M. [P] [D] devant la cour d’appel à savoir le paiement du solde de son marché est nouvelle et ainsi irrecevable alors qu’il demandait le tribunal des dommages et intérêts en raison de la rupture irrégulière de son marché, qu’en toutes hypothèses la résiliation de son marché en raison des retards qu’il avait accumulés était fondée, et conforme à l’article 8 de son acte d’engagement, qu’en outre le constructeur n’a jamais donné d’explication sur son abandon du chantier, et qu’enfin il n’a subi aucun préjudice alors qu’il a reconnu devant le tribunal qu’il n’avait réalisé que 76% de son marché.
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La demande de M. [P] [D] devant la cour d’appel est identique à celle qu’il a présenté devant le tribunal soit la condamnation des appelants à lui « régler la somme de 21 500 euros au titre du solde de son marché résilié de manière fautive »
En conséquence, sa demande devant la cour d’appel est recevable comme n’étant pas nouvelle.
Sur le fond de sa demande, la cour constate qu’il résulte de l’acte d’engagement signé par M. [P] [D] que les travaux qui avaient été confiés devaient être achevés à la fin du mois de juin 2016, alors que la résiliation du chantier lui a été notifiée, par le maitre d »uvre que postérieurement.
Or, il résulte de l’article 8 de l’acte d’engagement que le contrat pouvait être résilié si les échéances de réalisation des travaux n’étaient pas respectées, et en l’espèce il n’est pas contesté que M. [P] [D] avait été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises sur le respect de son planning de travaux.
M. [P] [D] prétend que ce serait en raison des retards observés par les autres constructeurs qu’il aurait lui-même pris un retard légitime, sans démontrer toutefois la réalité des retards des tiers et sans démontrer l’incidence de ceux-ci sur son propre planning.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] [D] de sa demande.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
L’équité et la situation financière des parties commandent que celles-ci conservent à leur charge les frais et dépens qu’elles ont engagés.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare irrecevable l’appel provoqué diligenté par les appelants à l’encontre de la SAS Expert Ingénierie et condamne solidairement M. [W] [L] et la SCI Gold N’fitness à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau:
Déboute M. [W] [L] de toutes ses demandes;
Condamne M. [T] [P] [D] à payer à la SCI Gold N’Fitness la somme de 5209,25 euros;
Confirme le jugement déféré pour le surplus, y ajoutant:
Dit que les parties, à l’exception de la SAS Expert Ingénierie conserveront les frais et dépens qu’elles ont engagés.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE