ARRÊT N° 22/523
PC
N° RG 21/00402 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FQM5
[R]
C/
[J]
[Y]
RG 1èRE INSTANCE : 19/02212
COUR D’APPEL DE SAINT- DENIS
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022
Chambre civile TGI
Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 13] en date du 29 janvier 2021 RG n°: 19/02212 suivant déclaration d’appel en date du 04 mars 2021
APPELANT :
Monsieur [V] [V] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Caroline BOBTCHEFF de la SELARL CAROLINE BOBTCHEFF, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMES :
Monsieur [L] [J]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Eric HAN KWAN de la SCP MOREAU -NASSAR – HAN-KWAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Monsieur [B] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Laurine VILLEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/3738 du 24/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 14])
CLÔTURE LE : 24 mars 2022
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Septembre 2022 devant la Cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 18 Novembre 2022.
Greffier lors des débats et du prononce : Madame Marina BOYER
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 18 Novembre 2022.
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LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [L] [J] est le propriétaire d’un terrain cadastré section [Cadastre 7] situé à Trois Bassins au lieu-dit « [Adresse 8] », du lotissement SOLANGE, sur lequel, il a entrepris l’édification d’une maison individuelle, confiée, suivant devis en date du 22 février 2016, à M. [B] [Y], artisan à l’enseigne entreprise A.C.N, pour un prix global, de 103.529,40 euros.
La construction du mur de soutènement a été réalisée par M. [V] [V] [R], entreprise individuelle à l ‘enseigne TERRASSEMENT [R], selon devis du 29 novembre 2016, moyennant le prix de 26 658 euros.
Par ordonnance du 13 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Pierre a, sur assignation de la SHLMR, propriétaire de parcelles contigües, ordonné une expertise portant sur l’excavation du terrain de M. [L] [J] et le mur de soutènement. Le rapport d’expertise a été déposé par Monsieur [K] le 11 août 2018.
Suivant acte d’huissier du 4 juillet 2019, Monsieur [L] [J] a assigné Monsieur [B] [Y] et Monsieur [V] [V] [R] devant le tribunal de grande instance de Saint-Pierre en responsabilité.
Par jugement en date du 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre a statué en ces termes :
– DEBOUTE M. [V] [V] [R] de sa demande de complément d’expertise,
– CONDAMNE in solidum M. [B] [Y] et M. [V] [V] [R] à payer à M. [L] [J] la somme de 139 603,22 euros,
– DIT que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera de la manière suivante :
M. [B] [Y] : 60 %
M. [V] [V] [R] : 40 %
– CONDAMNE in solidum M. [B] [Y] et M. [V] [R] à payer à M. [L] [J] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE in solidum M. [B] [Y] et M. [V] [R] aux dépens,
– DIT que la charge finale des dépens et celle de l’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus.
Par déclaration du 4 mars 2021, Monsieur [V] [V] [R] a interjeté appel du jugement précité.
L’affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 4 mars 2021.
Monsieur [V] [V] [R] a déposé ses premières conclusions d’appelant le 1er juin 2021.
Monsieur [L] [J] a déposé ses premières conclusions d’intimé le 6 juillet 2021.
Monsieur [B] [Y] a déposé ses uniques conclusions d’intimé et d’appel incident le 25 septembre 2021.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 mars 2022.
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PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant, déposées le 23 novembre 2021, Monsieur [V] [V] [R] demande à la cour de :
– INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de SAINT PIERRE du 29 janvier 2021,
– DEBOUTER Monsieur [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– DEBOUTER Monsieur [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– DIRE ET JUGER un partage de responsabilités s’agissant de la contribution à la dette entre Monsieur [Y] et son enseigne A.C.N, Monsieur [J] et Monsieur [R],
– DIRE ET JUGER que la part de Monsieur [R] ne saurait être supérieure à 25 %,
– Et en tout état de cause, DIRE ET JUGER que la part de Monsieur [R] ne saurait être égale à celle de Monsieur [Y],
– DIRE ET JUGER que Monsieur [R] ne pourra contribuer qu’à la créance de 110.629,07€ correspondant aux travaux de reprise,
– DIRE ET JUGER que Monsieur [R] ne pourra être condamné in solidum pour le préjudice de perte de surface,
– DIRE ET JUGER que Monsieur [R] ne pourra être condamné in solidum avec Monsieur [Y] pour les frais irrépétibles et les dépens de première instance,
– DEPENS comme de droit
L’appelant soutient qu’aucune faute lourde et exclusive ne peut lui être imputée. D’une part, il fait valoir qu’il est intervenu en qualité de sous-traitant à la demande de Monsieur [Y]. Il n’a eu aucune marge de man’uvre car Monsieur [Y] lui a imposé le budget, les dimensions et l’emplacement de construction du mur. En sa qualité de sous-traitant, l’appelant n’avait une obligation de conseil qu’à l’égard de l’entreprise principale, soit celle de Monsieur [Y], en raison de leur relation contractuelle. S’agissant de la relation entre l’appelant et Monsieur [J], elle n’est que de nature délictuelle. Dès lors, aucune faute ne peut être invoquée s’agissant de l’obligation de résultat ou de l’obligation de conseil. L’appelant a informé le maitre d »uvre des risques liés à l’édification d’un mur tel que demandé et au prix sollicité. Si ce dernier, en qualité de sachant, a finalement accepté de réaliser les travaux, c’est uniquement en raison de l’affirmation de Monsieur [Y] selon laquelle les futurs acquéreurs des parcelles voisines entendaient décaisser leurs terrains à hauteur du mur de soutènement à leurs frais.
D’autre part, il affirme que son intervention n’a pas participé à l’entier dommage dont se prévaut Monsieur [J]. Si le préjudice réel de Monsieur [J] tient à l’éboulement des parcelles voisines sur son terrain, il est alors indéniable que le mur de soutènement n’est en rien responsable d’un tel risque. En réalité, le risque d’effondrement est présent en raison des travaux d’excavation réalisés justement par Monsieur [Y] à la demande de Monsieur [J]. Le préjudice de Monsieur [J] est causé par l’excavation et non pas la construction du mur de l’appelant. Avec ou sans mur de soutènement, les risques d’éboulis seraient toujours présents et l’habitation de Monsieur [J] menacée. Le lien de causalité est totalement différent de ce qui a été retenu.
L’appelant plaide ensuite que Monsieur [J], maître de l’ouvrage et Monsieur [Y], maître d »uvre doivent voir leur responsabilité engagée. D’une part, il affirme que c’est l’entreprise A.C.N., gérée par Monsieur [Y], qui a commandé la construction d’un mur de soutènement aux dimensions bien inférieures à celles estimées initialement par l’appelant par contrainte budgétaire et par projection, précoce, des éventuels travaux entrepris sur les parcelles voisines. D’autre part, Monsieur [J] n’a cessé de faire des économies sur le coût du chantier alors même que les particularités du terrain ne le permettaient vraisemblablement pas. De surcroît, il a pris des risques en connaissance de cause car la fixation d’un budget de construction ou l’excavation du terrain sont des évènements à la portée de sa compréhension.
L’appelant soutient également que sa part de responsabilité ne saurait être supérieure à 25 % ou égale à celle de Monsieur [Y]. Non seulement une faute doit être retenue à l’encontre de Monsieur [J], mais le risque d’effondrement est aussi présent en raison des travaux d’excavation réalisés par Monsieur [Y].
L’appelant ajoute qu’il ne peut être condamné in solidum pour les préjudices de Monsieur [J]. Les prétendues fautes de l’appelant ne sont aucunement en lien direct et certain avec la perte de surfaces des terrains voisins. Pour la construction du mur de soutènement, Monsieur [R] ne peut être condamné à « financer » des travaux autres que ceux de destruction et de reprise de son mur aux dimensions plus importantes. Dès lors, l’appelant ne peut être obligé à une dette distincte trouvant son origine dans un préjudice distinct.
Enfin selon l’appelant, sa condamnation à verser 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, doit être infirmée. D’une part, aucune mise en demeure préalable n’a été adressée à l’appelant avant la procédure en référé puis la procédure au fond.
Or, l’article 56 du code de procédure civile impose une telle démarche avant de saisir le tribunal. D’autre part, la condamnation ne saurait être in solidum alors que l’appelant a été le seul défendeur proactif tant lors de la procédure en référé que lors de la procédure de première instance au fond en constituant avocat. Il ne saurait être tenu au paiement des mêmes sommes que Monsieur [Y].
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Aux termes de ses dernières conclusions d’intimé et d’appel incident déposées le 25 septembre 2021, Monsieur [B] [Y] demande à la cour de :
– ACCUEILLIR Monsieur [Y] en son argumentation et la DIRE fondée ;
– DECLARER Monsieur [R] mal fondé en son appel ;
– DEBOUTER Monsieur [R] de l’intégralité de ses demandes ;
– ACCUEILLIR Monsieur [Y] en son appel incident ;
– INFIRMER le jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal Judiciaire de Saint-Pierre ;
– STATUER à nouveau ;
– JUGER que Monsieur [J] avait pleinement connaissance des désordres liés à l’excavation et au mur de soutènement ;
– CONSTATER que Monsieur [J] ayant concouru à la réalisation de son propre préjudice en acceptant les risques, a commis une faute de nature à réduire le montant de son indemnisation ;
– PREVOIR un partage de responsabilités entre Monsieur [J], Monsieur [R] et Monsieur [Y] concernant la contribution à la dette selon la répartition suivante :
Monsieur [J] : 30%
Monsieur [R] : 35%
Monsieur [Y] : 35%
– JUGER que Monsieur [Y] ne pourra contribuer qu’à la créance de 110.629,07 euros correspondant aux travaux de reprise ;
– JUGER que la responsabilité de Monsieur [Y] ne saurait être retenue et qu’il n’a pas à contribuer à la dette de 28.974,75 euros due par Monsieur [J] à la SHLMR ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour estimait que Monsieur [J] n’a pas commis de faute,
– PREVOIR un partage de responsabilités entre Monsieur [R] et Monsieur [Y] concernant la contribution à la dette selon la répartition suivante :
Monsieur [R] : 50%
Monsieur [Y] : 50%
– DEBOUTER Monsieur [R] et Monsieur [J] de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– STATUER ce que de droit quant aux dépens.
Selon l’intimé, rien ne saurait justifier une diminution de la part de responsabilité de Monsieur [R] et que ce dernier ne soit pas condamné in solidum. Il fait valoir que Monsieur [R] a failli à son obligation de résultat en construisant des murs de soutènement au mépris des règles de sécurité. Il ajoute que le sous-traitant est tenu à une obligation de conseil et de mise en garde à l’égard de l’entrepreneur principal. Il est établi par l’expert que Monsieur [R] a failli à son devoir de conseil et à son obligation de résultat, ce qu’a très justement retenu le tribunal. De surcroît, l’intimé soutient que le sous-traitant a également une obligation de critique. Monsieur [R] ne peut donc soutenir qu’il n’était qu’un « simple exécutant » des directives de l’intimé, alors même qu’il était sachant et parfaitement compétent pour réaliser la construction du mur de soutènement, à l’inverse de l’intimé. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, si le sous-traitant estime que la solution technique est insuffisante ou inefficace, il est tenu à l’égard de son cocontractant d’un devoir de critique, comme l’a très justement rappelé le tribunal.
Monsieur [Y] forme appel incident et sollicite de la cour d’infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau de retenir que Monsieur [J] a commis une faute engageant sa responsabilité en acceptant les risques dont il avait parfaitement connaissance et de prévoir une nouvelle répartition de la contribution à la dette.
L’appelant incident soutient que Monsieur [J] avait pleinement connaissance des désordres liés à l’excavation et au mur de soutènement dont l’appelant incident lui avait fait part et en a accepté les risques. C’est donc à tort que les juges du fond n’ont pas retenu la responsabilité de Monsieur [J] qui a donc concouru à la réalisation de son préjudice.
L’appelant incident ajoute qu’en raison des fautes respectives commises par Monsieur [J] et Monsieur [R], le partage de responsabilité retenu par le tribunal doit être infirmé. Il fait également valoir que seul le montant des travaux de démolition et de reconstruction du mur de soutènement (110.619,01 €) sont justifiés suivant devis versé aux débats. Par contre, la somme de 28.974,75 € correspond à une dette personnelle de Monsieur [J] auprès de la SHLMR qui n’est pas partie à la procédure. Monsieur [J] s’est engagé personnellement à verser cette somme à la SHLMR dans le cadre d’un contrat signé le 16 mars 2020 par lui et la SHLMR exclusivement et rien ne saurait justifier que cette somme soit mise à la charge de l’appelant incident.
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Aux termes de ses dernières conclusions d’intimé déposées le 02 novembre 2021, Monsieur [L] [J] demande à la cour de :
– CONFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de Saint-Pierre en date du 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;
– CONDAMNER Monsieur [V] [V] [R] à verser à Monsieur [L] [J] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel.
L’intimé affirme que Monsieur [Y] a commis une faute lourde. Il fait valoir que ce dernier a non seulement manqué à son obligation de résultat, mais qu’il a commis une faute lourde dès lors que le rapport d’expertise relève que les travaux n’ont pas été exécutés conformément aux règles de l’art ni aux stipulations contractuelles du cahier des charges et du permis de construire, pourtant obtenu sur les plans fournis par Monsieur [Y] lui-même, et en non-considération des règles de sécurité. De surcroît, Monsieur [Y] a en outre failli à son devoir de conseil et d’information en ne précisant pas à son maître de l’ouvrage les conséquences qu’auraient l’excavation supplémentaire réalisée sur son terrain et les terrains voisins ; et la non-conformité de ces travaux par rapport au permis de construire obtenu sur les plans de Monsieur [Y].
L’incompétence et l’inconscience constatées par l’expert caractérisent la faute lourde qui engage la responsabilité du constructeur et maître d »uvre de fait, Monsieur [Y], à indemniser l’intégralité du préjudice qui découle directement de sa défaillance grave dans l’exécution de sa mission contractuelle. C’est à bon droit que les premiers juges ont dit que Monsieur [Y] a manqué à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vice, engageant sa responsabilité contractuelle à l’égard du maître de l’ouvrage.
L’intimé soutient également que Monsieur [R] a commis une faute en tant que constructeur sous-traitant. En sa qualité de professionnel, Monsieur [R] ne pouvait accepter de construire un mur dangereux en sa conception. La faute de ce professionnel est évidente dès lors que le rapport d’expertise relève « l’inconscience et même l’incompétence à envisager des risques d’accidents mortels » alors qu’en sa qualité de professionnel sachant, il devait avoir pleine conscience de ces risques et des vices de conception de la construction qu’il élevait. Monsieur [R] a en effet accepté de construire un mur de soutènement à moindre coût, comme le semble avoir demandé Monsieur [Y], et il a accepté de réaliser la construction manifestement instable, sans aucune considération pour les dangers encourus par les terrains voisins, par l’intimé, propriétaire du terrain, mais également pour les risques encourus par les ouvriers. La faute de Monsieur [R] n’est donc pas sérieusement contestable, ni son lien de causalité direct avec le préjudice subi par le terrain de M. [J] et les terrains voisins.
L’intimé ajoute que les fautes du constructeur, Monsieur [Y], et de son sous-traitant, Monsieur [R], ont manifestement concouru à réaliser l’entier dommage et ils ont été à bon droit condamnés in solidum à réparer l’entier dommage résultant de la construction d’un mur de soutènement impropre à sa destination. Monsieur [J] a confié la construction de sa maison à Monsieur [Y], conformément aux plans du permis de construire qu’il venait d’obtenir sur les plans de Monsieur [Y]. Monsieur [Y] s’est adjoint les services de Monsieur [R] sans consulter Monsieur [J]. Monsieur [R] n’avait aucun contact avec l’intimé, sa seule relation était avec Monsieur [Y], avec lequel il devait naturellement travailler en étroite collaboration pour réaliser l’ouvrage prévu.
Dans ces circonstances, il n’apparaît pas possible de « répartir » les responsabilités entre les constructeurs professionnels, Monsieur [Y] et Monsieur [R], en écartant la condamnation in solidum, alors qu’ils devaient en tout état de cause collaborer étroitement afin de réaliser l’ouvrage conformément aux plans du permis de construire et conformément aux règles de l’art, garantissant sa stabilité. Ni l’un ni l’autre n’a veillé au respect des charges que pouvait soutenir le mur en construction, ni au respect du bon emplacement du mur, ni à la pose de matériaux drainants permettant aux barbacanes de fonctionner ; créant un risque d’effondrement certain.
Dans ces circonstances, la jurisprudence commande de retenir la responsabilité in solidum du constructeur et de son sous-traitant vis-à-vis du maître de l’ouvrage dès lors que leurs fautes ont concouru à réaliser l’entier dommage. Les fautes des deux constructeurs étant pleinement caractérisés, il convient de les déclarer responsables in solidum.
L’intimé soutient enfin qu’il a subi un préjudice matériel certain et en lien direct avec les fautes sus-alléguées des constructeurs et du maître d »uvre de fait. Ce préjudice est en outre constitué par les effondrements déjà survenus sur le terrain de l’intimé, de même que le coût des travaux de remise en état et leurs conséquences notariales.
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Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les relations contractuelles entre les parties :
Il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur [J] a d’abord accepté un devis de l’entreprise ACN, exploitée par Monsieur [B] [Y], le 5 février 2016, la signature des cocontractants figurant sur ce document (Pièce N° 1 de M. [J]). Puis, Monsieur [J] produit un second devis daté du 22 février 2016, lui aussi accepté et signé par le maître d’ouvrage et par l’entreprise. Le contrat est intitulé « PRET A FINIR ».
Le premier devis était d’un montant hors taxes de 113.433,10 euros tandis que le second devis prévoit un prix HT de 101.400 euros. La différence de coût s’explique par la suppression du poste relatif aux réseaux de plomberie (7.000 euros) et la suppression du poste « SANITAIRE » (2.700 euros).
Puis, l’entreprise TERRASSEMENT [R] a présenté un devis le 29 novembre 2016, adressé à un Monsieur [I] [L] au Tampon, qui comporte la signature du client pour la somme de 26.658,00 euros pour la réalisation d’un mur de soutènement (Pièce N° 3 de M. [J]).
Il résulte de ces premiers éléments que Monsieur [B] [Y], exploitant à l’enseigne ACN, doit être qualifié de constructeur au sens des articles 1792 et suivants du code civil.
Comme l’a relevé l’expert judiciaire, aucune maîtrise d »uvre n’a été prévue lors de l’opération de construction de la maison individuelle de Monsieur [J], le maître de l’ouvrage.
Enfin, l’entreprise [R] est intervenue à la demande du constructeur pour réaliser le mur de soutènement litigieux.
Indépendamment des circonstances relatées par Monsieur [Y], il n’est pas contesté que Monsieur [R] a été engagé par celui-ci et non par le maître de l’ouvrage.
Il a ainsi la qualité de sous-traitant de l’entreprise ACN, exploitée par Monsieur [Y].
Sur les désordres :
Selon le rapport d’expertise judiciaire rédigé par Monsieur [K] (Page 3 du rapport) :
Les travaux d’excavation de Monsieur [Y] n’ont pas été exécutés conformément aux règles de l’art, puisqu’aucune précaution de sécurité n’a été mise en place pendant et après cette excavation. L’excavation donnant sur les parois des parcelles [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12], est trop profonde. En effet, en pied de sol excavé, le dégagement des matériaux a empiété sur les parcelles voisines. De plus, à la lecture du plan du géomètre, la position de deux murs de soutènement semble être mal implantée puisque sur l’angle sud-ouest de la parcelle numéro deux, ces deux murs pénètrent de plus de son épaisseur sur les parcelles voisines numéro trois et numéro quatre.
Ces travaux n’ont pas été exécutés conformément au cahier des charges du lotissement. En effet le cahier des charges prévoit que les murs de soutènement sont soumis à autorisation. Aucune autorisation n’a été fournie par les parties. Les murs de soutènement ne doivent pas dépasser 3 m de hauteur. Fut l’excavation entreprise par Monsieur [Y], cela est impossible.
Les travaux de construction ne sont pas conformes au permis de construire de Monsieur [J].
L’implantation des murs de soutènement ne sont pas implantés en limite de propriété. Pour certains d’entre eux, une partie va même sur les parcelles voisines.
Au jour de la visite les murs de soutènement ne présentaient pas de désordre proprement dit. Cependant des éboulis ont déjà eu lieu. C’est donc que ces derniers ne remplissent pas leur rôle de soutènement. Il existe à terre un risque d’effondrement d’une partie de ses murs de soutènement. Ceci rend la parcelle du propriétaire dangereuse côté sud et côté est.
Ces travaux n’ont pas de malfaçons dans l’exécution. Par contre, une malfaçon est avérée dans leurs études et conception.
La non-conformité des murs de soutènement est avérée puisque ces derniers ne sont pas dimensionnés pour reprendre des hauteurs si conséquentes. De plus il n’a jamais été inséré entre le mur de soutènement et les parois des parcelles voisines de matériaux drainant qui permettent aux barbacane de fonctionner correctement. Ses murs seront donc internes amenés à se déformer, voir s’effondrer.
Ces travaux ont commencé à engendrer des risques d’effondrement des parcelles contiguës. L’expert a pu constater des effondrements sur parcelle numéro deux de Monsieur [M] venant des parcelles numéro trois et numéro quatre.
L’expert en conclut que les désordres, malfaçons, non façons, non-conformité sont multiples :
Défaut d’implantation des murs de soutènement ;
Défaut de conception des murs de soutènement par rapport à la parcelle numéro deux;
Défaut de hauteur des murs de soutènement pour retenir les parcelles voisines dû à l’excavation de la parcelle numéro deux ;
Défaut d’effondrement des parcelles voisines sur la parcelle numéro deux de Monsieur [J] ;
Défaut d’excavation par rapport au cahier des charges du lotissement et du permis de construire.
Selon l’expert, les causes de ce sinistre sont le non-respect du cahier des charges du lotissement, la non réalité des coupes du permis de construire en ce qui concerne les altitudes de la parcelle [Cadastre 9] de Monsieur [J] et des parcelles avoisinantes. L’excavation trop importante ne correspond aucunement aux différents documents du projet. Il n’est plus possible de stabiliser les parcelles voisines avec les murs actuels de soutènement.
Sur l’origine des désordres :
L’expert judiciaire considère que ses murs de soutènement ont été réalisés avec une insécurité déconcertante. Selon lui, la mise en ‘uvre des moellons au droit d’une façade de plus de huit mètres de hauteur sans précaution de stabilisation des parcelles voisines est constitutif de risques d’accidents mortels.
Il conclut que le fait d’exécuter des travaux dans ces conditions d’insécurité entraîne directement les responsabilités de l’employeur, du maître d »uvre et du maître d’ouvrage.
Il souligne que le mur en lui-même est bien construit et avec une bonne qualité de mortier. Cependant ces murs ne sont pas appropriés à ce à quoi ils doivent servir. En effet, la semelle, la forme, l’épaisseur et la hauteur des murs de soutènement sont insuffisamment dimensionnés pour la majeure partie de ces derniers. Les hauteurs des parcelles voisines sont devenues trop importantes en raison de cette excavation pour que ces murs puissent, à moyens et longs termes, retenir et bloquer ces dites parcelles voisines.
De plus, aucun agrégat de drainage n’a été mis en ‘uvre entre les murs de soutènement et les parcelles voisines. Les barbacanes ne fonctionneront donc pas comme il se doit.
L’expert en conclut que la commande du constructeur à Monsieur [R] a été validée sans aucune réalité avec le site. En effet, si le site correspondait au permis de construire, la commande aurait été certainement appropriée. Cependant cela n’est pas du tout le cas. Il souligne que le problème de sur excavation était bien connu en analysant l’historique des devis.
Selon l’expert, la deuxième cause des désordres s’explique par le fait que Monsieur [R] a quand même exécuté les travaux d’élévation des murs moellons par rapport à son devis sans se soucier de la réalité du terrain alors qu’il est sachant et sait pertinemment que ses murs ne seront pas assez dimensionnés pour retenir les parcelles voisines. Monsieur [R] s’est donc placé sous l’autorité de Monsieur [Y] et n’a fait qu’exécuter les travaux demandés par ce dernier, qui a jugé bon de minimiser les travaux du mur de soutènement, du au budget prévu par lui-même et Monsieur [J].
Monsieur [K] considère enfin qu’aucun des trois protagonistes ne pouvait ignorer la discordance entre les documents du projet et la réalité du terrain compte tenu de l’ampleur de l’excavation. Ces travaux auraient dû être arrêtés par le maître d’ouvrage et le maître d »uvre’constructeur. Monsieur [Y] aurait dû expliquer bien avant à son maître d’ouvrage que la réalité du permis de construire et du terrain ne lui permettait pas de poursuivre ainsi l’excavation sans quoi ils exposaient à des débuts d’effondrement de terrain.
Sur la nature des désordres :
L’expert judiciaire conclut que les désordres sur les terrains et mur de soutènement peuvent relever de la garantie de droit commun du constructeur, de la garantie des constructeurs, de la garanti dommage ouvrage du maître d’ouvrage.
Il précise que les garanties décennales et biennales et parfaites achèvement ne peuvent a priori s’enclencher puisque nous sommes en cours de construction et qu’aucune réception de travaux n’a pu être délivrée.
Monsieur [J] admet que la réception de l’ouvrage n’est pas intervenue. Il invoque donc la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de Monsieur [Y] en raison des fautes lourdes qu’il a commis dans l’exécution du contrat.
Monsieur [Y] soutient qu’il avait lié une relation de confiance avec Monsieur [J]. Il a oralement informé et conseillé Monsieur [J] à chaque étape de la construction. Monsieur [J], parfaitement avisé des problèmes liés à la construction, a concouru à la réalisation de l’entier dommage en exigeant la réalisation et la poursuite des travaux et ce à moindre coût.
Monsieur [Y] précise que, contrairement à ce que prétend Monsieur [R], ce dernier était présent lors de la prise des mesures pour la construction du mur de soutènement. Ensuite, Monsieur [R] a procédé seul à la construction du mur de soutènement sans respecter les mesures prises par Monsieur [Y]. Lorsque Monsieur [Y] a constaté le travail réalisé, il a immédiatement averti tant Monsieur [R] que Monsieur [J] que le mur de soutènement était insuffisant et qu’il convenait d’arrêter les travaux.
Monsieur [R] plaide qu’il n’a été qu’un simple exécutant. Il n’a eu aucune marge de man’uvre, Monsieur [Y] lui a imposé le budget, les dimensions et l’emplacement de construction du mur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle deux devis aux prix différents ont été proposés à Monsieur [Y] : un de 84.909,60 € puis un de 26.658 €.
En sa qualité de sous-traitant, Monsieur [R] n’avait une obligation de conseil qu’à l’égard de l’entreprise principale, soit celle de Monsieur [Y], en raison de leur relation contractuelle. S’agissant de la relation entre Monsieur [R] et Monsieur [J], elle n’est que de nature délictuelle.
Ceci étant exposé,
Sur la responsabilité de Monsieur [Y] :
Aux termes de l’article 1147 du code civil, alors en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l’espèce, aucune des parties ne soutient que Monsieur [J], maître d’ouvrage, aurait des compétences particulières en matière de construction immobilière.
Il a fait appel à l’entreprise ACN qui lui a proposé un devis pour la construction de la maison individuelle.
Monsieur [Y] était donc tenu d’une obligation de résultat à l’égard de Monsieur [J], peu importe que le maitre de l’ouvrage ait tenté de faire réaliser des travaux à moindre coût auprès d’un professionnel de la construction qui se devait de refuser tout contrat ne répondant pas aux exigences techniques qu’il est présumé connaître et respecter.
En faisant édifier des murs de soutènement mal implantés, présentant des vices de conception et des non-conformités au permis de construire, après avoir réalisé de trop profondes excavations en lisière des fonds voisins surélevés par rapport à la parcelle du maître d’ouvrage, l’entreprise ACN a manqué lourdement à ses obligations contractuelles.
Comme l’a justement rappelé le premier juge, L’entrepreneur principal est aussi responsable du fait du sous-traitant pour les dommages résultant du mauvais travail du sous-traitant en cas de faute de ce dernier.
Ainsi, le jugement querellé doit être confirmé en ce qu’il a retenu la faute contractuelle de Monsieur [Y] comme ayant directement causé les préjudices allégués par Monsieur [J].
Sur la responsabilité de Monsieur [R] :
Monsieur [R], en qualité de sous-traitant de Monsieur [Y], est tenu contractuellement à son égard.
Mais, la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles peut engager sa responsabilité délictuelle à l’égard du maître de l’ouvrage, Monsieur [J], en vertu des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur version en vigueur au moment des interventions litigieuses, devenus les articles 1240 et 1241 depuis le 1er octobre 2016 par l’effet de l’Ordonnance N° 2016-131 du 10 février 2016.
Or, mêmes si l’expert judiciaire a souligné la bonne qualité de réalisation matérielle des murs de soutènement par Monsieur [R] (avec une bonne qualité de mortier), il a constaté que ces murs de soutènement ont été réalisés au droit d’une façade de plus de huit mètres de hauteur sans précaution de stabilisation des parcelles voisines est constitutif de risques d’accidents mortels.
En constatant qu’il n’a jamais été inséré entre le mur de soutènement et les parois des parcelles voisines de matériaux drainant, permettant aux barbacane de fonctionner correctement, l’expert judiciaire a justement retenu que ces murs seront donc amenés à se déformer, voire à s’effondrer. Il est relevé aussi que la semelle, la forme, l’épaisseur et la hauteur des murs de soutènement sont insuffisamment dimensionnés pour la majeure partie de ces derniers.
Ainsi, alors que le sous-traitant doit aussi refuser d’accepter la réalisation de travaux non conformes, il appartenait à Monsieur [R] d’alerter son donneur d’ordre sur les risques inhérents au projet qu’il lui aurait commandé tout en proposant un devis correspondant à la réalité du terrain et aux exigences de sécurité inhérentes à la réalisation de ces murs de soutènement.
En exécutant les murs de soutènement sans prévoir les moyens techniques de stabilisation à long terme de ceux-ci, notamment en s’abstenant d’adapter la construction aux contraintes inhérentes à la disposition des lieux, Monsieur [R], professionnel du terrassement et de la construction de murs de soutènement a commis une faute délictuelle à l’encontre du maître d’ouvrage. Cette faute lui a causé un préjudice direct résultant à la fois des risques de déstabilisation des murs réalisés par ses soins et des non-conformités qu’il ne pouvait ignorer, s’agissant des conditions de drainage du sol et de l’écoulement des eaux de pluie.
En conséquence, le premier juge a parfaitement retenu la responsabilité contractuelle de Monsieur [R] à l’égard de son donneur d’ordre, Monsieur [Y] et sa responsabilité délictuelle à l’égard du maître de l’ouvrage, Monsieur [J].
Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.
Sur les préjudices consécutifs aux désordres :
Le premier juge a évalué à la somme de 139.603,22 euros le montant des préjudices matériels subis par Monsieur [J], consécutivement à la mauvaise réalisation des murs de soutènement.
Pour parvenir à cette somme, le tribunal a retenu la somme de 110.619,01 euros au titre des travaux de démolition et de reconstruction du mur du soutènement, outre le préjudice financier résultant de l’impossibilité de construction sur une partie des terrains voisins appartenant à la SHLMR, à hauteur de 28.974,15 euros.
L’appelant plaide qu’il ne pouvait être condamné à contribuer davantage qu’au montant des travaux de reprise du mur mais pas aux frais relatifs à la perte de surface constructible de la SHLMR. Cependant, il ne conteste pas les postes de préjudice retenus par le tribunal mais discute seulement de sa condamnation solidaire sur le tout.
Monsieur [J] conclut à la confirmation du jugement.
Monsieur [Y] discute l’étendue du partage de responsabilité avec le maître de l’ouvrage et son sous-traitant, considère qu’il ne devrait pas indemniser le préjudice consécutif à la perte de surface de la SHLMR en raison de l’impossibilité de construire sur certaines de ses parcelles contigües à celle de Monsieur [J].
Ainsi, aucune des parties ne conteste le montant des préjudices allégués par Monsieur [J] et évalué par le premier juge, sauf à contester le caractère direct du préjudice résultant de conséquences sur les parcelles voisines de la SHLMR.
Sur le préjudice consécutif à la perte de jouissance de la SHLMR sur ses parcelles voisines :
Qu’il s’agisse de l’indemnisation des préjudices résultant d’une faute contractuelle ou d’une faute délictuelle, il est nécessaire que le dommage allégué soit directement causé par la faute prouvée ou le manquement aux obligation d’un cocontractant.
En l’espèce, Monsieur [J] verse aux débats une convention conclue avec la SHLMR le 16 mars 2020, intitulée « Contrat visant la bonne fin des travaux et leur financement » (Pièce N° 10 de M. [R]).
Selon cette convention, le lotissement a été créé par la SHLMR. Un des lots constructibles a été vendu à Monsieur [L] [J]. Celui-ci a entrepris de gros travaux de terrassement illégaux pour implanter une maison individuelle. L’expertise judiciaire, ordonnée en référé à la requête de la SHLMR, a mis en évidence que les travaux n’avaient pas été exécutés conformément aux règles de l’art, selon le cahier des charges du lotissement, qu’ils ne sont pas conformes au permis de construire et que l’implantation des murs de soutènement n’est pas exempte de vices cachés. La société a donc été contrainte de stopper la commercialisation de deux lots contigus à celui de Monsieur [J]. Le préjudice financier de la SHLMR a été estimé à environ 28.900 euros. Monsieur [J] s’est engagé à rembourser à la SHLMR la somme de 55.629,07 euro. Le manque à gagner du fait de l’impossibilité de construire par la SHLMR sur trois parcelles contiguës à celles de Monsieur [J] a entraîné un manque à gagner estimer à 28.974,15 euros. Monsieur [J] s’est engagé à régler cette dette à la SHLMR pour le compte de la commune.
Monsieur [R], comme sous-traitant professionnel du terrassement, et son donneur d’ordre assumant les fonctions de maître d »uvre, ne pouvaient pas ignorer les conséquences néfastes de la réalisation d’un mur de soutènement après une excavation trop profonde, sans prévoir les mesures minimales de drainage ni les risques d’éboulement de terrain à partir des parcelles contigües surélevées.
Le dommage résultant de l’indemnisation de la SHLMR par Monsieur [J], propriétaire responsable des atteintes aux droits de sa voisine la SHLMR en raison de la perte de surface constructible des fonds contigus, constitue bien un préjudice direct causé par les désordres de construction des murs de soutènement.
Ainsi, le jugement querellé sera aussi confirmé en ce qu’il a jugé indemnisable le préjudice financier du fait de la réduction de surface constructible d’une partie des terrains voisins en retenant la somme de 28.974,15 euros, ce montant n’étant pas discuté par les parties.
Sur le partage de responsabilités :
Compte tenu du montant des réparations susvisées, du lien de causalité direct entre les dommages et la faute délictuelle de Monsieur [R] ou les manquements contractuels de Monsieur [Y], le premier juge a justement retenu le principe de la solidarité entre le constructeur et son sous-traitant dans un rapport de 60 % pour le constructeur et de 40 % pour le sous-traitant.
Monsieur [Y] fait valoir un partage de responsabilités entre Monsieur [J], Monsieur [R] et lui, concernant la contribution à la dette selon la répartition suivante :
– M. [J] : 30%
– Monsieur [R] : 35%
– Monsieur [Y] : 35%
Il soutient que Monsieur [J] avait pleinement connaissance des désordres liés à l’excavation et au mur de soutènement dont Monsieur [Y] lui avait fait part et en a accepté les risques. Il expose que, lors des opérations d’excavation, Monsieur [Y] a constaté la présence d’une importante roche sur le terrain et a aussitôt informé Monsieur [J] de la dangerosité qui en découlait et qu’il convenait d’arrêter les travaux pour des raisons de sécurité.
Monsieur [J] lui a au contraire sommé de poursuivre l’excavation en l’état et ce malgré les risques inhérents qui pouvaient en découler, qu’il a accepté.
Selon Monsieur [Y], le comportement fautif de Monsieur [J] n’a pas échappé à l’Expert, Monsieur [K] qui relève dans son rapport d’expertise, à plusieurs reprises, que Monsieur [J] ne pouvait ignorer les désordres existants.
Monsieur [R] plaide aussi pour un partage de responsabilité avec le constructeur donneur d’ordre et le maître d’ouvrage. Selon l’appelant, Monsieur [J] tente vainement de masquer sa responsabilité derrière sa qualité de profane de la construction. Pourtant, la fixation d’un budget de construction ou l’excavation du terrain sont des événements à la portée de sa compréhension. Le maître d’ouvrage ne saurait utilement se retrancher derrière le permis de construire obtenu alors que l’expert relevait que ledit permis validé par la Mairie de [15] n’était pas du tout en adéquation avec le site de construction. Sa négligence ou sa connaissance des risques de la construction non confirme lui sont donc imputables.
Considérant qu’avec ou sans mur de soutènement, les risques d’éboulis seraient toujours présents et l’habitation de Monsieur [J] menacée, l’appelant affirme que la part de responsabilité ne peut être partagée équitablement entre Monsieur [R] et Monsieur [Y]
Monsieur [J] réplique que le fait de ne pas mandater un architecte n’est absolument pas constitutif d’une faute, ni d’une acceptation d’un quelconque risque, d’autant plus que cela ne lui avait jamais été demandé ni conseillé par aucun des intervenants.
S’il a effectivement pu constater que le mur de soutènement réalisé par Monsieur [R] sur les directives de Monsieur [Y] dépassait la hauteur prévue dans les documents initiaux, cela n’est constitutif d’aucune faute du maître d’ouvrage alors que les travaux litigieux avaient déjà été réalisés par Monsieur [Y] et Monsieur [R]. Selon l’intimé, le seul fait d’avoir constaté la discordance ne permet en outre pas de conclure à l’acceptation des risques, alors que Monsieur [J] n’a à aucun moment été préalablement averti des modifications faites par Monsieur [Y] et Monsieur [R] par rapport au projet initial et de leurs conséquences, et qu’il n’a en aucun cas fait un choix délibéré de passer outre ces difficultés. Enfin, il plaide qu’aucun fait relevant d’une immixtion fautive du maître de l’ouvrage n’est établi, ni même sérieusement allégué par l’appelant et Monsieur [Y].
Ceci étant exposé,
Selon les prescriptions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe aux parties de prouver les faits qu’ils allèguent.
Monsieur [Y] ne verse aucune pièce au soutien de ses écritures. Aucun BCP n’a été adressé à la cour par RPVA. Son dossier de plaidoirie ne contient pas de documents hormis les pièces de procédure.
Monsieur [R] produit une attestation (Pièce N° 8) rédigée par Monsieur [P] [U] [W] qui mentionne qu’en octobre 2017, alors qu’il envisageait d’acheter la parcelle voisine de celle de Monsieur [J], il a été mis en relation avec Monsieur [Y] par la SHLMR. Celui-ci lui a proposé la réalisation d’un mur entre les deux parcelles comprenant un fort décaissement, ce qui l’a amené à se désister du projet d’acquisition.
Ainsi, l’appelant et Monsieur [Y] ne démontrent pas que Monsieur [J] aurait eu une parfaite connaissance des risques encourus par leur intervention ou les aurait contraints d’agir au mépris des prescriptions du permis de construire, des normes habituelles de construction de murs de soutènement en leur imposant de lui proposer des devis minorés prévoyant des travaux de mauvaises qualités et engendrant des conséquences graves pour les fonds en cause.
Il n’existe donc aucun motif sérieux d’imputer au maître d’ouvrage une part de responsabilité dans l’apparition des désordres et des malfaçons.
En revanche, le premier juge a parfaitement évalué le partage de responsabilité entre Monsieur [Y], qui devait s’assurer de l’adaptation des travaux confiés à Monsieur [R] tout en vérifiant leur bonne exécution, et Monsieur [R] qui, en qualité de spécialiste du terrassement devait proposer la réalisation d’un ouvrage intégrant les conséquences de sa situation, remplissant les bonnes techniques de drainage et pouvait au moins renoncer à ses prestations au vu de la taille de l’excavation du terrain de Monsieur [J].
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes :
Monsieur [R], appelant succombant en son appel, supportera les dépens de l’appel de Monsieur [J] tandis que Monsieur [Y] conservera la charge des siens en appel.
Monsieur [R] sera condamné à payer à Monsieur [J] une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles en appel, étant souligné qu’il ne forme pas de demande à l’encontre de Monsieur [Y] à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, en matière civile par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Monsieur [V] [V] [R] à payer à Monsieur [L] [J] une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles en appel ;
CONDAMNE Monsieur [V] [V] [R] aux dépens de l’appel ;
LAISSE Monsieur [B] [Y] supporter ses propres dépens de l’appel pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Marina BOYER, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT