ARRÊT N° 384
N° RG 21/00841 – N° Portalis DBV6-V-B7F-BIIFV
AFFAIRE :
M. [F] [N], Mme [C] [V] [D] épouse [N]
C/
M. [E] [S] [I], Mme [A] [Y] épouse [I], S.A.S. BOURSE DE L’IMMOBILIER, S.C.P. LOUSTAUD -MONTMAUR – TAURISSON
MCS/MK
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Grosse délivrée à Me Franck DELEAGE, Me Corinne ROUQUIE et Me Laetitia DAURIAC, avocats
COUR D’APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
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Le DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur [F] [N], né le 28 Décembre 1968 à boulogne billancourt, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Franck DELEAGE de la SELARL FRANCK DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE
Madame [C] [V] [D] épouse [N], née le 24 Octobre 1965 à Brive (19100), demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Franck DELEAGE de la SELARL FRANCK DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE
APPELANTS d’une décision rendue le 03 SEPTEMBRE 2021 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BRIVE LA GAILLARDE
ET :
Monsieur [E] [S] [I], né le 14 Octobre 1957 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Corinne ROUQUIE de la SELARL CABINET ROUQUIE, avocat au barreau de BRIVE
Madame [A] [Y] épouse [I], née le 21 Juillet 1958 à BRIVE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Corinne ROUQUIE de la SELARL CABINET ROUQUIE, avocat au barreau de BRIVE
S.A.S. BOURSE DE L’IMMOBILIER, dont le siège social est sis : [Adresse 2]
représentée par Me Emmanuel GARRELON de la SELARL AXIUM AVOCATS, avocat au barreau de BRIVE substitué par Me Philippe CLERC, avocat au barreau de LIMOGES
S.C.P. LOUSTAUD -MONTMAUR – TAURISSON, dont le siège social est sis : [Adresse 3]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMES
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Suivant avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 15 Septembre 2022. L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2022.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, Greffier. A cette audience, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 10 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. Le délibéré a ensuite été prorogé au 17 Novembre 2022 et les parties régulièrement informées.
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LA COUR
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EXPOSÉ DU LITIGE:
Suivant compromis de vente de vente du 10 septembre 2018 conclu avec le concours de la SAS Bourse de l’immobilier, réitéré par acte notarié du 24 octobre 2018, reçu par la SCP LOUSTAUD-MONTMAUR-TAURISSON, M. [E] [I] a vendu à M. [F] [N] et à son épouse, Mme [C] [D] une maison d’habitation située [Adresse 4] (19),d’une superficie habitable de 155 m², comprenant quatre chambres, au prix de 210 000 euros.
Exposant que des infiltrations d’eau préexistantes à la vente rendraient inhabitable la chambre située en sous-sol, réduisant la surface habitable du bien vendu à 128 m², les époux [N]-[D] ont fait assigner, par actes d’huissier des 13, 17 et 18 décembre 2019, les époux [I]-[Y] , l’agence immobilière et la SCP LOUSTAUD-MONTMAUR-TAURISSON devant le tribunal de grande instance de Brive la Gaillarde , aux fins d’obtenir la réparation de leurs préjudices résultant de la perte de la valeur vénale du bien, de la surévaluation des frais de vente, ainsi que du coût de la reprise des désordres et de leur préjudice de jouissance.
Par jugement du 3 septembre 2021, le Tribunal judiciaire de Brive la Gaillarde a :
– jugé que l’action en’différence entre la chose vendue et celle transmise’s’analyse en une action en réduction de prix pour défaut de superficie de l’immeuble,
-déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en dommages-intérêts correspondant à la perte de valeur vénale de la maison, en remboursement de la commission versée à l’agence immobilière et en remboursement des émoluments du notaire ;
-débouté les époux [N] du surplus de leurs demandes ;
-débouté les époux [I] de leur demande reconventionnelle ;
-débouté Mme [I] de sa demande reconventionnelle ;
-condamné in solidum les époux [N] à payer les sommes suivantes:
* 800 euros aux époux [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* 800 euros à la SAS Bourse de l’Immobilier au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* 800 euros à la SCP LOUSTAUD-MONTMAUR-TAURISSON au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné in solidum les époux [N] aux dépens.
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Appel de la décision a été relevé le 1 er octobre 2021, par les époux [N]-[D], dans des conditions de forme et de délai non contestées du chef de toutes ses dispositions, sauf celles ayant débouté les époux [I]-[Y] de leurs demandes reconventionnelles.
L’affaire a été orientée à la mise en état;
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Par dernières conclusions signifiées et déposées le 5 avril 2022, les époux [N]-[D] demandent à la Cour de réformer le jugement critiqué et, statuant à nouveau, de :
sur la différence entre la chose vendue et celle transmise,
à titre principal
dire et juger que l’immeuble n’est pas conforme dans sa délivrance au regard du compromis de vente du 17 septembre 2018 et de l’acte notarié du 24 octobre tome 2018 dans la mesure où principalement il ne comporte 3 chambres lieu de 4,
à titre subsidiaire
dire et juger que les époux [I]-[Y] ont commis un dol
à tout le moins, reconnaître l’erreur commise par les époux [N]-[D] lors de la vente en ce qu’il pensait au regard des renseignements transmis que la maison comportait 4 chambres et non 3 chambres, information qui fut déterminante dans leur décision d’acquisition et l’erreur commise étend parfaitement excusable, à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que l’usage convenu la pièce du sous-sol n’est pas atteint puisqu’elle ne peut être qualifiée de chambre,
dire qu’il s’agit d’un vice caché, la pièce ne pouvant être considérée comme une chambre, ce que les époux [I]-[Y] savaient et ont volontairement omis d’indiquer,
dire et juger que quelque soit le fondement juridique retenu, ‘il provient de fautes commises par le vendeur et son épouse dont la responsabilité est engagée aux côtés du vendeur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil’
dire et juger que la responsabilité de l’agent immobilier est également engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle,
-dire et juger que la responsabilité du notaire est également engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle,
-condamner in solidum les époux [I], la SAS Bourse de l’immobilier et la SCP LOUSTAUD’MONTMAUR’TAURISSON à leur payer les sommes suivantes :
* 45 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la perte de la valeur vénale de la maison,
* 2 080 euros à titre de remboursement de la commission indûment versée à l’agence immobilière,
* 2 953,72 euros à titre de remboursement des émoluments indûment versés au notaire,
sur le vice caché affectant la pièce du sous-sol (humidité)
dire et juger que les époux [I] ne pouvaient méconnaître les désordres grevant l’immeuble, et à ce titre doivent être considérés comme de mauvaise foi,
‘ jugé que la pièce litigieuse du sous-sol est grevée de désordres qui ressortent de la garantie des vices cachés à l’encontre du vendeur et qui relèvent de la responsabilité délictuelle à l’encontre de Madame [I]
– condamner in solidum les époux [I] à leur payer les sommes suivantes :
* 9 127,25 euros pour les frais de réparation de la pièce située au rez-de-chaussée qualifiée improprement de chambre dans les différents actes de vente,
* 2 500 euros au titre du préjudice de jouissance à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir sur la base d’une somme de 100 euros par mois depuis le 1er novembre 2018 ;
–condamner in solidum les époux [I], la SAS Bourse de l’immobilier et la SCP LOUSTAUD’MONTMAUR’TAURISSON à leur payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner in solidum les époux [I], la SAS Bourse de l’immobilier et la SCP LOUSTAUD’MONTMAUR’TAURISSON aux entiers dépens en ce compris les frais d’exécution.
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 31 mai 2022, M. [E] [I] et Mme [A] [Y] , son épouse, demandent à la Cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [N] de l’ensemble de leurs demandes ;
– mettre hors de cause Mme [I] s’agissant de la vente d’un bien qui ne lui a jamais appartenu ;
– condamner les époux [N] à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts pour l’avoir assignée alors qu’elle n’a jamais été propriétaire du bien litigieux ;
– condamner les époux [N] à leur payer les sommes suivantes :
* 3 000 euros, à chacun, à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 5 000 euros pour les frais irrépétibles devant la cour d’appel ;
-condamner les époux [N] aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées et déposées le 1er mars 2022, la SAS HUMAN IMMOBILIER, anciennement dénommée BOURSE DE L’IMMOBILIER, demande à la Cour de :
-confirmer le jugement critiqué ;
à titre subsidiaire,
-condamner solidairement les époux [I] à la relever indemne de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
en toutes hypothèses,
-condamner solidairement les époux [I] ou tout succombant à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 8 juin 2022, la SCP LOUSTAUD-MONTMAUR-TAURISSON demande à la Cour de confirmer le jugement critiqué, et de condamner les époux [N] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
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La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
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La clôture de la procédure a été prononcée le 22 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au soutien de leurs demandes, les époux [N]-[D], se prévalant de la différence entre la chose vendue et celle transmise, invoquent plusieurs fondements juridiques:
-à titre principal, l’immeuble n’est pas conforme dans sa délivrance au compromis de vente du 10 septembre 2018 et à l’acte notarié du 24 octobre 2018 dans la mesure où il ne comporte que 3 chambres au lieu de 4,
-à titre subsidiaire, les époux [I]-[Y] ont commis un dol à leur égard, ou à tout le moins, les époux [N]-[D] ont été induits en erreur en ce qu’ils pensaient au regard des renseignements transmis que la maison comportait 4 chambres et non 3, informations déterminantes dans leur décision d’acquérir,
-à titre infiniment subsidiaire, le vice caché dès lors que l’usage convenu de la pièce du sous-sol n’était pas atteint puisqu’elle ne peut être qualifiée de chambre, ce que les époux [I]-[Y] savaient et ont volontairement omis d’indiquer.
*Sur la recevabilité et le bien-fondé de l’action des époux [N]-[D] contre leur vendeur:
Il sera relevé, tout d’abord, que le bien vendu appartenait exclusivement à Monsieur [E] [I] et que seul ce dernier à la qualité de vendeur.
Il est établi que les époux [N]-[D] ont acheté un ensemble immobilier comprenant une maison décrite dans l’annonce de l’agence Bourse de l’immobilier, dans le compromis de vente rédigé par l’agence le 10 septembre 2018 et dans l’acte authentique de vente du 24 octobre 2018 comme comprenant 4 chambres et présentant une surface habitable de 155 m².
Il n’est pas contestable que le consentement des époux [N]-[D] a été déterminé sur la base de ces caractéristiques et que le prix d’achat accepté par ces derniers (199 000€ dont 5000€ pour les biens mobiliers ) a été négocié sur cette base.
Or, il est établi par l’expertise privée effectuée le 21 janvier 2019 par Monsieur [J] [M], ancien expert judiciaire, expertise corroborée par les constatations précises effectuées par Maître [W] [R], huissier de justice le 4 novembre 2021, que la chambre située au rez de chaussée de l’habitation a présenté dès l’automne 2018 des infiltrations d’eau rendant cette chambre inhabitable en l’état, dès lors qu’elle ne répondait pas aux conditions réglementaires d’habitabilité.
Ce défaut qui n’était pas apparent à la date de la vente, a été révélé aux acquéreurs lors de premières précipitations survenues après leur prise de possession intervenue le 24 octobre 2018. Ils ont alors constaté d’importantes remontées d’humidité dans cette chambre la rendant inhabitable ; il est apparu, en effet, sous le papier peint, notamment en partie basse, de nombreux points de moisissures démontrant l’ancienneté et l’ampleur du phénomène d’infiltrations.
Les époux [N]-[D] produisent l’attestation de Monsieur [X] [K] présent lors de l’enlèvement du papier peint, venu pour donner un coup de main à Monsieur [N] pour la réalisation de travaux ; ce témoin précise que le placo – plâtre était noir, mouillé s’effritait, sentait le moisi et de plus, touchait les cailloux où était posée la dalle béton.
