COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
LE/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 21/01334 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E2YU
Jugement du 23 Avril 2021
Juge des contentieux de la protection de CHOLET
n° d’inscription au RG de première instance 11-20-270
ARRET DU 21 MARS 2023
APPELANTE :
Madame [N] [B]
née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Me Frédéric HARDY, avocat au barreau d’ANGERS
INTIMES :
Monsieur [U] [E]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Madame [I] [T]
née le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés par Me Julie RIPOCHE substituant Me Jacques MARCHAND, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20.00229
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 12 Décembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 21 mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 8 août 2018, Mme [I] [T] et M. [U] [E] ont donné à bail à Mme [N] [B] un logement situé [Adresse 5], moyennant un loyer mensuel de 390 euros.
Les loyers n’étant pas honorés depuis le mois de juin 2020, Mme [T] et M. [E] ont fait signifier, le 23 juillet 2020, à la locataire un commandement de payer les loyers et de justifier d’une assurance.
Le 24 juillet 2020, Mme [B] a produit une attestation d’assurance responsabilité locative datée de la veille.
Cependant, faute de régularisation des impayés, par exploit du 29 septembre 2020, Mme [T] et M. [E] ont fait assigner Mme [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Cholet dépendant du tribunal judiciaire d’Angers aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, d’expulsion et de condamnation au paiement des arriérés.
Suivant jugement du 23 avril 2021, le juge des contentieux de la protection a notamment :
– constaté l’absence de manquements de Mme [I] [T] et M. [U] [E] à leur obligation de délivrer un logement décent à Mme [N] [B],
– dit que Mme [N] [B] n’était pas bien fondée à suspendre le paiement de son loyer,
– débouté Mme [N] [B] de sa demande de réalisation des travaux de réfection de toiture,
– constaté l’acquisition au 23 septembre 2020 de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre d’une part Mme [I] [T] et M. [U] [E] et d’autre part Mme [N] [B] le 8 août 2018,
– ordonné l’expulsion de Mme [N] [B] et celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique si besoin,
– fixé l’indemnité d’occupation due à compter du 23 septembre 2020 au montant du loyer et condamné Mme [N] [B] à la payer jusqu’à la libération effective des lieux,
– condamné Mme [N] [B] à payer à Mme [I] [T] et M. [U] [E] la somme de 2.582 euros à titre d’arriérés de loyers, charges et indemnités d’occupation dus suivant décompte arrêté au 31 mars 2021,
– débouté Mme [N] [B] de sa demande de délais de paiement,
– condamné Mme [N] [B] aux dépens de l’instance,
– condamné Mme [N] [B] à payer à Mme [I] [T] et M. [U] [E] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du Code de procédure civile.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 2 juin 2021, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement en son entier dispositif exclusion faite de ses prévisions relatives à l’exécution provisoire, intimant dans ce cadre Mme [T] et M. [E].
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 novembre 2022 et l’audience de plaidoiries fixée au 12 décembre de la même année conformément aux prévisions d’un avis du 28 février 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 27 mars 2022, Mme [B] demande à la présente juridiction de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du 23 avril 2021 en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que de condamnation aux dépens de Mme [T] et M. [E],
Statuant à nouveau :
– dire et juger que Mme [T] et M. [E] n’ont pas respecté leur obligation de lui délivrer un logement décent,
– condamner Mme [T] et M. [E] à lui verser la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter Mme [T] et M. [E] de l’intégralité de [leurs] demandes,
– condamner Mme [T] et M. [E] à lui verser la somme de 1.200 euros concernant ses frais irrépétibles de première instance et 2.500 euros concernant ses frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner Mme [T] et M. [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par Me Hardy conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 19 avril 2022, Mme [T] et M. [E] demandent à la présente juridiction de :
– confirmer le jugement prononcé le 23 avril 2021 par le juge des contentieux de la protection de Cholet en ce qu’il a :
– constaté l’absence de manquement de [leur part] à leur obligation de délivrer un logement décent à Mme [N] [B],
– dit que Mme [N] [B] n’était pas bien fondée à suspendre le paiement de son loyer,
– débouté Mme [N] [B] de sa demande de réalisation des travaux de réfection de toiture,
– constaté l’acquisition au 23 septembre 2020 de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre eux et Mme [N] [B] le 8 août 2018,
– ordonné l’expulsion de Mme [N] [B] et celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique si besoin,
– fixé l’indemnité d’occupation due à compter du 23 septembre 2020 au montant du loyer et condamné Mme [N] [B] à la payer jusqu’à la libération effective des lieux,
– condamné Mme [N] [B] à leur payer la somme de 2.582 euros à titre d’arriérés de loyers, charges et indemnités d’occupation dus suivant décompte arrêté au 31 mars 2021,
– débouté Mme [N] [B] de sa demande de délais de paiement,
– condamné Mme [N] [B] aux dépens de l’instance,
– condamné Mme [N] [B] à leur payer la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– débouter en conséquence Mme [B] de la demande de dommages et intérêts qu’elle présente devant la Cour ainsi que de sa demande en paiement d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner au contraire Mme [N] [B] à leur payer une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour,
– condamner Mme [N] [B] aux entiers dépens d’appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Liminairement, l’appelante indiquant avoir quitté le logement n’a maintenu son appel qu’en ce qu’il porte sur ses demandes en réparation et accessoires (dépens et frais irrépétibles.
Ainsi et au regard des demandes en confirmation formées par les intimés, la décision de première instance, en ce qu’elle a :
– dit que Mme [N] [B] n’était pas bien fondée à suspendre le paiement de son loyer,
– débouté Mme [N] [B] de sa demande de réalisation des travaux de réfection de toiture,
– constaté l’acquisition au 23 septembre 2020 de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre d’une part Mme [I] [T] et M. [U] [E] et d’autre part Mme [N] [B] le 8 août 2018,
– ordonné l’expulsion de Mme [N] [B] et celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique si besoin,
– fixé l’indemnité d’occupation due à compter du 23 septembre 2020 au montant du loyer et condamné Mme [N] [B] à la payer jusqu’à la libération effective des lieux,
– condamné Mme [N] [B] à payer à Mme [I] [T] et M. [U] [E] la somme de 2.582 euros à titre d’arriérés de loyers, charges et indemnités d’occupation dus suivant décompte arrêté au 31 mars 2021,
– débouté Mme [N] [B] de sa demande de délais de paiement,
doit être confirmée, sans examen au fond.
Sur les demandes en réparation
En droit, l’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, dispose notamment que : ‘Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en ‘uvre échelonnée. (…)
Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux normes minimales de confort et d’habitabilité définies par le décret prévu à l’article 25 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière’.
A ce titre, l’article 2 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, en sa version applicable, précise que : ‘Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros ‘uvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut être tenu compte, pour l’appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d’eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;
2. Il est protégé contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer ;
3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;
4. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
5. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;
7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l’article R. 111-1-1 du code de la construction et de l’habitation, bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre’.
Par ailleurs, l’article 1231-1 du Code civil prévoit que : ‘Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure’.
Le premier juge a observé que si les services de la mairie en suite d’une visite du 18 juin 2020 avaient constaté divers désordres, ils avaient cependant conclu que le logement n’était ni vétuste ni insalubre et que ‘seuls des dysfonctionnements [avaient] été constatés’. S’agissant du courrier de l’ADIL, concluant au fait que le logement présente des ‘signes de non décence’, il a été constaté qu’il a été rédigé en suite d’une demande de la locataire sans visite des lieux. De plus, il a été souligné qu’en suite de l’émission du rapport des services municipaux, les propriétaires ont pris attache avec un artisan aux fins de réalisation des travaux électriques et de VMC et ont recherché divers devis pour les travaux de plomberie, chauffage, électricité ainsi que d’huisserie. De sorte que lorsque la mairie a entrepris une nouvelle visite des lieux le 2 octobre 2020, la réalisation de travaux avait été constatée et un délai supplémentaire accordé aux propriétaires pour leur achèvement. De plus, le premier juge a souligné que les plus amples travaux n’avaient pu être promptement réalisés, du fait de la locataire qui avait empêché l’accès du logement aux artisans. Dans ces conditions, il a été considéré qu’il n’était pas établi que les propriétaires avaient manqué à leur obligation de délivrance d’un logement décent.
Aux termes de ses dernières écritures, l’appelante indique que l’état des lieux d’entrée établit la présence de traces d’humidité, de moisissure, d’infiltrations et d’autres dégâts des eaux dans plusieurs pièces. Elle précise s’être plainte à plusieurs reprises de l’état du logement et que les premiers travaux réalisés portaient uniquement sur la pose de joints d’étanchéité au niveau de tuiles cassées, courant mai 2019. Par suite et courant octobre de la même année la ventilation a été changée, sans que cela ne solutionne l’ensemble des difficultés, ce qui a été démontré par le rapport des services de la mairie faisant notamment état de problématiques avec la VMC ainsi qu’avec l’installation électrique, les prises étant qualifiées de dangereuses. De plus, elle souligne que l’ADIL a conclu que le logement litigieux ne présentait pas tous les caractères de décence (protection contre les infiltrations d’eau et d’air, renouvellement d’air et évacuation d’humidité, installations de chauffage et d’électricité). S’agissant de ce rapport, elle souligne que si l’organisme n’a pas procédé à la visite des lieux, il a été dressé en suite de celle effectuée par les services municipaux. De plus, elle observe que les conclusions de l’ADIL, si elles ne sont pas communes à celles de la mairie, rejoignent celles du conseiller médical en environnement intérieur du CHU d'[Localité 7]. Elle en conclut donc que les intimés n’ont pas respecté leur obligation de mise à disposition d’un logement décent, qui débute dès la remise des clefs. A ce titre, elle souligne que ses contradicteurs n’ont commencé à faire quelques travaux, auxquels elle ne s’est jamais opposée, qu’à compter de la réception du rapport des services municipaux, soit le 26 juin 2020. S’agissant des travaux devant être réalisés par l’entreprise Bousseau, elle indique ne pas s’y être opposée, mais avoir uniquement voulu attendre les conclusions de l’ADIL pour vérifier la conformité des travaux aux préconisations et avoir également indiqué à l’ouvrier intervenant le 27 octobre 2020, que les travaux devraient faire l’objet d’un contrôle par Qualifelec, ce qui a conduit le salarié à ne pas entreprendre les travaux. Elle souligne cependant que cette entreprise est par la suite intervenue pour divers travaux (ventilation, chauffage et électricité). Elle souligne cependant que l’ensemble des travaux électriques n’a pas été réalisé, pas plus que la reprise de la toiture. Elle précise ne pas avoir trouvé de nouveau logement suffisamment rapidement, de sorte qu’elle a été contrainte de se maintenir dans les locaux litigieux. Elle conclut donc que ‘du fait de l’absence de réalisation des travaux et du préjudice lié à [sa] santé conséquence de l’état du logement, [elle] est dès lors bien fondée à solliciter la condamnation [des intimés] à lui verser la somme de 8.000 euros’.
Aux termes de leurs dernières écritures, les intimés observent qu’en première instance, l’appelante limitait sa demande indemnitaire à la somme de 3.000 euros, de sorte qu’en portant ses prétentions à la somme de 8.000 euros, elle forme une demande nouvelle ‘prohibée’ par l’article 564 du Code de procédure civile. Sur le fond, ils soulignent que leur obligation de délivrance existe depuis la prise de possession de lieux, soit à compter du mois d’août 2018, alors même que l’ensemble des pièces produites par leur contraditrice porte sur une période ayant débuté deux années plus tard. De plus, ils indiquent que ces pièces ne démontrent pas que le bien litigieux ne remplirait pas les critères légaux et réglementaires de décence et de salubrité. S’agissant du rapport de visite des services municipaux, ils soulignent que si des dysfonctionnements et défauts ont été constatés, pour autant il est conclu que le logement n’est ni vétuste ni insalubre. S’agissant du courrier de l’ADIL, il est observé que cet organisme ne s’est pas rendu sur les lieux se bornant à reprendre les constatations des services de la mairie à l’exclusion de leurs conclusions pour indiquer que les locaux présentent ‘donc des signes de non décence’. De plus, ils rappellent avoir été rendus destinataires du rapport de la mairie le 26 juin 2020 et avoir, dès le 6 juillet suivant mandaté un artisan pour les travaux d’électricité, professionnel n’ayant pu avoir accès au logement en raison de l’annulation de sa visite par la locataire. A ce titre, ils soutiennent que le ‘comportement d’obstruction [de l’appelante] a bien fait obstacle à la réalisation des travaux en temps utiles. Son attitude était en outre totalement illégitime puisqu’elle n’a évidemment aucun droit à contrôler le professionnel choisi par les bailleurs’. Dans ces conditions, ils soulignent que les travaux d’électricité n’ont pu être réalisés qu’au début de l’année 2021.
