COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 16 MARS 2023
N° 2023/100
Rôle N° RG 22/00088 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIUFE
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES
C/
[S] [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Olivier DE PERMENTIER
Me Laure ATIAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MANOSQUE en date du 07 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n°2021 001096 .
APPELANTE
LA BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES,
Société Coopérative de banque Populaire à capital variable immatriculée au RCS de LYON sous le n° 605 520 071 dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE
INTIME
Monsieur [S] [B]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Didier MORELLI de la SELARL ACT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Michèle LIS-SCHAAL, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Madame Agnès VADROT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023,
Signé par Madame Muriel VASSAIL, conseillère pour la Présidente empêchée et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES
M.[S] [B] exerçait une activité de carrelage, petite maçonnerie, dallage en qualité d’artisan inscrit au répertoire des métiers depuis 2003.
Antérieurement, il a souscrit, auprès de la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES (la BANQUE POPULAIRE), une convention de compte particulier (le 17 août 2000).
Le 5 août 2003, il a souscrit auprès ce cet établissement une convention de compte professionnel.
Le 21 novembre 2008, il a souscrit un prêt professionnel de 25 000 euros au taux de 5, 90%, remboursable en 60 mensualités.
Le 24 juin 2010, il a souscrit un prêt de 10 500 euros au taux de 3% remboursable en 60 mensualités.
Par jugement du 11 février 2015, il a été condamné à payer à la BANQUE POPULAIRE, avec exécution provisoire et anatocisme :
-845, 09 euros au titre du compte particulier,
-16 196, 30 euros au titre du compte courant,
-5 658, 64 euros au titre du prêt SOCAMA,
-4 024, 48 euros au titre du prêt professionnel.
Par acte du 5 novembre 2020, la BANQUE POPULAIRE a assigné M. [B] devant le tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en ouverture de liquidation judiciaire.
Par jugement du 7 décembre 2021, rendu après décision d’incompétence matérielle du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS, le tribunal de commerce de MANOSQUE a :
-constaté que l’assignation est intervenue plus d’un an après la cessation de l’activité de M. [B],
-déclaré irrecevable la demande d’ouverture de liquidation judiciaire formulée par la BANQUE POPULAIRE à l’encontre de M. [B],
-débouté les parties de leurs prétentions respectives au titre des frais irrépétibles,
-condamné la BANQUE POPULAIRE aux dépens.
Pour prendre leur décision les premiers juges ont retenu que :
-M. [B] a cessé totalement son activité le 31 décembre 2012 et a été radié le 13 juin 2013,
-l’assignation est tardive pour avoir été délivrée plus d’une année après la cessation d’activité de l’intéressé (en l’occurrence plus de 7 ans).
La BANQUE POPLUAIRE a fait appel de ce jugement le 4 janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 30 juin 2022, elle demande à la cour de dire et juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens, de réformer la décision attaquée en toutes ses dispositions, de débouter M. [B] de toutes ses demandes et :
A titre principal, au visa des articles L640-1 et suivants du code de commerce, de :
-constater l’état de cessation des paiements de M. [B],
-ordonner l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son égard,
A titre subsidiaire, au visa des articles 1165 et suivants du code civil et selon le principe fraus omnia corrumpit, de :
-le déclarer inopposable le contrat de société opéré par M. [B],
-annuler les statuts de société,
-prononcer l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M. [B],
A titre plus subsidiaire, de prononcer l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de M. [B],
En tout état de cause, d’ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective et de condamner M. [B] à lui payer 2 500 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA le 11 avril 2022, M. [B] demande à la cour de constater un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et de :
-déclarer irrecevables :
-la demande subsidiaire de la BANQUE POPULAIRE tendant à ce que le contrat de société qu’il a opéré lui soit déclaré inopposable,
-la demande subsidiaire de la BANQUE POPULAIRE tendant à ce que les statuts de la société soient annulés,
-confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :
-déclaré irrecevable la demande d’ouverture de liquidation judiciaire formulée par la BANQUE POPULAIRE,
-débouté la BANQUE POPULAIRE de sa demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile,
-infirmer le jugement attaqué pour le surplus et condamner la BANQUE POPULAIRE à lui payer 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,
A titre infiniment subsidiaire, de rejeter les demandes de la BANQUE POPULAIRE en ce qu’elle n’établit ni son état de cessation des paiements ni son impossibilité manifeste à se redresser,
En tout état de cause, de condamner la BANQUE POPULAIRE aux entiers dépens avec distraction.
Dans ses réquisitions, communiquées au RPVA le 14 décembre 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel.
Le 18 février 2022, en application de l’article 905-1 du code de procédure civile, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 25 janvier 2023.
La clôture de la procédure est intervenue le 15 décembre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.
MOTIFS DE LA DECISION
1)Sur la demande d’ouverture d’une procédure collective à l’égard de M. [B]
En cas d’arrêt de l’activité professionnelle du débiteur, il se déduit des dispositions combinées des articles L631-5 et L640-5 du code de commerce que les procédures de redressement et de liquidation judiciaire demeurent applicables à tout commerçant, artisan, agriculteur, travailleur indépendant pourvu qu’il soit assigné dans le délai d’une année à compter de la date de :
-sa radiation au RCS s’agissant d’une personne morale,
-la cessation de son activité s’il s’agit d’un artisan, d’un agriculteur ou d’une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante.
Dans le cas présent, la BANQUE POPULAIRE poursuit l’infirmation de la décision frappée d’appel en faisant valoir que :
-M. [B] ne rapporte pas la preuve de la cessation de son activité,
-lorsque la juridiction se saisit d’office la procédure n’est soumise à aucun délai.
En conséquence de quoi, en tout état de cause, elle demande à la cour de se saisir d’office.
Toutefois, il ne peut être fait droit à ce chef de demande dans la mesure où, depuis l’ordonnance du 12 mars 2014, entrée en vigueur le 1er juillet 2014, qui a modifié le premier alinéa de l’article L640-5 du code de commerce, la juridiction, fut-elle d’appel, n’a plus le pouvoir de se saisir d’office.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la BANQUE POPULAIRE, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que M. [B] rapportait la preuve de la cessation de son activité en date du 31 décembre 2012 par la production de son certificat de radiation du répertoire des métiers (sa pièce 1). En effet, ce document, établi le 13 juin 2013, mentionne formellement le motif de la radiation et la date de la cessation d’activité.
Cette analyse s’impose d’autant que :
-comme l’intimé le fait valoir, la BANQUE POPULAIRE ne pouvait ignorer la situation puisqu’il ressort de sa pièce 1-2 qu’elle a reçu une copie de ce même certificat de radiation le 8 janvier 2014,
-il s’évince de sa pièce n°2 que le 1er janvier 2013 M. [B] a créé une SARL unipersonnelle, la société AZUR CARRELAGE-CARRELAGE ET FACADIER-RAPHAEL [B], immatriculée au RCS le 2 août 2013 au sein de laquelle il a exercé une activité similaire à son ancienne activité.
La BANQUE POPULAIRE a assigné M. [B] en liquidation judiciaire le 5 novembre 2020, soit en dehors du délai d’une année prévu aux articles L631-5 et L640-5 du code de commerce.
En conséquence, le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de la société BANQUE POPULAIRE tendant à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M. [B].
La demande subsidiaire de la BANQUE POPULAIRE, tendant à l’ouverture d’un redressement judiciaire, sera également déclarée irrecevable puisque :
-comme elle l’a rappelé dans les développements précédents, depuis la réforme de 2014, la cour n’a plus la faculté de se saisir d’office,
-ainsi que cela résulte de l’article L631-5 du code de commerce, les dispositions applicables à la liquidation judiciaire sont également applicables au redressement judiciaire.
2)Sur la demande d’inopposabilité des statuts de la SARL AZUR CARRELAGE à la BANQUE POPULAIRE et la demande d’annulation des mêmes statuts
Le second alinéa de l’article R640-1 du code de commerce d’ordre public, pose pour principe que la demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire présentée par un créancier est, à peine d’irrecevabilité qui doit être relevée d’office, exclusive de toute autre demande à l’exception d’une demande subsidiaire d’ouverture d’un redressement judiciaire.
Par l’effet de l’appel, la saisine de la cour est limitée au périmètre de la saisine des premiers juges.
Il en résulte, comme le fait valoir M. [B], que les demandes de la BANQUE POPULAIRE tendant à ce que les statuts de la société AZUR CARRELAGE lui soient déclarés inopposables et soient annulés, même pour fraude, sont radicalement irrecevables.
En l’occurrence, cette solution s’impose d’autant que :
-ces demandes se heurtent également à l’article 564 du code de procédure civile pour être nouvelles en cause d’appel,
-M. [B] n’ayant pas été assigné en qualité de représentant légal mais à titre personnel, la société AZUR CARRELAGE n’est pas dans la cause de sorte que ces demandes ne sont pas tournées contre une partie ayant qualité pour y défendre.
3)Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement frappé d’appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La BANQUE POPULAIRE qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel. Elle se trouve, ainsi, infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.
IL serait inéquitable de laisser supporter à M. [B] l’intégralité des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
La BANQUE POPULAIRE sera condamnée à lui payer 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
La distraction des dépens sera autorisée pour le conseil de l’intimé.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, après débats publics et par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
Confirme en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, le jugement rendu le 7 décembre 2021 par le tribunal de commerce de MANOSQUE ;
Y ajoutant :
Déclare irrecevable la demande subsidiaire de la BANQUE POPULAIRE tendant à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ;
Déclare irrecevables les demandes de la BANQUE POPULAIRE tendant à ce que les statuts de la société AZUR CARRELAGE lui soient déclarés inopposables et soient annulés ;
Déclare la BANQUE POPULAIRE infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la BANQUE POPULAIRE à payer à M. [B] 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile ;
Autorise l’application de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil de l’intimé;
Condamne la société BANQUE POPULAIRE aux dépens d’appel.
La greffière, La conseillère pour la présidente empêchée