Droits des Artisans : 17 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11908

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Droits des Artisans : 17 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11908

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRET DU 17 FEVRIER 2023

(n° 32 /2023, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/11908 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH5V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 17/08396

APPELANT

Monsieur [S] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Kenza HAMDACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0220

Ayant pour avocat plaidant Me Eric AZOULAY, avocat au barreau de PONTOISE, toque : 10, substitué à l’audience par Me Charlotte ROMERO avocat au barreau de PONTOISE

INTIME

Monsieur [V] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me François PARIS de la SCP DPG Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0051

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de président

Valérie GEORGET, Conseillère

Sabine LEBLANC, Présidente de chambre

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu au 10 février 2022 puis prorogé au 17 février 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Céline RICHARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [J] était propriétaire d’un studio situé [Adresse 1].

Alors qu’il avait régularisé un mandat pour vendre son appartement, M. [J] a découvert, le 9 juin 2016, un sinistre de dégât des eaux affectant son bien.

Une expertise amiable a mis en cause l’intervention d’un artisan plombier, M. [B], sur le ballon d’eau chaude de l’appartement situé à l’étage supérieur ; M. [B] n’ayant pas installé de clapet anti-retour.

L’assureur de M. [J] lui a versé une indemnité.

Les travaux réparatoires ont été exécutés en janvier 2017.

Par courrier en date du 20 février 2017, M. [J] a sollicité, en vain, de M. [B] l’indemnisation du préjudice qu’il estimait non couvert par l’assurance.

M. [J] a signé la promesse de vente de son studio le 1er mars 2017.

Par acte d’huissier du 9 juin 2017, M. [J] a assigné M. [B] en indemnisation de son préjudice devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 19 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

Condamné M. [B] à payer à M. [J] la somme de 2 200 euros en réparation du préjudice subi

Condamné M. [B] aux dépens et à payer la somme de 2 500 euros à M. [J] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [J] a interjeté appel de ce jugement le 10 août 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2022, M. [J] demande à la cour de :

A titre principal,

Recevoir en l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu le 19 juin 2020, en ce qu’il a débouté M. [J] de ses demandes plus amples, dont sa demande de remboursement des frais de rénovation de son bien, et a limité son préjudice à la somme de 2 200 euros.

Débouter M. [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Et Statuant à nouveau,

Condamner à payer à M. [J] la somme de :

– 19 732,05 euros au titre du préjudice financier subi ;

– 6 400 euros au titre du trouble de jouissance subi de juin 2016 à février 2017 ;

A titre subsidiaire,

Si la cour devait considérer que le préjudice de l’appelant n’est pas constitutif d’un trouble de jouissance, elle ne manquera pas de retenir que cette situation s’analyse en une perte de chance de pouvoir vendre le bien plus tôt pour M. [J] qui a été contraint de supporter des frais qu’il n’aurait pas eu à prendre en charge si le bien n’avait pas dû être immobilisé pendant plusieurs mois,

Infirmer le jugement rendu le 19 juin 2020, en ce qu’il a débouté M. [J] de ses demandes plus amples, dont sa demande de remboursement des frais de rénovation de son bien, et a limité son préjudice à la somme de 2 200 euros.

Débouter M. [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Condamner M. [B] à payer à M. [J] les sommes de :

– 19 732,05 euros au titre du préjudice financier subi ;

– 6 400 euros au titre de la perte de chance subie de juin 2016 à février 2017 ;

En tout état de cause,

Condamner M. [B] à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Condamner M. [B] aux entiers dépens

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2022, M. [B] demande à la cour de :

Dire et juger irrecevable M. [J] en son appel et, en tout état de cause, mal fondé en celui-ci.

-Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

*limité à 2 200 euros l’indemnisation du préjudice subi par M. [J] ;

*débouté celui-ci de ses plus amples demandes

-Débouter M. [J] de toutes ses demandes en cause d’appel ;

En tout état de cause,

– Condamner M. [J] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [J] aux entiers dépens de l’instance dont distraction sera faite au profit de la SCP DPG avocats, société d’avocats constituée, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 novembre 2022.

MOTIVATION

I. Sur les demandes principales de M. [J]

Pour accueillir la demande de M. [J] à hauteur de 2 200 euros, le tribunal a considéré que :

– M. [J] ne démontrait pas que l’indemnité versée par son assureur (4 199, 58 euros) était insuffisante pour financer les travaux de remise en état de son studio,

– le bien n’étant ni loué ni habité par M. [J], celui-ci ne pouvait se prévaloir d’un trouble de jouissance ou d’un manque à gagner,

– M. [J] a néanmoins subi une perte de chance de vendre son bien plus rapidement ce qui a eu une incidence financière puisqu’il n’a dû s’acquitter des charges et des différents frais (dont l’achat d’un déshumidificateur).

Moyens des parties

M. [J] soutient que la responsabilité de M. [B] est établie dès lors que celui-ci n’a pas mis de clapet anti-retour sur le chauffe-eau installé dans le logement de l’étage supérieur, provoquant des refoulements d’eau à l’origine du sinistre dans son appartement.

Il ajoute, il n’a pu ni louer ni vendre son bien avant le 1er mars 2017, soit neuf mois après le sinistre.

Il considère que son préjudice financier est caractérisé par les charges inhérentes au bien pendant la période comprise entre le sinistre et la signature du ‘compromis de vente’, les travaux d’assèchement de l’appartement et le coût des travaux de rénovation entrepris avant le sinistre. Il revendique un préjudice de jouissance, précisant que la valeur locative de l’appartement est de 800 euros par mois. A titre subsidiaire, si le préjudice de jouissance devait être écarté, M. [J] demande une indemnisation de sa perte de chance de vendre l’appartement plus tôt. Il affirme qu’eu égard à l’état de l’appartement après le sinistre, notamment de l’humidité, les travaux réparatoires n’ont pas pu être effectués plus rapidement.

M. [B] conclut à la confirmation du jugement. Il ne conteste pas sa responsabilité dans la survenance du sinistre. Il fait valoir que l’appartement était vide au moment du dégât des eaux et qu’il était destiné à la vente de sorte que M. [J] ne peut prétendre à un préjudice de jouissance. M. [B] ajoute qu’il n’est pas responsable du délai dans lequel l’expertise amiable a été organisée et que l’assureur de M. [J] l’a justement indemnisé. S’agissant des demandes subsidiaires au titre de la perte de chance, M. [B] oppose que la somme versée par l’assureur était destinée à la remise en état de l’appartement et que l’achat d’un second déshumidificateur n’est pas justifié.

Réponse de la cour

Selon l’article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

M. [B] admet être responsable du dégât des eaux ayant endommagé l’appartement de M. [J] constaté le 9 juin 2016.

M. [J] réclame l’indemnisation des préjudices n’ayant pas été réparés par l’indemnité d’assurance.

* sur la demande au titre du préjudice financier relatif au remboursement des frais de rénovation antérieurs au sinistre

Le rapport de l’expert amiable (pièce n° 6 de l’appelant) relève que le sinistre nécessitera :

– des travaux de peinture dans le séjour, le coin cuisine et la salle-de-bains,

– le remplacement du bloc évier en inox et les plaques électriques, d’une partie de la faïence dans la cuisine et la salle de bains,

– une vérification électrique.

A l’appui de sa demande en réparation, M. [J] produit les factures suivantes :

– AMC rénov, en date du 15 avril 2016, pour la fourniture et pose d’un radiateur, la dépose d’une kitchenette, la fourniture et pose d’une nouvelle kitchenette, fourniture et pose d’un robinet évier : 831 euros ;

– [G] père et fils, en date du 8 février 2013, pour le remplacement du chauffe-eau : 750 euros;

– La Bouillerie, en date du 16 juillet 2014, pour le raccordement à la colonne de terre et le remplacement du tableau électrique : 904, 12 euros ;

Cependant, il n’est pas établi que le dégât des eaux ait eu des conséquences sur ces équipements et prestations, du moins que l’indemnité versée par l’assureur, soit 4 199, 58 euros, était insuffisante pour réparer les dommages.

De même, M. [J] ne justifie pas avoir été contraint d’exposer des frais pour établir de nouveaux diagnostics pour la mise en vente de son bien.

Les demandes de paiement à ce titre doivent être rejetées.

Ensuite, M. [J] justifie avoir réglé, avant le sinistre, la somme de 1 595 euros à un architecte d’intérieur pour étudier et coordonner des travaux de rénovation (plomberie, peinture et maçonnerie sans autres détails) exécutés pour un montant de 12 384, 35 euros.

Cependant, M. [J], qui soutient que le sinistre a mis à néant les travaux de rénovation engagés antérieurement, n’identifie pas précisément la nature desdits travaux qui n’auraient pas, de surcroît, été pris en charge par l’indemnité d’assurance.

De plus, les pièces du dossier, notamment les photographies des lieux (pièce n° 3 de l’appelant), ne démontrent pas que le sinistre a anéanti l’intégralité des travaux et prestations susvisées et que l’indemnité versée par l’assureur de M. [J] était insuffisante pour réparer les dégâts matériels.

La demande de M. [J] sera rejetée.

* Sur la demande au titre de la location du déshumidificateur

Il résulte des débats que les murs de l’appartement et le plafond ont subi des infiltrations significatives en raison du sinistre.

Le temps de séchage de plusieurs mois est la conséquence directe de ce sinistre.

Dans ces conditions, la location d’un déshumidificateur pendant deux mois est justifiée et en lien de causalité avec les dégâts dont M. [B] est responsable.

L’indemnité d’assurance n’ayant pris en charge qu’un seul mois de location de ce matériel, M. [J] est fondé à réclamer le paiement de la location de ce matériel pendant un mois à M. [B].

M. [B] sera condamné à payer la somme de 1 100 euros à ce titre à M. [J] (pièce n°9 de l’appelant) outre la somme de 148, 78 euros au titre des frais d’électricité afférents à l’utilisation des déshumidificateurs.

* Sur les autres demandes

M. [J] forme, à titre principal, une demande tendant à l’indemnisation d’un préjudice de jouissance, exposant qu’il a été dans l’impossibilité de vendre ou de louer son bien eu égard aux conséquences du sinistre.

La réparation du préjudice de jouissance fait obstacle aux demandes de paiement de charges attachées à la qualité de propriétaire (appels sur charges, impôts fonciers, assurance).

Les demandes de paiement des sommes de 1 345, 97 euros, 203 euros et 148, 78 euros seront donc rejetées.

Dans son rapport, en date du 27 octobre 2016, l’expert amiable relève que les supports de l’appartement sont encore gorgés d’eau.

Les travaux de réfection n’ont pu être réalisés qu’après séchage complet des murs et plafonds.

Il se déduit de la facture du 26 janvier 2017 de la société AMC Renov que les travaux de reprise ont été réalisés dans le courant du mois de janvier 2017.

Aussi, convient-il de retenir que le bien de M. [J] a été inhabitable du 1er juin 2016 au 1er février 2017.

Ce préjudice de jouissance ne saurait être réparé par une somme équivalente aux loyers perdus, dès lors que, lorsque le sinistre est survenu, le bien était destiné à la vente et inoccupé.

Il convient de réparer le préjudice né de l’impossibilité pour M. [J] de disposer de son bien.

Ce préjudice sera indemnisé par l’octroi d’une somme de 400 euros par mois, soit au total 3 200 euros.

En conclusion, M. [B] sera condamné à verser la somme de 1 248, 78 euros à M. [J] au titre du préjudice matériel et 3 200 euros au titre du préjudice de jouissance.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

II. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

En appel, M. [B] sera condamné aux dépens et à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de M. [B] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il :

rejette la demande de M. [B] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

condamne M. [B] aux dépens,

condamne M. [B] à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau

Condamne M. [B] à payer à M. [J] les sommes de :

– 1 248, 78 euros au titre du préjudice matériel,

– 3 200 euros au titre du préjudice de jouissance.

– Rejette le surplus des demandes de M. [J].

Condamne M. [B] aux dépens d’appel,

Condamne M. [B] à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Rejette la demande de M. [J] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La Conseillère faisant fonction de Président

 


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