AFFAIRE : N° RG 20/00810 –
N° Portalis DBVC-V-B7E-GQWK
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX du 13 Février 2020 – RG n° 19/00804
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 MARS 2023
APPELANTS :
Monsieur [N], [H], [B] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [Y] [O] épouse [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentés et assistés de Me Urielle SEBIRE, avocat au barreau de LISIEUX
INTIMÉE :
Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 1] pris en la personne de son syndic, le cabinet INTERPLAGES IMMOBILIER,
[Adresse 1]
[Localité 2]
pris en la personne de son représentant légal
représenté et assistés de Me Emmanuelle DUVAL, avocat au barreau de LISIEUX
DÉBATS : A l’audience publique du 12 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 21 Mars 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
FAITS ET PROCEDURE
M. et Mme [Z] sont propriétaires d’un appartement au sein de la copropriété de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] (14).
Le 27 octobre 2018, leur appartement a subi un dégât des eaux.
Considérant, au vu des conclusions d’une expertise amiable diligentée à l’initiative de leur assureur de protection juridique, que le sinistre trouvait son origine dans les parties communes de l’immeuble, les époux [Z] ont demandé au syndicat de copropriété de l’immeuble de faire intervenir un artisan pour réaliser les travaux nécessaires.
Il en est résulté une facture, d’un montant de 1.623,60 €, émise à l’ordre de la copropriété.
Par une résolution n° 18 prise en son assemblée générale du 26 avril 2019, la copropriété a décidé d’imputer le paiement de cette facture exclusivement aux époux [Z].
L’assemblée générale a également voté une résolution n° 21 aux termes de laquelle elle a «’pris note que l’appartement de Mme [K] [voisine des époux [Z]] n’a pas de fuite’», qu’il est «’en l’état’», la même résolution demandant également à M. et Mme [Z] «’d’entretenir leur toit’».
Par acte du 12 septembre 2019, les époux [Z] ont fait assigner le syndicat de copropriété devant le tribunal judiciaire de Lisieux aux fins d’annulation de l’assemblée générale du 26 avril 2019 et, à tout le moins, d’annulation des résolutions n° 18 et 20.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal a :
– rejeté l’ensemble des demandes de M. et Mme [Z] ;
– condamné M. et Mme [Z] aux entiers dépens.
Par déclaration du 5 mai 2020, M. et Mme [Z] ont interjeté appel de ce jugement.
Les appelants ont notifié leurs dernières conclusions le 23 juillet 2020, le syndicat intimé les siennes le 26 octobre 2020.
Finalement, le syndicat n’a pas déposé de dossier devant la cour, son avocat ayant fait savoir qu’il ne représentait plus les intérêts de celui pour le compte duquel il avait constitué.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. et Mme [Z] demandent à la cour de :
– réformer le jugement du 13 février 2020 ;
– déclarer recevables et bien fondées leurs demandes ;
En conséquence,
– prononcer l’annulation de l’assemblée générale du 26 avril 2019 et du procès-verbal qui en a été dressé ;
– à tout le moins, prononcer l’annulation de la délibération n° 18 du procès-verbal d’assemblée générale du 26 avril 2019 ;
– condamner le syndicat de copropriété au paiement d’une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dispenser les époux [Z] de toute participation aux frais de la procédure en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
– condamner le syndicat de copropriété aux entiers dépens.
Au contraire, le syndicat de copropriété demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lisieux le 20 décembre 2019 dans l’ensemble de ses dispositions [sic] ;
Ce faisant,
– rejeter l’ensemble des demandes de M. et Mme [Z] ;
Y ajoutant,
– condamner M. et Mme [Z] au paiement d’une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
D’emblée, la cour observe que c’est manifestement par suite d’une erreur matérielle que le syndicat de copropriété sollicite la confirmation du jugement «’rendu par le tribunal de grande instance de Lisieux le 20 décembre 2019’», étant en effet rappelé’:
– que le seul jugement déféré à la cour date du 13 février 2020, et non du 20 décembre 2019′;
– que le 20 décembre 2019 correspond en réalité à la date d’une ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal de Lisieux a ordonné une expertise aux fins d’identifier la nature et l’origine des désordres affectant l’immeuble de la copropriété’;
– qu’en tout état de cause, il n’apparaît pas que cette ordonnance ait été frappée d’appel.
En conséquence, la cour ne statuera que sur les seules demandes dont elle est saisie, à savoir celles tendant à la confirmation ou l’infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lisieux le 13 février 2020 en ce qu’il a débouté les époux [Z] de l’intégralité de leurs prétentions et en ce qu’il les a condamnés aux dépens.
Sur la demande tendant à l’annulation de l’assemblée générale du 26 avril 2019 dans son ensemble ainsi que du procès-verbal qui en a été dressé’:
Faute d’expliquer en quoi cette assemblée se serait tenue de manière irrégulière, les époux [Z] ne pourront qu’être déboutés de leur demande tendant à son annulation, de même que de leur demande tendant à l’annulation du procès-verbal qui en a été dressé.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande tendant à l’annulation de la résolution n° 20′:
Même si les époux [Z] ne réclament plus, du moins explicitement devant la cour, cette annulation, en tout état de cause ils seraient irrecevables à le faire, dès lors en effet’:
– qu’en application de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des résolutions prises en assemblée générale ne peuvent être introduites que par des copropriétaires «’défaillants ou opposants’»’;
– qu’or, il résulte des mentions figurant dans le procès-verbal d’assemblée que M. [Z] était présent et qu’il a même voté en faveur de la résolution n° 20, celle-ci ayant ainsi été adoptée à l’unanimité des copropriétaires.
Dès lors, n’étant ni défaillants ni opposants à la résolution litigieuse, les époux [Z] sont irrecevables à la contester.
Sur la demande tendant à l’annulation de la résolution n° 18’mettant à la charge exclusive des époux [Z] la facture de réparation émise par la société Nouvel Environnement Habitat le 16 avril 2019 pour un montant de 1.623,60 € TTC’:
Cette demande est recevable, puisqu’il résulte des énonciations du procès-verbal que M. [Z] s’est opposé à cette résolution qui n’a ainsi été adoptée qu’à la majorité des copropriétaires, trois d’entre eux, représentant 565/1.000 tantièmes, ayant mis en minorité le quatrième,représentant quant à lui 435/1.000 tantièmes.
Pour justifier leur recours, les époux [Z] font valoir que ces travaux sont la conséquence d’un sinistre, en l’occurrence des infiltrations à l’intérieur de son appartement, qui trouve son origine dans les parties communes de l’immeuble, d’une part dans la façade de celui-ci, d’autre part dans les solins maçonnés protégeant les relevés de la couverture en zinc sur le toit de l’immeuble.
Pour rejeter sa demande, le tribunal a retenu que les mentions figurant sur la facture litigieuse, à savoir que les travaux portaient sur la reprise d’un défaut d’étanchéité au niveau des solins au-dessus de l’appartement des époux [Z], étaient insuffisantes pour déterminer si ces travaux avaient eu lieu sur les parties privatives de leur appartement, sur les parties privatives de l’appartement voisin, ou encore sur des parties communes.
Le tribunal a également énoncé que la loi du 10 juillet 1965, dans ses articles 10 et 10-1, prévoyait la répartition du coût des travaux en fonction de l’endroit où ils étaient réalisés.
Il en a conclu que la résolution litigieuse, en ce qu’elle mettait les travaux à la charge exclusive des époux [Z], n’encourait pas l’annulation puisque ceux-ci ne démontraient pas que les travaux avaient été réalisés sur des parties autres que leurs propres parties privatives.
La cour ne partage pas cette analyse qui, au contraire, est contredite par les éléments du dossier, il est vrai complété en cause d’appel par les premières constatations effectuées par l’expert judiciaire désigné en référé le 20 décembre 2019.
En effet, depuis le début du litige, les époux [Z] ne cessent de soutenir que les infiltrations à l’origine de la facture litigieuse proviennent des parties communes de l’immeuble, ayant d’ailleurs produit plusieurs éléments en ce sens, notamment un rapport d’expertise amiable qui, dès le 21 mars 2019, confirmait que le sinistre provenait «’d’infiltrations par la couverture de l’immeuble’» ainsi que «’par la façade de l’immeuble’».
L’expert judiciaire corrobore cette position, qui, dans une note n° 3 adressée aux parties le 30 octobre 2020, précise que les travaux objet de la facture litigieuse «’ont consisté à reprendre des enduits et un solin de couverture situé sur la façade arrière de l’immeuble au-dessus de la couverture de l’appartement de M. [Z]’», l’expert ajoutant que «’cette façade, qui fait partie des gros murs, est une partie commune de l’immeuble’».
A cet égard, c’est vainement que le syndicat de copropriété tente de contredire cette appréciation en évoquant un ‘changement de destination’ d’une partie de l’immeuble en chambre, de même qu’une ‘modification des millièmes’, toutes modifications qui, selon lui, résulteraient d’une décision adoptée par une assemblée générale du 8 mars 2014.
En effet, non seulement le syndicat s’abstient de produire aucune pièce à l’appui de ses affirmations (étant encore rappelé que son avocat n’a pas déposé de dossier pour le compte de l’intimé, et que les pièces alléguées ne figurent pas dans le dossier des appelants), mais surtout il ne démontre pas en quoi les changements intervenus en 2014 auraient eu une incidence sur le caractère commun ou privatif des parties de l’immeuble dans lesquelles le sinistre a pris sa source.
Ainsi et sauf à ce que le règlement de copropriété en dispose autrement, le toit d’un immeuble en copropriété (qui ne saurait être confondu avec le plafond des appartements qui s’y trouvent), de même qu’un mur extérieur, sont des éléments de gros ‘uvre qui, par principe, sont réputés parties communes au sens de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965.
Par suite, c’est à la copropriété dans son ensemble qu’il incombe de supporter les dépens d’entretien et de réparation de ces parties communes, à charge pour elle d’en répartir ensuite le coût entre les différents copropriétaires conformément aux prévisions de l’article 10 de la loi.
Ainsi et contrairement à ce qui a pu être jugé en première instance, la résolution tendant à faire supporter le coût des réparations litigieuses exclusivement par les époux [Z] est illicite comme contraire aux prévisions de la loi.
Par suite, le jugement sera infirmé sur ce point, et la résolution n° 18 annulée.
Sur les autres demandes’:
Partie perdante, le syndicat de copropriété sera condamné à payer aux époux [Z] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat supportera également les entiers dépens de première instance et d’appel.
Enfin et dans la mesure où la demande principale des époux [Z] est bien fondée, ils sont également fondés à réclamer le bénéfice des dispositions de l’article 10-1 alinéa 2 de la loi de 1965 qui permet de les dispenser de toute participation à la dépense commune résultant des dépens et frais irrépétibles que la copropriété devra supporter dans le cadre de la présente instance, qu’il s’agisse des sommes exposées par elle pour assurer sa défense ou de celles mises à sa charge devant le tribunal et devant la cour, lesquelles seront réparties exclusivement entre les trois autres copropriétaires.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant publiquement par mise à disposition, contradictoirement et en dernier ressort’:
– confirme le jugement en ce qu’il a débouté les époux [Z] de leur demande tendant à l’annulation de l’assemblée générale du 26 avril 2019 ainsi que du procès-verbal qui en a été dressé’;
– l’infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant’:
* déclare les époux [Z] irrecevables en leur demande tendant à l’annulation de la résolution n° 20 prise au cours de l’assemblée générale du 26 avril 2019′;
* prononce l’annulation de la résolution n° 18 prise au cours de cette même assemblée’;
* juge que la facture émise par la société Nouvel Environnement Habitat le 16 avril 2019 pour un montant de 1.623,60 € TTC sera supportée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 5]’;
* condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 5] à payer aux époux [Z] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
* condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 5] aux entiers dépens de première instance et d’appel’;
* dispense les époux [Z] de toute participation financière aux frais irrépétibles exposés par le syndicat de copropriété pour assurer sa défense de même qu’à toute condamnation prononcée contre celui-ci au titre des frais irrépétibles ainsi qu’au titre des dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON