Droits des Artisans : 16 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00673

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Droits des Artisans : 16 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00673

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/01/2023

la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU

la SCP HERRAULT, CROS

la SELARL CABINET GENDRE & ASSOCIES

Me Sandrine AUDEVAL

ARRÊT du : 16 JANVIER 2023

N° : – N° RG : 20/00673 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GEB5

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 05 Mars 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265257160122737

Monsieur [H] [I]

né le 14 Juillet 1967 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 8]

ayant pour avocat Me Alexandre GODEAU de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS

D’UNE PART

INTIMÉES : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265258103636790

Madame [V] [T]

née le 19 Août 1956 à [Localité 9] (18)

[Adresse 4]

[Localité 8]

ayant pour avocat Me Jean-François HERRAULT de la SCP HERRAULT, CROS, avocat au barreau de BLOIS

– Timbre fiscal dématérialisé N°1265256309901053

La S.A.S. SAS TEREVA immatriculée au RCS de BOURG EN BRESSE sous le n° 434 004 198, représentée par son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 1]

ayant pour avocat Me Sandrine AUDEVAL, avocat postulant au barreau de BLOIS et par Me DE BOYSON de la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET SUETY FOREST DE BOYSSON, avocat plaidant au barreau de l’AIN

– Timbre fiscal dématérialisé N1265258380635131

La S.A.S. HS FRANCE

[Adresse 7]

[Localité 5]

ayant pour avocat Me Nicolas GENDRE de la SELARL CABINET GENDRE & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et Me Guillaume HANRIAT du cabinet SEGUIN & HANRIAT, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 18 Mars 2020.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 21 Novembre 2022, à 14 heures, devant Madame Anne-Lise COLLOMP, président de chambre par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de la chambre civile, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité,

Madame Florence CHOUVIN, Conseiller

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

Prononcé le 16 JANVIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [V] [T], propriétaire d’une maison d’habitation située [Adresse 4] à [Localité 8], a commandé auprès de M. [H] [I], artisan plombier, la fourniture et la pose d’une « chaudière granule de bois Multi-heat 2,5 option silo 600 litres » selon devis en date du 24 avril 2013 et facture du 7 septembre 2013, pour un montant de 11 308,40 euros.

Se plaignant du mauvais fonctionnement de la chaudière, Mme [T] a saisi son assureur Groupama Paris Val de Loire, qui a missionné un technicien, le Cabinet Elex, lequel a déposé son rapport le 25 septembre 2014.

Un rapport d’expertise « responsabilité civile décennale » a également été établi par le cabinet Eurisk le 28 août 2014, à la demande de la société Thelem Assurances, assureur de M. [H] [I], qui avait participé à l’expertise faite par le Cabinet Elex.

Par acte d’huissier du 16 décembre 2014, Mme [T] a fait assigner M. [I] devant le tribunal de grande instance de Blois afin d’obtenir la résolution de la vente de la chaudière, sur le fondement des articles 1602 et suivants et 1644 et suivants du code civil.

L’instance a été radiée le 10 février 2015 et réenrôlée le 31 août 2015.

Par acte d’huissier du 30 octobre 2015, M. [I] a fait assigner en intervention forcée la SAS Tereva qui lui avait fourni la chaudière.

La jonction des procédures a été ordonnée le 24 novembre 2015.

Par ordonnance du 17 janvier 2017, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise judiciaire, confiée à Mme [J].

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 22 septembre 2017.

Par acte d’huissier du 14 mars 2018, la société Tereva a fait assigner en intervention forcée la société HS France.

La jonction des procédures a été ordonnée le 3 juillet 2018.

Par jugement en date du 5 mars 2020, le tribunal judiciaire de Blois a :

– rejeté l’ensemble des demandes formées par Mme [V] [T] à l’égard de la société Tereva ;

– condamné M. [H] [I], sur le fondement des articles L.211-4 et suivants de l’ancien Code de la consommation, à verser à Mme [V] [T] :

> au titre de son préjudice matériel : la somme de 10 167,71 euros TTC,

> en réparation du préjudice résultant de sa sur-consommation d’électricité : la somme de 2 289,81 euros,

> en réparation de son préjudice de jouissance : la somme de 3600 euros,

– condamné M. [H] [I], en raison de son manquement à son devoir de conseil, à verser à Mme [V] [T] la somme de 1000 euros ;

– dit que l’ensemble de ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour du présent jugement ;

– dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt;

– rejeté le surplus des demandes de dommages et intérêts formées par Mme [V] [T], ainsi que sa demande relative aux frais afférents à la vente ;

– rejeté la demande de garantie formée par M. [H] [I] à l’égard de la société Tereva ;

– dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de garanties formées par la société Tereva ;

– dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de garantie formées par la société HS France ;

– rejeté tout autre demande ;

– condamné M. [H] [I] à verser, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

> une somme de 1 200 euros à Mme [V] [T] ;

> une somme de 600 euros à la société Tereva ;

– condamné la société Tereva à verser à la société HS France une somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté le surplus des demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [H] [I] aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire ;

– autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision.

Par déclaration du 18 mars 2020, M. [H] [I] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– condamné M. [H] [I], sur le fondement des articles L.211-4 et suivants de l’ancien Code de la consommation, à verser à Mme [V] [T] :

> au titre de son préjudice matériel : la somme de 10 167,71 euros TTC,

> en réparation du préjudice résultant de sa sur-consommation d’électricité : la somme de 2 289,81 euros,

> en réparation de son préjudice de jouissance : la somme de 3600 euros,

– condamné M. [H] [I], en raison de son manquement à son devoir de conseil, à verser à Mme [V] [T] la somme de 1000 euros ;

– dit que l’ensemble de ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour du présent jugement ;

– dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt ;

– rejeté la demande de garantie formée par M. [H] [I] à l’égard de la société Tereva ;

– condamné M. [H] [I] à verser, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

> une somme de 1 200 euros à Mme [V] [T] ;

> une somme de 600 euros à la société Tereva ;

– condamné M. [H] [I] aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 30 juillet 2020, M. [H] [I] demande à la cour de :

A titre principal :

– infirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 5 mars 2020 en ce qu’il a condamné M. [I] à indemniser Mme [T] ;

Statuant de nouveau :

– débouter purement et simplement Mme [T] de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de M. [I] ;

A titre subsidiaire, sur la responsabilité de M. [I],

– ordonner avant-dire droit un complément d’expertise ;

– commettre pour y procéder tel expert qu’il plaira à la cour de céans, avec pour mission, notamment de prendre connaissance du document intitulé notice ‘ réglage de la puissance et de la combustion ‘, indiquez si les éléments contenus dans ce document sont de nature à confirmer ou infirmer les conclusions du rapport d’expertise sur le réglage de la puissance de la chaudière, dans l’hypothèse où l’appareil de chauffage serait réglable, indiquez les opérations nécessaires au réglage de celui-ci et préciser si de telles opérations peuvent être commodément réalisées par un particulier et sont de nature à permettre la fourniture d’un chauffage satisfaisant et adapté des locaux ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse de la qualification d’un défaut de conformité :

– infirmer la décision rendue en ce qu’elle a rejeté la demande en garantie formulée par M. [I] à l’encontre de la société Tereva ;

Statuant de nouveau :

– condamner la société Tereva à garantir M. [I] de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre ;

A titre infiniment subsidiaire, sur le montant des condamnations :

– infirmer la décision rendue en ce qu’elle a condamné M. [I] à verser à Mme [T] la somme de 2289,81 € en réparation du préjudice résultant de sa surconsommation d’électricité, la somme de 3600 € en réparation de son préjudice de jouissance, et la somme de 1000 € en indemnisation du manquement au devoir de conseil ;

Statuant de nouveau :

– débouter purement et simplement Mme [T] de ses demandes formulées au titre de la surconsommation d’électricité, de son préjudice de jouissance, et de toute indemnisation au titre d’un prétendu manquement devoir de conseil ;

En tout état de cause :

– condamner Mme [T] à verser à M. [I] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [T] aux entiers dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 août 2022, Mme [V] [T] demande à la cour de :

– voir déclarer M. [I] recevable, mais non fondé en son appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 5 mars 2020 ;

– voir débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes ;

– voir recevoir Mme [T] en son appel incident, et, statuant à nouveau, et vu les dispositions des articles 1602 et suivants, et des articles 1644 et suivants du code civil ; et les dispositions des articles L111-1, L211-4 et suivants du code de la consommation :

– voir dire que la société Tereva devra se voir condamnée solidairement au même titre que M. [I], et voir ainsi condamner solidairement M. [I] et la société Tereva à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

> 10.853,46 euros au titre du coût du remplacement de la chaudière, et mise en service de la nouvelle installation, ou subsidiairement, en cas de non remplacement, la somme totale de 11.308,40 € en restitution du prix de vente ;

> 869,00 € au titre des frais d’évacuation de la chaudière litigieuse ;

> 1.400 euros à titre de dommages et intérêts au titre du surcoût de consommation en granulats de la chaudière, et 2.951 euros au titre du surcoût de consommation d’électricité durant la période allant de l’été 2013 à octobre 2017 au vu des factures d’électricité versées aux débats ;

> 10.000 euros à titre de dommages intérêts au titre du préjudice de jouissance, puisqu’il est constant que Mme [T] n’aura pas pu chauffer correctement sa maison, et donc jouir correctement de son bien durant…quatre longues années depuis la mise en service de la chaudière, sachant que de nombreuses réunions ont eu lieu, n’ayant pas pu dégager d’accord amiable quant aux responsabilités, pourtant patentes, des défendeurs ;

– qu’il conviendra de voir dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2013, et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

– voir condamner M. [I] à verser à Mme [T] une somme non inférieure à 2.000,00 € en remboursement des frais afférents à la vente ;

– voir subsidiairement prononcer la résolution de la vente de la chaudière granule de bois Multi Heat 2,5 survenue entre Mme [T] et M. [I] et condamner solidairement M. [I] et Tereva à verser à Mme [T] la restitution du prix de vente, soit 11.308,40 € ; outre 6.000 euros à titre de dommages intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

– voir condamner M. [I] à verser à Mme [T] une somme non inférieure à 5.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– voir condamner M. [I] et la société Tereva aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel, qui devront comprendre les frais d’expertise judiciaire.

Mme [V] [T] a formé appel incident dans ses conclusions du 5 août 2020.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 octobre 2020, la société Tereva demande à la cour de :

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions contre la société Tereva ;

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Blois ;

Subsidiairement,

– réduire ces demandes à de plus justes proportions et condamner solidairement M. [I] et la société HS France à relever et garantir indemne la société Tereva ;

En tout état de cause,

– condamner M. [I] ou qui mieux le devra à payer à la société Tereva la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [I] ou qui mieux le devra en tous dépens de première instance et d’appel avec application au profit de Me Audeval des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 6 avril 2021, le conseiller de la mise en état a constaté que les conclusions notifiées le 25 septembre 2020 par la SA HS ne sont pas conformes et a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 6 janvier 2021 par la SA HS France.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

MOTIFS

Sur les manquements contractuels imputables à M. [I]

En application de l’article L211-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige :

‘Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Il répond également des défauts de conformité résultant de l’emballage, des instructions de montage ou de l’installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité’.

L’article L.211-5 du code de la consommation dispose quant à lui:

‘Pour être conforme au contrat, le bien doit :

1° Etre propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant :

– correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle;

– présenter les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage ;

2° Ou présenter les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté’.

Par ailleurs, il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au présent litige, que le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d’une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer sur l’adéquation entre le bien qui est proposé et l’usage qui en est prévu (1re Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-22.210, publié).

En l’espèce, Mme [T] reproche à M. [I] de lui avoir vendu une chaudière qui n’était pas adaptée à ses besoins, en ce que sa puissance était trois à quatre fois trop importante eu égard aux besoins de chauffe de sa maison, et en ne préconisant même pas un système de régulation permettant de réguler la température intérieure.

M. [I] fait valoir que la chaudière fonctionnait et que l’origine des désordres relevés semble être, selon les propres termes de l’expert judiciaire, l’absence de régulation de la température intérieure. Mais il souligne que l’expert judiciaire relève que si l’installation n’est pas régulée, ce n’est pas une erreur, puisque de nombreuses installations fonctionnent commme cela, et l’expert admet dans son rapport que cet élément ne figure pas dans le devis d’origine. Le système de régulation était en effet un accessoire en option au regard du document technique émanant de la société HS France. Il en déduit que la critique formée par Mme [T] sur l’absence d’un système de régulation n’est pas recevable.

S’agissant de la surdimension de l’appareil retenue par l’expert, il souligne que la puissance de 23 kW de cette chaudière est une puissance maximale qui peut être modulée, et s’adapter à une puissance de 7,5 kW avec un rendement de 30%. Il en déduit que la chaudière vendue à Mme [T] n’est pas surdimensionnée, et qu’aucune non-conformité n’est caractérisée.

Il ajoute que l’expert judiciaire relève que ‘la mise au réduit de la chaudière une fois le ballon tampon chargé aurait dû être gérée par la régulation de la chaudière elle-même, sauf qu’il a été indiqué à Mme [T] qu’il fallait arrêter la chaudière – ce qu’elle faisait – ; il a été rappelé que la mise à l’arrêt de la chaudière impliquait un certain nombre de manipulations et de nettoyage du foyer qui ont fini par mécontenter Mme [T] en plus du mauvais fonctionnement de la chaudière’, et il en déduit que cela démontre que Mme [T] n’était pas satisfaite du type de fonctionnement et d’utilisation de la chaudière, mais en aucun cas que cette chaudière n’est pas conforme à l’environnement dans lequel elle est installée.

A titre subsidiaire, il demande que soit ordonné un complément d’expertise, avec pour mission de l’expert de prendre connaissance du document intitulé ‘Notice ‘ réglage de la puissance et de la combustion’ aux fins d’indiquer si les éléments contenus dans ce document sont de nature à confirmer ou infirmer les conclusions du rapport d’expertise, et dans l’hypothèse où l’appareil de chauffage serait réglable, indiquer les opérations nécessaires au réglage de celui-ci et préciser si de telles opérations peuvent être commodément réalisées par un particulier et sont de nature à permettre un chauffage satisfaisant et adapté des locaux. Il estime en effet que la question du réglage de la puissance de la chaudière n’a pas été débattue lors de l’expertise.

Cette demande, qui constitue l’accessoire ou le complément de sa demande principale tendant à voir écartée sa responsabilité contractuelle, est recevable à hauteur d’appel.

L’expert judiciaire a, au terme de son rapport, conclu que les travaux de chauffage présentent des anomalies nécessitant une reprise complète de l’installation de la chaudière pour les raisons suivantes :

– la chaudière est surdimensionnée au regard de la surface à chauffer : une chaudière ayant une puissance de 9 kW était nécessaire pour chauffer la maison de Mme [T]. Or c’est une chaudière d’une puissance de 23 kW qui a été installée.

– l’absence de système de régulation de la température, ce qui explique que la température intérieure de la maison atteigne des niveaux excessifs.

L’expert judiciaire a en effet constaté que la chaudière ne redémarrait pas, la vis se mettant en sécurité. Ce problème de mise en sécurité était récurrent, Mme [T] ayant fait intervenir M. [I] pour ce problème à plusieurs reprises en janvier, février et mars 2014.