L’expert, [J] [M], mentionne dans son rapport que la cause de l’humidité provient de malfaçons commises au moment de la réalisation de cette pièce (dalles, complexe d’étanchéité absent, drainage..) Des plaques de contreplaqué avaient par ailleurs été fixées en partie basse…
Les constatations effectuées par l’huissier de justice lequel a pris un certain nombre de photographies confirment les conclusions de l’expert judiciaire. En effet, la découpe horizontale du placoplâtre et de l’isolant effectué par Monsieur [N] afin que le placoplâtre ne pompe plus l’humidité provenant du sol et que les cloisons puissent sécher a en effet révélé que l’isolation intérieure placoplâtre a été réalisée avant la dalle du sol, de telle sorte que cette cloison repose en partie basse directement sur le sol en terre, que tout autour de la pièce, un espace existe entre la dalle béton sur laquelle le carrelage a été posé et le mur extérieur en parpaings, que la dalle n’a pas été réalisée jusqu’au mur extérieur de la pièce, qu’il existe un jour important entre la dalle carrelée et le mur extérieur, de telle sorte que le sol gravillonné situé sous la dalle béton est visible tout autour de la pièce, de ce fait la cloison en placoplâtre et l’isolant polystyrène se trouvent enfoncés jusqu’au sol, sous le niveau de la dalle béton directement sur la terre.
Les plans de l’habitation de 1997 remis aux acquéreurs lors de la signature de l’acte notarié révèlent que cette pièce du rez-de-chaussée avait été prévue et décrite par Monsieur [F] [G], agréé en architecture comme’local artisanal dépôt de matériel de plomberie chauffage’.
L’agence immobilière a transmis aux acquéreurs à la suite de leur réclamation, une facture du 2 octobre 2013 de la société BDC PROTECT s’élevant à la somme de 2933,94€ mentionnant ‘traitement contre l’humidité de murs enterrés par injection de résine de type TECHNISIL MS Hybride ou similaire ‘.
Cette intervention démontre que le problème d’humidité de cette pièce, dont l’année de création comme chambre serait 2003 selon le vendeur, existait en 2013, que les travaux que le vendeur a fait effectuer n’ont pas permis de remédier définitivement aux infiltrations d’eau, dès lors qu’en 2018, ce phénomène d’infiltrations d’eau était présent et rendait inutilisable la chambre du rez-de-chaussée, Monsieur [M] ayant précisé que cette chambre pouvait générer des problèmes pour la santé de ses occupants en ce qu’elle ne répondait pas aux exigences techniques édictées au code de l’habitation et de la construction (R111-8), qui impose que les constructions habitables doivent être préservées des infiltrations.
Ces constatations factuelles de l’expert privé concernant l’inhabitabilité de la chambre du rez de chaussée, corroborées par le constat détaillé dressé par un huissier de justice, ne sauraient être remises en cause et les vendeurs n’apportent d’ailleurs aux débats, aucun élément factuel contraire, se bornant à dénier toute force probante au rapport d’expertise privée de M,[M] alors même que ce rapport qui a été soumis à la libre discussion des parties, est corroboré par un constat d’huissier et l’attestation d’un témoin, M. [K].
Il résulte de ces éléments factuels que la maison achetée par les époux [N]-[D] comporte effectivement 4 chambres, dont une chambre inhabitable en raison de problèmes d’infiltrations et d’humidité inhérents aux conditions de sa création par le vendeur, ce dernier ayant transformé une partie de son atelier en chambre sans que cette pièce ait été créée dans le respect des règles de l’art, dès lors que les cloisons en placoplâtre ne reposent pas sur la dalle mais directement sur le sol en terre.
Il sera rappelé tout d’abord, que si la non-conformité de la chose aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l’obligation de délivrance, la non-conformité de la chose à sa destination normale ressortit à la garantie des vices cachés définie par l’article 1641 du Code civil.
En l’espèce, ce qui est en cause, c’est la non-conformité de la chambre du rez -de-chaussée à sa destination normale, celle d’une pièce répondant aux normes d’habitabilité.
Dans ces conditions, l’action de époux [N]-[D] ne doit pas être examinée sur le fondement d’un défaut de délivrance conforme relevant des dispositions de l’article 1604 du code civil mais sur celui de l’article 1641 du code civil selon lequel ‘ le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rende impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus.’
La question tenant à la diminution de la surface habitable de la maison du fait de l’impossibilité d’utiliser une chambre de l’habitation n’est que la conséquence du vice caché affectant cette pièce.
L’action des demandeurs ne saurait par conséquent être qualifiée d’action en réduction du prix de vente de l’immeuble pour défaut de contenance prévue par l’article 1617 du Code civil, de sorte que le délai de prescription annale à compter de la signature du contrat, prévu par l’article 1622 du Code civil pour l’action en réduction de prix pour défaut de superficie de l’immeuble, est inapplicable en l’espèce. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
S’agissant des autres fondements invoqués par les vendeurs, il sera répondu que l’erreur ne peut être retenue, dès lors que les époux [N]-[D] ont bien acquis un immeuble comportant 4 chambres mais que c’est en raison de vices cachés affectant l’une des pièces de l’habitation qu’ils se trouvent momentanément privés de son usage.
S’agissant du dol, les époux [N]-[D] indiquent dans le dispositif de leurs conclusions que les époux [I]-[Y] auraient commis un dol :
-en omettant volontairement de révéler la véritable qualité et/ou nature de la pièce située au sous sol qu’ils ont qualifiée ou fait qualifier improprement de chambre
-en omettant de révéler aux consorts époux [N]-[D] qu’ils avaient déclaré à l’administration fiscale, une maison 3 chambres avec une surface habitable de 128 m² au lieu de 4 chambres pour 155 m² mentionnés au compromis à l’acte de vente,
-en omettant de révéler une précédente intervention de la société BDC Protect en 2013 pour le traitement d’un problème d’humidité récurrente au niveau de la pièce du sous-sol.
Les époux [N]-[D] ne font pas la démonstration que l’ignorance de ces informations au stade des pourparlers a été déterminante de leur consentement, alors même que le litige a pour origine l’impossibilité d’user d’une pièce de la maison en raison d’un vice de construction à l’origine de l’inhabitabilité de la pièce. Ces défauts d’information ne sauraient dans ces conditions être qualifiées de réticences dolosives et l’action des époux [N]-[D] sur le fondement du dol sera rejetée.
Leur action sera donc examinée sur le fondement du vice caché. Elle est recevable pour avoir été intentée dans le délai de 2 ans à compter de la découverte du vice comme l’exige l’article 1648 du code civil.
Il a été rappelé ci-dessus que le vice affectant la chambre du rez-de-chaussée n’était pas apparent pour les acquéreurs à la date de la vente et qu’il s’est révélé dans les semaines qui ont suivi, étant observé que les époux [N]-[D] ont précisé avoir visité l’immeuble au cours de l’été 2018 et avoir découvert les infiltrations d’eau dans la chambre du rez-de-chaussée à l’automne, lors de précipitations.
En vertu de l’article 1643 du Code civil, le vendeur est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connu à moins que dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.
Selon l’article 1645 du Code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu outre la restitution du prix qu’il en a reçu de tous les dommages-intérêts envers l’acheteur.
L’acte notarié de vente comporte la clause suivante sous l’intitulé :
‘Etat du bien ‘:
« L’acquéreur prend le bien dans son état au jour de l’entrée en jouissance, tel qu’il a vu et visité, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et, notamment pour mauvais état de la chose ou des constructions pouvant exister, du sol ou du sous-sol, vices même cachés, erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance cadastrale, toute différence excédât-elle un vingtième devant faire son profit ou sa perte. »
En l’espèce, M.[I] ne peut se prévaloir de la clause de non- garantie prévue à l’acte de vente, dès lors qu’il a eu nécessairement connaissance du vice de construction affectant la chambre du rez-de-chaussée dès lors :
-qu’il a transformé une partie du garage-atelier de l’ habitation, en chambre en 2003,
-qu’il n’a pu ignorer étant lui-même artisan et habitant la maison, les conditions d’aménagement de cette pièce et en particulier, la réalisation de cloisons en placoplâtre ne reposant pas sur la dalle mais directement sur le sol en terre,
-qu’en 2013, il est établi qu’il a fait procéder à des travaux pour remédier à l’humidité, travaux qui manifestement se sont révélés inefficaces puisque très rapidement après la vente intervenue en octobre 2018 , les acquéreurs ont constaté des phénomènes d’infiltrations dans cette pièce la rendant totalement inhabitable et qu’au vu des constatations effectuées sur les murs de la chambre, lors de travaux, la présence d’humidité sur les murs étant ancienne, masquée par une double couche de papier peint antérieur à la vente,
-que la connaissance par le vendeur de ce vice qu’il a dissimulé sous des matériaux est exclusif de sa bonne foi.
Les époux [N]-[D] présentent les demandes suivantes :
Ils sollicitent, d’une part, la condamnation de tous les intimés à leur payer :
-la somme de 45’000 € à titre de dommages-intérêts pour la perte de la valeur vénale de la maison,
– la somme de 2080 € à titre de remboursement de la commission surévaluée indûment versée à l’agence immobilière,
– celle de 1953, 72 € à titre de remboursement des émoluments indûment versés au notaire.
Ils sollicitent, d’autre part, la condamnation in solidum des époux [I]- [Y] à leur payer la somme de 9127,25€ pour les frais de réparation de la pièce située au rez-de-chaussée, outre celle de 2500 € au titre du préjudice de jouissance à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir sur la base d’une somme de 100 € par mois depuis le 1er novembre 2018.
L’article 1644 dispose que dans les cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
En l’espèce, les époux [N]-[D] ne sollicitent pas la résolution de la vente et la restitution du prix qu’ils ont payé, mais selon la faculté offerte par l’article 1644 du Code civil, ils exercent l’action estimatoire qui permet de replacer l’acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n’avait pas été atteinte de vices cachés.
Les époux [N]-[D] sont fondés à demander la restitution de partie du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux vices, leur permettant d’être en possession d’un immeuble conforme à celui qu’ils avaient souhaité acquérir (en ce sens, Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 1 février 2006, 05-10.845).
Ils produisent deux devis de travaux pour la somme totale de 9125,27 € TTC.
Dans ces conditions, l’allocation de cette somme aura pour effet de rendre cette pièce habitable.
Les époux [N]-[D] ne peuvent solliciter à la fois une indemnité au titre de la perte de la valeur vénale de l’immeuble au motif qu’il serait composé seulement de 3 chambres habitables et le coût de la remise en état de la 4e chambre du rez-de-chaussée, dès lors que cette remise en état aura pour effet de rendre la chambre habitable et de les replacer dans la situation qui aurait été la leur si cette pièce n’avait pas été pas affectée d’un vice caché.
À cet égard, il sera relevé de manière surabondante, que la perte patrimoniale qui résulterait de la dévaluation de la valeur du bien acquis alors même que ce bien est toujours dans leur patrimoine constitue en l’absence de revente, un préjudice hypothétique et nullement certain ainsi que le relève la SCP LOUSTAUD MONMAUR TAURISSON. Leur demande en paiement d’une indemnité de 45 000 € sera rejetée.
Ils seront déboutés de leur demande en remboursement par leur vendeur de la commission indûment versée à l’agence immobilière ( 2080€) ainsi que de leur demande en remboursement des émoluments indûment versés au notaire (1953,72 €) dès lors que la cour ne retient pas une perte de valeur de leur bien.
Ils ont subi depuis la prise de possession de l’immeuble un préjudice de jouissance incontestable qui sera indemnisé par l’allocation d’une indemnité globale de 3400 €.
*Sur l’action des époux [N]-[D] à l’encontre de Madame [Y] épouse [I]:
Mme [I] étant tiers au contrat de vente, l’action des époux [N]-[D] ne peut être exercée à son encontre que sur les dispositions de l’article 1240 ‘1 du Code civil relatif à la responsabilité délictuelle.
Il incombe aux acquéreurs de démontrer la faute commise par cette dernière à leur égard à l’origine de leur préjudice consistant à avoir acquis une maison dont une chambre est inutilisable en raison d’un vice caché tenant à la présence d’humidité.
Les époux [N]-[D] ne démontrent pas la faute personnelle que celle-ci aurait commise lors des pourparlers de vente, étant rappelé que le bien appartenait à son époux, et que ce dernier a été condamné à l’égard des acquéreurs sur le fondement de la théorie des vices cachés.
Les époux [N]-[D] échouent dans cette démonstration ; ils seront déboutés de leurs demandes indemnitaires dirigées à l’encontre de celle-ci.
*Sur l’action des époux [N]-[D] à l’encontre de l’agence immobilière, la SAS HUMAN :
L’action des époux [N]-[D] à l’égard de cette partie est fondée sur les dispositions de la responsabilité délictuelle.
Il leur incombe de démontrer la faute commise par l’agence dans l’exercice de sa mission, à l’origine de leurs préjudices consistant avoir acquis une maison dont une chambre est inutilisable en raison d’un vice caché tenant à la présence d’humidité inhérente à un défaut de construction.
Il a été jugé que le vice affectant la 4e chambre de la maison n’était pas apparent à l’époque de la vente. Par ailleurs, la circonstance que l’agence n’ait pas cherché à recueillir des vendeurs, l’avis d’imposition à la taxe foncière n’était pas de nature à permettre à l’agence et aux futurs acquéreurs de découvrir que la maison avait été construite initialement avec 3 pièces et non avec 4 . Au demeurant, le vice résultant de l’humidité de cette chambre n’étant pas visible, les époux [N]-[D] n’établissent pas en quoi la communication de ce document fiscal était de nature à permettre à l’agence de découvrir le vice caché affectant la chambre du rez-de-chaussée . Par ailleurs , l’agence indique avoir obtenu du vendeur la facture BDC PROTECT postérieurement à la réclamation des acquéreurs et les époux [N]-[D] ne rapportent pas la preuve contraire.
Les époux [N]-[D] qui échouent dans la preuve d’une faute de l’agence dans l’accomplissement de sa mission, seront déboutés de leurs demandes à son égard.
*Sur l’action des époux [N]-[D] à l’égard de la SCP LOUSTAUD MONTMAUR TAURISSON:
La responsabilité de la SCP LOUSTAUD MONTMAUR TAURISSON
est recherchée sur le fondement des dispositions 1240 ‘1 du Code civil.
Les époux [N]-[D] font grief au notaire de ne pas avoir recherché les caractéristiques initiales de l’immeuble notamment au regard des documents fiscaux relatifs à la taxe foncière et au dossier du permis de construire. Or, il sera répondu que le vice à l’origine de l’inhabitabilité de la chambre du rez-de-chaussée étant non apparent, ils ne rapportent pas la preuve d’un lien de causalité entre les manquements reprochés au notaire et le préjudice qu’ils subissent pour avoir acquis un immeuble dont une chambre est inutilisable suite à un vice caché, leur demande de dommages-intérêts contre la SCP SCP LOUSTAUD MONTMAUR TAURISSON sera dans ces conditions rejetée.
*Sur les demandes accessoires:
Il convient de condamner M.[I] à verser aux époux [N]-[D] , au titre des frais de la procédure non compris dans les dépens, une indemnité qui est équitablement fixée à la somme de 5000 €.
Les époux [I]-[Y] seront déboutés de leurs demandes d’ indemnités de procédure et de leurs demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive .
M.[I] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Les circonstances de la cause et l’équité justifient de débouter la SAS HUMAN IMMOBILIER et la SCP LOUSTAUD MONTMAUR TAURISSON de leurs demandes d’indemnité de procédure tant en première instance en cause d’appel.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré,
Statuant de nouveau,
Déclare recevable l’action en garantie des vices cachés des époux [N]-[D],
Dit que la maison vendue par Monsieur [E] [I] aux époux [N]-[D] présentait un vice caché consistant dans l’inhabitabilité de la chambre du rez-de-chaussée par suite d’infiltrations d’eau ,
Dit et juge que les époux [N]-[D] sont fondés à exercer l’action estimatoire à l’encontre de leur vendeur, M. [E] [I],
Condamne ce dernier à leur payer à titre de réduction de prix, la somme de 9127,25 € et celle de 3400 € à titre de préjudice de jouissance,
Déboute les époux [N]-[D] du surplus de leurs demandes à l’égard de Monsieur [I],
Les déboute de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de Mme [Y] épouse [I], de la SAS HUMAN IMMOBILIER , de la SCP LOUSTAUD MONTMAUR TAURISSON,
Y ajoutant,
Condamne M.[E] [I] à verser aux époux [F] [N]-[C] [D], une somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel,
Déboute les époux [I]-[Y] , la SAS HUMAN IMMOBILIER et la SCP LOUSTAU MONTMAUR TAURISSON de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Dit que les dépens de première instance et d’appel seront supportés par M. [E] [I].
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Mandana SAFI. Corinne BALIAN.