République Française
Au nom du peuple français
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Cour d’appel de Nancy
Chambre de l’Exécution – JEX
Arrêt n° /22 du 13 OCTOBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/00663 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E6F6
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 22/00036, en date du 25 février 2022
APPELANTE :
Madame [O] [D]
née le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 7], domiciliée [Adresse 4]
Représentée par Me Elise IOCHUM de la SELEURL EKI AVOCAT, avocat au barreau de NANCY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale n° 2022/2512 du 25/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY)
INTIME :
Monsieur [I] [D]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7] domicilié [Adresse 6])
Représenté par Me Delphine HENRY, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, qui a fait le rapport
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT conseillère,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 13 octobre 2022 date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;
signé par M. Francis MARTIN président de chambre, et par Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
M. [I] [D] et Mme [H] [J] se sont mariés en 1991 et ont eu ensemble deux enfants : [O], née le [Date naissance 2] 1993, et [E], née le [Date naissance 5] 1996.
Par jugement rendu le 29 novembre 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nancy a prononcé le divorce des époux [D]-[J].
Par arrêt rendu le 30 novembre 2012, la cour d’appel de Nancy a, notamment, condamné M. [I] [D] à payer à son ex-épouse la somme de 60 000 euros sous forme de capital au titre de la prestation compensatoire.
Mme [H] [J] est décédée le [Date décès 1] 2020.
Suivant procès-verbaux du 5 novembre 2021, Mmes [E] et [O] [D] ont fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte CIC Est de M. [I] [D], ainsi que sur son compte Olinda.
La saisie-attribution pratiquée sur le compte Olinda a été dénoncée à M. [I] [D] le 8 novembre 2021 et celle pratiquée sur le compte CIC Est l’a été le 9 novembre 2021.
Par actes d’huissier de justice en date du 8 décembre 2021, M. [I] [D] a fait assigner Mmes [E] et [O] [D] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy afin de voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur son compte CIC Est n° 33606 000202584 02.
Mmes [E] et [O] [D] n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter devant le juge de l’exécution.
Par jugement rendu le 25 février 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 5 novembre 2021 sur le compte CIC Est de M. [I] [D], il a dit que les frais de cette saisie resteraient à la charge de Mmes [E] et [O] [D] et il a condamné ces deux dernières in solidum aux dépens et à payer à M. [I] [D] la somme de 850 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de l’exécution a considéré que la mainlevée devait être ordonnée, car Mmes [E] et [O] [D] ne justifiaient pas de leur qualité d’héritières et Mme [H] [J] avait accepté, de son vivant, que la prestation compensatoire soit acquittée de façon échelonnée par M. [I] [D].
Ce jugement a été notifié aux parties les 2 et 3 mars 2022.
Par déclaration faite le 18 mars 2022, Mme [O] [D] a interjeté appel de ce jugement, en intimant seulement M. [I] [D].
Par conclusions déposées le 11 avril 2022, Mme [O] [D] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
– débouter M. [I] [D] de toutes ses demandes,
– juger que la mainlevée de la saisie-attribution du 5 novembre 2021 effectuée sur le compte-courant professionnel était bien fondée (sic),
– autoriser Mmes [E] et [O] [D] à procéder à toutes mesures d’exécution qu’elles jugeront utiles et nécessaires au recouvrement de la prestation compensatoire,
– condamner M. [I] [D] à la prise en charge de tous les frais liés aux saisies-attribution puis à leur mainlevée,
– condamner M. [I] [D] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
A l’appui de son appel, Mme [O] [D] expose :
– qu’elle produit aux débats une attestation notariée justifiant que [E] et elle-même sont bien héritières de leur mère,
– que si Mme [H] [J] n’avait mis en oeuvre aucun moyen de recouvrement forcé contre M. [I] [D], rien ne prouve qu’elle avait définitivement accepté que la prestation compensatoire soit réglée de façon échelonnée,
– que Mme [J] est décédée avant que se soit écoulé le délai de huit ans prévu à l’article 275 du code civil et il ne peut être considéré comme acquis qu’elle aurait accepté le dépassement de ce délai de huit ans,
– qu’il revenait à sa soeur [E] et à elle-même d’accepter ou non la proposition de M. [I] [D] de continuer à s’acquitter de sa dette par mensualités de 100 euros,
– que c’est donc à tort que le juge de l’exécution a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution,
– que l’huissier de justice a d’ores et déjà procédé à la mainlevée, mais les frais de saisie devront être mis à la charge de M. [I] [D].