Il résulte des pièces produites que cette mise en sécurité était consécutive à la surdimension en puissance de la chaudière, ce qui déclenchait souvent le mode veilleuse, mode qui se déclenche lorsque la consommation est trop faible.

M. [I] verse aux débats un document intitulé ‘Réglage de la puissance et de la combustion’ (pièce n°10) qui semble être extrait de la notice d’utilisation d’une chaudière MULTI HEAT. Il sollicite qu’un complément d’expertise soit ordonné afin que l’expert en prennne connaissance et s’explique sur la possibilité de régler la chaudière pour une puissance inférieure à 23 kW.

Toutefois, force est de constater d’une part qu’il lui appartenait de communiquer ce document à l’expert pendant le cours des opérations d’expertise, auxquelles il a été associé. Il a d’ailleurs communiqué à l’expert la documentation commerciale et technique de HS France et il ne démontre pas que l’extrait qu’il verse aux débats n’était pas inclus dans cette documentation. En tout état de cause, les ‘réglages à effectuer’ selon le tableau figurant dans ce document le sont, selon ce document, par l’installateur lors de la première mise en route et peuvent être corrigés par l’utilisateur. Or il ne prouve ni avoir procédé à ces réglages lors de la mise en route de la chaudière, ni avoir informé Mme [T] de la possibilité de corriger lesdits réglages, étant observé qu’il ne justifie pas avoir remis à Mme [T] ce document mentionnant les réglages adequats.

Il ne justifie pas davantage, alors qu’il a été appelé plusieurs fois à intervenir chez Mme [T] au début de l’année 2014 en raison de l’arrêt de la chaudière, avoir réglé la chaudière de façon à ce que sa puissance soit adaptée aux besoins de Mme [T] et ne fasse pas obstacle à son bon fonctionnement.

En conséquence, il n’apparaît pas nécessaire d’ordonner un complément d’expertise dans la mesure où la possibilité de régler la puissance de la chaudière, à la supposer établie, ne saurait en tout état de cause l’exonérer, dès lors qu’il n’y a pas procédé comme il lui incombait de le faire, de la responsabilité qu’il encourt en raison de la non conformité de ce matériel qui ne répondait pas, tel qu’il a été installé et réglé, aux besoins de Mme [T] puisqu’il ne permettait pas le chauffage de sa maison dans des conditions normales.

S’agissant en second lieu du défaut de régulation intérieure, il n’est pas contesté qu’il n’était pas prévu dans le devis de système de régulation intérieure et que de nombreuses installations fonctionnent sans. L’expert judiciaire estime toutefois qu’en l’espèce : ‘l’installation d’une régulation en fonction de la température intérieure associée à une motorisation de la vanne 3 voies aurait été indispensable’. Force est de constater en effet que la mise en route de la chaudière entraînait des températures excessives dans la maison et une consommation importante de combustibles, ce que l’installation d’un système de régulation aurait permis d’éviter.

Or il est constant que pèse sur le vendeur une obligation de conseil, qui l’oblige à s’informer des besoins de l’acheteur et à informer son client de l’aptitude du matériel proposé à l’utilisation qui en est prévue. Le vendeur doit indiquer à l’acheteur si le bien est adapté ou non à la fin qu’il se propose. Il doit donc conseiller l’acquéreur notamment en lui indiquant les conditions d’utilisation ou d’installation et les précautions d’emploi de la chose (Civ.I, 14 décembre 1982, Bull. no 361 ; Com. 11 juillet 1988 Bull.no250, p.172 ; Civ.1re , 7 juin 1989 Bull. no232, p.15 5 ; Civ. 1re, 18 juin 2014, bull. no 114, no 13-16.585). Il est constant en l’espèce que M. [I] a manqué à son obligation de conseil en ne conseillant pas à Mme [T] la pose d’un système de régulation de la température pourtant nécessaire au fonctionnement normal de son installation de chauffage.

La responsabilité contractuelle de M. [I] est donc encourue à l’égard de Mme [T] en raison de la non conformité de la chaudière à l’usage normal pouvant en être attendu, et d’un manquement de celui-ci à son obligation de conseil.

Sur la responsabilité de la société TEREVA à l’égard de Mme [T]

Mme [T] estime que la responsabilité de la société TEREVA est également engagée à son égard, sur un fondement contractuel. Elle fait valoir que la société TEREVA a tout autant que M. [I] manqué à son obligation de conseil puisque M. [Y], salarié de la société TEREVA, est venu à son domicile, a pu estimer ses besoins de chauffe, et a préconisé à M. [I] la chaudière en cause.

Toutefois, la société TEREVA, qui a vendu la chaudière à M. [I] et n’est pas liée contractuellement à Mme [T], ne saurait être considérée comme tenue, à l’égard du sous-acquéreur, d’une obligation de conseil.

En conséquence, Mme [T] ne peut qu’être déboutée de ses demandes à l’égard de la société TEREVA.

Sur la réparation des préjudices

Mme [T] sollicite, à titre principal, la condamnation de M. [I] à lui verser les sommes suivantes :

– 10 853,46 euros au titre du coût du remplacement de la chaudière, et mise en service de la nouvelle installation, ou subsidiairement, en cas de non remplacement, la somme de totale de 11 308,40 euros en restitution du prix de vente ;

– 869 euros au titre des frais d’évacuation de la chaudière litigieuse ;

– 1400 euros à titre de dommages et intérêts au titre du surcoût de consommation de granulats de l’été 2013 à octobre 2017,

– 2 951 euros au titre du surcoût d’électricité, au vu des factures d’électricité versées aux débats,

– 10 000 euros au titre du préjudice de jouisance, faute pour Mme [T] d’avoir pu chauffer correctement sa maison pendant 4 ans,

– 2000 euros en remboursement des frais afférents à la vente.

En application de l’article L.211-9 du code de la consommation, en cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien. Mme [T] sollicite en l’espèce la réparation du préjudice subi.

L’inexécution d’une obligation contractuelle donne lieu également à dommages et intérêts.

Les manquements reprochés à M. [I], au titre d’un défaut de conformité et au titre d’un manquement à son devoir de conseil, étant tous deux à l’origine des dysfonctionnements affectant l’installation de chauffage de Mme [T] et donc de son préjudice, il n’y a pas lieu de distinguer l’indemnisation allouée en réparation de chacun de ces manquements.

L’expert estime que la réparation du préjudice nécessite le remplacement de la chaudière, inadaptée aux besoins de Mme [T], et propose de retenir le devis de M [X] d’un montant de 10 853,46 euros.

Pour les motifs retenus par le premier juge, que la cour d’appel adopte, il convient de retenir cette somme à hauteur de 10 167,71 euros TTC.

Les frais d’évacuation de la chaudière litigieuse, qui ne sont pas davantage justifiés qu’en première instance, seront rejetés. Il en sera de même de la surconsommation de granulats, qui n’est justifiée par aucune pièce.

Mme [T] ne justifie pas plus qu’en première instance du préjudice qu’elle entend voir indemniser par la somme de 2000 euros en remboursement des ‘frais afférents à la vente’.

Mme [T] explique que les dysfonctionnements de sa chaudière l’ont conduites à se chauffer avec les radiateurs électriques dont elle disposait à titre de chauffage d’appoint, alors que sa maison n’est pas prévue pour ce type de chauffage. La production par Mme [T] de ses factures d’électricité pour les année 2010 à 2017 permet en effet d’établir que

sa consommation électrique, qui était comprise entre 470 et 530 euros jusqu’en mars 2013, a augmenté par la suite dans des proportions importantes puisque passée à 750 euros en 2014, elle a doublé au cours des années suivantes, atteignant des montants compris entre 1100 euros et 1386 euros. Il est donc établi que sa consommation électrique a augmenté dans des proportions importantes après l’installation de sa chaudière, ce qui corrobore ses allégations quant au fait que les dysfonctionnements de sa chaudière sont à l’origine d’une surconsommation électrique consécutive à la nécessité d’avoir recours à des convecteurs électriques d’appoint. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il lui a alloué une somme de 2289,81 euros à ce titre.

