Droits des Artisans : 14 septembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03133

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Droits des Artisans : 14 septembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03133

N° RG 20/03133 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M76D

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 13 mai 2020

RG : 2019j350

[G]

C/

Société JEKA AG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 14 Septembre 2022

APPELANT :

M. [U] [G], dont l’affaire personnelle est inscrite au RCS de LYON sous le n°398 205 492

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me Julien COMBIER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

La société JEKA AG, société anonyme suisse, inscrite au registre IDE sous le numéro CHE- 430.920.893, dont le siège social est sis [Adresse 3], SUISSE, représentée par Monsieur [J] [L].

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

Ayant pour avocat plaidant Me Jean Marie CHANON, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 03 Mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Juin 2022

Date de mise à disposition : 14 Septembre 2022

Audience présidée par Christine SAUNIER-RUELLAN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Christine SAUNIER-RUELLAN, président

– Karen STELLA, conseiller

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Karen STELLA, conseiller, en application de l’article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

La société JEKA AG est une société suisse avec pour activité la construction et l’installation de vitrines réfrigérées. [U] [G], artisan chocolatier et Meilleur Ouvrier de France, exerce une activité de pâtissier en tant qu’artisan.

Son établissement est situé à [Adresse 1] à [Localité 2], arrondissement qui accueille la grande braderie à compter du 15 septembre 2018.

Le 11 janvier 2018, Monsieur [G] a signé un contrat de maîtrise d »uvre avec la société MOMA qui s’est engagée à démarrer des travaux d’aménagement le 30 juillet 2018 avec une date de réception au 24 août 2018, période correspondant à la fermeture annuelle de l’établissement.

Le 26 juin 2018, Monsieur [G] a signé un marché de travaux avec la société JEKA pour la fourniture et la pose de vitrines réfrigérées pour un montant de 50.000 euros, à régler dans les conditions suivantes’:

40 % à la signature du marché,

30 % au milieu des travaux,

30 % à la réception du chantier.

Le 2 juillet 2018, la société JEKA a adressé à Monsieur [G] une demande d’acompte de 20.000 euros qu’il a immédiatement réglé. Le 9 août 2018, la société JEKA a émis une deuxième demande d’acompte d’un montant de 15.000 euros.

Le 16 août 2018, la maîtrise d »uvre a alerté sur un retard de production des deux vitrines réfrigérées, sans préciser de date de livraison. Le 23 août 2018, la société JEKA a annoncé une livraison des vitrines semaine 37, soit du 10 septembre au 14 septembre 2018. L’ouverture du magasin a été décalée au 13 septembre 2018.

Le 6 septembre 2018, la société JEKA a émis une seconde confirmation de commande, arrêtant le montant du marché à la somme de 48.300 euros, après une remise commerciale.

Le 17 septembre 2018, la société JEKA a adressé la facture du solde pour un montant de 13.300 euros. Invoquant un retard dans l’exécution des travaux, Monsieur [G] a refusé de régler la deuxième demande d’acompte de 15.000 euros et le solde du marché de 13.300 euros, soit la somme de 28.300 euros. Il a fait valoir qu’il n’a pu exploiter son fonds de commerce pendant 3 semaines, représentant une perte d’exploitation de 18.880 euros.

Le 12 novembre 2018, la société JEKA a mis en demeure Monsieur [G] de lui payer cette somme.

Par acte régulièrement signifié le 6 février 2019, la société JEKA AG a assigné [U] [G] devant le tribunal de commerce de LYON au visa des articles 1103 et 1219 du code civil, aux fins de voir Monsieur [G] condamné au paiement de la somme principale de 28.300 euros avec intérêts de droit à compter du 12 novembre 2018 et capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2018.

[U] [G] a conclu au visa des articles 1231-1, 1219 et suivants du code civil à la condamnation de la société JEKA au paiement de la somme de 18.880 euros en réparation de son préjudice subi en raison du retard qui lui est imputable dans la livraison et l’installation des vitrines réfrigérées avec compensation de cette somme avec celle due au titre du solde du marché de travaux, soit 28.300 euros.

Par jugement en date du 13 mai 2020, le tribunal de commerce de LYON’:

CONDAMNE la société JEKA AG à payer la somme de 9.000 euros à [U] [G] en réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison et d’installation des vitrines réfrigérées ;

ORDONNE la compensation de cette somme avec les sommes dues par [U] [G] à la société JEKA AG au titre du solde de son marché de travaux ;

CONDAMNE [U] [G] à s’acquitter du solde du prix soit 19.300 euros outre intérêts de droit à compter de la date de l’assignation et ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter de la même date ;

DIT qu’il n’y a pas lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile et REJETTE les demandes respectives des parties à ce titre ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement ;

LAISSE les dépens de l’instance à la charge de la société JEKA AG.

Le tribunal a retenu en substance que’:

La société JEKA a accepté une date de réception des travaux pour le 24 août 2018. Sa défaillance quant aux délais constitue un manquement à ses obligations contractuelles en raison de l’absence de cas de force majeure à l’origine de cette défaillance, ayant pour effet un décalage de la réouverture du magasin de monsieur [G] ;

L’alternative proposée par la société JEKA afin de permettre l’ouverture du magasin aux dates initialement prévues n’a pas suffisamment éclairé le tribunal pour apprécier l’adéquation réelle des vitrines de remplacement avec l’activité de Monsieur [G], de sorte que la société JEKA ne démontre pas suffisamment qu’elle a compensé ses manquements ;

L’attestation établie unilatéralement mais contresignée par l’expert-comptable de Monsieur [G] constitue une preuve insuffisante du quantum du préjudice allégué en l’absence de documents comptables probants, de sorte que le tribunal estime de lui-même le montant des dommages et intérêts à 9.000 euros.

Par déclaration électronique du 19 juin 2020, le conseil de Monsieur [G] a relevé appel du jugement s’agissant de la condamnation de la société JEKA AG au paiement de la somme de 9.000 euros en ce qu’elle ne correspond pas à l’intégralité de son préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 1er mars 2021, [U] [G] demande à la Cour de’:

Au visa des articles 1219, 1231-1 et suivants du code civil,

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a considéré que la société JEKA a manqué à ses obligations contractuelles avec pour effet un décalage de réouverture de son magasin ;

REFORMER le jugement en ce qu’il n’a condamné la société JEKA AG qu’à la somme de 9.000 euros qui ne constitue pas l’intégralité de son préjudice.

Statuant à nouveau :

CONDAMNER la société JEKA AG au paiement de la somme de 18.880 euros en réparation de son préjudice en raison du retard de la société JEKA dans la livraison et l’installation des vitrines réfrigérées.

En tout état de cause’:

DEBOUTER la société JEKA de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER la société JEKA au paiement d’une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société JEKA aux entiers dépens de l’instance dont «’sic’» distraction au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, Avocat au Barreau de Lyon, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [G] soutient notamment à l’appui de ses demandes’:

que la société JEKA est entièrement fautive en ce qu’elle a accepté la commande, sachant pertinemment que du fait de difficultés organisationnelles, elle ne pourrait livrer et installer les vitrines pour le 24 août 2018 ;

que rien n’indiquait ou attestait du sérieux de la solution des vitrines provisoires et de la compatibilité de cette solution avec le standing de l’activité de Monsieur [G], Meilleur Ouvrier de France, d’autant plus que la société JEKA n’a jamais proposé de prendre en charge le coût de cette location puisque cette solution avait été en réalité proposée par la maîtrise d »uvre. En outre, la location de banques provisoires étaient totalement inadaptées au positionnement de la pâtisserie ;

qu’il a le droit à la réparation intégrale de son préjudice, sans perte ni profit. L’attestation d’un homme de chiffres revêt une force probatoire déterminante.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 7 avril 2021, la société JEKA AG demande à la Cour de’:

Vu l’article 1103, 1219, 1231-1 et suivants du code civil,

REFORMER le jugement en ce qu’il a retenu qu’elle a manqué à ses obligations contractuelles et l’a condamnée à payer à [U] [G] la somme de 9.000 euros en réparation de son préjudice en ordonnant compensation entre cette somme et le solde du marché de travaux dû.

Statuant à nouveau’:

JUGER qu’aucune date de livraison n’a été contractuellement conclue entre [U] [G] et la société JEKA AK ;

JUGER que la société JEKA AG n’a commis aucune faute ;

DEBOUTER [U] [G] de l’ensemble de ses demandes tant en principal, qu’en intérêts, frais et accessoires ;

CONDAMNER [U] [G], artisan, à lui payer :

La somme principale de 28.300 euros, avec intérêts de droit à compter du 12 novembre 2018 et capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2018 ;

Une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER [U] [G] aux entiers dépens de l’instance qui seront «’sic’» distraits à la SCP BAUFUME SOURBE, Avocat au Barreau de Lyon, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société JEKA AG soutient en substance à l’appui de ses demandes’:

qu’elle n’a commis aucune faute, aucune date de livraison n’ayant été contractuellement prévue, et qu’en toute hypothèse, [U] [G] ne démontre pas la réalité de son préjudice ;

si le contrat de maîtrise d »uvre conclu entre [U] [G] et la société MOMA mentionne comme date prévisionnelle de réception des travaux le 24 août 2018, cette date n’est pas reprise dans le contrat conclu entre [U] [G] et JEKA AG. Au contraire, il est précisé que les délais de livraison étaient à convenir. C’est donc à tort que le tribunal, en violation du principe de la relativité des contrats, a retenu l’acceptation des délais mentionnés dans le contrat de maîtrise d »uvre par la société JEKA AG ;

de surcroît, si le contrat de maîtrise d »uvre et l’étude de faisabilité datent du 11 janvier 2018, la société JEKA AG n’a été consultée qu’à la fin du mois de mai par la société MOMA et ce n’est que le 3 août 2018 que la société MOMA a confirmé à la société JEKA AG les plans des vitrines, soit bien tardivement pour une livraison souhaitée le 24 août 2018 ;

dès la semaine du 13 août 2018, la société JEKA AG a, d’une part, confirmé un retard de production des vitrines réfrigérées, et d’autre part, proposé une alternative pour permettre à la pâtisserie d’ouvrir à la date espérée. Cette information a été reprise dans le compte-rendu de chantier du 16 août 2018 ;

[U] [G], en qualité de maître d’ouvrage, ne peut imputer à la société JEKA AG l’impossibilité d’exploiter sa pâtisserie pendant trois semaines car elle lui a proposé une solution alternative dans l’attente de la livraison des vitrines définitives, ce qui aurait permis l’exploitation de sa pâtisserie. C’est Monsieur [G] qui a volontairement, et expressément, choisi de ne pas accepter la proposition et in fine, d’ouvrir sa pâtisserie seulement après livraison des vitrines ;

Au contraire, le maître de l’ouvrage a commis une faute en refusant de lui régler l’acompte d’un montant de 15.000 euros du 9 août 2018 et le solde de sa facture de 13.300 euros en date du 17 septembre 2018, soit la somme globale de 28.300 euros.

Par arrêt avant dire droit du 4 mai 2022, à la suite des débats du 25 janvier 2022, la Cour a’:

invité la société JEKA AG à fournir le document complet des conditions générales de vente de l’entreprise JEKA qui traite des points non spécifiés au devis dans lesquelles doivent figurer des précisions sur les délais de livraison ;

invité [U] [G] à fournir une attestation signée de l’expert comptable de sa pâtisserie faisant apparaître le résultat net (bénéfice ou perte) pour la période du 29 août au 15 septembre 2017 (en excluant le week-end end du 16 et 17 septembre 2017) ;

donné aux parties jusqu’au 25 mai 2022 à 17 heures pour que la société JEKA produise par RPVA ses conditions générales de vente en vigueur au moment de la signature du devis par Monsieur [G] et pour que ce dernier produise par RPVA une attestation de son expert comptable précisant le résultat net de sa pâtisserie pour la période du 19 août au 15 septembre 2017 (soit l’année antérieure aux travaux litigieux en excluant le week-end du 16 et 17 septembre 2017 correspondant à la grande braderie de [Adresse 1]) ;

laissé ensuite aux parties jusqu’au 9 juin 2022 à 17 heures pour conclure par RPVA à nouveau en faisant ressortir de manière distincte dans les écritures leurs commentaires par rapport à ces deux pièces complémentaires ;

renvoyé la cause et les parties sur ce point à l’audience du 15 juin 2022 à 9 heures ;

sursis à statuer sur l’ensemble des demandes.

La société JEKA AG a fourni ses conditions générales de vente et de livraison le 9 mai 2022 et Monsieur [G] a produit le 17 mai 2022 une nouvelle attestation de l’expert comptable de la société EXA POLE.

Aux termes de ses dernières conclusions n°3 déposées par voie électronique le 7 juin 2022, [U] [G] demande à la Cour de’:

Au visa des articles 1219, 1231-1 et suivants du code civil,

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a considéré que la société JEKA a manqué à ses obligations contractuelles avec pour effet un décalage de réouverture de son magasin ;

REFORMER le jugement en ce qu’il n’a condamné la société JEKA AG qu’à la somme de 9.000 euros qui ne constitue pas l’intégralité de son préjudice.

Statuant à nouveau’:

CONDAMNER la société JEKA AG au paiement de la somme de 18.880 euros en réparation de son préjudice en raison du retard de la société JEKA dans la livraison et l’installation des vitrines réfrigérées.

En tout état de cause’:

DEBOUTER la société JEKA de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER la société JEKA au paiement d’une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société JEKA aux entiers dépens de l’instance dont «’sic’» distraction au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, Avocat au Barreau de Lyon, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’appelant expose notamment à la suite des nouvelles pièces versées que’:

le bon pour accord dont se prévaut JEKA AG le 3 août 2018 n’émane pas du maître de l’ouvrage mais de MOMA, le maître d »uvre. Il ne saurait subir un retard de livraison qui ne lui est pas imputable. La lecture attentive de la pièce 9 montre que le retard est imputable à JEKA AG. C’est elle qui envoie avec retard les PDF des vitrines actualisées en date du 3 août 2018. C’est MOMA qui «’compte sur JEKA pour négocier un petit miracle en délai de livraison’» ;

pour 2017 suivant l’attestation sollicitée, le déficit s’établit à 7.358,58 euros. Mais, il sollicite une perte de marge de production soit l’impossibilité de réaliser de chiffre d’affaires en raison de l’absence de l’outil essentiel que constituent les banques réfrigérées. Il y a perte d’exploitation. L’attestation de l’expert comptable qui engage sa responsabilité a une forte valeur probante.

Par conclusions responsives n°3 notifiées le 25 mai 2022, la société JEKA AG demande à la Cour de’:

Vu l’article 1103, 1219, 1231-1 et suivants du code civil,

REFORMER le jugement en ce qu’il a retenu que la société JEKA AG avait manqué à ses obligations contractuelles et l’a condamnée à payer à [U] [G] la somme de 9.000 euros en réparation de son préjudice en ordonnant compensation entre cette somme et le solde du marché de travaux dû.

Statuant à nouveau’:

JUGER qu’aucune date de livraison n’a été contractuellement conclue entre [U] [G] et la société JEKA AK ;

JUGER que Monsieur [G] a validé tardivement les plans des vitrines commandées de sorte que les délais de livraison ont nécessairement été allongés.

En conséquence,

JUGER que la société JEKA AG n’a commis aucune faute ;

DEBOUTER [U] [G] de l’ensemble de ses demandes tant en principal, qu’en intérêts, frais et accessoires ;

CONDAMNER [U] [G], artisan, à payer à la société JEKA AG :

La somme principale de 28.300 euros, avec intérêts de droit à compter du 12 novembre 2018 et capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2018 ;

Une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER [U] [G] aux entiers dépens de l’instance qui seront «’sic’» distraits à la SCP BAUFUME SOURBE, Avocat au Barreau de Lyon, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’intimée rappelle notamment qu’il n’y avait pas de date de livraison contractuellement fixée entre les parties. Les délais étaient à convenir. Elle n’était pas partie au contrat de maîtrise d »uvre qui n’avait mentionné qu’une date prévisionnelle de réception des travaux au 24 août 2018. Cette date ne figure pas dans le document contractuel liant les parties en litige. Les conditions générales de vente et de livraison font mention que le délai ne court que si les plans ont été retournés signés avec la mention «’bon pour exécution’». Il était prévu qu’en cas de retard, le délai de livraison est également retardé sans que cela ouvre droit à des dommages et intérêts pour le client.

Elle fait valoir qu’au cas d’espèce, elle n’a été consultée que tardivement en mai 2018 par la société MOMA et suite aux modifications sollicitées par Monsieur [G] le devis définitif n’a été établi que le 21 juin 2018 alors que les vitrines réfrigérées était l’une des conditions essentielles de la rénovation de la boutique. Le marché de travaux est du 26 juin 2018. La commande a été confirmée le 2 juillet 2018 par la société JEKA AG. Ce n’est que le 3 août 2018 que la société MOMA a confirmé le plan des vitrines soit tardivement pour une livraison souhaitée le 21 août 2018. Dès le 9 août, elle a averti le maître d »uvre qu’elle ne pourrait pas livrer dans les temps ce dont le maître d »uvre avait conscience. Le 13 août, elle a confirmé le retard de production des vitrines réfrigérées et la proposition alternative de vitrines temporaires pour ouvrir la pâtisserie à la date, ce qui figure dans le compte-rendu du chantier du 16 août. La location de banques réfrigérées n’a pas convenu au maître de l’ouvrage, lequel a préféré repousser l’ouverture de son magasin après livraison des vitrines définitives. L’impossibilité d’exploiter durant trois semaines ne lui est donc pas imputable. Par ailleurs, Monsieur [G] ne démontre pas son préjudice car l’attestation produite est unilatérale et n’est pas corroborée par des pièces justificatives. La nouvelle attestation montre un déficit bien inférieur à celui allégué en premier lieu. Ce document ne permet pas non plus d’affirmer que les charges prises en compte ont été proratisées sur la période considérée. Il aurait dû produire son bilan, son compte d’exploitation, ses liasses fiscales et un compte précis pour la période.

Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience de renvoi du 15 juin 2022 à 9 heures.

A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 14 septembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Il résulte des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, complété par la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance, que les relations contractuelles ayant été nouées après le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de la réforme, elles sont soumises aux dispositions nouvelles. Ainsi, les dispositions du code civil dans leur version issue de la réforme de 2016 s’appliquent et le présent arrêt fera référence aux articles dudit code dans leur nouvelle version.

Conformément aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention. Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Sur la demande en paiement de la société JEKA AG

Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Suivant l’article 1219, une partie peut refuser d’exécuter son obligation même si elle est exigible si l’autre n’exécute par la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

La Cour constate qu’à hauteur d’appel, il n’est plus réellement fait état du moyen de l’exception d’inexécution par Monsieur [G] même s’il est invoqué l’article 1219 du code civil puisqu’il n’est pas démontré en quoi le retard d’exécution par JEKA AG était suffisamment grave pour conduire au débouté de ses prétentions et que dans le dispositif de ses dernières écritures il n’est pas demandé d’infirmer sa condamnation à payer le solde de la somme due soit 19.300 euros outre intérêts de droit à compter de la date de l’assignation et capitalisation des intérêts à compter de la même date.

Il est constant et non contesté qu'[U] [G] a refusé de payer à la société JEKA AG le montant du solde de sa facture d’un montant de 28.300 euros outre intérêts à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2018, transmise par le conseil de la société JEKA AG par lettre recommandée avec accusé de réception signé. L’exception d’inexécution ne saurait dispenser [U] [G] du paiement du prix des travaux réalisés par JEKA AG puisqu’elle s’est exécutée même s’il y a eu un retard de trois semaines. [U] [G] a même pu ouvrir pour profiter de l’événement de la grande braderie de [Adresse 1]. Ainsi le manquement invoqué n’est pas suffisamment grave pour débouter JEAKA AG de sa demande de paiement.

En réalité, [U] [G] sollicite la reconnaissance de son préjudice à hauteur de 18.880 euros et la condamnation de la société JEKA AG à cette hauteur. Il axe principalement sa demande sur la responsabilité contractuelle de JEKA AG, en raison du dépassement du délai de livraison des deux vitrines réfrigérées, aux fins d’obtenir des dommages et intérêts pour venir compenser le solde dû.

En effet, l’article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution s’il ne justifie pas que l’exécution en a été empêchée par la force majeure.

Sur la responsabilité contractuelle de la société JEKA AG pour non-respect du délai de livraison

Sur l’opposabilité du délai de livraison à la société JEKA AG

Il est constant et non contesté qu'[U] [G] comptait réouvrir sa pâtisserie après les travaux le 28 août 2018 et qu’il n’a pas pu le faire avant le 14 septembre 2018 du fait d’un retard de production des vitrines réfrigérées dépendant du lot de la société JEKA AG.

Celle-ci prétend qu’elle n’avait aucun délai de livraison qui la liait contractuellement à Monsieur [G]. En effet, suivant devis signé par celui-ci le 26 juin 2018, seule la date de démarrage du chantier a été expressément mentionnée soit le 30 juillet 2018, la date de livraison étant à convenir.

Par ailleurs, il ressort des conditions générales de vente et de livraison produites en appel par JEKA AG que le délai de livraison commence si toutes les indications nécessaires à l’exécution fournies par le client sont connues, si les plans ont été retournés signés avec la mention «’bon pour exécution’» et que l’acompte dû à la commande a été versé. En cas de retard, il était prévu que le délai de livraison était également retardé et que les délais de livraison convenus s’allongeraiennt en cas de divers événements listés.

Suivant confirmation de la commande le 2 juillet 2018, il n’a plus été fait mention du délai du démarrage du chantier et il n’était plus précisé que les délais de livraison étaient à convenir. L’entreprise JEKA a par contre adressé sa demande de premier acompte à Monsieur [G] d’un montant de 20.000 euros le 2 juillet 2018 et il n’est pas contesté que cette somme a été payée par ce dernier.

Ainsi, si aucun écrit n’a formalisé de délai de livraison entre les parties, il ne peut néanmoins pas s’en déduire que JEKA AG n’avait aucun délai de livraison à respecter d’autant que l’entreprise JEKA AG a adressé sa demande d’acompte de 20 000 euros le 2 juillet 2018 et qu’elle en a accepté le paiement. Elle a même adressé le 9 août 2018, sa demande de second acompte, qui devait intervenir au milieu des travaux à hauteur de 30 %. Ainsi, JEKA AG a nécessairement considéré, suivant ses propres conditions générales, que le versement du premier acompte faisait partir son délai de livraison.

Il y a lieu dès lors de rechercher parmi les autres pièces versées quel était le délai de livraison auquel JEKA AG a entendu se soumettre. [U] [G] a versé deux pièces constituées des compte-rendus de chantier des 16 et 23 août 2018, dont il est spécifié qu’à défaut d’avoir été contestés sous 48 heures, ils deviennent des documents contractuels. Il en ressort clairement que l’entreprise JEKA AG a fait part d’un retard de production des vitrines réfrigérées qui ne pourront pas être livrées à temps pour la réception et dans les temps impartis, soit «’sur site le 21 août’».

Par ailleurs, il ressort de ces compte-rendus de chantier que l’entreprise JEKA AG est intervenue dans le cadre d’une opération collective de travaux d’aménagement de la pâtisserie de Monsieur [G], que l’ensemble des entreprises connaissaient et avaient accepté la date de réception des travaux au 24 août 2018 et que le délai de livraison s’imposant à JEKA AG était le 21 août sur site. Il est même précisé, dans le compte-rendu du 16 août 2018, que la date du 28 août 2018 est impérative pour la pâtisserie [G].

D’ailleurs, suivant mail du 20 août 2018 adressé par JEKA AG non seulement à [U] [G] mais également aux autres participants au chantier, elle lui a exposé qu’elle prend acte de son mécontentement et lui indique qu’elle aurait appelé Monsieur [V] pour l’informer dès le 29 juin 2018 que le délai de livraison au 20 août ne pourra pas être respecté.

Ainsi, le délai de livraison s’imposant à l’entreprise JEKA AG, était bien, sans doute possible en date du 20 ou 21 août 2021. Ce délai auquel elle s’est spontanément soumise lui est opposable, ce qui explique que dans un mail qu’elle a produit en date du 9 août 2021, elle a averti officiellement le maître d »uvre de son incapacité à respecter la date de livraison du 21 août.

Elle ne peut dès lors soutenir être protégée par l’effet relatif des contrats d’autant qu’elle s’est elle-même déliée de ses propres stipulations contractuelles puisqu’elle prétend que le retard est dû à la validation tardive des plans par la maîtrise d »uvre le 3 août 2018 alors que les conditions générales concernent le client soit le maître de l’ouvrage et non le maître d’oeuvre. Force est de constater qu’elle a d’ailleurs accepté comme régulier un document signé non de son client mais du maître d »uvre.

Sur la faute de JEKA AG quant au non-respect du délai de livraison des vitrines réfrigérées

Il est constant et non contesté que le délai de livraison du 20-21 août 2018 n’a pas été respecté par JEKA AG et que de ce fait, [U] [G] n’a pas pu ouvrir sa pâtisserie le 28 août 2018. L’ouverture a été décalée au 14 septembre suivant.

JEKA AG estime que la faute ne lui est pas imputable, qu’elle aurait averti la maîtrise d »uvre dès le 29 juin 2018 suivant la réponse par email qu’elle a faite à Monsieur [G] le 20 août (pièce 12 de l’appelant) et dans laquelle elle a admis son erreur de ne pas avoir communiqué directement sur cette difficulté avec lui à réception de la commande.

Or, JEKA AG ne produit aucune pièce démontrant qu’elle a réellement averti comme elle le prétend la maîtrise d »uvre dès le 29 juin 2018, notamment Monsieur [V] ou le 2 juillet au plus tard à la confirmation de la commande.

Ce n’est que le 9 août 2018, que l’entreprise JEKA AG a officiellement averti la maîtrise d »uvre de son impossibilité de livrer au terme convenu. En effet, si dès le 3 août, il avait pu être fait état de réserves conduisant le maître d »uvre à compter sur JEKA AG pour «’négocier un petit miracle en délai de livraison’», ce n’est que suivant mail du 9 août 2018, que l’entreprise JEKA AG a écrit à plusieurs représentants de la maîtrise d »uvre pour les informer qu’après avoir passé commande des matériaux (vitrages et granit) le lundi 6 août 2018 après réception des modifications et accord du vendredi 3 août et vu la période de congé du mois d’août, les fournisseurs lui ont officiellement annoncé que leurs meilleurs délais de livraison seraient la semaine 35 dans leurs locaux. Elle les a avertis être dans l’incapacité de livrer le 21 août puisqu’il manque les pièces essentielles des vitrines et avoir besoin d’un délai après réception pour réaliser leurs meubles.

Ainsi, alors qu’il lui appartenait de se renseigner, avant de s’engager contractuellement sur les délais de ses propres fournisseurs, compte tenu d’une date de livraison connue en août soit durant de possibles périodes de congés, elle s’est engagée à la légère sur un délai de livraison dont elle n’a à aucun moment, avant, qu’il ne soit trop tard, avisé ni Monsieur [G], son cocontractant, ni même la maîtrise d »uvre MOMA qu’elle ne pourrait le pas respecter. Ainsi, la société JEKA a commis un manquement contractuel en ne respectant pas son délai de livraison.

En effet, suivant ses propres conditions de vente et de livraison, le délai de livraison ne peut être reporté sans indemnisation qu’en cas de force majeure, en cas d’intervention des autorités ou par la faute d’un tiers ainsi qu’en cas de modifications dans la phase de construction et de production.

En l’espèce, il n’est nulle cause imprévisible, irrésistible et extérieure à JEKA AG constitutive d’un cas de force majeure, ni modification dans la phase de construction et de production ni intervention des autorités.

JEKA AG a soutenu, contre les évidences, que Monsieur [G] a validé tardivement les plans de vitrines commandées permettant de rallonger les délais de livraison. Or, cette validation n’a pas été faite par Monsieur [G] mais par MOMA, le maître d »uvre. Au surplus, seule la faute d’un tiers peut permettre de rallonger le délai de livraison, pas celle du client. Ce moyen ne peut en conséquence qu’être rejeté.

JEKA AG a également allégué que le retard provenait de la maîtrise d »uvre, qu’elle prétend être un tiers car elle n’a validé ses plans que le 3 août 2018, soit avec beaucoup trop de retard l’empêchant de livrer au 21 suivant. Or, ce moyen ne saurait prospérer car JEKA AG, elle-même, a soutenu à Monsieur [G] dans son mail du 20 août 2018 (pièce 12 de l’appelant) que les causes de retard étaient déjà connues ainsi que l’impossibilité de respecter le délai de livraison au 20 août suivant et ce dès la commande définitive reçue le 29 juin 2018. Elle a précisé avoir immédiatement informé Monsieur [V], ce qui n’est pourtant nullement établi. JEKA AG a même expliqué qu’elle a indiqué à la maîtrise d »uvre dès le 29 juin 2018 que le délai de livraison au 20 août ne pourra pas être respecté en raison des vacances en SUISSE qui commençaient trois jours plus tard et que ses équipes étaient réduites de moitié alors qu’elle avait déjà de nombreuses commandes à honorer pour l’été. Elle a précisé à Monsieur [G] avoir averti MOMA de ce qu’un délai avant mi-septembre n’est pas réaliste et qu’autrement elle ne pourrait pas accepter la commande. Elle a expliqué que MOMA lui avait demandé de tout faire pour réaliser le projet avec succès. Il a été convenu qu’elle ferait tout son possible sachant qu’il ne serait pas possible de livrer à la date demandée car le projet a intégré leur planning avec 4 semaines de retard. JEKA AG a affirmé que dès le premier jour de la commande, il a été demandé de prendre acte de cette situation, soit le 29 juin. Elle a ensuite admis que son erreur était de ne pas s’être mise en relation avec lui dès la réception de la commande.

En tout état de cause, compte tenu de cette posture vis à vis de Monsieur [G], JEKA AG ne peut soutenir dans ses conclusions établies pour la cause que le retard provient de la maîtrise d »uvre qui a tardé jusqu’au 3 août pour lui valider des plans qu’elle lui a également transmis le 3 août puisque dans son explication à Monsieur [G] c’est dès l’origine que le problème des congés en SUISSE et de ses propres chantiers en août rendaient impossible le délai de livraison convenu.

Enfin, si Monsieur [G] a effectivement refusé la solution provisoire de banques réfrigérées en location pour lui permettre d’ouvrir à la bonne date jusqu’à l’installation de ses vitrines définitives, tel que proposé par JEKA AG à l’occasion de son mail du 14 août 2018 à la maîtrise d »uvre, fait repris dans le compte-rendu de chantier du 16 août, la proposition de JEKA AG n’a pas été précise quant au coût de la location et n’a pas proposé de prendre elle-même en charge le coût de la location. Ainsi, il ne peut être fait grief à [U] [G] d’avoir refusé ce type de solution qui n’était pas aboutie ni suffisamment ferme et précise pour permettre de pallier la difficulté.

Ainsi, le non-respect du délai de livraison des vitrines réfrigérées au 21 août 2018 est le fait exclusif de JEKA AG.

Sur le préjudice et le lien de causalité entre la faute de JEKA AG et le préjudice d'[U] [G]

Le manquement contractuel de JEKA AG est en lien de causalité directe avec l’impossibilité d’ouverture de la pâtisserie d'[U] [G] au 28 août 2018 dont il est indiqué dans les compte-rendus de chantier qu’il s’agit d’une date impérative. Ce retard d’ouverture a eu lieu du 28 août 2018 au 14 septembre 2018.

Or, il est constant que les deux vitrines réfrigérées non livrées sont indispensables à l’exploitation de la pâtisserie.

[U] [G] soutient qu’il a subi une perte d’exploitation n’ayant pu ouvrir et ayant dû durant la même période rémunérer ses salariés sans contrepartie de travail. Il sollicite la perte de marge de production, soit l’impossibilité de réaliser un chiffre d’affaires.

Si [U] [G] a droit à réparation intégrale de son préjudice, il lui appartient néanmoins de prouver la réalité, la nature mais aussi le quantum exact de son préjudice.

A titre liminaire, la valeur probatoire d’une attestation d’un expert comptable dès lors qu’elle est signée, datée et qu’elle contient des constats personnels, ne fait pas de doute.

En l’espèce, la première attestation de l’expert comptable produite pour établir le montant de son préjudice à hauteur de 18.880 euros HT prenait toutefois en compte le chiffre d’affaires fait durant le grande braderie 2017, élément dont il ne doit pas être tenu compte puisque [U] [G] a pu profiter des deux grandes braderies de 2017 et de 2018.

Suivant nouvelle attestation produite, il a été uniquement indiqué par l’expert comptable que le déficit s’établissait à 7.538,58 euros pour la période du 29 août au 15 septembre 2017.

Les ventes lors de cette période ont représenté un chiffre de 18.947,94 euros. [U] [G] n’a pas pu réaliser ces ventes en 2018 sur la même période mais il a dû payer ses salariés, ce qui représentait une somme de 7.707,05 euros. Il est certain que le maintien de la fermeture de la pâtisserie entre le 28 août et le 13 septembre 2018 a conduit [U] [G] à payer les salaires de ses employés, sans pouvoir faire le quota de ventes correspondant et sans pouvoir espérer réaliser un chiffre d’affaires comparable à celui de 2017.

Ce dont se plaint en réalité [U] [G] est constitué par la perte de chance de marge brute d’exploitation n’ayant pas pu faire un chiffre d’affaires alors qu’il connaissait une taux de progression. Le montant de la perte de chiffre d’affaires ne peut être certain. Or, la Cour observe que la nouvelle attestation produite ne lui permet pas de connaître le montant du chiffre d’affaires réalisé sur la période de 2017 hors la période de la grande braderie de 2017 durant laquelle des ventes ont nécessairement été réalisées, certainement de façon importante comme [U] [G] a pu le faire en 2018.

Ainsi, le chiffre de 18.880 euros HT n’est pas un chiffre que la Cour peut retenir d’une part car il se fonde nécessairement sur une partie du chiffre d’affaires réalisé durant la grande braderie 2017, et d’autre part car au titre de la réparation d’une perte de chance il ne peut être pris en compte qu’un pourcentage du montant du préjudice allégué.

En conséquence, compte tenu des éléments à sa disposition, la Cour fixe à 52 % la perte de chance subie par [U] [G] de réaliser un chiffre d’affaires en 2018 entre le 28 août et le 13 septembre 2018 en prenant comme base le montant de 17.080 euros soit la marge brute de production de 2017. Il y a lieu d’arrondir la somme obtenue à 9.000 euros de dommages et intérêts.

La Cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société JEKA AG à payer la somme de 9.000 euros de dommages et intérêts à [U] [G] sauf à préciser qu’il s’agit de réparer une perte de chance.

Sur la compensation des créances réciproques

[U] [G] et la société JEKA AG sont tous les deux créanciers l’un de l’autre de deux sommes d’argent certaines, liquides et exigibles. Il y a lieu d’ordonner la compensation à due concurrence de ces deux créances en application des articles 1347 et suivants du code civil.

Ainsi, la Cour confirme la condamnation d'[U] [G] à payer, à la suite de la compensation entre sa créance de 9.000 euros et celle au titre du solde de son marché de travaux, à la société JEKA AG le somme de 19.300 euros.

Sur les intérêts légaux et la capitalisation des intérêts

En application de l’article 1231-6 du code civil, le montant des dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure sans que le créancier n’ait à justifier de la moindre perte.

En application de l’article 1342-2 du code civil, les intérêts échus dus au moins pour une année entière produisent intérêts si une décision de justice le précise. La capitalisation est de droit en cas de demande expresse du créancier comme en l’espèce.

La Cour confirme que la somme due à JEKA AG porte intérêt légal et confirme le jugement déféré sur la capitalisation des intérêts qui a été expressément demandée mais le point de départ des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts doit être fixé à la date de la mise en demeure claire et précise du 12 novembre 2018 qui a été transmise par le conseil de la société JEKA AG par lettre recommandée avec accusé de réception dûment signé. La Cour confirme ces deux points mais réforme le jugement en substituant la date de la mise en demeure à celle de l’assignation comme il est dit au dispositif.

Sur les demandes accessoires

Chaque partie perdant dans ses demandes essentielles, la Cour laisse à chaque partie le montant tant de ses dépens de première instance que d’appel. Ainsi, la Cour réforme le jugement sur les dépens de première instance.

En revanche, la Cour confirme le jugement déféré sur les frais irrépétibles. A hauteur d’appel, l’équité et les circonstances de cette affaire conduisent la Cour à laisser à chaque partie le montant de ses frais irrépétibles.

En conséquence, les parties sont déboutées de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société JEKA AG à payer la somme de 9.000 euros de dommages et intérêts à [U] [G] sauf à préciser qu’il s’agit de la réparation de la perte de chance de pouvoir réaliser une marge brute d’exploitation, en ce qu’il a ordonné la compensation de cette somme avec celle due au titre du solde du marché de travaux et en ce qu’il a en conséquence condamné [U] [G] à payer à la société JEKA AG la somme de 19.300 euros outre intérêts légaux et capitalisation des intérêts ;

Réforme le jugement déféré sur la date à compter de laquelle les intérêts de droit sont dus et à compter de laquelle la capitalisation des intérêts court ainsi que sur les dépens de première instance,

Statuant à nouveau sur ces points,

dit que le point de départ des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts se rapportant à la créance de JEKA AG doit fixé à la date de la mise en demeure claire et précise du 12 novembre 2018,

Laisse à la charge de chaque partie le montant de leurs entiers dépens de première instance et d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dépens et des frais irrépétibles.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ, Karen STELLA, CONSEILLER

 


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