Droits des Artisans : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/03595

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Droits des Artisans : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/03595

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 17 NOVEMBRE 2022

F N° RG 19/03595 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LDIZ

Madame [K] [U]

c/

Monsieur [C] [X] [N]

Madame [H] [L] [S] épouse [N]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 juin 2019 (R.G. 16/02157) par le Tribunal de Grande Instance d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 26 juin 2019

APPELANTE :

[K] [U]

née le 29 Janvier 1962 à [Localité 4]

de nationalité Française

Assistante sociale, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[C] [X] [N]

né le 30 Décembre 1975 à [Localité 5]

de nationalité Française

Artisan carreleur, demeurant [Adresse 3]

[H] [L] [S] épouse [N]

née le 18 Décembre 1978 à [Localité 5]

de nationalité Française

Agent de tri, demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Patrick HOEPFFNER de la SELARL HOEPFFNER, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte authentique du 14 décembre 2015, M. et Mme [N] ont vendu à Mme [K] [U] une maison d’habitation sise [Adresse 2], cadastrée n°[Cadastre 1], pour un montant de 155 000 euros.

A la suite de l’inondation de la cave le 29 décembre 2015, Mme [U] a déclaré le sinistre à son assureur, la MAIF.

Alléguant la présence d’une pompe d’évacuation des eaux de pluie qui lui aurait été dissimulée lors de la vente, Mme [U] a, le 6 janvier 2016, mandaté Me [R], huissier de justice, afin qu’il dresse un procès-verbal de constat des infiltrations d’eau se produisant dans la cave et de la présence de cette pompe.

Les 7 et 10 janvier 2016, Mme [U] a sollicité l’intervention des pompiers (SDIS) afin d’assécher de nouveau sa cave inondée.

L’assureur de Mme [U] a mandaté M. [O] en qualité d’expert. Après avoir convoqué M. et Mme [N] à une réunion d’expertise à laquelle ils ne se sont pas présentés, il a remis son rapport le 1er avril 2016.

Le 15 juillet 2016, la MAIF a mis en demeure M. et Mme [N] de payer à Mme [U] la somme de 14 425,84 euros correspondant au coût des réparations, telles que chiffrées par l’expert amiable.

Par acte du 28 septembre 2016, Mme [U] a assigné M. et Mme [N] devant le tribunal de grande instance d’Angoulême aux fins de constat de l’existence d’un vice caché antérieur à la vente et de leur condamnation au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 15 mai 2018, le tribunal de grande instance d’Angoulême a, avant dire droit, ordonné une expertise judiciaire, laquelle a été confiée à M. [Z].

L’expert a déposé son rapport le 1er octobre 2018.

Par jugement du 13 juin 2019, le tribunal de grande instance d’Angoulême a :

– débouté Mme [U] de sa demande en paiement de la somme de 15 774,79 euros au titre de la remise en état du réseau d’assainissement et des frais de recherche de fuites,

– débouté Mme [U] de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

– débouté M. et Mme [N] de leur demande en paiement de la somme de 4 000 euros pour procédure abusive,

– condamné Mme [U] à payer à M.et Mme [N] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [U] aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire amiable,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [U] a relevé appel du jugement le 26 juin 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 décembre 2021, Mme [U] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants, d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau de :

– condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer les sommes suivantes :

– 14 425,84 euros au titre des travaux réparatoires à revaloriser selon l’indice BT01 du coût de la construction,

– 1 050 euros en remboursement des investigations en recherche de fuites, de débouchage et de curage,

– 298,24 euros au titre des frais de constat d’huissier,

– 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

– condamner solidairement M. et Mme [N] aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise, ainsi qu’aux dépens d’appel,

– condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer tant en première instance qu’en appel,

En tout état de cause,

– débouter M. et Mme [N] de toutes demandes plus amples ou contraires.

Elle fait notamment valoir qu’il ressort de l’expertise judiciaire, et ainsi que cela ressort de la présence de la pompe de relevage dans la cave, que l’eau, dont la présence a été constatée dans la cave, constitue nécessairement l’existence d’inondations qui préexistaient à la vente. Ces inondations sont liées à l’état du réseau des canalisations qui fait converger les arrivées d’eau vers la cave. Elle ajoute que ces inondations sont constitutives d’un vice caché au sens des articles 1641 et suivants du code civil puisqu’il s’agit d’un vice caché antérieur à la vente dont les vendeurs avaient connaissance puisqu’ils ont installé la pompe de relevage et ont souhaité en installer une autre lors des plaintes de Mme [U]. En effectuant eux-mêmes le raccordement du lave-linge aux eaux pluviales, M. et Mme [N] ont participé et avait connaissance de la non-conformité des réseaux des eaux pluviales et des eaux usées. M. et Mme [N] sont de mauvaise foi quand ils affirment ignorer ce défaut. De plus, ce vice rend la cave impropre à son usage normal puisqu’elle est inutilisable en raison des inondations fréquentes. Il convient donc d’indemniser son préjudice.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2019, M. et Mme [N] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, de :

– confirmer le jugement rendu le 13 juin 2019 par le tribunal de grande instance d’Angoulême,

– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses prétentions,

– leur allouer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [U] aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise.

Ils font notamment valoir que dans l’acte de vente notarié signé par les parties le 14 décembre 2015, il est expressément stipulé que, concernant l’assainissement, le vendeur « ne garantit aucunement la conformité de l’installation aux normes actuellement en vigueur ». Or, les vices allégués par Mme [U] concernent les raccordements d’eaux et donc l’assainissement. La garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du code civil n’est donc pas applicable. Ils ajoutent qu’ils n’ont jamais été confrontés à la présence d’eau dans la cave, ce que confirme le directeur du service des pompiers en charge des interventions lors des inondations de cave. D’autres entreprises et témoins confirment également ces allégations. Ils précisent que la présence d’une pompe de relevage dans la cave fait suite à des travaux qu’ils ont réalisés après l’incendie d’une partie de leur habitation. La facture de la pompe a d’ailleurs été transmise le jour de la vente à Mme [U]. La prétendue plaque qui recouvre la pompe est amovible. Il ne peut donc leur être reproché d’avoir dissimulé à Mme [U] des vices cachés dont ils auraient eu connaissance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2022.

MOTIFS

Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Il incombe à l’acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d’un vice :

– inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,

– présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l’usage attendu de la chose,

– existant antérieurement à la vente, au moins en l’état de germe,

– n’étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n’étant pas tenu ‘ des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même’ conformément à l’article 1642 du code civil,

– et d’une importance telle que s’il en avait eu connaissance, il n’aurait pas acquis la chose ou n’en aurait offert qu’un moindre prix. »

Il résulte en l’espèce de l’acte de vente du 14 décembre 2015 que les parties ont stipulé une clause de non-garantie des vices cachés rédigée en ces termes : « L’acquéreur prend le bien dans l’état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison : -des vices apparents, – des vices cachés’ » ( cf : page 13 de l’acte). A cet égard, il est précisé que cette exonération de la garantie des vices cachés ne peut s’appliquer aux défauts de la chose vendue dont le vendeur a déjà connaissance. Par ailleurs, il a été ajouté dans l’acte au chapitre de l’assainissement : « le vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l’immeuble vendu est raccordé au réseau d’assainissement, mais ne garantit aucunement la conformité de l’installation actuellement en vigueur. Il déclare également ne rencontrer actuellement aucune difficulté particulière avec cette installation ; qu’il n’a pas reçu des services compétents de mise en demeure de mettre l’installation en conformité avec les normes existantes’ » ( cf : page 20 de l’acte)

L’expert judiciaire a constaté que le raccordement des eaux usées de l’immeuble n’était pas conforme aux règles de l’art, et qu’il était susceptible d’entrainer des inondations récurrentes de la cave. En outre, il a considéré qu’une cave était une pièce humide, et que l’état des murs et des poteaux montrait que cette humidité était présente depuis longtemps, avant l’achat de la maison par Mme [U]. ( cf : rapport d’expertise page 17).

Ainsi, le vice allégué qui est constitué par la non-conformité du raccordement au réseau d’assainissement des eaux usées et pluviales existait ainsi que l’expert judicaire l’a constaté antérieurement à la vente.

Or un tel désordre qui constituerait un vice caché est explicitement exclu de la responsabilité des vendeurs de l’immeuble, en application de la clause relative à la non garantie des vices apparents ou cachés, mais aussi au titre de la clause relative à l’absence de garantie de la conformité de l’installation de raccordement des eaux pluviales ou usées au réseau d’assainissement.

Les vendeurs qui n’étaient pas des professionnels de la vente immobilière peuvent ainsi se prévaloir de ces clauses, sauf si Mme [U] démontrait leur mauvaise foi, soit la connaissance qu’ils détenaient de l’existence préalable du désordre à la vente.

Si Mme [U] croit pouvoir trouver cette mauvaise foi dans la présence dans la cave d’une pompe de relevage qui lui aurait été cachée, et dont la présence témoignerait d’inondations fréquentes par le passé ayant rendu nécessaire le refoulage des eaux, les intimés affirment sans être démentis qu’au jour de la vente la pompe n’était pas recouverte d’une plaque amovible qui aurait été ajoutée après la vente. En toutes hypothèses, avant cette vente il est démontré qu’à la demande de Mme [U], l’agent immobilier qui avait réalisé la transaction lui avait envoyé par courriel, à sa demande, une copie de la facture de la société Areva construction, à la suite de la reconstruction de la maison après un incendie. Or cette facture mentionne bien, en page trois, la réalisation de travaux électriques destinés à la pompe de relevage ( cf : pièces 6, 7 et 8 des intimés) . En outre l’affirmation par les époux [N] que l’immeuble litigieux n’a jamais été l’objet d’inondations avant la vente de la maison est confirmée par le directeur départemental du service incendie, qui atteste que le SDIS n’est jamais intervenu dans les lieux litigieux entre le 13 février 2003 (première date à partir de laquelle toutes les interventions ont été enregistrées) et le 19 décembre 2015 ( soit quelques jours après la vente, et par différents témoins lesquels attestent n’avoir jamais vu d’eau dans la cave de l’immeuble.( pièces 2,3, 4 et 5 des intimés).

Par ailleurs, la présence d’une pompe dans la cave qui apparait clairement sur la facture adressée par l’agent immobilier à Mme [U] avant la vente, s’explique non par des inondations passées, mais par la nécessité d’évacuer les eaux déversées par les pompiers à la suite de l’incendie de l’immeuble litigieux. Cette facture établie par la société Aréva constructions du 3 décembre 2008 étant intitulée « facture pour reconstruction de la maison suite à un incendie ».( pièce n°6 des intimés)

Dans ces conditions la connaissance par les vendeurs du vice, et ainsi leur mauvaise foi, n’est nullement démontrée, si bien que le jugement entrepris doit être confirmé, étant observé que l’acquéreur d’un bien ancien s’expose nécessairement à la survenance fortuite de l’obsolescence de certaines installations, serait ce quelques jours seulement après son acquisition.

Mme [K] [U], qui succombe en appel, sera condamnée aux entiers dépens de première instance d’expertise et d’appel.

Elle sera en outre condamnée à verser aux intimés la somme complémentaire de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant :

Condamne Mme [K] [U] à payer à M. [X] [N] et Mme [H] [S] épouse [N] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance, d’expertise et d’appel.

La présente décision a été signé par Madame Paule POIREL, Présidente, et Annie BLAZEVIC, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire,

Le Greffier La Présidente

 


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