Droits des Artisans : 13 décembre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00153

·

·

Droits des Artisans : 13 décembre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00153

AFFAIRE : N° RG 22/00153 –

N° Portalis DBVC-V-B7G-G5EC

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LISIEUX du 06 Janvier 2022

RG n° 21/00190

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [X] [R]

né le 28 Mars 1965 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Emmanuelle DUVAL, avocat au barreau de LISIEUX,

assisté de Me François-Pierre LANI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [Z] [L] [B] épouse [C]

née le 30 Janvier 1944 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée et assistée de Me Christelle MAZIER, avocat au barreau de LISIEUX

DÉBATS : A l’audience publique du 06 octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 13 Décembre 2022 par prorogation du délibéré initialement fixé au 6 Décembre 2022 et signé par M. GARET, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [Z] [C] est propriétaire d’un piano de marque ERARD modèle 0 de 1959, dont elle a confié la restauration suivant devis accepté le 30 mai 2014, à Monsieur [X] [R].

Madame [C] a récupéré son piano au début de l’année 2015, après que les travaux de restauration aient eu lieu dans les ateliers de Monsieur [R], qui est intervenu par la suite en 2015, 2016 et 2018 pour l’accorder.

En novembre 2019, elle a fait appel à la société Bonnaventure pour accorder son piano.

Celle-ci a constaté plusieurs malfaçons sur le chevalet ainsi que des fissures et la présence de feutrine placée entre les cordes et le chevalet.

Elle n’a cependant pas souhaité s’engager dans la réparation du piano.

Madame [C] s’est alors rapprochée de Monsieur [R] qui n’a pas donné suite au courrier qu’elle lui a adressé le 28 novembre 2019.

Il n’a pas non plus assisté aux opérations d’expertise amiable réalisées par Madame [K], qui a confirmé l’existence de malfaçons, l’inexécution ou la mauvaise exécution des travaux prévus au devis et a estimé le montant des réparations à entreprendre entre 19.500,00 € et 23.000,00 € HT, l’ensemble de la structure étant selon elle à reprendre.

Afin que les opérations d’expertise soient contradictoires à l’égard de Monsieur [R], Madame [C] l’a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux aux fins de désignation d’un expert judiciaire.

Suivant ordonnance du 6 janvier 2022, il a été fait droit à sa demande, les parties étant déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et les dépens étant réservés sauf si aucune instance au fond n’était engagée dans les quatre mois du dépôt du rapport d’expertise, les dépens restant alors, sauf meilleur accord entre les parties, à la charge du demandeur.

Suivant déclaration en date du 20 janvier 2022, Monsieur [R] a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 31 août 2022, soutenant à titre principal que l’action au fond serait prescrite, de telle sorte qu’il n’existerait aucun motif légitime pour faire droit à une demande d’expertise qui serait au demeurant sans intérêt, la preuve de l’origine des malfaçons invoqués étant impossible, il conclut à l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné une expertise et désigné Madame [D] [H] née [W] pour y procéder et :

– à titre liminaire à la prescription de toute action au fond de Madame [C] et en conséquence au rejet de sa demande d’expertise,

– à titre principal, au défaut de motif légitime et au rejet de la demande d’expertise,

– à titre subsidiaire, à la révocation de l’expert désigné et à la modification de sa mission,

– à titre infiniment subsidiaire, à ce qu’il lui soit donné acte de ses protestations et réserves d’usage,

– en tout état de cause, à la condamnation de Madame [C] au paiement d’une somme de 8.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 6 septembre 2022, Madame [C], conclut à la confirmation de la décision entreprise, au rejet des prétentions adverses et à la condamnation de Monsieur [R] au paiement d’une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’absence de motif légitime

L’article 145 du code de procédure civile dispose :

‘ S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.’

Monsieur [R] soutient qu’il est commerçant et que doit s’appliquer le délai de prescription prévu à l’article L.110-4 du code de commerce qui a couru à compter de la date de livraison du piano réparé, soit le 31 décembre 2014, de telle sorte que l’action est prescrite.

Il ajoute que si devait être appliqué le délai de prescription prévu à l’article 2224 du code civil, la prescription serait également acquise, puisque Madame [C] aurait eu conscience de subir un dommage dès 2014 et au plus tard en 2015, lui ayant indiqué que le son du piano lui paraissait métallique et que le pédalier semblait produire un bruit excessif.

Madame [C] soutient quant à elle, que Monsieur [R] n’est pas un commerçant, mais un artisan, et qu’en tout état de cause la prestation qu’il a réalisée sur le piano, n’entre pas dans la liste des actes de commerce visés à l’article L.110-1 du code de commerce.

Elle estime que le délai de prescription de l’article 2224 du code civil, ne pouvait commencer à courir qu’à compter de sa connaissance du dommage, c’est-à-dire en novembre 2019, lors de l’intervention de la société Bonnaventure qui lui a signalé l’existence de désordres.

En l’espèce, si l’extrait Kbis produit par Monsieur [R], établit sa qualité de commerçant, il n’en demeure pas moins que la restauration du piano de Madame [C], n’entre pas dans la liste des actes de commerce visés à l’article L.110-1 du code de commerce.

Il ne peut donc se prévaloir de la prescription édictée par l’article L.110-4 du même code, les dispositions de l’article 2224 du code civil étant seules applicables.

Il ne peut être soutenu comme le fait l’appelant, que le point de départ de ce délai de prescription courrait à compter de la restitution du piano restauré en 2014.

Ce n’est en effet qu’à la suite de l’intervention de la société Bonnaventure en 2019, que Madame [C] a eu connaissance des désordres l’affectant, le simple fait de s’interroger sur le son du piano ou du pédalier, alors qu’elle ne disposait d’aucune connaissance particulière en la matière, ne pouvant être considéré comme la connaissance requise par le texte susvisé.

Le défaut de motif légitime pour cause de prescription d’une éventuelle action au fond sera donc rejeté.

Il en ira de même de l’argument tiré de la preuve impossible de l’origine des malfaçons dont se prévaut Madame [C], étant ici relevé que l’expert amiable a été en mesure de se prononcer au regard des prestations figurant sur le devis de réparation, quant aux travaux soit mal exécutés, soit inexécutés par Monsieur [R] ce que sera donc en mesure de faire un expert judiciaire.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande d’expertise de Madame [C].

Sur le choix de l’expert

Monsieur [R] s’oppose à la désignation de Madame [H], en qualité d’expert au motif, que Madame [K] qui a réalisé l’expertise amiable, aurait été son élève.

La cour constate que l’atelier de restauration de pianos de Madame [K] se situe en Savoie et qu’elle est expert auprès de la cour d’appel de Chambéry.

Il n’existe donc actuellement aucun lien de subordination entre elle et Madame [H], dont l’atelier se situe à [Localité 6] et qui est expert auprès de la cour d’appel de ladite ville.

Il n’est pas démontré par ailleurs que le fait que Madame [K] ait été son élève, soit de nature à remettre en question son impartialité et son indépendance.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a désigné Madame [H] pour procéder aux opérations d’expertise.

Sur la mission de l’expert

Monsieur [R] sollicite en outre une modification de la mission de l’expert dont il qualifie les termes de ‘parfaitement fantaisistes’.

Tel n’est nullement le cas en l’espèce, s’agissant d’une mission classique énoncée comme suit :

‘- convoquer les parties,

– se rendre sur les lieux au [Adresse 4],

– se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission,

– examiner le piano litigieux et le décrire dans son état actuel et, le cas échéant,

– décrire les désordres tels qu’ils existaient et auraient été constatés après la dernière intervention de Monsieur [R],

– décrire les travaux effectués par Monsieur [X] [R],

– examiner les désordres allégués par Madame [C], donner son avis sur leur réalité, leur cause et leur importance,

– rechercher si les dommages proviennent soit d’un vice de conception ou de fabrication, soit de non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l’art, soit d’une exécution défectueuse, soit d’un défaut de conseil, soit de la combinaison de plusieurs de ces causes,

– dire si le piano souffre d’une impropriété à destination,

– indiquer et évaluer les travaux nécessaires à la reprise des désordres et chiffrer le coût desdits travaux,

– fournir toutes indications sur la durée prévisible des travaux de reprise à exécuter ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner, telle que privation et limitation de jouissance,

– évaluer s’il y a lieu, les préjudices directement subis par Madame [C] du fait de l’écart éventuel constaté exclusivement imputable à Monsieur [R],

– recueillir les déclarations de toutes personnes informées et entendre en tant que de besoin, tous spécialistes de son choix pris sur la liste des experts judiciaires’

Il y a lieu néanmoins de la compléter comme indiqué dans le dispositif.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de condamner Monsieur [R] à payer à Madame [C] une somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles d’appel et de le débouter de sa demande à ce titre.

Succombant en cause d’appel, Monsieur [R] sera condamné aux dépens.

L’ordonnance entreprise sera confirmée tant s’agissant des frais irrépétibles de première instance que des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux du 6 janvier 2022,

Y ajoutant,

COMPLÈTE la mission de l’expert comme suit :

– dit que l’expert devra au vu des pièces qui lui seront communiquées, donner son avis sur l’état du piano avant l’intervention de Monsieur [R] en 2014, et dresser un historique des interventions pratiquées sur le piano depuis lors.

CONDAMNE Monsieur [X] [R] à payer à Madame [Z] [C] une somme de 2.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [X] [R] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET D. GARET

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x