N° RG 20/04273 -N��Portalis DBVX-V-B7E-NCWH
Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOURG-EN-BRESSE au fond
du 02 juin 2020
RG : 18/02604
[Z]
S.A. GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
C/
S.A. MMA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 15 Mars 2023
APPELANTS :
M. [W] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 1]
S.A. GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Bruno METRAL de la SELARL BALAS METRAL & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 773
INTIMÉE :
La société MMA IARD, SA immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LE MANS sous le numéro 440 048 882, dont le siège social est situé [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Philippe REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIN
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 08 Novembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Décembre 2022
Date de mise à disposition : 15 Mars 2023
Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Karen STELLA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
En décembre 2005, Monsieur [C] et Madame [Y] ont confié la construction de leur maison d’habitation à la société Habitat Libre par contrat de construction de maison individuelle (CCMI). Ils ont souscrit une assurance dommage-ouvrage auprès de la société MMA Iard, laquelle assurait également la responsabilité civile décennale du constructeur.
Monsieur [Z], artisan terrassier, assuré auprès de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, est intervenu pour le lot 01 B VRD en qualité de sous-traitant de la société Habitat Libre suivant contrat du 3 mai 2006.
Monsieur [J], chargé du lot maçonnerie, est intervenu pour l’imperméabilisation des façades, avec notamment la pose d’un enduit et d’un delta MS.
L’ouvrage a été réceptionné le 12 juin 2006.
Durant l’année suivant la réception, des traces d’humidité et d’eau sont apparues en partie haute du garage.
La société Habitat Libre est intervenue en mars 2007 pour des travaux en complément de la tête de protection du mur enterré. La société Habitat Libre a, par la suite, fait intervenir Monsieur [Z] en raison de l’apparition de nouvelles traces d’humidité et d’eau selon facture du 12 mai 2009 pour un montant de 710,17 euros TTC, comprenant sur un linéaire de 7 mètres :
– La pose de film Delta MS,
– Le terrassement manuel,
– La pose d’un hydrofugé aqua fondation,
– La pose d’un profilé en PVC.
L’intervention de Monsieur [Z] a eu lieu le 11 mai 2009.
Les désordres sont réapparus en 2012.
Monsieur [C] et Madame [Y], maîtres de l’ouvrage, ont sollicité puis obtenu en référé par ordonnance du 18 mars 2014 la tenue d’une expertise judiciaire confiée à Monsieur [B].
Monsieur [Z] et son assureur ont été appelés dans la cause le 22 juillet 2014 et les mesures d’expertise leur ont été étendues par ordonnance en date du 16 septembre 2014.
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 31 mars 2015. Il a confirmé la présence récurrente d’eau et d’humidité dans le garage et les murs ce qui rend l’ouvrage impropre à sa destination. La responsabilité est imputée à raison de 60’% à l’entreprise Habitat Libre et de 40’% à Monsieur [Z]. Il a chiffré les travaux de réparation à 24 640,48 euros TTC avec une TVA de 7’%. Ses honoraires ont été taxés à 5 384,40 euros.
Un protocole d’accord a été signé entre la société MMA Iard, la société Habitat Libre et Monsieur [C] et Madame [Y], aux termes duquel la société MMA Iard, a indemnisé la totalité des sommes dues aux maîtres d’ouvrage, suivant l’expertise judiciaire, soit la somme de 32 888,26 euros. Elle a accepté en sa qualité d’assureur responsabilité civile décennale du constructeur Habitat Libre et sa part de responsabilité de 60 % telle que déterminée par l’expert.
En l’absence d’accord amiable avec l’assureur de Monsieur [Z], la société MMA Iard a assigné devant le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse la société Groupama Rhône Alpes Auvergne et Monsieur [Z] par actes du 8 et 13 août 2018 en paiement d’une somme égale à 40 % du montant de l’indemnité versée à Monsieur [C] et Madame [Y], outre 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement en date du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a :
CONDAMNÉ in solidum M. [Z] et la société Groupama à payer à la société MMA Iard la somme de 13 155,30 euros ;
DIT qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire ;
CONDAMNÉ in solidum M. [Z] et la société Groupama à payer à la société MMA Iard la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNÉ in solidum M. [Z] et la société Groupama aux dépens.
Le tribunal a retenu en substance :
Qu’il résulte des conclusions non sérieusement contestées du rapport établi par l’expert judiciaire que les accumulations d’eau périodiques et d’humidité forte en partie basse du mur constatées dans le garage de la maison de M. [C] et Mme [Y] ont pour cause une absence de dispositif de drainage aggravée par la défaillance de l’écran de protection ;
Qu’il convient d’admettre qu’en raison de leur importance et de leur répétition, les désordres qui font que l’un des murs du garage n’est pas étanche, rendent l’ouvrage impropre à sa destination, et relèvent en conséquence de la garantie décennale des constructeurs ;
Que la réalité de l’imputation, même partielle, des désordres à l’intervention de M. [Z] est suffisamment établie, étant observé que cette dernière ayant eu pour objet la réalisation de travaux de terrassement, remblaiement avec pose d’écran drainant Delta MS et application d’hydrofuge doit elle-même être considérée comme entrant dans le champ d’application de la responsabilité légale des constructeurs ;
Que la société MMA Iard, subrogée dans les droits des maîtres de l’ouvrage qu’elle a indemnisés, justifie avoir agi dans le délai de 10 ans suivant la réception des travaux litigieux achevés en mai 2009.
Par déclaration électronique du 30 juillet 2020, Monsieur [Z] et son assureur la société Groupama Rhône Alpes Auvergne ont interjeté appel total de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 8 septembre 2021, Monsieur [Z] et son assureur la société Groupama demandent à la Cour de :
INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions.
Et statuant de nouveau,
JUGER la société MMA Iard prescrite en son action subrogatoire à leur encontre,
JUGER irrecevable et mal fondée la société MMA Iard en son action fondée sur la responsabilité décennale des constructeurs visa de l’article 1792 du Code civil à leur encontre en l’absence de réalisation d’un ouvrage et de contrat de nature décennale,
DEBOUTER la société MMA Iard de toutes ses demandes,
À titre infiniment subsidiaire,
DEBOUTER la société MMA Iard de toutes ses demandes,
CONDAMNER la société MMA Iard à leur payer la somme de 3 000 euros à chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société MMA Iard aux entiers dépens de l’instance.
À l’appui de leurs demandes, les appelants invoquent les articles L 121-12 et L 242-1 du Code des assurances et les articles 1346-5 et 1792 du Code civil, et soutiennent essentiellement :
Sur l’absence de garantie décennale
que Monsieur [Z] n’a pas réalisé un ouvrage mais des travaux sur existant, de sorte que la garantie des constructeurs est exclue ;
qu’il n’existe aucun contrat de louage d’ouvrage entre les maîtres de l’ouvrage et Monsieur [Z], condition indispensable à la mise en ‘uvre de la garantie des constructeurs ;
que Monsieur [Z] a réalisé ces travaux de réparation en 2009, en dehors du cadre du marché de travaux principal initial, postérieurement à la réception de l’ouvrage, sur demande de la société Habitat Libre, son co-contractant et pour son compte ;
que Monsieur [Z] n’est pas intervenu en qualité de sous-traitant du CCMI, ni en qualité de cocontractant des maîtres de l’ouvrage du CCMI ;
que le terrassier a réalisé des travaux de réparation de faible ampleur sur l’ouvrage existant ayant consisté en un décaissement des terres en pied de façade avec mise en ‘uvre d’un film delta MS imperméable et non étanche sur une longueur de 7 mètres linéaires pour la somme de 605,91 euros HT ;
que ces travaux ne touchent pas la structure du bâti et en sont totalement dissociables, et ne constituent donc pas un ouvrage ;
que la responsabilité décennale de Monsieur [Z] ne peut être recherchée par la société MMA subrogée dans les droits des maîtres de l’ouvrage à défaut de lien contractuel entre les maîtres de l’ouvrage et Monsieur [Z] pour les travaux de 2009 ;
que cela vaut également pour son assureur, la garantie décennale des constructeurs bénéficiant au maître de l’ouvrage, pas au constructeur ;
que les désordres ne sont pas de nature décennale ;
que pour pouvoir bénéficier de la subrogation de plein droit, l’assureur doit démontrer que l’indemnité qui a été versée était due, ce que ne fait pas la société MMA Iard qui n’aurait pas dû régler amiablement une indemnité aux maîtres de l’ouvrage, les conditions d’application de sa garantie n’étant pas réunies ;
qu’il ne suffit pas de caractériser l’impropriété à destination d’une pièce de l’immeuble pour engager la responsabilité décennale sans faute du constructeur ;
qu’en l’espèce, seul le garage est affecté par ces faibles désordres d’humidité ce qui ne permet pas de caractériser une impropriété à destination de l’ensemble de la maison ;
qu’en outre, il convient d’apprécier objectivement l’impropriété à destination, c’est à dire en fonction de la finalité de l’ouvrage,
Sur la prescription
que Monsieur [Z] engage sa responsabilité contractuelle de droit commun vis-à-vis du constructeur qui l’a missionné et sa responsabilité délictuelle vis-à-vis du propriétaire de la maison dont les actions se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance des désordres constatés et qu’ainsi, l’action de la société MMA Iard est donc prescrite depuis au plus tard, le 31 décembre 2017 car le point de départ du délai de prescription de l’action est la connaissance des faits, soit des désordres d’infiltration et non la connaissance de leur cause, ni des responsabilités susceptibles d’être engagées ;
que l’acte introductif d’instance n’a pas d’effet interruptif de prescription erga omnes.
Sur l’absence de responsabilité de Monsieur [Z]
que Monsieur [Z], intervenu pour mettre en ‘uvre des travaux de réparation en 2009, n’est pas responsable des désordres d’origine, imputables au maçon ;
l’imperméabilisation des façades, dont la pose d’un enduit et d’un delta MS, relevait du lot maçonnerie confié à Monsieur [J] ;
en 2007, suite à un refus de prise en charge par l’assurance dommage ouvrage, la société Habitat Libre est intervenue elle-même aux fins de reprise des désordres d’infiltrations d’eau dans le garage dénoncés par les maîtres de l’ouvrage sur les travaux réalisés par le maçon ;
que la Cour de cassation confirme de manière réitérée l’absence de responsabilité de l’entreprise réalisant des travaux de réparation inefficaces à remédier aux désordres d’origine de façon pérenne ;
que les travaux de reprise préconisés par l’expert judiciaire ne portent pas que sur la reprise de l’intervention [Z] : les travaux de reprise préconisés par l’expert portent sur la totalité du pied de façade et ne sont pas comparables avec l’intervention localisée mise en ‘uvre par l’entreprise [Z] le 11 mai 2009 pour 710,17 euros TTC qui n’est pas à l’origine des désordres subis par les maîtres de l’ouvrage
que l’entreprise [Z] dont les travaux ne sont pas la cause des désordres d’origine imputables au maçon, ne peut être tenue responsable de ceux-ci, ni condamnée à les réparer en ses lieu et place alors même que les travaux de reprise qu’elle a mis en ‘uvre n’ont pas permis d’y remédier.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 29 janvier 2021, la société MMA Iard demande à la Cour de :
REJETER toutes fins moyens et conclusions de Monsieur [Z] et la société Groupama Rhône Alpes ;
CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :
*condamné in solidum Monsieur [Z] et la société Groupama à lui payer la somme de 13 155,30 euros ;
* Condamné in solidum Monsieur [Z] et Groupama à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
* Condamné in solidum Monsieur [Z] et la société Groupama aux dépens.
Y ajoutant,
DIRE que la somme de 13 155,30 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement du 2 juin 2020 ;
ORDONNER l’anatocisme des intérêts de droit en application de l’article 1154 (ancien 1343-2) du Code civil ;
CONDAMNER in solidum Monsieur [Z] et la société Groupama à payer à la société MMA Iard la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
À l’appui de ses demandes, l’intimée invoque les articles 1302 (ancien 1275) et 1346-5 (1252 ancien) et 1792 du code Civil et l’article L 121.12 du Code des assurances, et soutient essentiellement :
que son action n’est nullement prescrite, que l’on se fonde sur le délai quinquennal délictuel ou contractuel ou le délai décennal : l’ordonnance de référé en date du 16 septembre 2014 étendant la mesure d’expertise à Monsieur [Z] et à son assureur a interrompu l’ensemble des délais de prescription, jusqu’au dépôt du rapport d’expertise en date du 31 mars 2015, l’assignation par les propriétaires du constructeur en 2012 et les appels en cause de Monsieur [Z] et de son assureur ont également interrompu le délai d’action ;
la société MMA Iard est subrogée dans les droits du maître d’ouvrage, mais aussi dans ceux de son assuré constructeur Habitat Libre qui a régularisé la mise en cause du sous-traitant et de Groupama, et commandé les travaux de 2009 ;
quel que soit le délai d’action opposé par Monsieur [Z] et son assureur, il a pris naissance dans ce rapport en date du 31 mars 2015, conformément à l’article 2224 du Code civil ;
que les travaux d’étanchéité effectués par Monsieur [Z] constituent bien un ouvrage au regard de leur objet et de l’utilisation de techniques de construction : La Cour de cassation soumet à la garantie de l’article 1792 du Code civil les travaux de ravalement assurant une étanchéité. Il en va de même pour des travaux aboutissant à l’apport d’éléments nouveaux, pour la reprise d’une façade pour un coût de 33 000 francs ayant entraîné un dommage de 300 000 francs. Un enrochement est un ouvrage, dès lors que sa réalisation a donné lieu à l’utilisation de techniques de construction et qu’il a une fonction de soutènement. La pose d’un complexe d’isolation et d’étanchéité sur des bâtiments existants s’apparente à la construction d’un ouvrage. Ce n’est pas tant l’importance des travaux qui doit être prise en compte, mais leur destination, et que même de menus travaux sont soumis à garantie décennale dès lors que leur défectuosité rend l’ouvrage et notamment le clos et le couvert, impropre à destination ;
que Monsieur [Z] est bien responsable des désordres : il a été payé pour mettre un terme aux désordres, et ses travaux se sont révélés inefficaces, de sorte qu’il est directement responsable de la reprise des désordres d’infiltrations rendant l’immeuble des maîtres de l’ouvrage impropre à sa destination, au regard des infiltrations qu’ils subissaient ;
s’il estimait les travaux qui lui étaient confiés comme insusceptibles de mettre fin aux désordres d’infiltrations, insuffisants, ou autres, il lui appartenait de le signaler, ce qu’il n’a pas fait. En s’abstenant de le faire, il a pleinement accepté sa mission, et l’obligation de résultat qui en découlait de mettre un terme aux infiltrations. Monsieur [Z], entreprise spécialisée en matière de VRD et qui s’y connaît donc en matière d’étanchéité et de drainage, avait tous moyens de remplir son rôle de conseil s’il estimait les travaux insuffisants. C’est donc au sous-traitant qu’il appartient de caractériser des fautes extérieures à son marché, ce que Monsieur [Z] et son assureur ne font pas, sachant que nulle contestation n’est réellement opérée à l’encontre du rapport d’expertise de Monsieur [B] ;
que les désordres rendent bien l’ouvrage impropre à sa destination dans la mesure où un garage n’a pas vocation à être humide ni inondé, et le fait que seule une partie de la maison constituée par le garage soit le siège des infiltrations d’eau qui ont repris, ne saurait faire obstacle à l’application de l’article 1792 du Code civil ;
que si la Cour venait à considérer que les conditions de la garantie décennale ne sont pas remplies, il n’en demeure pas moins que la compagnie MMA, subrogée dans les droits du maître d’ouvrage et de son propre assuré, la société Habitat Libre, serait fondée alors à rechercher la responsabilité contractuelle sous le signe de l’obligation de résultat de Monsieur [Z], et serait alors bien fondé à obtenir sa seule condamnation sous l’angle contractuel.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du Code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 13 décembre 2022 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 15 mars 2023.
En cours de délibéré, la Cour a demandé aux parties de produire les assignations et appels en garantie en référé et lors de la première instance.
Maître Reffay a fait parvenir l’assignation en référé aux fins d’expertise délivrée le 7 février 2014 par les maîtres de l’ouvrage ayant conduit à la désignation de Monsieur [B] et les assignations au fond de la compagnie MMA Iard délivrées les 8 et 13 août 2013. Il a précisé qu’il n’existait aucune assignation en 2012.
Maître Métral a produit l’assignation en intervention forcée en référé à la requête de Habitat Libre à l’encontre de Monsieur [Z], Groupama, Monsieur [J] [X] et la MMA Iard son assureur décennal en date du 23 juillet 2014.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la MMA Iard
La MMA Iard a assigné au fond Groupama et Monsieur [Z] par actes des 8 et 13 août 2018 aux fins de les faire condamner solidairement à lui payer les 40’% de la somme payée à titre d’indemnisation aux maîtres de l’ouvrage, soit la somme de 13 155,30 euros.
Dans ces deux assignations, la MMA Iard n’a pas précisé en son entête en quelle qualité elle agissait. Elle a fait état du protocole d’accord en précisant qu’il a été signé par elle en qualité d’assureur décennal de la société Habitat Libre acceptant les 60’% de part de responsabilité mais qu’elle avait payé en tant qu’assureur dommage ouvrage l’entier préjudice des maîtres de l’ouvrage soit 32 888,26 euros.
Elle a fondé sa demande sur la subrogation (article 1346-5 du Code civil) sur l’article L 121-12 du Code des assurances et 1302 du Code civil sur la répétition de l’indu ainsi que sur la garantie décennale.
Selon l’article L 121-12 du Code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui par leur fait ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur. Il s’agit de la subrogation légale.
La subrogation n’a lieu que lorsque l’indemnité a été versée en application des garanties souscrites qu’elle ait été payée spontanément ou suivant transaction ou exécution d’un jugement.
La subrogation peut s’effectuer par contrat en application de l’article 1346-1 du Code civil.
L’assureur doit prouver qu’il a bien payé l’indemnité en exécution du contrat d’assurance dans la subrogation légale. Dans le cadre de la convention légale, la quittance subrogative ou le contrat portant subrogation suffit avec la preuve du paiement voire de l’encaissement.
Dans le présent dossier, la MMA Iard qui a plusieurs qualités doit prouver qu’elle a bien indemnisé les maîtres de l’ouvrage et établir en quelle qualité elle l’a fait, les droits et actions dans lesquels elle serait ensuite subrogée légalement ou conventionnellement étant différents dans leur régime selon qu’elle a payé en tant qu’assureur dommage ouvrage ou en tant qu’assureur décennal de la société Habitat Libre.
En l’espèce, le protocole d’accord signé entre la MMA Iard SA, la société Habitat Libre d’une part et les maîtres de l’ouvrage d’autre part (pièce 4) signé et accepté par les maîtres de l’ouvrage le 18 juillet 2016, contresigné par la société Habitat Libre le 15 juin 2016 et par MMA Iard le 23 septembre 2016 précise en objet que la compagnie MMA Iard en sa qualité d’assureur responsabilité décennale de la SAS Habitat Libre accepte de régler 60’% des sommes sollicitées, soit la somme globale et forfaitaire de 32 888,26 euros correspondant à la somme de 25 303,86 euros TTC au titre des travaux de reprise de l’ouvrage, 200 euros au titre du préjudice de jouissance, 5 384,40 euros au titre des frais d’expertise judiciaire et 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Le règlement de cette somme interviendra par remise d’un chèque au conseil des maîtres de l’ouvrage libellé à l’ordre de la CARPA dans les trois semaines de la régularisation de l’acte.
Il est ajouté que la compagnie MMA Iard fait son affaire personnelle de la franchise due par son assurée Habitat Libre qui lui remboursera la somme de 2 555 euros.
Il est indiqué à l’article 3 intitulé «’subrogation’», au titre de l’indemnisation précitée ‘la compagnie MMA Iard et la SAS Habitat Libre sont légalement et en tant que de besoin conventionnellement subrogées dans les droits et actions des maîtres de l’ouvrage’.
La pièce 5 comporte la preuve du chèque libellé à la CARPA que Maître Reffay a transmis au bâtonnier Villefranche le 18 octobre 2016.
Le paiement n’est ainsi pas contestable.
Pour autant, il a été prétendu au conseil de Groupama dans un courrier officiel de mise en demeure du 4 juin 2018 que ce serait la MMA Iard en sa qualité d’assureur dommage ouvrage qui a indemnisé les maîtres de l’ouvrage.
Or, le protocole d’accord ne fait à aucun moment état du fait que c’est la MMA Iard en qualité d’assureur dommage ouvrage qui a payé. La MMA Iard figure en entête aux côtés de la société Habitat Libre et non sous les noms des maîtres de l’ouvrage.
Par ailleurs, il n’est évoqué que la qualité d’assureur décennal de la SAS Habitat Libre, que c’est en cette qualité qu’elle a accepté sa responsabilité à hauteur de 60’% des sommes sollicités. Le protocole stipule immédiatement après cette reconnaissance ‘en conséquence, elle accepte de régler pour solde de tout compte la somme de 32 888,26 euros et (‘.) fait son affaire personnelle de la franchise due par son assurée la SAS Habitat Libre’.
Cette analyse est corroborée par la lecture du protocole d’accord n°2 (pièce 3) non signé par Monsieur [Z] et Groupama, car MMA Iard n’apparaît pas plus en sa qualité d’assureur dommage ouvrage sous les noms des maîtres de l’ouvrage et il figure même un paragraphe particulièrement explicite qu’en qualité d’assureur en responsabilité décennale de la société Habitat Libre elle accepte de régler 60’% des sommes sollicitées et en conséquence elle accepte de régler pour solde de tout compte la somme de 32 888,26 euros.
En page 5 de ses assignations du 8 et du 13 août 2018, MMA Iard qui n’a pas fait figurer en quelle qualité elle agissait en entête, a écrit que le protocole d’accord a été signé entre la compagnie MMA Iard en qualité d’assureur décennal de la société Habitat Libre, la société Habitat Libre, Monsieur [C] et Madame [Y] au terme duquel la compagnie MMA Iard SA, en sa qualité de responsabilité décennale de la SAS Habitat Libre, a réglé la somme totale de 32 888,26 euros même si elle n’hésite pas à affirmer en page 6 et de manière contradictoire que c’est en qualité d’assureur dommage ouvrage qu’elle a payé.
A défaut de produire la preuve du décaissement démontrant sans doute possible qu’elle a payé en qualité d’assureur dommage ouvrage, la compagnie MMA Iard, qui a la charge de la preuve, prouve uniquement que le paiement a été fait par elle en sa qualité d’assureur décennal de la société Habitat Libre d’autant que le courrier portant son chèque adressé le 28 septembre 2016 conformément au protocole d’accord du 23 septembre 2016 ne porte qu’une référence «’/HABIT’», et non ‘DO’ pour dommage ouvrage ou ‘[C] [Y]’ pour désigner qu’elle agissait dans la dossier dommage ouvrage au nom des maîtres de l’ouvrage.
Dès lors, ce n’est pas le mécanisme de la subrogation légale mais celui de la subrogation conventionnelle qui s’applique au vu du protocole d’accord avec les maîtres de l’ouvrage.
Or, dans le cadre de la garantie décennale, l’action n’étant réservée qu’aux maîtres de l’ouvrage à l’exclusion des constructeurs ou réputés constructeurs ainsi que les sous-traitants, seul l’assureur dommage ouvrage peut être légalement ou conventionnellement subrogé dans les droits et actions du maître de l’ouvrage. S’agissant d’un régime de garantie d’ordre public, les parties ne peuvent en avoir la libre disposition.
Dès lors quand bien même le protocole d’accord stipule que la compagnie MMA Iard SA et la SAS Habitat Libre sont légalement et en tant que de besoin conventionnellement subrogées dans les droits et actions des maîtres de l’ouvrage, cette clause ne peut être que nulle et de nul effet.
La MMA Iard en tant qu’assureur responsabilité décennale de la société Habitat Libre, ayant le statut de responsable de plein droit en application de l’article 1792 du Code civil et suivants est irrecevable à agir en qualité de subrogée après paiement dans le bénéfice de cette action réservée au maître de l’ouvrage et aux propriétaires successifs de l’ouvrage.
Son recours en garantie ou récursoire contre les autres responsables ne peut être fondé que sur la responsabilité de droit commun dans leurs rapports. Les locateurs d’ouvrage entre eux n’ont qu’une action personnelle entre elles. Le point de départ du recours du locateur d’ouvrage ne peut pas être la date de réception des travaux mais le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son recours au sens de l’article 2224 du Code civil, (5 ans) soit la connaissance non pas de la faute mais de la manifestation du dommage ou du désordre.
Le point de départ de la prescription court à compter de l’assignation en référé expertise par les maîtres de l’ouvrage délivrée à l’encontre du constructeur ou de l’assureur du constructeur qui exerce son recours aux fins de contribution à la dette à la condition que le maître de l’ouvrage ait accompagné sa demande d’expertise d’une demande de provision ou d’exécution de travaux.
En l’espèce, la connaissance des dommages par la MMA Iard date, non pas de la réapparition des infiltrations en 2012, fait connu des seuls maîtres de l’ouvrage, à défaut d’éléments contraires, ni même de l’assignation en référé aux fins d’expertise des désordres d’infiltration d’eau par la dalle du garage par les maîtres de l’ouvrage en date du 7 février 2014 délivrée à la MMA Iard car ils n’ont pas formulé de demande de condamnation à provision ou à faire des travaux.
En l’espèce, en l’absence d’assignation au fond en indemnisation par les maîtres de l’ouvrage, le point de départ de la prescription quinquennale est fixé au jour de la reconnaissance par la MMA Iard de sa responsabilité sur le fondement du rapport d’expertise et de la conclusion du protocole d’accord aux fins de paiement des maîtres de l’ouvrage soit le 23 septembre 2016.
Ainsi, la compagnie MMA Iard, avait cinq ans pour agir à partir du 23 septembre 2016. Son assignation au fond délivrée à Monsieur [Z] et à son assureur Groupama datant du 8 et du 13 août 2018 se sont pas tardives.
L’action récursoire de la MMA Iard en indemnisation à l’encontre de son co-contractant et de son assureur n’est pas prescrite.
La Cour confirme le jugement déféré par substitution de motif sur la recevabilité de l’action récursoire en indemnisation de la compagnie MMA Iard à l’encontre de Monsieur [Z] et de son assureur Groupama.
Sur la responsabilité de Monsieur [Z]
Les développements sur la garantie décennale étant hors sujet, comme vu plus haut, la Cour ne statuera ni sur la qualification des travaux de Monsieur [Z] constitutifs ou non d’un ouvrage ni sur le caractère décennal désordres.
La société MMA Iard a, à titre subsidiaire, développé le moyen du manquement à l’obligation de résultat s’imposant à un professionnel comme Monsieur [Z] en visant l’article 1147 du Code civil. Elle expose que la société Habitat Libre a rémunéré Monsieur [Z] pour mettre un terme aux désordres d’infiltration qui sont néanmoins réapparus. Elle se fonde sur le rapport d’expertise judiciaire pour soutenir que les diligences et travaux de réparation de son co-contractant ont été inefficaces. Monsieur [Z], débiteur en tant que professionnel du domaine, d’une obligation de résultat n’a pas atteint l’objectif pour lequel il a été missionné.
Il ne peut s’exonérer de sa responsabilité en tout ou partie qu’en établissant une cause étrangère au sens de l’article ancien 1147 du Code civil.
Monsieur [Z] et Groupama ne contestent pas que l’objet du travail de Monsieur [Z] était des travaux de réparation des désordres d’infiltrations d’eau dans le garage des consorts [C] et [Y].
Ces travaux les derniers en date n’ont été efficaces que jusqu’en 2012, soit 3 ans.
[W] [Z] ne fait valoir aucune cause étrangère de nature à l’exonérer totalement car il a procédé à ses travaux réparatoires en connaissance de cause des problèmes d’infiltrations.
Il lui appartenait si la solution préconisée à moindre coût n’était pas satisfaisante de le signaler et de ne pas accepter sa mission ou alors d’établir un devis comprenant la solution efficace telle que proposée par l’expert judiciaire qui a retenu sa responsabilité à hauteur de 40’%. L’expert a bien pointé dans le corps de son rapport, en maintenant sa position après des dires, que Monsieur [Z] a commis des défauts d’exécution au niveau de la protection par écran filtrant du mur et un remblaiement non conforme aux règles de l’art. Il y a eu utilisation de matériaux grossiers de remblai non filtrants employés lors des travaux de mai 2009 par Monsieur [Z] qui ont été préjudiciables à l’intégrité -par chocs et affaissements- de l’écran vertical posé à cette occasion.
Ces dispositions impropres représentent un facteur complémentaire dans le défaut de protection du soubassement. Elles ont concouru à la survenance des désordres. L’expert judiciaire a même précisé en page 16 dans la partie ‘intervenants contexte contractuel’ que les dispositions initiales relatives à la protection de surface du soubassement enterré réalisées par l’entreprise [J] ne sont pas concernées par les désordres actuels car ces dispositions (enduit mince trapcofuge et écran filtrant Delta MS) ont été substituées et modifiées par les travaux d’intervention [Z] de mai 2009.
Le lien de causalité directe et personnelle avec les travaux de Monsieur [Z] est établi à l’exclusion de toute cause extérieure.
Groupama n’a pas excipé de cause de d’exclusion de garantie en cas de responsabilité de son assuré.
Ainsi, la Cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné in solidum M. [Z] et la société Groupama à payer à la société MMA Iard la somme de 13 155,30 euros mais par substitution de motifs.
Y ajoutant, la Cour fait droit à la demande d’intérêt légaux à compter de la date du jugement déféré.
La Cour fait droit à la demande de capitalisation des intérêts sollicitée par la compagnie MMA Iard prévue par l’article 1154 devenu 1343-2 du Code civil.
Sur les demandes accessoires
Parties perdantes en première instance et en appel, Monsieur [Z] et la compagnie Groupama doivent supporter les entiers dépens in solidum. La Cour confirme le jugement déféré sur les dépens de première instance et y ajoutent à la charge des Monsieur [Z] in solidum avec la compagnie Groupama les entiers dépens d’appel.
La Cour confirme le juste sort des frais irrépétibles prononcés en première instance à la charge de Monsieur [Z] et de la compagnie Groupama in solidum.
En revanche, à hauteur d’appel, l’équité eu égard aux circonstances de l’affaire et au flou entretenu par la MMA Iard quant à la qualité réelle avec laquelle elle a engagé son action, la Cour rejette sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Corrélativement, les demandes accessoires de [W] [Z] et de Groupama Rhône Alpes Auvergne sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare la compagnie d’assurance MMA Iard SA irrecevable en son action en sa qualité d’assureur dommages ouvrage,
Confirme la recevabilité de l’action en condamnation à paiement de la compagnie d’assurance MMA Iard SA à l’encontre de [W] [Z] et de son assureur la SA Groupama Rhône Alpes Auvergne en sa qualité d’assureur de responsabilité décennale de la société Habitat Libre par substitution de motifs,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a qu’il a condamné in solidum M. [Z] et la société SA Groupama Rhône Alpes Auvergne à payer à la société MMA Iard SA la somme de 13 155,30 euros par substitution de motifs.
Y ajoutant,
Dit que cette somme portera intérêt légaux à compter de la date du jugement déféré,
Fait droit à la demande de capitalisation des intérêts sollicitée par la compagnie MMA Iard SA prévue par l’article 1154 devenu 1343-2 du Code civil,
Confirme le jugement déféré sur la condamnation in solidum de [W] [Z] et de la compagnie SA Groupama Rhône Alpes Auvergne aux dépens de première instance,
Confirme le jugement sur la condamnation in solidum de [W] [Z] et de la compagnie SA Groupama Rhône Alpes Auvergne aux frais irrépétibles prononcés en première instance.
Y ajoutant,
Condamne in solidum [W] [Z] avec la compagnie SA Groupama Rhône Alpes Auvergne aux entiers dépens d’appel,
Déboute la compagnie MMA Iard SA de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel,
Déboute [W] [Z] et de la compagnie SA Groupama Rhône Alpes Auvergne de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT