COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 19 Janvier 2023
N° RG 21/01286 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GXN2
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ANNECY en date du 18 Mars 2021, RG 20/00790
Appelant
M. [C] [U] [T]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5] – MAROC (20100), demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Mohamed AZOUAGH, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002748 du 06/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBERY)
Intimés
M. [G] [I]
né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 6] ITALIE, demeurant [Adresse 3]
SCI DES PRES MURIER dont le siège social est [Adresse 7] – prise en la personne de son représentant légal
Représentés par la SELARL TRAVERSO-TREQUATRINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d’ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 22 novembre 2022 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 19 mars 2011, M. [G] [I] a prêté à M. [C] [T] la somme de 10.000 euros, que ce dernier s’est engagé à rembourser, sans intérêt, pendant un délai de 4 mois, soit jusqu’au 19 juillet 2011, et passé ce délai, avec intérêt au taux de 10 %.
Le 13 avril 2011, M. [I] a prêté à M. [T] la somme de 7.500 euros que ce dernier s’est engagé à rembourser sans intérêt jusqu’au 19 juillet 2011 et passé ce délai, avec intérêts au taux de 10 %.
Aucun remboursement n’est intervenu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2020, M. [I], par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure M. [T] d’avoir à lui payer sous quinzaine un montant total de 33.293,38 euros, correspondant aux reconnaissances de dettes des 19 mars et 13 avril 2011, augmentées des intérêts arrêtés au 18 mai 2020 et des frais de recouvrement amiable.
Par ailleurs, au cours de l’année 2016, M. [I] a eu recours aux services de M. [R] [Y], artisan plombier, afin d’effectuer des travaux au domicile de M. [T]. Ces travaux auraient été payés par M. [I], ainsi que par la SCI des Prés Muriers.
C’est dans ces conditions que, par acte délivré le 30 août 2020, M. [I] et la société civile immobilière des Prés Muriers ont fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire d’Annecy, pour obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 10.000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 19 mars 2011, outre intérêts au taux contractuel de 10 % à compter du 20 juillet 2011,
– 7.500 euros au titre de la reconnaissance de dette du 13 avril 2011, outre intérêts au taux contractuel de 10 % à compter du 20 juillet 2011,
– 2.661,45 euros à titre de dommages et intérêts au titre des matériaux acquis dans le cadre des travaux réalisés à son domicile,
– 3.000 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2016 au titre de la facture réglée pour son compte,
– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [T] n’a pas comparu devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire d’Annecy a :
débouté la SCI des Prés Muriers de ses demandes visant à voir condamner M. [T] à lui payer la somme de 10.000 euros au principal, outre intérêts au taux contractuel de 10 % à compter du 20 juillet 2011 ainsi que la somme de 7.500 euros au principal, outre intérêts au taux contractuel de 10 % à compter du 20 juillet 2011,
condamné M. [T] à payer à M. [I] la somme de 10.000 euros, outre intérêts au taux de 10 % à compter du 20 juillet 2011, au titre de la reconnaissance de dette du 19 mars 2011,
condamné M. [T] à payer à M. [I] la somme de 7.500 euros, outre intérêts au taux de 10 % à compter du 20 juillet 2011, au titre de la reconnaissance de dette du 13 avril 2011,
débouté la SCI des Prés Muriers et M. [I] de leur demande visant à condamner M. [T] à leur payer la somme de 2 661.45 euros de dommages-intérêts, au titre des matériaux acquis dans le cadre des travaux prétendument réalisés à son domicile,
débouté la SCI des Prés Muriers et M. [I] de leur demande visant à condamner M. [T] à leur payer la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 08 juillet 2016, au titre de la facture prétendument réglée au nom et pour le compte de M. [T],
débouté la SCI des Prés Muriers de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [T] à payer à M. [I] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [T] aux entiers dépens,
rappelé que le jugement est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 18 juin 2021, M. [T] a interjeté appel de ce jugement.
Par acte délivré le 26 août 2021, M. [T] a fait assigner M. [I] en référé devant le premier président de la cour d’appel de Chambéry aux fins de voir arrêter l’exécution provisoire de la décision.
Par ordonnance contradictoire rendue le 9 décembre 2021, l’exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire d’Annecy du 18 mars 2021 a été arrêtée.
Par conclusions notifiées le 11 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [T] demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile,
Vu les articles 1379 et 2224 du code civil,
infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [T] à payer à M. [I] les sommes de 10.000 euros et 7.500 euros,
Statuant à nouveau,
débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
confirmer le même jugement en ce qu’il a débouté la SCI des Prés Muriers de ses demandes,
condamner M. [I] à payer à Me Azouagh la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,
condamner M. [I] aux entiers dépens.
M. [I] et la SCI des Prés Muriers ont constitué avocat devant la cour mais n’ont pas conclu.
L’affaire a été clôturée à la date du 24 octobre 2022 et renvoyée à l’audience du 22 novembre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 19 janvier 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
M. [T] soutient que les intimés n’ont pas respecté le principe du contradictoire devant le tribunal faute pour eux de lui avoir communiqué les pièces à l’appui de leurs demandes.
Toutefois, M. [T] ne tire aucune conséquence de droit de cet argument, notamment il n’invoque pas la nullité du jugement, étant en outre rappelé que, faute pour lui d’avoir constitué avocat devant le tribunal, les pièces des demandeurs, dont la liste figure dans l’assignation qui lui a été délivrée, ne pouvaient lui être communiquées.
Ce moyen est donc sans aucun effet sur la solution du litige.
En application de l’article 954 du code de procédure civile, dernier alinéa, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Ainsi, M. [I] et la SCI des Prés Muriers, qui n’ont pas conclu devant la cour, sont réputés solliciter la confirmation du jugement déféré et s’en approprier les motifs. Il en résulte qu’il n’y a pas lieu de statuer à nouveau sur les chefs du jugement dont la confirmation est également demandée par M. [T].
La cour n’est donc saisie que des condamnations prononcées à l’encontre de M. [T] au profit de M. [I] au titre des reconnaissances de dette des 19 mars et 13 avril 2011.
M. [T] invoque, à titre principal, la prescription des demandes formées plus de cinq ans après la date d’exigibilité des sommes selon les reconnaissances de dette.
En application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En l’espèce, aux termes de la reconnaissance de dette en date du 19 mars 2011, M. [T] a reconnu devoir à M. [I] la somme de 10.000 euros dans les termes suivants: «pour une durée de quatre mois. Dépassé ce délai soit le 19 juillet 2011 je devrai 10 % d’intérêt si cette somme de dix mille euros n’était pas remboursée à la date du 19 juillet 2011».
Selon l’acte du 13 avril 2011, M. [T] reconnaît avoir reçu un chèque de 7.500 euros de M. [I] pour paiement de frais de succession et précise: «je m’engage à rembourser Monsieur [G] [I] le 19 juillet 2011 du montant de ce prêt, si je dépassais le délai du 19 juillet 2011 je devrai la somme de 10 %».
Il résulte de ces reconnaissances de dette que le terme fixé était au 19 juillet 2011, de sorte que les sommes étaient exigibles à cette date, ce dont M. [I] avait une parfaite connaissance.
Le point de départ de la prescription est donc la date du 19 juillet 2011. Or l’action en paiement n’a été engagée par M. [I] que par assignation du 30 août 2020, soit plus de cinq ans après le point de départ de la prescription, de sorte que les demandes en paiement de M. [I] sont irrecevables comme prescrites.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
L’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 dispose que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à payer à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu’il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Il convient donc, en application de ces dispositions, de condamner M. [I] à payer à Me Azouagh, conseil de M. [T] bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, la somme de 2.000 euros.
M. [I] supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Annecy le 18 mars 2021 en ce qu’il a :
condamné M. [C] [T] à payer à M. [G] [I] la somme de 10.000 euros, outre intérêts au taux de 10 % à compter du 20 juillet 2011, au titre de la reconnaissance de dette du 19 mars 2011,
condamné M. [C] [T] à payer à M. [G] [I] la somme de 7.500 euros, outre intérêts au taux de 10 % à compter du 20 juillet 2011, au titre de la reconnaissance de dette du 13 avril 2011,
condamné M. [C] [T] à payer à M. [G] [I] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [C] [T] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau de ces chefs, et y ajoutant,
Déclare irrecevables comme prescrites les demandes en paiement de M. [G] [I] fondées sur les reconnaissances de dette signées par M. [C] [T] les 19 mars 2011 et 13 avril 2011,
Condamne M. [G] [I] à payer à Me Azouagh, avocat de M. [C] [T], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
Condamne M. [G] [I] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 19 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente