3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°462
N° RG 19/08229 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QLBX
M. [V] [U]
S.E.L.A.S. [C] [K]
SARL ART DOISE HOLDING
SCI [Localité 12]
SELAS [J] [C]
C/
M. [I] [D]
Mme [W] [G] épouse [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me RAYNAUD
Me BOURGES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, Rapporteur
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 Juin 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANTS
Monsieur [V] [U]
né le 16 Août 1962 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Société ART DOISE HOLDING, société à responsabilité limitée, immatriculée au RCS de BREST sous le n° 828 114 173, représentée par Monsieur [V] [U] en sa qualité de gérant,
[Adresse 4]
[Localité 1]
Société [Localité 12], Société Civile Immobilière, immatriculée au RCS de BREST sous le no 827 690 363, représentée par M. [V] [U] en sa qualité de gérant,
[Adresse 4]
[Localité 1]
SELAS [J] [C] immatriculée au RCS de Lorient sous le no 389 442 997, représentée par Maître [J] [C], mandataire judiciaire, intervenant en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL ART DOISE HOLDING designé par jugement du tribunal de commerce de Lorient du 02/04/2019 et de la SCI [Localité 12], designé en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de Lorient du 02/04/2019
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentés par Me François RAYNAUD de la SARL FRANCOIS RAYNAUD AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉS :
Monsieur [I] [D]
né le 16 Mars 1955 à [Localité 2]
[Adresse 13]
[Localité 2]
Madame [W] [G] épouse [D]
née le 25 Mars 1957 à [Localité 7]
[Adresse 13]
[Localité 2]
Représentés par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Elise PRIGENT de la SELARL AVODIRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTERVENANT VOLONTAIRE :
SELAS [C]- [K] prise en le personne de Maître [J] [C] et Maître [A] [K], mandataires judiciaires, agissant es qualités de liquidateurs judiciaire de :
– la société ART DOISE HOLDING, désignée en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de Lorient en date du 29 avril 2022
– la SCI [Localité 12], désignée en cette qualité par jugement
du Tribunal de Commerce de Lorient en date du 26 juin 2020,
[Adresse 8]
[Localité 3]
Intervenant volontaire par conclusions en date du 16.05.2022
Représentée par Me François RAYNAUD de la SARL FRANCOIS RAYNAUD AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
FAITS ET PROCEDURE
M. [I] [D] et son épouse Mme [W] [G] (ci-après les époux [D]) étaient titulaires de l’intégralité des parts de la SARL Couverture [D], entreprise de couverture, zinguerie, étanchéité, bardage, fabrication et pose de charpentes.
Suivant protocole sous seing privé du 10 janvier 2017, ils s’engageaient, sous réserve de diverses conditions suspensives, à céder l’ensemble de leurs parts sociales à MM. [V] [U] et [X] [M] ou toute personne qu’ils voudraient se substituer.
La vente des titres était conclue au prix définitif de 220.000 €, prix déterminé en considération, d’une part des résultats réalisés par la société au cours des trois derniers exercices selon comptes annuels arrêtés aux 30 septembre 2013, 30 septembre 2014 et 30 septembre 2015, d’autre part des déclarations faites et garanties accordées par les cédants aux cessionnaires.
Le protocole contenait notamment un article 14.3 ainsi rédigé :
‘Il n’existe, à ce jour, aucun litige entre la société, ses employés, fournisseurs ou tiers quelconques.
Il n’existe aucune action, procès ou procédure judiciaire, arbitrale ou administrative actuellement pendante ou prévue à la charge de la société ou affectant la société, ses biens ou affaires auxquelles elle est ou peut devenir partie, et il n’existe, à la connaissance du cédant, aucune raison pouvant servir de base à une telle action, procédure, enquête ou réclamation.’
Aux termes du même protocole, les époux [D] s’engageaient aussi à céder aux mêmes personnes la propriété du local servant à l’exploitation de l’entreprise, et ce, moyennant un prix de 100.000 €, cette opération ‘contituant, dans l’esprit des parties, un tout indivisible avec l’acquisition des titres de la société’.
Suivant avenant n° 1, en date du 31 janvier 2017, faisant suite au désengagement de M. [M], il était convenu que la cession se poursuivrait au profit de M. [U] seul ou de toute personne qu’il voudrait se substituer.
Suivant avenant n° 2, en date du 28 février 2017, les parties convenaient de différer le transfert des titres jusqu’au 31 mars 2017.
Suivant avenant n° 3, en date du 30 mars 2017, les parties convenaient de modifier l’article 14.3 du protocole comme suit :
‘En dehors de l’instance en cours devant le tribunal de commerce de Quimper impliquant la société [Couverture [D]], la société Celt’Ardoise, M. [S] [L] et la société Nedzink, dont l’acquéreur reconnaît avoir été pleinement informé :
– il n’existe, à ce jour, aucun litige entre la société, ses employés, fournisseurs ou tiers quelconques;
– il n’existe aucune action, procès ou procédure judiciaire, arbitrale ou administrative actuellement pendante ou prévue à la charge de la société ou affectant la société, ses biens ou affaires auxquelles elle est ou peut devenir partie, et il n’existe, à la connaissance du cédant, aucune raison pouvant servir de base à une telle action, procédure, enquête ou réclamation.’
Suivant acte sous seing privé du 31 mars 2017, une fois l’ensemble des conditions suspensives levées, les époux [D] réitéraient la cession des parts sociales au profit de la société Art Doise Holding (ci-après la holding), société constituée à cet effet et finalement substituée à M. [U].
Suivant acte notarié du même jour, les époux [D] cédaient également l’immeuble, aux conditions précitées, au profit de la SCI [Localité 12] (la SCI), société constituée à cet effet par M. [U] ainsi que par la société Art Doise Holding.
Par lettre recommandée du 20 mars 2018, M. [U], la holding et la SCI, s’estimant victimes de réticences dolosives de la part des vendeurs, réclamaient l’annulation pure et simple de la vente des titres ainsi que de l’immeuble, et mettaient les époux [D] en demeure de leur restituer l’intégralité des sommes versées en exécution de ces deux contrats.
Par lettre recommandée du 26 avril 2018, les époux [D], récusant toute attitude dolosive, refusaient d’accéder aux demandes adverses, et sommaient par ailleurs la SCI de s’acquitter de sa quote-part de taxe foncière afférente à l’année 2017.
En l’absence de règlement amiable du litige, M. [U], la holding et la SCI saisisaient le tribunal de commerce de Lorient.
Par jugement du 18 janvier 2019, la société Couverture [D] était placée sous sauvegarde, la holding l’ayant été à son tour par jugement du 22 mars 2019, de même que la SCI par jugement du 25 mars 2019.
Désignée en qualité de mandataire judiciaire, la Selas [J] [C] intervenait alors à l’instance aux côtés de M. [U], de la holding et de la SCI.
Par jugement du 2 décembre 2019, le tribunal :
– donnait acte à la Selas [J] [C] de son intervention volontaire à l’instance et la déclarait recevable;
– jugeait que les époux [D] n’avaient pas intentionnellement dissimulé des informations dont ils connaissaient le caractère déterminant pour M. [U] en qualité de dirigeant de la holding et de la SCI;
– déboutait M. [U], la holding et la SCI de leurs demandes d’annulation des actes de cession du 31 mars 2017;
– déboutait les époux [D] de leur demande reconventionnelle en réparation de leur préjudice moral;
– condamnait solidairement M. [U] et la SCI à payer aux époux [D] une somme de 941,18 € en remboursement de la taxe foncière, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018;
– déboutait M. [U], la holding et la SCI de leur demande de condamnation solidaire des époux [D] au paiement d’une somme de 58,22 €;
– disait n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– déboutait les parties du surplus de leurs demandes;
– condamnait solidairement M. [U], la holding et la SCI aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 décembre 2019, M. [U], la holding, la SCI ainsi que la Selas [J] [C] ès qualités interjetaient appel de cette décision.
Une première clôture intervenait par ordonnance du 24 février 2022, l’affaire étant renvoyée à l’audience du 15 mars 2022.
Toutefois, il devait apparaître que la holding et la SCI avaient été placées en liquidation judiciaire par jugements du 19 juin 2020, la Selas [J] [C] ayant alors été déchargée de ses fonctions de mandataire pour être chargée de celles de liquidateur.
Aussi et par arrêt du 15 mars 2022, la présente cour constatait l’interruption de l’instance, révoquait l’ordonnance de clôture et invitait les parties à régulariser la procédure.
M. [U] concluait à nouveau le 16 mai 2022, désormais aux côtés de la Selas [C]-[K] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la holding et de la SCI.
Les époux [D] concluaient à leur tour le 17 mai 2022.
La clôture intervenait ainsi à l’ouverture de l’audience du 21 juin 2022.
Par un avis adressé aux parties le 19 juillet 2022, la cour invitait les époux [D] à produire, au plus tard pour le 25 août 2022, les déclarations de créances qu’ils auraient déposées dans le cadre des procédures collectives ouvertes à l’égard de la holding et de la SCI.
Par une première note en délibéré, en date du 22 août 2022, les époux [D] faisaient savoir qu’ils n’avaient pas encore déclaré leurs créances auprès des deux procédures collectives, précisant néanmoins qu’ils seraient toujours recevables à le faire, dans l’hypothèse d’une annulation des ventes, dans le délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir ; en toute hypothèse, ils maintenaient leurs demandes subsidiaires tant à l’égard de la holding et de la SCI que de M. [U] lui-même.
Par une note en réponse, en date du 24 août 2022, la Selas [C]-[K] ès qualités et M. [U] concluaient au contraire à la forclusion des créances alléguées par les époux [D] à l’encontre de la holding et de la SCI, de même qu’au débouté des mêmes demandes formées à l’encontre de M. [U], non valablement coobligé du fait de la nullité de son engagement.
Par une nouvelle note en délibéré, en date du 25 août 2022, les époux [D] maintenaient que leurs demandes subsidiaires demeuraient recevables et bien-fondées, tant à l’encontre de la holding et de la SCI, que de M. [U].
Par une ultime réponse, en date du même jour, le liquidateur judiciaire ès qualités et M. [U] concluaient de nouveau à l’irrecevabilité des demandes subsidiaires formées à l’encontre de la holding et de la SCI, et au débouté de celles dirigées à l’encontre de M. [U].
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [U] et la Selas [C]-[K] ès qualités demandent à la cour de :
Vu les articles 1137, 1178 et 1240 du code civil,
Vu l’article 330 du code de procédure civile,
A titre principal :
– donner acte à la Selas [C]-[K] de son intervention volontaire à l’instance, en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Art Doise Holding et [Localité 12];
– la déclarer recevable;
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions;
– dire et juger que les époux [D] ont intentionnellement dissimulé des informations dont ils savaient le caractère déterminant pour M. [U], ancien représentant légal de la holding et de la SCI;
En conséquence,
– prononcer la nullité du contrat conclu le 31 mars 2017 entre les époux [D] et la holding;
– prononcer la nullité du contrat conclu le 31 mars 2017 entre les époux [D] et la SCI;
– remettre les parties dans la situation antérieure à la conclusion des contrats;
– ordonner la restitution par la holding, aujourd’hui représentée par son liquidateur, des titres de la société Couverture [D] aux cédants;
– dire et juger que la holding et M. [U] conserveront les fruits de la société Couverture [D] ;
– dire et juger que la SCI conservera les fruits de l’immeuble;
– condamner solidairement les époux [D] à restituer à la holding, aujourd’hui représentée par son liquidateur, le prix de cession des parts de la société Couverture [D], soit une somme de 220.000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017 ;
– condamner solidairement les époux [D] à restituer à la SCI, aujourd’hui représentée par son liquidateur, le prix de cession de l’immeuble, soit une somme de 100.000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017 ;
– condamner solidairement les époux [D] à restituer à la SCI, aujourd’hui représentée par son liquidateur, une somme de 7.854,74 € correspondant aux frais notariés engagés pour la rédaction de l’acte de vente ;
– condamner solidairement les époux [D] à restituer à la holding, aujourd’hui représentée par son liquidateur, une somme de 6.636,11 € au titre des frais bancaires vainement exposés par cette dernière;
– condamner solidairement les époux [D] à restituer à la SCI, aujourd’hui représentée par son liquidateur, une somme de 4.856,90 € au titre des frais bancaires vainement exposés par cette dernière;
– condamner solidairement les époux [D] à restituer à la holding, aujourd’hui représentée par son liquidateur, une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d’avoir pu obtenir une meilleure rémunération du capital de 220.000 € investi dans l’acquisition des titres de la société Couverture [D];
– condamner solidairement les époux [D] à payer à M. [U] la somme de 58,22 €;
– condamner solidairement les époux [D] à payer à M. [U] la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral;
Subsidiairement :
– ordonner la compensation entre les sommes dues par les parties,à concurrence de la plus faible;
En tout état de cause :
– condamner les époux [D] à payer à M. [U], à la holding et à la SCI représentées par la Selas [C]-[K] ès qualités une somme de 12.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner les époux [D] aux entiers dépens.
Au contraire, les époux [D] demandent à la cour de :
Vu les articles 1130, 1137 et 1313 du code civil,
A titre principal :
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que les époux [D] n’avaient dissimulé aucune information déterminante du consentement des acquéreurs à la cession des parts de la société Couverture [D];
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les demandeurs de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions;
A titre subsidiaire :
– ordonner la restitution en valeur des parts de la société Couverture [D] aux époux [D];
– condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, M. [U] et la holding à verser aux époux [D] la somme de 220.000 € en indemnisation de la perte de valeur des parts restituées;
– condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, M. [U] et la holding à restituer aux époux [D] les fruits reçus de la société Couverture [D] à hauteur de 40.000 €;
– condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, M. [U] et la SCI à verser aux époux [D] la somme de 100.000 € en indemnisation de la perte de valeur de l’immeuble;
– ordonner la compensation entre les sommes dues par les parties, à concurrence de la plus faible;
En tout état de cause :
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [D] de leur demande d’indemnisation du préjudice moral et condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, M. [U], la holding et la SCI à verser aux époux [D] une somme de 10.000 € en réparation de leur préjudice moral;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement M. [U] et la SCI à payer aux époux [D] la somme de 941,18 € en remboursement de la taxe foncière, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018;
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [D] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, M. [U], la holding et la SCI à payer aux époux [D] une somme de 12.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
– les condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions et notes en délibéré précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
I – Sur la demande tendant à la nullité de la cession des parts de la société Couverture [D]:
L’article 1130 du code civil dispose :
‘L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.’
S’agissant du dol, il est défini à l’article 1137 comme ‘le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges’, ledit article ajoutant que ‘constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.’
A – Sur le défaut de révélation de litiges opposant la société Couverture [D] à plusieurs de ses clients :
Aux termes de l’article 1.4 du protocole de cession de parts sociales, les parties ont stipulé ce qui suit :
‘L’engagement d’acquisition de l’acquéreur et le prix d’acquisition des titres ont été déterminés en considération notamment :
– des résultats réalisés par la société au cours des derniers exercices tels qu’ils résultent en particulier des comptes annuels arrêtés au 30 septembre 2013, au 30 septembre 2014 et au 30 septembre 2015;
– des déclarations et garanties données par le cédant à l’acquéreur dans le protocole et dans la garantie de passif stipulée au titre II des présentes’.
Au nombre des déclarations et garanties, il est précisé à l’article 14 du protocole:
‘14.3. Litiges :
Il n’existe, à ce jour, aucun litige entre la société, ses employés, fournisseurs ou tiers quelconques.
Il n’existe aucune action, procès ou procédure judiciaire, arbitrale ou administrative actuellement pendante ou prévue à la charge de la société ou affectant la société, ses biens ou affaires auxquelles elle est ou peut devenir partie, et il n’existe, à la connaissance du cédant, aucune raison pouvant servir de base à une telle action, procédure, enquête ou réclamation.’.
Certes, cet article a été amendé par avenant du 30 mars 2017 qui a modifié l’article 14.3 comme suit :
‘ En dehors de l’instance en cours devant le tribunal de commerce de Quimper impliquant la société [Couverture [D]], la société Celt’Ardoise, M. [S] [L] et la société Nedzink, dont l’acquéreur reconnaît avoir été pleinement informé :
– il n’existe, à ce jour, aucun litige entre la société, ses employés, fournisseurs ou tiers quelconques;
– il n’existe aucune action, procès ou procédure judiciaire, arbitrale ou administrative actuellement pendante ou prévue à la charge de la société ou affectant la société, ses biens ou affaires auxquelles elle est ou peut devenir partie, et il n’existe, à la connaissance du cédant, aucune raison pouvant servir de base à une telle action, procédure, enquête ou réclamation.’
Ainsi les époux [D] ont-ils alors reconnu, in extremis puisque la veille de la réitération du protocole (réitéré suivant acte du 31 mars 2017) et alors que M. [U] venait de l’apprendre incidemment par une autre source, que la société Couverture [D] faisait l’objet d’un procès de la part de l’un de ses clients.
En dépit de son caractère tardif, cette information n’en est pas moins intervenue avant la réitération de la cession.
Par suite, M. [U], qui aurait pu se prévaloir de cette révélation pour renégocier les conditions de la vente voire pour se rétracter, ne saurait, dès lors, se plaindre de cette dissimulation pour réclamer l’annulation de son engagement puisque c’est finalement en toute connaissance de ce litige qu’il a néanmoins persisté dans sa décision d’acquérir.
Pour autant et en revanche, les époux [D] ont cru devoir réaffirmer, à l’occasion de cet avenant, qu’à l’exception de ce seul litige, ils n’en connaissaient aucun autre ni n’avaient connaissance d’aucun procès ni même d’aucune raison pouvant servir de base à une action, procédure, enquête ou réclamation de la part de quiconque.
Tel n’était pas le cas puisque plusieurs procédures étaient, sinon déjà en cours, à tout le moins en germe et susceptibles de conduire à la mise en cause de la garantie ou de la responsabilité de la société Couverture [D].
1 – Sur le litige [F] :
Il résulte des pièces du dossier qu’aux termes d’un acte délivré le 21 février 2017, la société Couverture [D] a été assignée devant le président du tribunal de grande instance de Quimper, statuant en référé, aux fins de la voir appeler à des opérations d’expertise déjà en cours au sujet d’une construction à laquelle l’entreprise de couverture avait participé, les époux [F], maîtres de l’ouvrage, se prévalant en effet de la garantie décennale des constructeurs, dont celle de la société Couverture [D] au titre du lot couverture-étanchéité.
D’ailleurs, avant même cette assignation, les époux [D] avaient déjà eu connaissance de la mise en cause de leur société puisqu’ils avaient adressé une déclaration de sinistre à leur assureur, celui-ci (Axa France) leur ayant fait savoir, par une lettre du 2 mars 2017, soit plusieurs semaines avant la réitération du protocole de cession, qu’il émettait toutes protestations et réserves quant à la mise en oeuvre de sa garantie.
Certes, les époux [D] concluent que ce sinistre n’a jamais été dissimulé à M. [U], affirmant même que celui-ci, censément présent au siège de l’entreprise tous les jours du mois de février 2017, aurait eu connaissance de l’assignation au moment de sa signification, ce qu’il conteste.
Au demeurant, les époux [D] ne rapportent pas la preuve de cette affirmation, étant notamment observé :
– qu’il n’est nullement établi que l’acte ait été remis à M. [U] lui-même, lequel n’aurait d’ailleurs eu aucune qualité pour le réceptionner, puisque n’étant pas encore le dirigeant de la société Couverture [D] à cette date ;
– qu’il ne résulte pas non plus d’aucune des attestations versées aux débats par les époux [D] que M. [U] ait été informé, d’une manière ou d’une autre, de l’existence du procès intenté par les époux [F] à la société Couverture [D], ni même d’un simple litige en rapport avec ce chantier de construction.
C’est encore vainement que les époux [D] prétendent minimiser les conséquences de cette mise en cause, alors au contraire :
– que pour solliciter l’extension des opérations d’expertise à la société Couverture [D], l’expert avait rédigé une note aux parties qui, annexée à l’assignation du 21 février 2017, mentionne que ‘la couverture en zinc de la maison présente des non-conformités aux règles de l’art’;
– que si les époux [D] affirment aujourd’hui qu’ils auraient remédié depuis à ces difficultés en faisant réaliser de ‘menus travaux de reprise’, pour autant ils s’abstiennent de justifier de la date à laquelle ils l’auraient fait.
En tout état de cause et quelle qu’en soit l’issue, l’extension des opérations d’expertise judiciaire à la société Couverture [D] constituait à tout le moins un ‘litige’, au sens de l’article 14.3 du protocole de cession, qui aurait nécessité que M. [U] en fût informé, ce d’autant plus qu’à la même période, par un avenant en date du 30 mars 2017, les époux [D] avaient bien dû reconnaître, face aux demandes d’explications de l’acquéreur qui l’avait appris par une autre source, que la société faisait l’objet d’un autre procès (affaire [L]).
A cet égard, les époux [D] ne sauraient se prévaloir d’un ‘oubli malencontreux’ comme ils le concluent aujourd’hui, cette nouvelle omission, dans le contexte précité, relevant au contraire d’une dissimulation.
Dès lors que cette information, si elle avait été portée à la connaissance de M. [U], était susceptible d’influer sur son consentement à acquérir les parts de la société, du moins aux conditions financières précédemment convenues entre les parties, alors au surplus que l’intéressé venait d’apprendre l’existence d’un autre procès dont les époux [D] avaient initialement omis de l’informer, cette nouvelle dissimulation revêt nécessairement un caractère intentionnel de la part des vendeurs.
2 – Sur le litige Le Squéré :
M. [U] explique avoir découvert, depuis la réitération de la cession, que la garantie décennale de la société Couverture [D] était à nouveau mise en cause par une autre cliente, la société Le Squéré, au titre de désordres affectant des travaux de couverture réalisés en juillet 2011, ce que les époux [D] ne pouvaient pas ignorer puisqu’ils avaient été invités à y remédier par une lettre de la cliente en date du 6 juin 2016.
Cependant et ainsi que les époux [D] le font justement valoir, il n’y avait plus de litige à la date de réitération de la cession puisqu’un ‘arrangement amiable’ venait d’intervenir entre la société Couverture [D] et sa cliente ainsi que cette dernière en atteste elle-même, l’entreprise ayant en effet commandé des travaux satisfactoires le 31 mars 2017, soit le jour même de la signature de l’acte rétératif de cession.
Dès lors, le litige étant réglé, les époux [D] n’étaient pas tenus d’en informer l’acquéreur.
3 – Sur le litige [Adresse 11] :
Il résulte des pièces du dossier :
– qu’aux termes d’un acte délivré le 9 avril 2015, la société Couverture [D] avait été assignée devant le président du tribunal de grande instance de Lorient, statuant en référé, aux fins de la voir convoquer à des opérations d’expertise consécutives à des infiltrations provenant des toitures de la résidence;
– qu’à l’occasion d’une note adressée aux parties le 10 novembre 2016, l’expert désigné avait confirmé la réalité des désordres, les avait estimés ‘consécutifs à des défauts d’exécution’, et avait conclu que ‘la responsabilité de la SARL [D] qui a réalisé ces travaux d’étanchéité [pouvait] être envisagée’;
– qu’après avoir adressé à la société Couverture [D], par lettre du 15 décembre 2017, une mise en demeure d’avoir à lui régler une somme de 16.277,07 € correspondant au coût des travaux réparatoires ainsi que de divers frais exposés à l’occasion de la procédure et de l’expertise judiciaire, la copropriété des Sables Blancs a fait assigner au fond la société sur le fondement de la garantie décennale, et ce, par un acte du 13 septembre 2018.
Certes, les époux [D] font valoir que cette mise en demeure, de même que l’assignation au fond, sont postérieurs à la signature de l’acte de cession, de sorte qu’ils ne pouvaient pas en révéler l’existence à M. [U] au jour de la cession.
Pour autant, il convient encore de rappeler que depuis près de deux ans déjà, les époux [D] savaient parfaitement que la responsabilité de leur entreprise était mise en cause à raison de désordres susceptibles de relever de la garantie décennale.
A tout le moins et au plus tard depuis le dépôt de la note d’expertise du 10 novembre 2016, soit plusieurs semaines avant la signature du protocole de cession, ils avaient connaissance que l’expert mettait en cause l’entreprise de couverture pour une mauvaise exécution prétendue de travaux d’étanchéité.
A minima et sans préjuger de son issue judiciaire, ils savaient néanmoins qu’il existait un ‘litige’ entre leur société et la copropriété, voire une ‘action’ opposant les deux parties, au sens de l’article 14.3 du protocole de cession, même si aucun procès au fond n’avait encore été engagé à cette époque.
Dès lors que la société Couverture [D] s’était déjà vu réclamer par la copropriété, à tort ou à raison, le paiement d’une somme de 16.277,07 €, les époux [D] ne pouvaient pas, en toute bonne foi, s’abstenir d’en informer le candidat repreneur de leur entreprise, sauf à le priver d’une information susceptible d’influer sur son consentement à acquérir, à tout le moins aux conditions financières convenues entre les parties.
Compte tenu du contexte précité, caractérisé par la non-révélation d’autres litiges déjà en cours, cette nouvelle dissimulation revêt nécessairement un caractère intentionnel de la part des époux [D].
4 – Sur le litige Auffret :
De nouveau, M. [U] fait valoir que la société Couverture [D] a reçu une assignation en référé-expertise mettant en cause sa responsabilité pour un défaut d’étanchéité de la toiture de ce client, ce que les époux [D] ne pouvaient pas ignorer pour avoir déjà participé à plusieurs réunions d’expertise amiable.
Cependant, la cour observe :
– que l’assignation, en date du 6 septembre 2017, est postérieure à l’acte de cession;
– que si elle fait mention d’un sinistre survenu dès l’automne 2016 ainsi que de réunions d’expertise amiable, pour autant il n’y est pas précisé si la société Couverture [D] y a effectivement participé, alors par ailleurs que d’autres entreprises sont susceptibles d’y avoir été appelés, notamment l’architecte, l’entrepreneur du gros oeuvre, l’enduiseur, et plus généralement tous les corps de métier qui ont finalement été appelés aux opérations d’expertise judiciaire;
– que si l’assignation fait état d’une recherche de fuites réalisée le 24 mars 2017, soit quelques jours avant la signature de l’acte de cession, pour autant le rapport d’investigation – qui confirme l’existence d’infiltrations susceptibles d’être imputées au couvreur – n’a été communiqué à la société [D] qu’en date du 20 avril, soit postérieurement à la signature de l’acte réitératif de cession;
– que ce n’est finalement qu’au cours de l’été 2017, soit postérieurement à la réitération de la cession, que l’entreprise de couverture a tenté de remédier à ces fuites, a priori sans succès, ce qui explique la délivrance de l’assignation du 6 septembre 2017.
Ainsi, la preuve n’est pas rapportée, au vu des seules pièces versées aux débats, que les époux [D] aient été informés de l’existence de ce ‘litige’, au sens de l’article 14.3 du protocole de cession, au moment où ils ont cédé les parts de leur société.
En conséquence, aucune dissimulation dolosive ne saurait leur être reprochée à ce titre.
5 – Sur le litige [Adresse 9] :
M. [U] fait encore valoir que la société Couverture [D] a reçu une convocation à une réunion d’expertise amiable qui, depuis, a débouché sur la mise en cause de la responsabilité de l’entreprise pour un défaut d’étanchéité de la toiture de la résidence ‘[Adresse 9]’, ce que les époux [D] ne pouvaient pas ignorer pour avoir été sollicités à plusieurs reprises par cette cliente afin d’y remédier.
Cependant, la cour observe :
– que la lettre de convocation de l’expert est postérieure à l’acte de cession, puisqu’en date du 20 avril 2017 seulement;
– que si cette lettre fait certes référence à une déclaration de sinistre adressée dès le 22 mars 2017, pour autant cette déclaration s’entend de celle adressée par le maître d’ouvrage à son propre assureur de dommages ouvrage, et non d’une lettre de réclamation adressée par le maître d’ouvrage à la société Couverture [D] ;
– qu’il n’est pas non plus justifié de réclamations préalables de la part du maître de l’ouvrage auprès de l’entreprise de couverture, ni de réparations infructueuses que celle-ci aurait tentées.
Ainsi, la preuve n’est pas rapportée que les époux [D] étaient informés, à la date à laquelle ils ont cédé leur entreprise, de l’existence du litige opposant leur société à la copropriété du [Adresse 9].
En conséquence, aucune dissimulation dolosive ne saurait leur être reprochée à ce titre.
6 – Sur le litige [H] :
Se prévalant de plusieurs messages électroniques par lesquels ce client a demandé à la société Couverture [D] d’intervenir sur une couverture réalisée par elle en 2011, M. [U] reproche aux époux [D] de lui avoir dissimulé l’existence de ce qu’il qualifie de ‘litige’.
Cependant, les échanges précités ne relevaient pas d’un ‘litige’ au sens de l’article 14.3 du protocole de cession, puisque le client ne se plaignait pas de malfaçons imputées à l’entreprise de couverture mais revendiquait seulement, au nom de l’ancienneté de leurs relations commerciales, que celle-ci veuille bien, à titre de ‘service’, réaliser pour lui, gratuitement, quelques travaux de peinture.
Ainsi et dès lors que le client, qui demandait tout au plus un geste commercial, n’aurait jamais pu intenter de procès à l’entreprise de couverture, les époux [D] n’étaient pas tenus d’en informer M. [U].
En tout état de cause, aucune dissimulation dolosive ne saurait leur être reprochée à ce titre.
7 – Sur le litige Euzen :
M. [U] fait valoir qu’il a reçu, en date du 24 février 2018, une lettre de ce client qui, déplorant des infiltrations en divers endroits d’un ouvrage réalisé quelques années plus tôt par la société Couverture [D], invitait celle-ci, déjà intervenue à trois reprises, ‘à prendre cette fois sérieusement le problème en considération’, sauf à ce que le sinistre soit déclaré au titre de la garantie décennale.
Il produit également une lettre du 20 novembre 2013 par laquelle un assureur a invité la société Couverture [D] à participer à des opérations d’expertise amiable en rapport avec ces mêmes inflitrations.
Quant aux époux [D], ils confirment que leur entreprise était déjà intervenue sur ce sinistre, que les travaux nécessaires avaient été entrepris, et qu’aucun désordre ne subsistait au jour de la cession.
Dès lors et en l’absence de preuve contraire, la lettre du 24 février 2018 s’analyse en la déclaration d’un nouveau sinistre, peu important qu’il ait succédé à un sinistre antérieur, voire qu’il ait été la conséquence de réparations non conformes aux règles de l’art.
En toute hypothèse, rien ne laissant prévoir l’apparition de ce nouvel événement, alors qu’ils pouvaient considérer le précédent sinistre définitivement résolu, les époux [D] n’étaient pas tenus d’en informer M. [U] au moment de la reprise de leur entreprise.
Aucune dissimulation dolosive ne saurait leur être reprochée à ce titre.
8 – Sur le litige [Z] :
M. [U] justifie avoir reçu, en date du 26 avril 2017, un message de ce client déplorant des infiltrations survenues au niveau d’une couverture et expliquant que M. [D] était déjà venu constater le défaut en septembre 2016 et pour programmer une intervention qui n’avait finalement jamais eu lieu.
Dès lors, il reproche aux époux [D] de lui avoir dissimulé ce litige.
Pour s’en défendre, les époux [D] expliquent que l’infiltration provenait en réalité d’une menuiserie réalisée par un autre artisan, de sorte que la responsabilité de la société Couverture [D] ne pouvait pas être engagée. Ils constatent d’ailleurs que M. [Z] n’a jamais intenté aucune procédure à l’encontre de l’entreprise, de sorte qu’il n’existait pas de litige en cours au moment de la cession.
Cependant, la cour observe que les époux [D] ne produisent aucune pièce à l’appui de leurs affirmations, tandis qu’au contraire le message de M. [Z] témoigne de ce que M. [D] avait prévu d’intervenir pour remédier aux désordres, ayant admis par là même que la garantie de son entreprise était susceptible d’être mise en oeuvre.
Dès lors, faute d’avoir entrepris les travaux promis avant qu’intervienne la cession, la société Couverture [D] s’exposait a minima au risque d’un procès de la part de son client. A tout le moins, cette situation s’analysait en une ‘raison pouvant servir de base’ à un procès, au sens de l’article 14.3 du protocole de cession.
En conséquence, les époux [D] ne pouvaient pas, de bonne foi, s’abstenir d’en informer M. [U], sauf à le priver d’une information susceptible d’influer sur son consentement à acquérir, du moins à le faire aux conditions financières convenues entre les parties.
Compte tenu des circonstances déjà évoquées (plusieurs litiges non révélés), cette nouvelle dissimulation revêt nécessairement un caractère intentionnel de la part des époux [D].
9 – Sur le litige Maison de Santé de [Localité 2] :
M. [U] explique avoir reçu, en date du 10 octobre 2017, une lettre de la Ville de [Localité 2], qui avait fait réaliser par la société Couverture [D] des travaux de toiture sur son centre de soins, déplorant des infiltrations en divers endroits de l’ouvrage et invitant l’entreprise, déjà intervenue à plusieurs reprises, à remédier enfin à une difficulté ‘qui n’avait que trop duré’.
Il produit également la copie d’échanges intervenus entre les parties courant 2015 et 2016 et confirmant la réalité des désordres, ainsi que de plusieurs réclamations adressées par le maître d’ouvrage à l’entreprise de couverture.
Cependant, les époux [D] affirment que l’entreprise est alors intervenue, que les travaux nécessaires avaient été entrepris, et qu’aucun désordre ne persistait au jour de l’acte de cession.
Dès lors, en l’absence de preuve contraire, la lettre du 10 octobre 2017 s’analyse en une nouvelle déclaration de sinistre survenu postérieurement à la cession, peu important qu’il ait succédé à un sinistre antérieur, voire qu’il ait été la conséquence de réparations non conformes aux règles de l’art.
En toute hypothèse, rien ne laissant prévoir l’apparition de ce nouvel événement, alors qu’ils pouvaient considérer le précédent sinistre définitivement résolu, les époux [D] n’étaient pas tenus d’en informer M. [U] au moment de la reprise de leur entreprise.
Aucune dissimulation dolosive ne saurait leur être reprochée à ce titre.
B – Sur l’existence de chantiers non couverts par l’assureur de la société Couverture [D] :
Aux termes de l’article 14.4 du protocole de cession, les vendeurs ont affirmé que la société Couverture [D] avait soucrit des polices d’assurance, notamment pour couvrir sa garantie décennale, dont les primes avaient été régulièrement payées, et que ces polices couvraient en montant de garantie suffisante les biens et la responsabilité de la société.
Ils ont ajouté qu’il n’existait aucun événement ou situation qui puisse conduire à la remise en cause de cette garantie.
Or, il est constant qu’à l’occasion d’un sinistre déclaré par l’une des clientes de l’entreprise [D] (la SARL Les Quatre Vents, exploitante d’un restaurant situé à [Localité 7] dont le local commercial avait été revêtu d’une sur-couverture), l’assureur a dénié sa garantie au motif que les travaux réalisés n’étaient pas de ‘technique courante’.
Se prévalant également de deux autres situations similaires (la ‘Foirfouille’ à [Localité 10], la société Digipro à [Localité 6]) pour lesquels il existerait ‘un risque sérieux’ de non-garantie, M. [U] en déduit que les époux [D] lui ont intentionnellement dissimulé cette difficulté.
Toutefois, la cour observe :
– que la difficulté alléguée ne relève pas d’un défaut ou d’une insuffisance d’assurance, mais seulement d’une dénégation de garantie, justifiée ou non, de la part de l’assureur;
– qu’avant le 5 avril 2018, date à laquelle, pour la première fois, l’assureur a dénié sa garantie dans le cadre du sinistre des Quatre vents, la société Couverture [D] ne pouvait pas savoir que l’assureur refuserait de garantir la technique dite de ‘sur-couverture’, aucun élément ne le laissant présager;
– que de même, à l’époque où l’entreprise a réalisé des travaux similaires sur les chantiers de [Localité 10] et de [Localité 6], la société Couverture [D] ne pouvait pas anticiper la position de l’assureur, ni même en envisager le risque.
A fortiori, à la date du protocole de cession, alors que les sinistres ne s’étaient pas encore produits et que l’assureur n’avait pas encore fait connaître sa position quant à leur prise en charge, les époux [D] ne pouvaient pas informer M. [U] d’une difficulté qu’ils n’avaient pas encore pu identifier eux-mêmes.
Dès lors, aucune réticence ou dissimulation dolosive ne saurait leur être reprochée à ce titre.
C – Sur le défaut de révélation d’un redressement de cotisations :
Aux termes de l’article 14.2 du protocole de cession, les époux [D] ont déclaré ce qui suit :
‘Les déclarations, formulaires et états fiscaux et sociaux que la société est tenue d’établir, souscrire ou déposer, ont été sincèrement et régulièrement établis, souscrits et déposés auprès des administrations intéressées.
Tous les impôts, droits, taxes, contributions, cotisations et charges quelconques ont été régulièrement comptabilisés et payés dans les délais requis.
Aucune notification ou mise en demeure n’a été reçue par la société et aucune procédure en matière fiscale ou sociale n’est actuellement en cours ou susceptible de faire naître, à son encontre, des obligations qui n’auraient pas été comptabilisées ou suffisamment provisionnées.
Il n’existe aucun risque de rappel d’impôts, cotisations sociales, taxes ou droits quelconques à la charge de la société.’
Or, il résulte des pièces du dossier :
– que, postérieurement à la cession, la société Couverture [D] a fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017;
– qu’à l’issue de ce contrôle, l’organisme lui a notifié deux lettres d’observations lui notifiant un double redressement de cotisations;
– qu’il est en effet apparu que, depuis plusieurs années déjà, la société avait régulièrement recours à la sous-traitance d’un artisan qui, quant à lui, venait d’être verbalisé pour travail dissimulé par dissimulation d’activité;
– que de son côté et en dépit des obligations incombant à tout donneur d’ordre en application des articles L 8222-1 et suivants du code du travail , la société Couverture [D] s’était abstenue de vérifier que son sous-traitant était effectivement à jour de ses propres obligations déclaratives et de paiement, la société ayant en effet négligé de se faire remettre par celui-ci, comme la loi lui en faisait pourtant l’obligation, l’ensemble des documents prévus à l’article D 8222-5 du code du travail, notamment la justification de son immatriculation au RCS ou à la chambre des métiers, ou encore la justification de l’acquittement régulier de ses cotisations;
– qu’ainsi et par suite de son propre manquement à son obligation de vigilance, la société Couverture [D] s’est vu redresser à double titre :
* d’une part, au titre de la solidarité financière existant entre le donneur d’ordre et son sous-traitant, la société se voyant ainsi réclamer le paiement des cotisations éludées par le sous-traitant indélicat pour une somme totale de 13.302 € selon décompte figurant dans la première lettre d’observations de l’URSSAF;
* d’autre part, en se voyant appliquer la sanction complémentaire prévue en pareil cas par l’article L 133-4-4 du code de la sécurité sociale, à savoir la remise en cause de l’intégralité des allègements de cotisations dont la société avait bénéficié elle-même au cours de la période considérée, en l’occurrence des réductions ‘Fillon’ sur les bas salaires pour une somme totale de 75.000 € selon décompte figurant dans la seconde lettre d’observations.
Certes, ce double redressement n’est intervenu qu’en 2019, soit postérieurement à l’acte de cession.
Pour autant, il trouve son origine dans des événements antérieurs à celle-ci, alors par ailleurs que M. [U] explique que l’expert-comptable avait déjà informé les époux [D] du risque de redressement s’ils devaient persister à s’affranchir de leurs obligations légales en omettant de vérifier que leur sous-traitant était à jour de ses déclarations et de ses paiements.
En effet, le mécanisme institué par les articles L 8222-2 et suivants du code du travail fait peser sur le donneur d’ordre une présomption de responsabilité, plus précisément de solidarité, avec tout sous-traitant pratiquant le travail dissimulé, cette solidarité s’appliquant dès lors seulement que le donneur d’ordre manque à son devoir de vigilance.
Les dirigeants de la société Couverture [D], qui ne l’ignoraient pas, ont pris ainsi le risque de faire travailler un artisan dont ils savaient ou auraient dû savoir qu’il n’était pas régulièrement déclaré.
C’est encore vainement que les époux [D] soutiennent, en l’absence de justification des suites réservées au redressement opéré à l’encontre de la société, qu’elle serait toujours susceptible de le contester ou d’en faire réduire le montant.
En effet et en tout état de cause, M. [U] n’aurait certainement pas acquis la société Couverture [D], ou du moins ne l’aurait pas acquise au prix convenu entre les parties, s’il avait eu connaissance d’un tel risque de redressement, a fortiori d’un montant aussi élevé, alors par ailleurs que la sanction notifiée par l’URSSAF apparaît difficilement contestable, tant dans son principe que dans son montant, eu égard aux obligations très strictes qui incombent à tout donneur d’ordre.
C’est encore en vain que les époux [D] reprochent à M. [U] de ne pas avoir activé la garantie de passif prévue au contrat de cession, dès lors en effet :
– d’une part que cette garantie était plafonnée à 50.000 €, soit un montant inférieur au montant du redressement, ce qui peut expliquer que l’acquéreur ait renoncé à l’activer;
– d’autre part et en tout état de cause, que l’existence d’une telle garantie ne fait pas obstacle à l’exercice de toute autre action, notamment en nullité de la vente pour dol.
En conséquence, la cour retiendra qu’eu égard à leurs reponsabilités de dirigeants d’une entreprise soumise à une obligation aussi importante que celle prévue à l’article L 8222-1 du code du travail, les époux [D], qui savaient eux-mêmes ne pas être en règle au regard de cette obligation, ne pouvaient pas, du moins de bonne foi, s’abstenir d’informer M. [U], candidat acquéreur, du risque de redressement qui persistait à peser sur la société à acquérir, sauf à le priver d’une information qui n’aurait pas manqué d’influer sur son consentement à contracter, du moins à le faire aux conditions financières convenues entre les parties.
Compte tenu des circonstances précédemment évoquées, cette nouvelle dissimulation revêt nécessairement un caractère intentionnel de la part des époux [D].
D – Sur le risque non révélé de poursuites pénales pour ‘faux et usage de faux’ :
M. [U] dit avoir découvert, depuis l’acte de cession, que la société Couverture [D] avait pris l’habitude de sous-facturer certains travaux par rapport aux devis initiaux, ce qui pouvait avantager ses clients sur le moment en leur faisant bénéficier, bien qu’illégalement, d’une économie de TVA, mais les priver ensuite du bénéfice de la garantie du constructeur et de son assureur.
Il explique ainsi que le sous-acquéreur d’un bâtiment sur lequel la société avait réalisé des travaux de couverture, a déposé plainte pour faux et usage de faux, qu’il a lui-même été convoqué au commissariat de police pour en répondre, et que c’est à cette occasion qu’il a découvert les agissements des anciens dirigeants de la société et le caractère relativement généralisé de cette pratique illicite de sous-facturation, appliquée à plusieurs autres chantiers réalisés par l’entreprise [D].
De leur côté, les époux [D] récusent cette pratique et contestent toute falsification de leur part, expliquant seulement qu’il était courant qu’un client renonçât finalement à faire réaliser une partie des travaux initialement envisagés, ce qui expliquerait la différence de montant entre les devis et les factures.
Ils estiment qu’aucun risque de poursuites pénales ne menace en réalité la société à ce titre, et que M. [U] a saisi l’occasion d’un banal différend avec l’un de ses clients pour déposer plainte à son tour à leur encontre et tenter de donner du crédit à sa thèse invraisemblable d’un dol.
Au vu des seules pièces versées aux débats, la cour ne dispose pas des éléments suffisants pour se convaincre de la réalité, vraie ou supposée, de la pratique imputée par M. [U] aux anciens dirigeants de la société Couverture [D].
Par ailleurs, il apparaît que le sous-acquéreur mécontent a déposé plainte, non pas contre la société elle-même, mais contre la personne qui lui a revendu l’immeuble.
Dès lors, le risque de poursuites pénales allégué par M. [U] est trop hypothétique pour que les époux [D], à supposer même qu’ils aient pu l’identifier, puissent se voir reprocher de ne pas en avoir averti l’acheteur.
En conséquence, aucun dol ne saurait leur être reproché à ce titre.
E – Sur la dissimulation des comptes du dernier exercice ainsi que d’une ultime distribution de dividendes décidée le 16 janvier 2017 :
M. [U] reproche aux époux [D] de ne pas lui avoir fourni les comptes sociaux du dernier exercice et, par ailleurs, d’avoir profité d’une assemblée générale du 16 janvier 2017, postérieure à la conclusion du protocole de cession, pour procéder à une distribution de dividendes d’un montant de 10.000 € par prélèvement sur les comptes de la société.
Cependant, l’article 11 de la convention réitérative de cession, en date du 31 mars 2017, stipule que le cessionnaire reconnaît avoir reçu l’ensemble des documents ‘à jour’ de la société cédée.
Il appartenait donc à M. [U] d’en prendre connaissance et, le cas échéant, de refuser de réitérer son acquisition ou d’exiger d’en voir modifier les conditions financières, s’il s’avérait que la société s’était appauvrie depuis la signature du protocole initial.
Faute de l’avoir fait, M. [U] ne saurait reprocher aux époux [D] une quelconque dissimulation dolosive à ce titre.
F – Sur l’émission d’avoirs douteux passés en comptabilité le 31 mars 2017 :
M. [U] reproche encore aux époux [D] d’avoir passé en comptabilité, le jour même de la cession définitive, quinze avoirs douteux correspondant à des litiges clients au sujet desquels aucune information ne lui aurait été donnée.
Au contraire, les époux [D] justifient ces opérations comptables, classiques selon eux, par l’appréciation du caractère définitivement irrécouvrable des créances correspondantes.
En tout état de cause, M. [U] n’explique pas en quoi ces opérations auraient été de nature à nuire à la société, ni en quoi son consentement à l’acquérir aurait été trompé.
En conséquence, aucun dol ne saurait être reproché aux époux [D] à ce titre.
G – Sur le risque fiscal pesant sur la société :
M. [U] explique avoir découvert que les anciens dirigeants de la société [D] avaient pris l’habitude de déduire de son assiette imposable les cotisations d’un contrat de prévoyance et de santé ‘Madelin’ souscrit par M. [D] et ce, au-delà du plafond de déductibilité admissible.
Il ajoute que l’expert-comptable de la société n’avait pas manqué d’avertir ses clients du risque de redressement fiscal qui en résultait.
En défense, les époux [D] font valoir que la société n’a subi aucun redressement fiscal de ce chef et que le risque qu’elle puisse en subir un aujourd’hui a définitivement disparu eu égard à la la prescription applicable en matière fiscale, d’une durée de trois ans, qui s’oppose dorénavant à tout redressement au titre de l’exercice litigieux, soit l’exercice clos le 30 septembre 2014.
La cour ne suivra pas les intimés dans ce raisonnement, étant en effet rappelé :
– que le dol doit être apprécié au jour de la conclusion du contrat;
– qu’or, à la date à laquelle les époux [D] ont vendu leurs parts, soit le 31 mars 2017, la société demeurait encore exposée au risque d’un redressement fiscal;
– qu’ils avaient pourtant été expressément prévenus de ce risque par leur expert-comptable qui atteste en effet de ce qui suit : ‘M. [U], […], je vous confirme que lors de la présentation du bilan du 30 septembre 2014, j’ai informé les époux [D] des faits suivants, à savoir que le montant des cotisations des contrats Madelin comptabilisés en charges déductibles dépassait le plafond de déductibilité et que je me devais de réintégrer la part non déductible. Ceux-ci m’ont précisé qu’ils ne souhaitaient pas la réintégration de cette part non déductible et m’ont demandé de laisser le bilan en l’état. Je leur avais, lors de cet entretien, demandé un courrier ou un mail me confirmant cette position, confirmation que je n’ai évidemment pas reçue’.
Les époux [D] étaient donc parfaitement informés du risque de redressement fiscal qui pesait sur la société cédée à M. [U].
Par ailleurs et contrairement aux affirmations des époux [D], la pratique litigieuse n’a pas concerné que le seul exercice clos le 30 septembre 2014, mais également les deux exercices suivants, 2015 et 2016, de sorte que le risque de redressement a perduré bien au-delà de l’année 2017.
Ainsi, en s’abstenant d’en informer M. [U] au moment de la cession, les époux [D] ont délibérément tu des informations qui, si elles avaient été connues du candidat acquéreur, l’aurait nécessairement dissuadé de contracter ou, à tout le moins, l’auraient incité à renégocier des conditions financières lui permettant de faire face à un éventuel redressement.
Compte tenu des circonstances précédemment évoquées, cette énième dissimulation revêt nécessairement un caractère intentionnel de la part des époux [D].
H – Sur le caractère déterminant des dissimulations imputables aux époux [D] :
Il vient d’être démontré que les époux [D] avaient dissimulé plusieurs informations à M. [U], et notamment :
– l’existence de plusieurs litiges en cours avec des clients de la société Couverture [D], voire de procès déjà engagés à son encontre : litige [F], litige Sables Blancs, litige [Z];
– l’existence d’un risque de redressement de cotisations sociales, risque qui s’est d’ailleurs concrétisé depuis;
– l’existence d’un risque de redressement fiscal, toujours présent au jour de la réitération de l’acte de cession.
Il vient aussi d’être démontré que ces dissimulations étaient intentionnelles, eu égard au contexte dans lequel les époux [D] avaient tu ces informations à l’acquéreur.
Enfin, il convient de relever leur accumulation, de même que l’importance de leurs conséquences financières pour la société, soit :
– une réclamation non encore chiffrée pour le litige [F], mais d’un montant potentiellement élevé, s’agissant de malfaçons affectant une toiture ;
– une réclamation d’ores et déjà chiffrée à la somme de 16.277,07 € pour le litige Sables Blancs;
– une réclamation d’un montant total avéré de 88.302 €, s’agissant du double redressement de cotisations;
– enfin un risque de redressement fiscal, non chiffré à ce jour, mais portant sur des impôts éludés pendant trois ans.
Par ailleurs, l’importance de ces dissimulations doivent être mises en perspective avec le prix de cession des parts sociales, soit 220.000 €, les sommes susceptibles d’être réclamées à la société cédée atteignant voire excédant la moitié de ce prix.
L’ensemble de ces éléments conduisent à considérer que les informations dont M. [U] a été indûment privé de la part des époux [D] étaient déterminantes de son consentement à acquérir les parts sociales en ce qu’il n’aurait pas contracté, ou du moins l’aurait fait à des conditions financières substantiellement différentes, s’il les avait connues.
En conséquence, le dol est caractérisé, et les conditions d’une annulation de la vente des parts sociales réunies.
Par suite et par application de l’article 1178 du code civil, la nullité sera prononcée, le contrat annulé censé n’avoir jamais existé, et les restitutions ordonnées sous la forme :
– d’une part, de la restitution par la holding, prise en la personne de son liquidateur, des parts sociales acquises auprès des époux [D] ; à cet égard et contrairement aux affirmations des intimés, il n’existe nul obstacle à ce que la holding, nonobstant l’état de liquidation judiciaire de la société Couverture [D], se dessaisisse desdites parts en nature, alors en effet que le jugement de liquidation, s’il entraîne la dissolution de plein droit de la société, demeure en revanche sans effet sur sa personnalité morale qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la clôture de la procédure collective, de même que sur les parts elles-mêmes qui conservent leur existence juridique jusqu’au terme de celle-ci ;
– d’autre part, de la condamnation des époux [D] au remboursement du prix de vente qu’ils ont perçu, soit une somme totale de 220.000 €.
En revanche et dans la mesure où le capital était détenu par moitié entre les époux [D] (à concurrence de 250 parts chacun), il n’y a pas lieu à condamnation solidaire, étant en effet observé:
– que chacun des vendeurs doit restituer le prix qu’il a personnellement reçu de l’acquéreur, soit 110.000 €;
– qu’il n’existe aucune solidarité légale ou conventionnelle justifiant que l’un soit tenu à restituer la somme due par l’autre.
Le jugement sera infirmé en ce sens, et les deux condamnations ainsi prononcées assorties des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017, date du contrat annulé et des paiements ainsi remis en cause.
II – Sur la demande tendant à la nullité de la cession de l’immeuble :
Le protocole de cession stipule que ‘parallèlement à la cession des titres, l’acquéreur entend acquérir, par acte séparé, l’ensemble immobilier servant à l’exploitation du fonds de commerce de couverture, zinguerie, étanchéité, bardage, fabrication et pose de charpente, situé à [Localité 12], propriété actuelle du cédant, moyennant le prix de 100.000 € net vendeur et hors frais, cette opération constituant, dans l’esprit des parties, un tout indivisible avec l’acquisition des titres de la société’.
Il en résulte que M. [U], via la SCI [Localité 12], n’aurait certainement pas acquis l’immeuble s’il n’avait pas simultanément acquis les titres de la société Couverture [D].
Dès lors et quand bien même l’acte de vente de l’immeuble n’est pas lui-même affecté d’un vice, la nullité de la cession des titres entraîne celle de la vente de l’immeuble, et ce, du fait de l’inter-dépendance unissant les deux contrats.
Par suite et en application de l’article 1178 du code civil, la nullité sera prononcée, le contrat annulé réputé n’avoir jamais existé, et les restitutions ordonnées sous la forme :
– d’une part, de la restitution par la SCI, prise en la personne de son liquidateur, de l’immeuble acquis auprès des époux [D] ; à cet égard, il n’existe nul obstacle juridique, nonobstant son état de liquidation judiciaire, à ce que la SCI se dessaisisse de l’immeuble, alors que le liquidateur offre lui-même de le faire en contrepartie du remboursement du prix de cession;
– d’autre part, de la condamnation des époux [D], communs en biens sur l’immeuble vendu, au remboursement du prix qu’ils ont perçu, soit la somme de 100.000 €.
Le jugement sera infirmé en ce sens, et la condamnation ainsi prononcée assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017, date du contrat annulé et du paiement ainsi remis en cause.
III – Sur les demandes complémentaires formées par les appelants :
L’article 1178 du code civil dispose que, indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage qu’elle a subi et ce, dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra-contractuelle.
Ainsi et du fait du comportement fautif des auteurs du dol, la société Art Doise Holding est recevable et bien fondée à leur réclamer le remboursement de la somme de 7.854,74 € qu’elle justifie avoir exposée, en pure perte et par la faute des époux [D], au titre des frais notariés qu’elle a dû acquitter en qualité d’associée de la SCI [Localité 12] pour acquérir l’immeuble.
De même, la société Art Doise Holding est recevable et bien fondée à réclamer le remboursement de la somme totale de 6.636,11 € qu’elle justifie avoir exposée, en pure perte et par la faute des époux [D], au titre des frais de dossier, des frais de garantie, des intérêts d’emprunt, des primes d’assurance emprunteur et des indemnités de remboursement anticipé, dans le cadre de l’acquisition des parts sociales.
En revanche, la société Art Doise Holding n’est pas fondée à réclamer une indemnité en réparation de la perte de chance qu’elle invoque d’avoir pu faire un meilleur placement du capital qu’elle a investi dans l’acquisition des titres. En effet, elle reconnaît elle-même qu’elle ne détenait pas ce capital puisqu’ayant dû l’emprunter afin d’acquérir les titres.
Quant à la SCI [Localité 12], elle est recevable et bien fondée à réclamer le remboursement de la somme totale de 4.856,90 € qu’elle justifie avoir exposée, en pure perte et par la faute des époux [D], au titre des frais de dossier, des frais de garantie, des intérêts d’emprunt, des primes d’assurance emprunteur et des indemnités de remboursement anticipé, dans le cadre de l’acquisition de l’immeuble.
Enfin, M. [U] est lui-même recevable et bien fondé à réclamer l’indemnisation du préjudice moral qu’il a personnellement subi par suite d’une acquisition malheureuse à laquelle il aurait renoncé si les époux [D] ne lui avaient pas dissimulé toutes les faiblesses de leur entreprise. Au regard du contexte de l’affaire, du nombre et de l’importance des tromperies commises, le préjudice subi par l’intéressé sera indemnisé à hauteur d’une somme de 10.000 €. En revanche, faute d’explications sur l’origine et les raisons de la créance alléguée par lui pour un montant de 58,22 €, M. [U] sera débouté de la demande en paiement qu’il forme en ce sens.
IV – Sur les demandes reconventionnelles formées par les époux [D] :
A – Sur la demande (principale) tendant au paiement de la somme de 941,18 € en remboursement d’une quote-part de taxe foncière :
Les époux [D] demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné solidairement M. [U] et la SCI [Localité 12] à leur payer la somme de 941,18 € en remboursement de la quote-part de taxe foncière qu’ils disent avoir acquittée à la place de l’acquéreur au titre de l’année 2017, et ce, pour la période postérieure à la cession de l’immeuble (soit du 31 mars au 31 décembre 2017).
S’agissant de la demande dirigée contre la SCI, désormais en liquidation judiciaire, elle est irrecevable, faute pour les époux [D] d’avoir déclaré la créance correspondante au passif de la procédure collective, étant en effet rappelé que ladite créance, exigible au plus tard au moment de l’acquittement de la taxe dès l’automne 2017, est née antérieurement au jugement d’ouverture de la sauvegarde de la SCI, lui-même en date du 25 mars 2019, de sorte qu’il appartenait aux créanciers prétendus de la déclarer dans les deux mois de la publication dudit jugement, conformément aux dispositions de l’article L 622-24 du code de commerce.
S’agissant de la demande dirigée contre M. [U], bien que recevable, elle sera néanmoins rejetée, étant rappelé :
– que l’annulation de la vente de l’immeuble emporte remise des parties dans l’état où elles se trouvaient avant la vente, les époux [D] étant dès lors réputés avoir toujours été propriétaires de l’immeuble;
– que dans ces conditions, à supposer même que M. [U] ait été tenu solidairement des engagements pris par la SCI acquéreur de l’immeuble, il ne saurait en tout état de cause être redevable d’une taxe qui n’incombe qu’aux seuls propriétaires, soit les époux [D].
B – Sur la demande (subsidiaire) tendant à la restitution en valeur des parts sociales:
Les époux [D] demandent la condamnation solidaire de M. [U] et de la société Art Doise Holding, dans l’hypothèse de l’annulation de la vente et de la restitution des parts qui s’ensuivrait, à les indemniser de la perte de valeur desdites parts, et ce à hauteur de la somme de 220.000 €, les intimés faisant en effet valoir que l’acquéreur est seul responsable de la déconfiture de l’entreprise du fait de sa mauvaise gestion.
Contrairement aux affirmations des appelants, cette demande indemnitaire, même dirigée contre une société en liquidation judiciaire, demeure recevable bien que les époux [D] n’aient pas déclaré la créance alléguée au passif de la procédure collective.
En effet, s’agissant d’une créance de restitution, elle ne naîtrait que du présent arrêt prononçant l’annulation de la vente des titres. Par là même, née postérieurement au jugement d’ouverture de la sauvegarde, elle ne pouvait pas être déclarée dans le délai prévu au premier alinéa de l’article L 622-24 du code de commerce, ne pouvant l’être que dans le délai prévu au sixième alinéa dudit article, soit à compter de la date d’exigibilité de la créance alléguée.
Pour autant et en tout état de cause, cette demande sera rejetée au fond, tant à l’encontre de la holding que de M. [U], étant en effet observé :
– qu’en application de l’article 1352 du code civil, il n’y a lieu à restitution en valeur d’une chose autre que d’une somme d’argent que si la restitution en nature s’avère impossible;
– qu’or, il a été précédemment démontré que la restitution en nature des parts de la société Couverture [D] demeurait possible, nonobstant l’état de liquidation judiciaire de ladite société, dès lors qu’elles conservent leur existence juridique jusqu’à la publication du jugement de clôture de la procédure collective.
Certes, l’article 1352-1 dispose que celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, toutefois ‘à moins qu’il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute’.
Or, d’une part la bonne foi de la holding, prise en la personne de son dirigeant M. [U], ne saurait être mise en cause, puisque ce dernier n’est pas lui-même responsable de l’annulation de la vente, laquelle est la conséquence des dissimulations dolosives imputables aux seuls époux [D].
D’autre part, les époux [D] ne rapportent pas la preuve des fautes de gestion ou de direction qu’ils prétendent imputer à M. [U], étant observé à cet égard :
– que la cour ne saurait prendre pour argent comptant les attestations de quelques ex-salariés d’une entreprise en liquidation judiciaire qui croient pouvoir reprocher à leur ancien employeur de ne ‘rien connaître à la couverture’ ou encore d’avoir fait preuve d’exigences excessives à leur égard;
– qu’elle ne saurait non plus prendre pour incontestables les attestations de quelques clients mécontents des services de l’entreprise [D], ou encore d’un unique maître d’oeuvre qui dénonce ‘l’incompétence et les limites techniques de M. [U]’;
– que par ailleurs et en dépit des difficultés ayant conduit à la liquidation judiciaire de l’entreprise, M. [U], en sa qualité de dirigeant, n’a fait l’objet d’aucune poursuite pour faute de gestion de la part des organes de la procédure collective;
– qu’enfin, les époux [D] sont assez mal placés pour dénoncer les fautes du repreneur, a fortiori pour prétendre avoir ‘géré sainement et efficacement l’entreprise pendant plus de vingt ans’, alors au contraire qu’ils ont eux-mêmes commis plusieurs fautes de gestion, notamment en manquant à leur devoir de vigilance vis-à-vis d’un sous-traitant, ce qui a d’ailleurs conduit à un redressement massif de cotisations dont seul le repreneur a eu à subir les conséquences, ce qui peut aussi expliquer, au moins pour partie, l’ouverture de la procédure collective, alors au surplus que M. [U] devait également supporter les mises en causes répétées, et parfois dissimulées, de la garantie décennale due par les époux [D] au titre de chantiers passés.
En conséquence, les époux [D] ne pourront qu’être déboutés de leur demande d’indemnisation pour perte de valeur des parts sociales restituées.
C – Sur la demande (subsidiaire) tendant à la restitution des fruits perçus :
Les époux [D] réclament à ce titre la condamnation solidaire de M. [U] et de la société Art Doise Holding au paiement d’une somme de 40.000 € au titre de dividendes perçus par l’acquéreur suivant décision de l’associée unique de la société Couverture [D] en date du 2 mars 2018.
Ici encore, cette demande est recevable, nonobstant l’absence de déclaration de la créance correspondante au passif de la procédure collective.
En effet, s’agissant encore d’une créance de restitution, elle ne naîtrait que du présent arrêt prononçant l’annulation de la vente des titres. Par là même, née postérieurement au jugement d’ouverture de la sauvegarde, elle ne pouvait pas être déclarée dans le délai prévu au premier alinéa de l’article L 622-24 du code de commerce.
Sur le fond, il faut rappeler :
– que l’article 1352-3 du code civil dispose que la restitution inclut les fruits et que, sauf stipulation contraire, s’ils ne se retrouvent pas en nature, la restitution a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l’état de la chose au jour du paiement de l’obligation;
– qu’ainsi, la restitution des fruits n’est pas subordonnée à la mauvaise foi du débiteur de l’obligation de restituer.
Par suite, la société Art Doise Holding, dont il n’est pas contesté qu’elle a effectivement perçu 40.000 € à titre de dividendes le 2 mars 2018, est tenue de les restituer aux époux [D], désormais réputés être restés propriétaires des parts sociales génératrices des dividendes distribués.
Conformément aux dispositions de l’article 1352-7 du code civil et eu égard à la bonne foi du restituant, cette créance de restitution ne produira d’intérêts de retard qu’à compter du jour de la demande formée par les époux [D], soit à compter de leurs conclusions de première instance en date du 23 avril 2020.
Cette restitution s’exécutera sous la forme d’une compensation entre les sommes dues entre les parties.
Par ailleurs, M. [U] ne saurait être tenu solidairement de cette restitution, étant en effet observé :
– d’une part que M. [U] n’a rien reçu lui-même, les dividendes ayant été servis à la seule holding;
– d’autre part que, par suite de l’annulation de la vente des titres, ont été réduites à néant l’ensemble des stipulations contractuelles relatives à la solidarité de M. [U] avec la société Art Doise Holding, l’intéressé n’étant plus tenu de rien à titre personnel.
D – Sur la demande (subsidiaire) tendant à la restitution en valeur de l’immeuble :
Les époux [D] demandent la condamnation solidaire de M. [U] et de la SCI à leur verser une somme de 100.000 € en indemnisation de la perte de valeur de l’immeuble.
Cependant, ici encore, ils ne justifient pas ce qui s’opposerait à une restitution de l’immeuble en nature, ni d’une diminution de la valeur de celui-ci dont la consistance n’a pas été altérée par la liquidation judiciaire de la SCI
En conséquence, les époux [D] seront déboutés de leur demande en paiement à ce titre.
E – Sur la demande (principale) en indemnisation du préjudice moral subi par les époux [D] :
Seuls responsables des dissimulations dolosives qui ont conduit à la présente procédure, les époux [D] ne sauraient obtenir aucune indemnisation des troubles et tracas que leur ont causés leurs propres fautes.
Ils seront donc déboutés de leurs demandes formées à l’encontre des appelants qui, quant à eux, n’ont commis ni faute ni abus de procédure.
V – Sur les autres demandes :
L’ensemble des parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
Enfin, parties perdantes, les époux [D] supporteront les entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
– confirme le jugement en ce qu’il a décerné acte à la Selas [C]-[K] de son intervention volontaire à l’instance et en ce qu’il l’a déclarée recevable;
– l’infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant :
* juge que M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] ont intentionnellement dissimulé à M. [V] [U] des informations sur l’état de la société Couverture [D], informations dont il connaissaient le caractère déterminant pour celui-ci dans sa décision d’acquérir les parts de la société;
* prononce en conséquence la nullité de l’acte du 31 mars 2017 portant acquisition par la société Art Doise Holding, substituée à M. [V] [U], des parts de la société Couverture [D];
* par suite de cette nullité, prononce celle de l’acte du 31 mars 2017, indissociable de l’autre acte annulé, portant acquisition par la SCI [Localité 12], substituée à M. [V] [U], de l’immeuble appartenant aux époux [D] et situé [Adresse 14] à [Localité 12];
* ordonne que les parties soient remises dans la situation où elles étaient antérieurement à la conclusion des deux contrats annulés;
* ordonne à la société Art Doise Holding, représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], de restituer aux époux [D] l’ensemble des titres de la société Couverture [D];
* ordonne à la SCI [Localité 12], représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], de restituer aux époux [D] l’immeuble situé [Adresse 14];
* condamne M. [I] [D] à payer à la société Art Doise Holding, représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], une somme de 110.000 € en remboursement du prix de cession des parts de la société Couverture [D], avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017;
* condamne Mme [W] [G] épouse [D] à payer à la société Art Doise Holding, représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], une somme de 110.000€ en remboursement du prix de cession des parts de la société Couverture [D], avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017;
* condamne solidairement M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] à payer à la SCI [Localité 12], représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], une somme de 100.000 € en remboursement du prix de vente de l’immeuble, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017;
* condamne solidairement M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] à payer à la société Art Doise Holding, représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], une somme de 7.854,74 € en remboursement des frais notariés qu’elle a acquittés en qualité d’associée de la SCI [Localité 12] pour permettre à celle-ci d’acquérir l’immeuble;
* condamne solidairement M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] à payer à la société Art Doise Holding, représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], une somme de 6.636,11 € en remboursement des frais bancaires qu’elle a exposés pour acquérir les parts de la société Couverture [D];
* condamne solidairement M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] à payer à la SCI [Localité 12], représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], une somme de 4.856,90 € en remboursement des frais bancaires qu’elle a exposés pour acquérir l’immeuble;
* condamne solidairement M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] à payer à M. [V] [U] une indemnité de 10.000 € en réparation de son préjudice moral;
* déclare irrecevable la demande en paiement formée par M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] à l’encontre de la SCI [Localité 12], représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], en remboursement de la taxe foncière;
* juge que la société Art Doise Holding, représentée par son liquidateur judiciaire la Selas [C]-[K], est redevable envers M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] d’une somme de 40.000 € à titre de créance de restitution de dividendes et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2020;
* ordonne la compensation entre les sommes dues par les parties;
* déboute les parties du surplus de leurs demandes;
* déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
* condamne M. [I] [D] et Mme [W] [G] épouse [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le greffierLe président