Par conclusions déposées le 9 mai 2022, M. [I] [D] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner Mme [O] [D] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et les frais de saisie et de mainlevée.
M. [I] [D] fait valoir :
– qu’il s’acquitte de sa dette de prestation compensatoire par versements mensuels, de 675 euros/ mois, puis de 350 euros/mois et enfin de 71 euros/mois, de sorte qu’il a déjà réglé environ 38 000 euros,
– qu’il est artisan plombier-chauffagiste, que son activité a été florissante puis a décliné suite à la perte de son principal client et suite à ses problèmes de santé, ce qui explique qu’il ait réduit progressivement ses paiements mensuels et qu’il n’ait rien pu payer en novembre 2021,
– que si la saisie pouvait être envisagée sur son compte personnel, elle était disproportionnée dans son application sur ses comptes professionnels, car cela l’a privé de toute trésorerie,
– que seule Mme [O] [D] poursuit cette voie de saisie-attribution, [E] [D] n’y adhérant pas.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mainlevée de la saisie-attribution
L’article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Mme [O] [D] sollicite dans le dispositif de ses conclusions qu’il soit jugé ‘que la mainlevée de la saisie-attribution du 5 novembre 2021 effectuée sur le compte-courant professionnel de M. [I] [D] était bien fondée’ (sic). Elle ne remet donc pas en cause la décision du juge de l’exécution d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution sur le copte professionnel de M. [I] [D], puisqu’au contraire elle demande que cette mainlevée soit déclarée bien fondée. Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les voies d’exécution futures
La demande formée par l’appelante tendant à ‘autoriser Mmes [E] et [O] [D] à procéder à toutes mesures d’exécution qu’elles jugeront utiles et nécessaires au recouvrement de la prestation compensatoire’ est irrecevable. D’une part parce que ‘nul ne plaide par procureur’ et que Mme [O] [D] n’est donc pas recevable à former une quelconque demande au nom de sa soeur [E] qui n’est pas intervenue dans l’instance d’appel (et n’y a pas été appelée non plus). D’autre part, parce que Mme [O] [D] n’a aucun intérêt à demander à la cour l’exercice d’un droit, alors qu’elle est titulaire de ce droit, dont l’exercice n’a nul besoin d’être préalablement autorisé.
Sur les frais de la saisie-attribution et de la procédure judiciaire
Il résulte de l’article L211-7 du code des procédures civiles d’exécution que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution de sa créance, l’exécution de ces mesures ne pouvant excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
En l’espèce, M. [I] [D] a été condamné à payer la prestation compensatoire sous forme de versement d’un capital. Or, il s’est arrogé le droit de la payer de façon échelonnée. De plus, il a réduit progressivement le montant de ses mensualités, jusqu’à ne plus rien payer en novembre 2021.
Au surplus, le montant de la dette de M. [I] [D] reste élevé, malgré les versements déjà effectués : la somme de 48 541 euros en principal, frais et intérêts restait due au 5 novembre 2021.
Dès lors, pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [I] [D], ces comptes fussent-ils professionnels, n’apparaît pas être une mesure dispropor-tionnée et ne peut être qualifié d’excessif par rapport à ce qui se révèle nécessaire.
Ces saisies ayant été légalement faites, M. [I] [D] en conservera les frais, y compris ceux exposés pour la mainlevée.
Pour le même motif, M. [I] [D] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel. Le jugement condamnant Mme [O] [D] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera infirmé et M. [I] [D] sera condamné, sur le même fondement, à lui payer la somme de 500 euros.
Le jugement déféré sera infirmé sur ces différents points.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DECLARE l’appel recevable,
DECLARE irrecevable la demande de Mme [O] [D] tendant à ‘autoriser Mmes [E] et [O] [D] à procéder à toutes mesures d’exécution qu’elles jugeront utiles et nécessaires au recouvrement de la prestation compensatoire’,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 5 novembre 2021 sur le compte professionnel de M. [I] [D] ouvert au CIC Est sous le n° 33606 000202584 02,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau :
DIT que les frais de cette saisie-attribution, ainsi que de sa mainlevée, resteront à la charge de M. [I] [D],
DEBOUTE M. [I] [D] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [I] [D] à payer à Mme [O] [D] la somme de 500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [I] [D] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Minute en six pages.