RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 15/03089 – N° Portalis DBVS-V-B67-D55F
Minute n° 22/00282
[R]
C/
S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 29 Septembre 2015, enregistrée sous le n° 2015/1085
COUR D’APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE,
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [C] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE, représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-luc HENAFF, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marc BOUYEURE, avocat plaidant au barreau de LYON
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 12 Mai 2022 , l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 22 Novembre 2022 en application de l’article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 16 décembre 2010, M. [C] [R] a souscrit un contrat dénommé SwissLife Prévoyance Indépendants auprès de la société anonyme Swisslife Prévoyance et Santé (ci-après société Swisslife). Un avenant à ce contrat, prévoyant une augmentation des prestations, a été signé le 20 mars 2012.
Ce contrat prévoit notamment, en cas d’incapacité temporaire totale de travail de l’assuré, le versement d’indemnités journalières et le remboursement d’une partie des frais généraux. En cas d’incapacité permanente une fois la consolidation acquise, ce contrat prévoit également le versement d’une rente mensuelle.
A la suite d’un accident survenu le 22 novembre 2011, M. [R] a présenté une lombosciatique droite. Les résultats d’un scanner ont par la suite confirmé une hernie discale postéro-médiane L4-L5.
Le 20 aout 2014, M. [R] a présenté une rechute de cette pathologie et déclaré un arrêt de travail total à la société Swisslife qui a alors procédé au versement d’indemnités journalières.
Le 30 octobre 2014, le Dr [U] a examiné M. [R] dans le cadre d’une expertise médicale privée diligentée par la société Swisslife.
Par courrier daté du 27 novembre 2014, la société Swisslife a informé M. [R] de la cessation des versements d’indemnités et demandé le remboursement de celles précédemment versées, soit 9 154 euros. La société a expliqué ce refus de garantie par le fait que M. [R] ne se trouvait pas en arrêt de travail total mais partiel.
Contestant cette position, M. [R] a assigné la société Swisslife devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, par acte du 22 juin 2015, aux fins la voir condamnée à lui payer les sommes d’un montant de :
43 417,36 euros en capital au titre de ses engagements contractuels pour les indemnités échues de novembre 2014 au 3 juin 2015,
5 427,17 euros en capital chaque mois à compter du 1er juillet 2015 au titre de ses engagements contractuels susvisés à échoir,
10 000 euros en capital à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations, retard de paiement et abstention fautive,
3 000 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens.
La société Swisslife a réclamé le rejet de toutes les prétentions adverses et formé une demande reconventionnelle afin d’obtenir la condamnation de M. [R] à lui payer les sommes de :
9 154 euros en capital au titre du remboursement des sommes indument perçues,
2 000 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens.
Par jugement du 29 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a :
jugé l’action de M. [R] recevable mais non fondée,
débouté M. [R] de ses demandes
condamné M. [R] aux dépens de l’instance principale,
jugé recevable et partiellement fondé la demande reconventionnelle de la société Swisslife,
condamné M. [R] à rembourser à la société Swisslife la somme de 9 154 euros payée pour la période compris entre aout 2014 et octobre 2014,
débouté la société Swisslife du surplus de ses demandes,
condamné M. [R] aux dépens de cette instance reconventionnelle.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal de grande instance, au visa des articles 1134, 1135 et 1315 du code civil, a retenu que M. [R] n’apportait pas la preuve qui lui incombait de la réalisation du risque assuré. Le tribunal a ainsi jugé insuffisants les certificats médicaux établis par le médecin de M. [R], en l’absence d’expertise médicale, pour apporter la preuve d’une incapacité totale de travail. Il a considéré que seule l’expertise médicale menée contradictoirement avec le médecin expert de la société Swisslife avait force probante.
Le tribunal a également retenu, sur le fondement des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, que M. [R], faute d’apporter la preuve de la créance alléguée, n’était pas fondé à se prévaloir d’une résistance abusive de la part de la société Swisslife.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz le 2 octobre 2015, M. [R] a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation de l’ensemble du jugement rendu.
Par arrêt avant-dire-droit du 9 février 2017, la cour d’appel de Metz a :
jugé l’appel recevable en la forme,
sursis à statuer sur le fond,
ordonné une expertise médicale confiée au Dr [J] [S], avec pour mission de :
convoquer les parties et leurs avocats, les entendre en leurs explications, reccueillir tous les éléments médicaux relatifs à cette procédure,
examiner M. [R],
décrire l’affection dont il est atteint et dire si celle-ci est ou non à l’origine d’une incapacité totale de travail affectant l’activité de l’intéressé et dans l’affirmative déterminer depuis quelle date il se trouve dans cet état d’incapacité totale de travail,
dit que M. [R] devra consigner une somme de 800 euros à valoir sur les honoraires de l’expert judiciaire avant le 31 mars 2017 auprès de la Direction Départementale des Finances Publiques de Meurthe-et-Moselle.
impartir à l’expert judiciaire un délai de 4 mois à compter de sa saisine pour déposer son rapport d’expertise au greffe de la première chambre de la cour d’appel de Metz,
dit que l’expert devra se référer à Mme [D] [B], conseiller chargée de surveiller les opérations d’expertise de toutes difficultés qu’il pourrait éventuellement rencontrer dans l’accomplissement de sa mission,
dit que l’expert devra adresser aux parties, ainsi qu’à la cour, un pré-rapport d’expertise et donner aux parties un délai d’un mois pour lui présenter leurs dires et observations, à la suite de quoi il déposera son rapport définitif,
sursis à statuer sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné la production par la société Swisslife du rapport d’expertise du Dr [I] du 4 février 2016,
renvoyé la cause et les parties à l’audience de la mise en état électronique du 12 septembre 2017.
Pour se déterminer ainsi, la cour d’appel a relevé que le rapport d’expertise médicale établi par le Dr [U] et sur lequel le tribunal s’était fondé ne conclut pas en une absence d’incapacité totale de travail justifiant l’arrêt des prestations journalières. La cour a considéré que le document annexé au rapport du Dr [U], reprenant les antécédents et les plaintes de M. [R] et sur lequel la société Swisslife se fonde pour justifier son refus de garantie, n’est ni daté ni signé et son auteur n’est pas connu, de sorte qu’il ne peut être rattaché avec certitude au Dr [U]. Selon cette note, M. [R] ne présentait pas d’incapacité totale de travail et pouvait poursuivre ses activités de direction et de surveillance.
La cour d’appel a également considéré que M. [R] présentait suffisamment de documents médicaux de nature à rendre admissible sa demande d’expertise médicale judiciaire.
Le Dr [S] et plusieurs médecins successivement désignés ont soit été récusés soit fait part de leur impossibilité de réaliser l’expertise.
Par conclusions du 26 février 2019, faisant valoir qu’il restait sans nouvelle du dernier expert désigné et que la société Swisslife n’avait pas déféré à la décision de la cour d’appel lui ordonnant de produire le rapport d’expertise du Dr [I], M. [R] a demandé au conseiller de la mise en état de :
ordonner en tant que de besoin un nouveau changement d’expert,
condamner la société Swisslife à verser aux débats, dans un délai de 15 jours à compter de l’ordonnance à intervenir, le rapport d’expertise du Dr [I] du 4 février 2016 visé par l’arrêt du 9 février 2017, sous peine d’astreinte de 100 euros,
statuer ce que de droit sur les dépens.
Par ordonnance du 15 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a :
désigné, en remplacement du Dr [G], le Dr [F], avec la mission figurant à l’arrêt de la cour d’appel du 9 février 2017,
dit que l’expert ainsi désigné devra déposer son rapport au greffe de la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Metz dans les quatre mois de sa saisine,
dit que cet expert devra référer à M. le président de la 1ère chambre civile, ou à défaut à tout magistrat de cette chambre, de toute difficulté rencontrée dans l’exécution de sa mission,
Pour le surplus :
ordonné la réouverture des débats,
invité M. [R] à verser aux débats les pièces dont il se prévalait en 1ère instance pour demander la condamnation de la société Swisslife à produire le rapport d’expertise du Dr [I],
renvoyé l’affaire à l’audience d’incidents de mise en état du 9 décembre 2019 à 11 heures.
Pour se déterminer ainsi, et notamment sur la demande d’astreinte, le conseiller de la mise en état a relevé que la société Swisslife s’oppose avant tout à la communication du rapport du Dr [I] en arguant du fait qu’elle ne le détient pas, ce qui pourrait résulter de l’application des dispositions de l’article R. 4127-104 du code de la santé publique. Aussi, le conseiller de la mise en état a relevé que M. [R] ne produisait plus les pièces faisant état de ce rapport et émanant de la société Swisslife de sorte qu’il n’était pas possible au conseiller d’évaluer la situation de fait et le bien-fondé de l’argument actuel de la société Swisslife, laquelle ne s’était nullement prévalue d’une telle impossibilité de produire ce document lors des débats devant la cour d’appel.
Le rapport d’expertise définitif a été établi par le Dr [F] le 2 janvier 2021 après réponses aux dires adressés par les conseils de M. [R] et de la société Swisslife, respectivement les 22 décembre 2020 et 17 décembre 2020.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 15 décembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [R] demande à la cour d’appel de :
dire son appel recevable et bien fondé ;
En conséquence,
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
condamner la société Swisslife à verser à M. [R] les sommes de 115 056 euros au titre des indemnités prévues par la garantie incapacité temporaire totale, 72 000 euros au titre de la garantie frais généraux,
dire que la société Swisslife est redevable à compter du jour de la consolidation, soit à compter du 07 juillet 2016, d’une rente invalidité,
condamner en conséquence la société Swisslife à verser à M. [R] la somme de 103 418,40 euros au titre des rentes à verser du mois de juillet 2016 au mois de juillet 2021,
condamner la société Swisslife à verser à M. [R], à compter du 1er août 2021, une rente invalidité de 1 723,64 euros par mois,
En tant que de besoin,
prendre acte de ce que la société Swisslife n’a pas déféré à l’arrêt de la cour d’appel de Metz en date du 09 février 2017 et n’a pas communiqué ainsi qui lui en était fait obligation, le rapport d’expertise réalisé en février 2016 par le Dr [I],
A titre subsidiaire si la cour devait l’estimer utile,
avant dire droit, ordonner, le retour du dossier à l’expert afin que soit déterminée à compter de cette date l’incapacité fonctionnelle et l’incapacité professionnelle de M. [R] et ainsi déterminer l’incapacité permanente telle qu’elle résulte du tableau contenu dans la notice d’information (pièce n°48),
condamner la société Swisslife à verser à M. [R] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
condamner la société Swisslife à verser à M. [R] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [R] prétend que la clause 3-1 de la notice d’information à laquelle le contrat signé fait référence prévoit que si l’assuré doit interrompre totalement son activité professionnelle pour des raisons de santé, l’assureur garantit le versement de l’indemnité mensuelle indiquée au certificat d’adhésion. Se fondant sur les conclusions de l’expert judiciaire et sur plusieurs documents médicaux, M. [R] soulève que la preuve d’un arrêt de travail total est apportée pour les périodes du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2013 et du 20 aout 2014 au 7 juillet 2016 imposant ainsi à la société Swisslife d’exécuter la clause précitée. M. [R] affirme également que deux personnes ont été embauchées dans sa société pour suppléer à son absence et que la gestion de son entreprise a été déléguée à Mme [R], sa conjointe.
Sur la garantie des frais généraux applicable en cas d’interruption totale de travail, M. [R] soutient que ces derniers, compte tenu du nombre d’employés et du chiffre d’affaire de la société, ne sauraient être inférieurs à 3 000 euros. M. [R] affirme apporter la preuve contractuellement exigée pour l’application de la garantie en présentant notamment les comptes de résultat synthétique du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 ainsi qu’un mail adressé par l’expert-comptable de la société mentionnant l’ensemble des frais généraux sur l’année 2015.
Sur la garantie rente invalidité, M. [R] relève que le rapport du Dr [I], pourtant mandaté par la société Swisslife pour établir son taux d’invalidité permanente, n’a jamais été produit. Pour établir le montant de sa demande, M. [R] se fonde sur les conclusions du rapport d’expertise judiciaire affirmant que le taux de déficit permanent ne saurait être inférieur à 40% et que la date de consolidation est établie au 7 juillet 2016, point de départ de la rente.
Par conclusions déposées au greffe le 10 mars 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société Swisslife demande à la cour d’appel de :
dire irrecevables les demandes présentées par M. [R] concernant la période du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2014, en raison de la prescription,
Subsidiairement,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
le condamner à rembourser à la société Swisslife la somme de 9 154 euros,
Y ajoutant,
condamner M. [R] à payer à la société Swisslife la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civie,
le condamner aux dépens de première instance et d’appel.
La société Swisslife soutient en premier lieu, au visa de l’article L. 114-1 du code des assurances, que la demande de versement d’indemnités journalières de M. [R] relativement à la période du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2014 est prescrite. Elle relève que M. [R] ne s’est jamais prévalu d’un arrêt de travail sur cette période auparavant et qu’il s’agit d’une demande nouvelle. La société Swisslife estime ainsi bien fondée la déchéance de garantie appliquée.
Au visa de l’article 1103 du code civil et s’agissant de la garantie incapacité temporaire totale de travail, la société Swisslife affirme que la charge de la preuve d’une interruption totale de l’activité professionnelle exercée appartient à l’assuré et qu’en l’espèce, M. [R] n’apportait pas la preuve d’une telle incapacité en-dehors des périodes d’hospitalisation. La société Swisslife prétend que M. [R] se déclare être artisan menuisier alors qu’il était gérant majoritaire de la société à responsabilité limitée JLS Fermetures, comportant trois établissements jusqu’en 2016. La société Swisslife considère donc que M. [R] n’exerce pas une activité manuelle de poseur de fenêtres mais de dirigeant d’entreprise, assurant alors des activités de direction et de surveillance, pour lesquelles il ne démontre aucun arrêt de travail total hormis pour les périodes d’hospitalisation. Aussi, la société Swisslife relève que la demande chiffrée de M. [R] ne respecte pas les prescriptions contractuelles.
Sur la garantie des frais généraux, la société Swisslife affirme que M. [R] n’apporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe selon les prescriptions contractuelles, de ses frais réellement engagés sur les périodes du 2ème semestre 2014 ainsi que sur l’année 2016. La société Swisslife soutient également que M. [R] n’apporte pas non plus les justificatifs des prolongations d’arrêt de travail postérieurement au 2 juillet 2016 ainsi que sur les périodes du 1er novembre au 26 novembre 2015 et du 26 janvier au 31 mars 2016.
Concernant la garantie invalidité, la société Swisslife soulève que M. [R] n’apporte pas la preuve d’un taux d’invalidité supérieur à 33% tel que prévu contractuellement. Elle argumente que l’expert judiciaire n’a pas défini de taux d’atteinte à l’intégrité physique et psychique (ci-après AIPP) fonctionnel mais uniquement professionnel. La société Swisslife ajoute que les autres rapports d’expertise produits font état d’un taux d’AIPP fonctionnel de 15% et 20% amenant, selon les prescriptions contractuelles, à un taux inférieur au plancher de la garantie.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur l’irrecevabilité de la demande de garantie pour la période du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2014
Conformément aux articles 122 et 123 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer son adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, notamment pour prescription. La fin de non-recevoir peut-être proposée en tout état de cause.
Aux termes du 1er alinéa de l’article L. 114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
En l’espèce, la demande de M. [R] tendant à ce que la société Swisslife procède à l’exécution de son obligation quant à l’indemnisation d’un arrêt de travail total pour la période du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2014 a été présentée pour la première fois dans ses conclusions déposées le 15 décembre 2021.
M. [R] n’apporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe, d’avoir jamais effectué la déclaration de cet arrêt de travail auprès de son assureur.
De ce fait, M. [R] ne peut, plus de deux ans après, exiger de la société Swisslife qu’elle exécute la prestation souscrite.
Dès lors, la demande de M. [R] tendant à l’obtention d’indemnités, en application du contrat souscrit, sur la période du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2014 ne peut qu’être considérée comme prescrite.
Il y a lieu de déclarer irrecevable la demande de M. [R] tendant à l’indemnisation, au titre des garanties souscrites, de la période courant du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2014.
II- Sur les demandes en exécution des garanties souscrites par M. [R]
Au titre de l’article 1315 ancien du code civil, en sa version applicable au présent litige, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Déclinée dans le contentieux de l’assurance, il est constant que cette règle impose à l’assuré d’établir la réunion des conditions nécessaires à la mobilisation de la garantie telle que prévues au contrat.
Réciproquement, il appartient à l’assureur qui invoque l’exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.
Conformément à l’alinéa 1er de l’article 1134 ancien du code civil, dans sa version applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Sur la garantie incapacité temporaire totale de travail
L’incapacité temporaire totale de travail est définie dans le chapitre I de la notice d’information comme étant « une impossibilité momentanée pour l’assuré d’exercer son activité professionnelle par suite de maladie ou d’accident, reconnu médicalement ».
L’activité de direction y est également définie comme étant une « activité de gestion d’entreprise sans activité manuelle, et dont les déplacements professionnels sont limités à 20 000 km/an ».
Le point 3-1-1 du chapitre III. B. de la notice d’information détermine l’objet de la garantie de la façon suivante : « Si l’assuré doit interrompre totalement son activité professionnelle pour des raisons de santé, l’assureur garantit le versement de l’indemnité mensuelle indiquée au certificat d’adhésion ». Sauf en cas d’affection longue durée, il est stipulé que le versement des indemnités journalières cesse en cas de reprise d’une activité professionnelle, même partielle, ou encore à la date de la consolidation de l’invalidité.
En l’espèce, M. [R] a renseigné, dans le premier certificat d’adhésion comme dans l’avenant à ce dernier, qu’il exerçait une profession de menuisier métallicien et alu.
Il est par ailleurs non contesté que M. [R] est le dirigeant de la société JLS Fermetures dont le siège se trouve à l’adresse de son propre domicile. Il ressort également des éléments présentés que M. [R] s’occupait de la partie commerciale depuis fin 2012, et que, à la suite de son premier arrêt de travail en lien avec sa lombosciatique, il a repris une activité professionnelle purement commerciale consistant en la prise de devis et de commandes à partir de janvier 2014.
La cour d’appel constate que le Dr [F] conclut en une incapacité totale de travail sur la période courant du 20 aout 2014 au 7 juillet 2016, date de consolidation.
De plus, parmi les certificats médicaux produits par M. [R] figure le certificat médical initial rempli le 1er septembre 2014 par son médecin traitant, le Dr [V], à la demande de la société Swisslife. A la question portant sur la possibilité pour M. [R] d’assurer la direction et la surveillance de son entreprise, le Dr [V] a répondu « avec aide car tout effort contre-indiqué » sans pour autant cocher l’une des cases « oui » ou « non ». Le 30 janvier 2015, le Dr [V] a établi un autre certificat médical expliquant que l’état de santé de M. [R] ne lui permet pas d’exercer sa profession, précisant entre parenthèses « conduite automobile, visite et activité de chantier’) », depuis le 20 aout 2014. Le 28 janvier 2016, le Dr [A], dans le cadre d’un contrôle post-opératoire, a précisé que lorsqu’il a vu M. [R] pour la première fois le 7 septembre 2015, ce dernier présentait une lombalgie très invalidante et se trouvait dans l’incapacité totale de travailler.
Ces éléments viennent corroborer la période d’incapacité totale de travail établie par le Dr [F], y compris donc pour l’activité de gestionnaire d’entreprise et de commercial de l’intéressé.
L’article de presse paru en 2018 dans la presse locale présentant M. [R] comme étant le dirigeant de la société JLS Fermetures n’a pas de caractère probant quant à la preuve d’une activité partielle entre le 20 aout 2014 et le 7 juillet 2016, soit plus de deux ans auparavant.
En définitive, si les éléments produits par la société Swisslife démontrent que M. [R] est le gérant de sa propre société, ce que ce dernier ne conteste d’ailleurs pas, ils n’apportent cependant pas la preuve qu’il avait conservé et exercé une partie de ses fonctions lors de son incapacité totale de travail.
Dès lors, M. [R] apporte bien la preuve d’une incapacité totale de travail entre le 20 aout 2014 le 7 juillet 2016, sans que la société Swisslife ne parvienne à démontrer la preuve d’une cause d’exclusion de garantie. La garantie Incapacité temporaire totale de travail contractuellement prévue est donc applicable.
Le certificat d’adhésion prévoit une indemnité mensuelle de 2 033 euros jusqu’au 365ème jour d’incapacité totale de travail, soit 12 mois, puis 3 500 euros jusqu’au 1 095ème jour d’incapacité totale de travail, soit 36 mois.
La période d’incapacité totale de travail s’étend du 20 aout 2014 au 7 juillet 2016 et couvre ainsi 687 jours. En application du contrat souscrit, la société Swisslife doit donc à M. [R] 24 396 euros pour les 365 premiers jours d’incapacité totale de travail, et 37 052,05 euros pour les 322 jours suivants, soit un total de 61 448,05 euros. La société Swisslife ayant déjà versé 9 154 euros pour cette indemnité, il lui restera à verser à M. [R] la somme de 52 294,05 euros.
Puisqu’il est démontré que la somme de 9 154 euros versée par la société Swisslife à M. [R] sur la période du 20 août 2014 à novembre 2014 était bien due par l’assureur, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de l’assureur en répétition de l’indû.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande d’indemnisation en application de la garantie incapacité temporaire totale de travail et en ce qu’il a condamné M. [R] à rembourser à la société Swisslife la somme de 9 154 euros payée pour la période compris entre aout 2014 et octobre 2014.
Statant à nouveau, la cour condamne la société Swisslife à payer à M. [R] la somme de 52 294,05 euros au titre de la garantie incapacité temporaire totale de travail et rejette la demande de la société Swisslife de condamner M. [R] à lui rembourser la somme de 9 154 euros.
Sur la garantie invalidité permanente
Le certificat d’adhésion prévoit, en cas d’invalidité permanente, le versement d’une rente calculée selon un barème croisé prévu dans la notice d’information.
La clause 3-2-1 du chapitre III. B. de la notice d’information prévoit « En cas d’invalidité totale ou partielle consécutive à une maladie ou à un accident mettant l’assuré dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de toute activité professionnelle, l’assureur verse la rente dont le montant est indiqué sur le certificat d’adhésion. Cette rente sera versée dès lors qu’à l’expiration d’un arrêt de travail couvert par les indemnités journalières, l’état de santé de l’assuré le met dans l’impossibilité définitive de reprendre tout ou partie de toute activité professionnelle. Le point de départ du versement de la rente sera la date de consolidation définir par le médecin conseil de la compagnie ». La clause poursuit en précisant que le cumul des prestations versées par l’assureur avec toute autre prestations versées par un régime de prévoyance ou d’assurance obligatoire ne peut excéder le revenu de l’activité de l’assuré.
L’article 3-2-3 du chapitre III. B. de cette notice précise le mode de détermination du taux d’invalidité. Celui-ci est donc fixé en tenant compte d’un taux d’incapacité professionnelle et d’un taux d’incapacité dite « fonctionnelle ». Ce taux doit être fixé par le médecin conseil de la compagnie.
Sur le montant de la rente, l’article 3-2-5 du même chapitre stipule que la rente n’est pas due ou cesse d’être versée à partir du moment où le taux d’invalidité devient inférieur à 33%.
En l’espèce, le Dr [F] fixe un taux d’incapacité professionnelle de 100% pour le poste d’artisan monteur-poseur et de 60% pour un poste de type administratif et commercial, mais ne détermine aucun taux d’incapacité fonctionnelle.
M. [R] produit aux débats deux autres rapports d’expertise médicale établis pour l’un dans le cadre d’une autre procédure judiciaire relative à sa pathologie lombaire le 17 octobre 2017 par le Dr [L], et pour l’autre à la demande de la société Crédit Mutuel le 16 juin 2020 par le Dr [E]. Ces rapports d’expertise établissent, respectivement, un déficit fonctionnel permanent de 15% et 20% ce dont on peut déduire que le déficit fonctionnel permanent de M. [R] n’excède pas 20%.
Selon la notice d’information, le taux d’invalidité à retenir en croisant le taux d’invalidité professionnelle avec le taux d’invalidité fonctionnelle, soit 60% et 20%, serait de 29%. Ce taux est donc inférieur à 33%, taux d’invalidité plancher prescrit par les clauses contractuelles précitées.
Dès lors, M. [R] ne peut prétendre à aucune indemnité au titre de la garantie invalidité permanente.
Y ajoutant, la cour déboute donc M.[R] de cette demande.
Sur la garantie indemnité de remboursement des frais généraux
Au chapitre I de la notice d’information, Les frais généraux sont définis comme suit : « Ce sont les dépenses habituellement supportées par l’assuré [‘] pour l’exercice de sa profession et qui n’ont pas, en comptabilité de contrepartie à l’actif. Elles doivent en outre être exposés dans l’intérêt de l’exploitation et se rattacher à une gestion normale. Entrent dans les frais généraux professionnels les dépenses suivantes : services extérieurs, impôts, taxes et versements assimilés, les charges de personnel y compris les charges sociales, les autres charges de gestion courante, les charges financières, les charges exceptionnelles. Ces dépenses doivent être admises légalement comme frais généraux et non exclues du contrat ».
Parmi les exclusions contractuelles aux frais généraux figurent notamment les dépenses suivantes : « Les salaires, honoraires, prélèvements, profits et autres avantages ou rémunération de l’assuré, ainsi que ceux versés à toute personne exerçant dans les mêmes conditions la profession de l’assuré ou à toute autre personne engagée pour le remplacer. »
Au chapitre III. C. de cette même notice, l’article 1 stipule « Si l’assuré doit interrompre totalement son activité professionnelle pour des raisons de santé, l’assureur garantit le versement de l’indemnité choisie et indiquée au certificat d’adhésion visant le remboursement de tout ou partie des frais généraux payés par l’entreprise dans la limite des frais réellement engagés pendant la période d’arrêt de travail indemnisé. Les frais payés pour des périodes autres que mensuelles seront convertis prorata temporis, en dépenses mensuelles ».
Sur le certificat d’adhésion, le montant de l’indemnité choisi par M. [R] est de 3 000 euros à compter du 31ème jour en cas de maladie et au plus tard jusqu’au 730ème jour de l’incapacité totale de travail.
En l’espèce, l’incapacité totale de travail de travail engendrant l’application de la garantie incapacité temporaire totale de travail est établie. La garantie des frais généraux se définissant en fonction de cette première garantie, sa mobilisation est donc elle aussi démontrée.
Comme évoqué précédemment, M. [R] présente une incapacité totale de travail de travail du 20 août 2014 au 7 juillet 2016, soit une incapacité totale de travail de 687 jours. Compte tenu des prescriptions contractuelles sus-évoquées, il convient de retrancher la franchise de 31 jours. La période concernée pour l’indemnité des frais généraux s’étend donc sur 656 jours soit 21 mois et 17 jours.
La garantie souscrite n’étant mobilisable, en application de l’article 1 du chapitre III. C. précité, que dans la limite des frais engagés, il est nécessaire de justifier du montant de ces frais tout au long de la période d’incapacité totale de travail.
Pour justifier des frais généraux déboursés du 20 août 2014 au 7 juillet 2016, le seul document traitant de cette question, produit par M. [R] est un tableau présentant la balance de ces frais sur l’année 2015, dont il est non contesté qu’il provient de l’expert-comptable de l’entreprise.
Ce tableau mentionne que pour l’année 2015, les seuls prélèvements au titre de la caisse des congés payés et au profit de l’URSSAF et de Pôle Emploi se sont élevés à 24 678,57 euros et 58 769 euros.
Il résulte de ce document que les frais généraux, autres que ceux relatifs aux salaires, honoraires, prélèvements, profits et autres avantages ou rémunération de l’assuré, ainsi que ceux versés à toute personne exerçant dans les mêmes conditions la profession de l’assuré ou à toute autre personne engagée pour le remplacer, rapportés aux charges mensuels, sont supérieurs à 3 000 euros, de sorte que l’indemnité prévue au contrat est applicable au moins sur cette période.
Dès lors, M. [R] est en droit de demander l’application de cette garantie sur la totalité de l’année 2015, seule période de l’incapacité totale de travail de travail courant du 20 aout 2014 au 7 juillet 2016 pour laquelle il justifie des frais réellement engagés.
L’indemnité à verser est donc égale à 3 000 euros par mois sur 12 mois, soit 36 000 euros.
Y ajoutant, la société Swisslife sera donc condamnée à payer à M. [R] la somme de 36 000 euros au titre de la garantie indemnité de remboursement des frais généraux.
III- Sur les dommages et intérêts
Au titre de l’article 1147 ancien du code civil, dans sa version applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l’espèce, malgré plusieurs sollicitations de la part de M. [R] et l’injonction faite par le conseiller de la mise en état, la société Swisslife n’a pas produit aux débats le rapport d’expertise médicale faisant suite à l’examen de M. [R] par le Dr [I] le 4 février 2016.
Dans ses dernières conclusions, la société Swisslife n’apporte par ailleurs aucune explication quant à cette rétention de document et n’expose pas davantage d’arguments en opposition à la demande de M. [R] au titre de son préjudice moral.
Cependant, la lettre de la société Swisslife adressée à M. [R] et datée du 20 mai 2016 précise que le Dr [I] n’a pas fixé de date de consolidation. Le taux d’incapacité fonctionnelle nécessitant de prime abord la fixation d’une date de consolidation, M. [R] n’apporte pas la preuve que le rapport d’expertise du Dr [I] est déterminant pour la mobilisation de la garantie et le calcul de la rente correspondante.
Dès lors, M. [R] ne justifie pas d’une faute de la société Swisslife en lien de causalité avec un préjudice moral.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [R].
IV- Sur les frais et dépens
La cour d’appel infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Sarreguemines le 29 septembre 2015 en ce qu’il a condamné M. [R] au paiement des dépens de l’instance.
La société Swisslife, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
La société Swisslife sera également condamnée à payer à M. [R] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare irrecevable la demande de M. [C] [R] tendant à l’indemnisation de la période d’arrêt de travail courant du 22 novembre 2012 au 13 janvier 2014 au motif de la prescription,
Confirme la décision rendue par le tribunal de grande instance de Sarreguemines du 29 septembre 2015 en ce qu’elle a débouté M. [R] de sa demande au titre de la réparation de son préjudice moral ; l’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société anonyme Swisslife Prévoyance et Santé à payer à M. [C] [R] la somme de 52 294,05 euros soit les sommes restant dues au titre de la garantie incapacité temporaire totale de travail,
Déboute la société anonyme Swisslife Prévoyance et Santé de sa demande de remboursement de l’indu s’agissant des prestations versées du 20 août 2014 au mois de novembre 2014 pour un montant de 9 154 euros,
Condamne la société anonyme Swisslife Prévoyance et Santé aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
Condamne la société anonyme Swisslife Prévoyance et Santé à payer à M. [C] [R] la somme de 36 000 euros soit les sommes restant dues au titre de la garantie indemnité de remboursement des frais généraux,
Déboute M. [C] [R] de sa demande au titre de la garantie invalidité permanente ;
Condamne la société Swisslife aux dépens d’appel
Condamne la société anonyme Swisslife Prévoyance et Santé à payer à M. [R] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La Greffière La Présidente de chambre