Sur ce :
En l’espèce s’agissant de l’état du logement, il est communiqué aux débats :
– l’état des lieux d’entrée du 16 août 2018, mentionnant des traces d’humidité au plafond du dégagement ; que le mur de la chambre démontre la survenance d’un dégât des eaux ; de la moisissure au plafond de la salle de bain ; un dégât des eaux et ‘infiltration’ au plafond du dégagement du 2nd niveau ; que les murs et plafond du séjour présentent des traces d’humidité, une auréole, une infiltration et un dégât des eaux ; que le meuble sous l’évier, présente de la moisissure et ‘infiltration eau’,
– le compte-rendu de visite du logement par les services municipaux du 18 juin 2020, mentionnant notamment s’agissant du salon ‘bouche d’entrée d’air constatée mais probablement fictive, contrôle de la VMC, non conforme aux normes, constatation instabilité des prises électriques, douille lumière non conforme’, concernant la cuisine ‘contrôle de la VMC non conforme aux normes (toujours en activité) ; l’entrée d’air est sale, aspire mal + constatation VMC éteinte, présence d’air autour de la fenêtre, en mauvais état (les rideaux se soulèvent) – non étanche, vitre cassée, aucune entrée d’air constatée, constatation instabilité des prises électriques (non fixées), la prise pour le frigo ne fonctionne pas’, concernant la salle de bain ‘contrôle de la VMC (ne fonctionne pas très fort’, s’agissant de la chambre ‘présence de peu d’humidité (papier peint décollé)’, et aboutissant aux recommandations suivantes : ‘remontées d’humidité par capillarité, dues au mauvais fonctionnement de la VMC. Celle-ci devra être mise aux normes par le propriétaire. Aération régulière des pièces et fonctionnement en permanence de la VMC par la locataire (…). Manque d’entrées d’air dans toutes les pièces de la maison. Le propriétaire devra faire intervenir un artisan pour la mise en place de ces entrées d’air obligatoires. Vérification/fixation de toutes les prises électriques par le propriétaire (dangers)’. Ce rapport se conclut donc en gras et majuscules : ‘logement non vétuste, non insalubre. Seuls des dysfonctionnements ont été constatés. A savoir que le propriétaire ne refuse pas d’apporter les modifications nécessaires au bon fonctionnement de son logement’,
– un courrier du 9 juillet 2020 émanant des services de l’ADIL, rappelant que l’autorité compétente en matière d’hygiène est le maire et reprenant certains termes du compte-rendu de visite du mois de juin 2020 et qui indique que ‘votre logement présente donc des signes de non décence’,
– les conclusions d’un audit environnemental réalisé par les services du CHU d'[Localité 7] le 7 octobre 2020 mentionnant : ‘le logement présente des traces d’humidité et de développement fongique dans :
– le salon avec la présence de tâches d’humidité au plafond, en lien sensiblement avec une infiltration en toiture et un développement de moisissures en pied de mur ;
– dans la cuisine, au niveau de la menuiserie en bois et sur les rideaux ;
– la salle de bain au plafond.
Le développement de moisissures est également décrit à l’arrière des meubles dans le salon par la patiente.
L’étendue des surfaces contaminées correspond à un niveau moyen de contamination (‘3 m²), pour lequel une intervention par un professionnel labellisé pour la remédiation est souhaitable (…).
L’exposition aux moisissures peut expliquer les symptômes respiratoires présents au domicile.
L’origine de l’humidité dans le logement semble en lien avec :
– l’absence de système de ventilation réglementaire (…)
– l’absence de tirage à l’extraction d’air ;
– une possible infiltration d’eau en toiture au regard de l’auréole constatée au plafond du salon’.
Il résulte de ce qui précède que des éléments de l’immeuble litigieux et notamment l’état de la VMC ainsi que de la fenêtre de la cuisine voire des prises électriques ne correspondent pas exactement aux prescriptions du décret dit ‘décence’ ci-dessus reprises.
Cependant, il doit être souligné que le vague SMS produit par l’appelante (dont la date est totalement inconnue) n’est pas de nature à établir que les intimés aient été avisés des éventuelles difficultés qu’elle pouvait rencontrer à ce titre antérieurement à l’émission par les services municipaux de leur compte-rendu de visite.
Or et en suite de cette visite, les intimés démontrent avoir, dans les premiers jours du mois de juillet 2020, pris attache avec un électricien et avisé leur locataire de son intervention, cette dernière ayant annulé la visite du professionnel au motif que l’ADIL ne serait pas d’accord avec un rapport et qu’une attestation de décennale devrait lui être remise.
Par suite et courant octobre 2020, l’entreprise en charge des travaux notamment d’électricité mais également de chauffage et de ventilation a avisé les propriétaires de l’immeuble que leur ouvrier s’était rendu au sein de l’immeuble litigieux pour entreprendre les travaux et qu’à cette occasion, la locataire a indiqué, qu’après vérification du Kbis de la société, elle ne la considérait pas comme une entreprise d’électricité et qu’elle ne souhaitait donc pas que les travaux soient ainsi réalisés. Cette même société a exposé que par la suite il a été tenté d’entrer en contact avec la locataire qui, une première fois, a mis un terme à la conversation avant de ne plus répondre aux appels.
En tout état de cause, il apparaît que les services municipaux se sont de nouveau déplacés courant octobre 2020, la situation n’ayant que peu évolué même s’agissant des entretiens notamment de VMC et de nettoyage à la charge de la locataire. Cependant lors de la contre-visite du 18 juin 2021, il a été constaté que les huisseries avaient été changées, que le contrôle de la toiture avait été effectué et concluait à une absence de fuite, que les prises avaient été fixées et que les travaux portant sur la VMC avaient été effectués.
De l’ensemble, il résulte :
– que l’état des lieux initial établit la préexistence de difficultés liées à une humidité présente dans diverses pièces de l’immeuble générant notamment des moisissures, voire même la mention d’infiltration,
– qu’en suite du compte-rendu du mois de juin 2020, les propriétaires ont pris attache avec diverses entreprises aux fins de réalisation de travaux,
– qu’en contradiction avec ses propres obligations et sans réelle justification, la locataire s’est opposée à l’intervention de l’ensemble des professionnels missionnés par les propriétaires et au demeurant n’a pas promptement entrepris les diverses entretiens et nettoyages à sa charge et devant notamment permettre un meilleur fonctionnement des équipements,
– que, courant juin 2021, il était constaté que la majorité des désordres dont la réparation était imputable aux propriétaires avait été traitée et notamment ceux portant sur l’étanchéité à l’air et son renouvellement ainsi que la présence d’humidité.
Il en résulte que les propriétaires ont mis à disposition de leur locataire un logement qui présentait, dès l’état des lieux d’entrée, une humidité relativement importante ayant même généré de la moisissure et se manifestant notamment par des traces d’infiltration, d’humidité et autres auréoles.
Or un tel logement ne peut être considéré comme respectant strictement les critères de décence visés au décret ci-dessus repris.
Par ailleurs, l’appelante qui a pu préciser aux services municipaux rencontrer des difficultés dans son logement (‘toux éternuements, infections chroniques, problèmes de peau , problème de mobilité, problèmes osseux’), communique aux débats un certificat de son médecin traitant, mentionnant que son ‘état de santé nécessite un logement dépourvu de moisissure (allergie)’ ainsi qu’un courrier du conseiller médical en environnement intérieur, mentionnant que l’humidité et les moisissures sont de ‘de nature à dégrader la santé respiratoire de la locataire’.
Il en résulte qu’elle démontre que son état de santé n’a pu qu’être défavorablement affecté par l’humidité présente dans le logement mis à sa disposition par les intimés.
Cependant, il doit également être rappelé que les propriétaires ont mis en oeuvre les mesures permettant de remédier aux problématiques rencontrées, mesures n’ayant pas pu être efficacement et rapidement entreprises en raison de l’obstruction de l’appelante qui, par ce comportement, a nécessairement participé du préjudice qu’elle invoque.
De l’ensemble, il résulte qu’en mettant à la disposition de leur locataire un logement ne répondant pas à l’ensemble des critères de décence, notamment au regard de son humidité, les propriétaires ont manqué à leurs obligations dans des conditions de nature à engager leur responsabilité à l’égard de leur locataire, qui ne peut parallèlement qu’être considérée comme ayant participé de son propre préjudice en faisant fautivement obstruction aux travaux ordonnés.
Il en résulte que la décision de première instance doit être infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande en réparation formée par la locataire.
Dans ces conditions et au regard de la durée du préjudice subi par l’appelante pouvant être imputée aux propriétaires (de la mise à disposition du local jusqu’à l’obstruction opposée aux travaux par la locataire à l’été 2020), les intimés doivent être condamnés au paiement à la première d’une somme de 750 euros en réparation du préjudice ‘lié à la santé’ subi par l’occupante du bien.
Sur les demandes accessoires
Au regard de l’issue du présent litige et notamment de la confirmation des dispositions de la décision de première instance s’agissant du terme de bail, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d’appel et les demande fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile seront toutes rejetées.
Enfin, au regard de l’issue du présent litige les dispositions de la décision de première instance à ce titre, doivent être confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME, le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Cholet dépendant du tribunal judiciaire d’Angers du 23 avril 2021, mais uniquement en celle de ses dispositions ayant constaté l’absence de manquements de Mme [I] [T] et M. [U] [E] à leur obligation de délivrer un logement décent à Mme [N] [B], et dans les limites de sa saisine, le CONFIRME pour le surplus ;
Y ajoutant :
CONDAMNE in solidum Mme [I] [T] et M. [U] [E] au paiement à Mme [N] [B] de la somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait du caractère non décent du logement loué ;
REJETTE l’ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER