BR/CD
Numéro 22/04110
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 22/11/2022
Dossier : N° RG 20/02760 – N°��Portalis DBVV-V-B7E-
HWCN
Nature affaire :
Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction
Affaire :
[N] [L]
C/
EURL PYRENEES TOITURES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 22 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 19 Septembre 2022, devant :
Madame REHM, magistrate honoraire chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame REHM, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DUCHAC, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame REHM, Magistrate honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [N] [L]
née le 25 juin 1945 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Maître BURTIN de la SCP BERRANGER & BURTIN, avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
EURL PYRENEES TOITURES
prise en la personne de son gérant, M. [O] [J] domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Maître LIPSOS-LAFAURIE de la SCP TANDONNET – LIPSOS LAFAURIE, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 03 NOVEMBRE 2020
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES
RG numéro : 11-18-000820
EXPOSE DU LITIGE
Madame [N] [L] est propriétaire d’une maison d’habitation sise [Adresse 3] (65).
Au mois d’avril 2009, la toiture de cette maison a été endommagée à la suite d’un incendie.
L’EURL PYRENEES TOITURE, dont le gérant est Monsieur [O] [J], a réalisé une réfection de la toiture de cette maison suivant facture en date du 25 avril 2009 d’un montant de 1 391,70 euros TTC’; cette entreprise était assurée par GROUPAMA D’OC.
Après avoir été occupée par le fils de Madame [N] [L], cette maison a été louée suivant contrat de bail en date du 14 avril 2017, à Monsieur [G] [W] et Madame [I] [W].
Au moment de la location, ce bien était équipé d’un foyer de cheminée fermé, de type insert, situé dans le salon et mis à la disposition des locataires par la bailleresse.
Les locataires ayant souhaité utiliser l’insert, ils ont constaté qu’il présentait des difficultés de fonctionnement, ce dont ils ont avisé Madame [N] [L].
Madame [N] [L] a fait examiner l’insert par la SARL CAMPISTRO, installateur de poêles à bois et de cheminées qui, dans un compte-rendu en date du 21 septembre 2017, a relevé les non-conformités suivantes’:
– la hotte de cheminée est en matériau combustible (bois aggloméré) et présente des surfaces de distribution d’air chaud inférieure à ce qui est demandé au DTU, les grilles de décompression sur le coffrage sont inexistantes’;
– le conduit de fumée n’est pas aux normes’; en effet, de ce qui apparaît visible, le tubage traverse le comble sans être isolé et sort du toit par une tuile à douille, ce qui est parfaitement hors normes’; le tubage n’est pas contenu dans une gaine technique d’évacuation de fumée.
A la suite de ce document, Madame [N] [L] a mis en cause la responsabilité de l’EURL PYRENEES TOITURES en l’invitant à faire une déclaration de sinistre à son assureur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 09 février 2018 contenant mise en demeure de payer une somme de 5171,82 euros représentant le coût des travaux de réfection suivant devis établi par la SARL CAMPISTRO, le conseil de Madame [N] [L] a invité cette entreprise à être présente à une réunion prévue le 14 février 2018 au cours de laquelle il devait être procédé à l’ouverture du tablier et du conduit de cheminée, en présence d’un huissier de justice.
GROUPAMA D’OC, assureur de l’EURL PYRENEES TOITURES a mandaté son expert, le cabinet EURISK en la personne de Madame [T] [Y] pour assister à cette réunion dont les différentes étapes ont fait l’objet d’un constat d’huissier en date du 14 février 2018.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 juin 2018, le conseil de Madame [N] [L] a proposé à l’EURL PYRENEES TOITURES un règlement amiable du litige moyennent le paiement d’une somme de 3 300 euros TTC.
Aucun accord n’ayant pu être trouvé entre les parties, par exploit du 05 octobre 2018, Madame [N] [L] a fait assigner l’EURL PYRENEES TOITURES devant le tribunal d’instance de Tarbes, devenu depuis le 1er janvier 2020, le tribunal judiciaire de Tarbes, en réparation de ses préjudices à titre principal sur le fondement de l’article 1792 du code civil et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Par jugement en date du 03 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Tarbes a :
– débouté Madame [N] [L] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné Madame [N] [L] à payer à l’EURL PYRENEES TOITURES une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Après avoir considéré que les désordres litigieux rendaient l’ouvrage impropre à sa destination et relevaient de la responsabilité décennale de l’entreprise, le premier juge a écarté la responsabilité de l’EURL PYRENEES TOITURES aux motifs que la preuve n’était pas rapportée qu’elle ait procédé à l’installation du conduit litigieux’; le juge de première instance a par ailleurs considéré qu’il ne pouvait être reproché à l’EURL PYRENEES TOITURES un manquement à son devoir de conseil, ce devoir se limitant à la spécialité de l’entreprise qui exerce une activité de charpentier couvreur et n’est pas un spécialiste en fumisterie.
Par déclaration du’26 novembre 2020, Madame [N] [L] a relevé appel de ce jugement, cet appel étant limité aux chefs de jugements critiqués suivants’: 1er chef de jugement critiqué’: «’déboute Madame [L] de l’ensemble de ses demandes’» ; 2ème chef de jugement critiqué’: «’condamne Madame [L] à payer à l’EURL PYRENEES TOITURES une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile’»’; 3ème chef de jugement critiqué’: «’condamne Madame [L] aux dépens’».
Aux termes de ses dernières écritures en date du 05 avril 2022, Madame [N] [L], appelante, demande à la cour de’:
– réformer le jugement rendu le 03 novembre 2020 en ce qu’il a’:
* débouté Madame [N] [L] de l’ensemble de ses demandes,
* l’a condamnée à payer à l’EURL PYRENEES TOITURES une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux dépens,
* a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
Et statuant à nouveau,
– débouter l’EURL PYRENEES TOITURES de toutes ses demandes,
– condamner l’EURL PYRENEES TOITURES à payer à Madame [N] [L]’:
* la somme principale de 5 171,82 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par LRAR du 09 février 2018,
* la somme de 300 euros en remboursement du constat d’huissier du 14 février 2018, nécessaire à la manifestation de la vérité,
* la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Madame [N] [L] soutient que l’EURL PYRENEES TOITURES ayant fait figurer sur la facture qu’elle a établie, au titre des prestations réalisées, la mention «’Réparation de conduit de cheminée’» c’est bien elle qui a procédé au remplacement de ce conduit’ et qui est responsable de l’ensemble des non-conformités relevées ; elle affirme qu’elle a ainsi engagé sa responsabilité décennale, les désordres rendant l’ouvrage impropre à sa destination’; elle fait valoir par ailleurs que l’EURL PYRENEES TOITURES a, à tout le moins, engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil en s’abstenant de l’inviter à s’adresser à une entreprise spécialisée pour la réalisation des travaux litigieux’; elle reproche au premier juge d’avoir tenu compte, parmi les éléments qu’il a retenus pour fonder sa décision, du rapport établi par l’expert de GROUPAMA D’OC, le cabinet EURISK évoquant les déclarations de Madame [N] [L] concernant l’intervention d’une autre entreprise au niveau du conduit de cheminée, alors qu’elle considère que ce rapport n’est pas contradictoire et ne lui est pas opposable.
Dans ses dernières écritures du 31 mars 2022, l’EURL PYRENEES TOITURES demande à la cour, sur le fondement des articles 1792 et suivants et 1134 et suivants du code civil, de’:
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes dans toutes ses dispositions en ce qu’il a’:
* débouté Madame [N] [L] de l’ensemble de ses demandes,
* condamnée Madame [N] [L] à payer à l’EURL PYRENEES TOITURES une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux dépens,
Y ajoutant’:
– condamner Madame [N] [L] à payer à l’EURL PYRENEES TOITURES la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,
– la condamner aux entiers dépens.
L’EURL PYRENEES TOITURES soutient qu’elle n’a pas réalisé les travaux relatifs à l’installation de l’insert et au conduit de cheminée, de sorte que sa responsabilité ne peut pas être engagée à quelque titre que ce soit’; elle indique que la mention «’réparation de conduit de cheminée’» figurant sur sa facture provient d’une erreur de rédaction et concerne en réalité une prestation liée à la sortie du conduit souple en toiture par la pose d’une tuile à douille mais qu’il ne s’agit en aucun cas d’une intervention sur la totalité du conduit de cheminée’; elle fait observer qu’elle exerce l’activité de charpentier-couvreur et qu’il n’entre pas dans ses compétences d’installer un insert ou un conduit de cheminée à l’intérieur des combles, travaux dont Madame [N] [L] a d’ailleurs reconnu qu’ils avaient été réalisés par une autre entreprise’; l’EURL PYRENEES TOITURES fait également valoir que n’ayant aucune compétence en fumisterie, il ne saurait lui être reproché un manquement à son devoir de conseil, lequel se limite à son domaine de spécialité.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 août 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité de l’EURL PYRENEES TOITURES
En application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Madame [N] [L] fonde sa demande’:
– sur le compte-rendu établi par la SARL CAMPISTRO et le constat d’huissier en date du 14 février 2018 mettant en évidence plusieurs non-conformités affectant le conduit de cheminée’;
– sur la facture établie par l’EURL PYRENEES TOITURES mentionnant entre autres travaux une prestation intitulée «’réparation de conduit de cheminée’» qui pour elle, suffit à établir la preuve de la réalisation de ces travaux par l’EURL PYRENEES TOITURES.
L’EURL PYRENEES TOITURES affirme qu’elle n’a jamais procédé à la réparation du conduit de cheminée.
Il est constant qu’en 2009 l’immeuble litigieux a été endommagé par un incendie et que l’EURL PYRENEES TOITURES a réalisé les travaux de réfection de la toiture de cet immeuble au mois d’avril 2009.
Dans le cadre de ces travaux de réfection, l’EURL PYRENEES TOITURES a procédé à la découverture avec récupération de tuiles ainsi qu’à la reprise de la charpente panne chevrons et à la mise en oeuvre de couverture de tuiles romane rouge sur 12 m² et faîtage à sec sur 2,5 m linéaires ; il a effectivement été également facturée par l’EURL PYRENEES TOITURES pour la somme de 525 euros HT la ‘réparation du conduit de cheminée’.
L’EURL PYRENEES TOITURES qui reconnaît une maladresse dans la formulation de ce poste de travaux, affirme qu’elle recouvre en réalité la fourniture et la pose d’une tuile à douille avec lanterne au niveau de la sortie du conduit de cheminée.
Outre que la réalité des travaux susvisés a effectivement été constatée à l’occasion de la réunion du 14 février 2018, il est mentionné sur l’attestation simplifiée pour l’application d’un taux réduit de TVA établie par l’EURL PYRENEES TOITURES, que les travaux ont consisté en une ‘réparation de toiture sur habitation (dégâts incendie)’ sans aucune référence à une quelconque intervention sur un conduit de cheminée.
Par ailleurs, il résulte du rapport établi par le cabinet EURISK que Madame [N] [L] a indiqué en cours de réunion d’expertise, que ‘le conduit dans les combles avait été posé par une tierce personne, un ramoneur dont la société a disparu (a priori Monsieur [F] [K]).’
Madame [N] [L] ne saurait valablement prétendre que le rapport du cabinet EURISK ne lui serait pas opposable, alors que ce rapport a été établi à la suite de la réunion du 14 février 2018 à laquelle elle était présente ; de plus, ce rapport a été régulièrement versé aux débats et a été soumis à la discussion contradictoire comme toutes les autres pièces des parties ; c’est donc par de justes motifs que le premier juge a considéré que ce rapport était opposable à Madame [N] [L].
Madame [N] [L] peut d’autant moins contester ses dires qu’elle a reconnu dans ses écritures ‘n’avoir fait intervenir une tierce entreprise que sur l’invitation verbale de M. [J], gérant de l’EURL PYRENEES TOITURES, qui lui a dit qu’il fallait que le tuyau sorte du toit’.
C’est donc à cette autre entreprise inconnue qu’incombe la responsabilité des malfaçons affectant le conduit de cheminée litigieux.
Il résulte de tous ces éléments que la prestation de l’EURL PYRENEES TOITURES s’est limitée à la réfection de la toiture et à la mise en place, au niveau de la partie du conduit de cheminée se trouvant à l’extérieur sur le toit, d’une tuile à douille avec lanterne, travaux qui correspondent à son domaine de compétence d’artisan exerçant une activité de charpentier-couvreur-zingueur ; elle ne peut donc être déclarée responsable des non-conformités affectant le conduit de cheminée.
Egalement, c’est par de justes motifs que le premier juge a considéré qu’il ne pouvait non plus être reproché à l’EURL PYRENEES TOITURES un manquement à son devoir de conseil, en rappelant que le devoir de conseil d’une entreprise se limite à son domaine de spécialité qui est en l’espèce celui d’un artisan charpentier-couvreur n’ayant aucune compétence en fumisterie ; la cour observe de plus, que Madame [N] [L] ne peut à la fois reprocher à l’EURL PYRENEES TOITURES de ne pas lui avoir conseillé de faire réaliser les travaux concernant le conduit de cheminée par une autre entreprise et affirmer comme elle le fait dans ses écritures, que c’est le gérant de l’EURL PYRENEES TOITURES qui l’a invitée à faire intervenir une autre entreprise pour ces mêmes travaux.
Enfin, les demandes formulées par Madame [N] [L] à l’encontre de l’EURL PYRENEES TOITURES sont d’autant moins justifiées qu’il résulte des investigations menées sur l’insert litigieux, relatées dans le constat d’huissier établi le 14 février 2018, que c’est l’intégralité de l’installation de l’insert qui n’est pas conforme et pas seulement le conduit de cheminée, l’expert [Y] du cabinet EURISK indiquant que «’les non-conformités constatées au niveau de l’insert existant et de son habillage en rez-de-chaussée, sont notamment’:
* l’emploi d’un matériau combustible de l’habillage de la hotte de l’insert’;
* l’absence d’isolation à l’intérieur de cet habillage’;
* l’absence de grilles de ventilation au niveau de la hotte au-dessus de l’insert.’»
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.
En cause d’appel, Madame [N] [L] sera condamnée à payer à l’EURL PYRENEES TOITURES la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sera déboutée de sa demande formulée à ce titre.
Madame [N] [L] qui succombe dans ses prétentions sera condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions déférées à la cour le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes du 03 novembre 2020,
Y ajoutant’:
Condamne Madame [N] [L] à payer à l’EURL PYRENEES TOITURES la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Madame [N] [L] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [N] [L] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline DUCHAC