Mme [T] sollicite également des dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros faute d’avoir pu chauffer correctement sa maison pendant quatre ans ans et en considération des nombreuses réunions d’expertise ayant eu lieu. Il est constant que Mme [T], d’une part a été empêchée de chauffer sa maison dans des conditions satisfaisantes, étant parfois privée de chauffage en plein coeur de l’hiver, ainsi qu’il résulte des attestations qu’elle produit, qui émanent de proches ayant séjourné à son domicile et notamment de ses enfants qui font état de températures soit trop élevées, soit trop basses, et que Mme [T], qui a effectué de nombreuses démarches amiables et supporté trois mesures d’expertise, amiables et judiciaire, et qui a finalement diligenté une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits, a subi un préjudice de jouissance qu’il convient d’évaluer à 4500 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur l’appel en garantie de M. [I] contre la société TEREVA

A l’égard d’un acheteur professionnel, l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur le vendeur n’existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d’apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés.

Or en l’espèce, M. [I], qui exerce la profession de ‘chauffagiste’ ainsi qu’il résulte de son devis et de sa facture, doit être considéré comme un acheteur professionnel concernant l’achat d’une chaudière. Il lui appartenait donc de rechercher quelle était la puissance nécessaire pour la chaudière à installer au domicile de Mme [T], et d’acquérir auprès de la société TEREVA une chaudière ayant une puissance adéquate, sans pouvoir se retrancher derrière la visite du domicile faite par le salarié de la société TEREVA, distributeur de chaudières et non chauffagiste, à qui n’incombait pas la tâche de procéder au calcul de la puissance nécessaire.

Au demeurant, l’offre présentée par la société TEREVA le 18 avril 2013 était une offre commerciale, aucun des éléments figurant sur ce document ne laissant à penser que la société TEREVA avait procédé à une analyse des besoins de Mme [T], l’offre de prix du 18 avril 2013 précisant même expressément que tel n’était pas le cas puisqu’il précisait qu’il ne constituait pas une étude thermique et était basé sur les données communiquées par le professionnel et sous sa responsabilité.

En conséquence, l’appel en garantie de M. [I] contre la société TEREVA ne peut qu’être rejeté.

L’appel en garantie de la société TEREVA contre M. [I] et la société HS France sera en conséquence également rejeté.

Sur les demandes accessoires

M. [I] sera tenu aux dépens de la procédure d’appel, dont distraction au profit de Maître Audeval en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Les circonstances de la cause justifient de le condamner à payer une somme de 1500 euros à Mme [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes formées à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions critiquées le jugement attaqué sauf en ce qu’il distingue l’indemnisation allouée sur le fondement des articles L211-4 et suivants de l’ancien code de la consommation, et celle allouée au titre d’un manquement à son devoir de conseil, en ce qu’il condamne M. [I] à payer à Mme [T] une somme de 3600 euros au titre de son préjudice de jouissance et une somme de 1000 euros au titre de son manquement à son devoir de conseil ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que les condamnations à dommages et intérêts prononcées contre M. [I] le sont sur le fondement des articles L.211-4 et suivants de l’ancien code de la consommation et d’un manquement à son devoir de conseil ;

CONDAMNE M. [I] à verser à Mme [T], en réparation de son préjudice de jouissance, une somme de 4500 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE M. [I] à verser à Mme [T] une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et rejette les autres demandes à ce titre ;

CONDAMNE M. [I] aux dépens de la procédure d’appel, dont distraction au profit de Maître Audeval en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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