Droits des Artisans : 12 septembre 2022 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00815

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Droits des Artisans : 12 septembre 2022 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00815

ARRÊT DU

12 Septembre 2022

DB/CR

——————–

N° RG 21/00815

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C5RN

——————–

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

[Z] [O]

[S],

[M] [I] [X] [A]

——————-

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

S.A. AXA FRANCE IARD

RCS de [Localité 3] n°722 057 460

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate postulante inscrite au barreau d’AGEN et par Me Jean-François MOREL, avocat plaidant inscrit au barreau du TARN-ET-GARONNE

APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 18 Juin 2021, RG 20/00451

D’une part,

ET :

Madame [Z] [O] [S]

née le 16 Mai 1989 à [Localité 4] (46)

Monsieur [M] [I] [X] [A]

né le 04 Juin 1992 à [Localité 7] (09)

Domiciliés :

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentés par Me Mustapha YASSFY, avocat inscrit au barreau du LOT

INTIMES

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 09 Mai 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Claude GATÉ, Présidente de Chambre,

Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Benjamin FAURE, Conseiller

en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

FAITS :

Par acte authentique du 6 juillet 2017, [F] [T] et [E] [G] son épouse (les époux [T]) ont vendu à [M] [A] et [Z] [S], acquéreur pour moitié chacun, un enclos d’habitation située ‘[Adresse 8], composée d’une ancienne maison d’habitation restaurée, deux granges, et d’un terrain attenant avec piscine de dimensions 9 x 4, pour un prix de 175 000 Euros.

La piscine, composée d’une coque fabriquée en série en acrylique, avec système de filtration intégré, et intégralement enterrée, avait été acquise et mise en oeuvre en juillet 2016 par la SAS Dom Composit, sur commande des époux [T], qui avaient fait réaliser l’assise en béton en sous-oeuvre par excavation, par un artisan, sur instructions du responsable de la SAS Dom Composit.

Les époux [T] s’étaient acquittés du prix de la piscine et avait accepté l’ouvrage dans des conditions en valant réception tacite sans réserve.

En août 2017, M. [A] et Mme [S] ont constaté des fuites sur la piscine, un défaut de l’éclairage et de la pompe et en ont averti les époux [T].

Le 18 octobre 2017, ils ont fait constater l’existence de désordres par Me [Y], huissier de justice associé à [Localité 6].

Par lettre du 30 octobre 2017, les époux [T] ont répondu avoir laissé toute latitude aux acquéreurs pour visiter les lieux avant l’achat et ne pas être responsables de la situation, les renvoyant vers la SAS Dom Composit.

Par acte du 29 novembre 2017, M. [A] et Mme [S] ont fait assigner les époux [T] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Cahors, lesquels ont appelé en cause la SAS Dom Composit.

Par ordonnance du 21 mars 2018, le juge des référés a ordonné une expertise de la piscine confiée à [H] [N], ingénieur.

Au cours des opérations d’expertise, la SAS Dom Composit a remplacé la pompe et le luminaire et colmaté la fuite par mise en oeuvre d’une colle polymère.

L’expert a établi son rapport le 20 septembre 2018.

Il a constaté les éléments suivants :

– le béton utilisé pour stabiliser l’excavation est de bonne qualité.

– le trop-plein est raccordé sur le drain et non sur l’égout ce qui génère l’inondation du local technique intégré à l’extérieur de la coque, la correction doit être faite par la SAS Dom Composit.

Suite à l’apparition de nouvelles fuites, par ordonnance du 17 avril 2019, le juge des référés a à nouveau désigné M. [N] pour procéder à un complément d’expertise.

Au cours des opérations, la SAS Dom Composit a été placée en liquidation judiciaire, la Selarl MJ [C] étant désignée en qualité de liquidateur.

Le liquidateur a été appelé aux opérations de complément d’expertise, ainsi que la SA Axa France Iard, assureur de la SAS Dom Composit.

Le complément d’expertise a été établi le 4 février 2020.

M. [N] a conclu que la réparation de la fuite effectuée au cours de la précédente expertise n’était pas pérenne et qu’il était désormais nécessaire de procéder à une réfection totale de l’ensemble pour un coût de 19 156,30 Euros TTC.

Par actes délivrés les 27 et 28 mai et 24 juin 2020, Mme [S] et M. [A] ont fait assigner les époux [T], la SA Axa France Iard, la Selarl MJ [C], es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Dom Composit, et la Selarl [D] [V], es-qualité d’administrateur judiciaire de la SAS Dom Composit, devant le tribunal de grande instance de Cahors afin d’être indemnisés du coût de réfection et des préjudices subis.

Par jugement rendu le 18 juin 2021, le tribunal judiciaire de Cahors a :

– condamné la société Axa France Iard à verser (aux) consorts [M] [A] – [Z] [S] la somme de 19 156,30 Euros TTC au titre de la réfection totale de la piscine majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 octobre 2017,

– débouté les consorts [M] [A] – [Z] [S] de leurs autres demandes en paiement au titre de la garantie décennale présentées à l’encontre de la société Axa France Iard,

– débouté les consorts [M] [A] – [Z] [S] de toutes leurs demandes présentées à l’encontre des époux [E] et [F] [T],

– vu l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Axa France Iard à verser aux consorts [M] [A] – [Z] [S] une indemnité de 4 000 Euros,

– condamné les consorts [M] [A] – [Z] [S] à vers aux époux [E] et [F] [T] une indemnité de 2 000 Euros,

– débouté les consorts [M] [A] – [Z] [S] de leur demande en paiement d’une indemnité de 6 000 Euros à l’encontre de la Selarl MJ [C] et de la Selarl [D] [V],

– condamné la société Axa France Iard aux entiers dépens, y compris les frais de l’expertise judiciaire ordonnée en référé,

– autorisé l’exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a retenu que les fuites constituaient un vice caché lors de l’achat mais qu’il n’était pas établi que les vendeurs en avaient connaissance de sorte que ces derniers pouvaient utilement invoquer la clause du contrat de vente les éxonérant des vices cachés ; que les désordres ouvraient droit à garantie décennale, laquelle n’était pas exclue dans le contrat souscrit auprès de la SA Axa France Iard ; que toutefois cette garantie n’avait pas vocation à indemniser les dommages autres que le coût des travaux de réfection.

Par acte du 6 août 2021, la SA Axa France Iard a déclaré former appel du jugement en désignant [Z] [S] et [M] [A] en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont prononcé condamnation à son encontre, qu’elle cite dans son acte d’appel.

La clôture a été prononcée le 13 avril 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 9 mai 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 4 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SA Axa France Iard présente l’argumentation suivante :

– Les désordres relèvent de la garantie décennale :

* le contrat passé avec la SAS Dom Composit n’est pas un simple contrat de vente, mais d’entreprise.

* les travaux relèvent de la garantie décennale de l’article 1792 du code civil, exclusive d’une action en réparation fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun.

* Mme [S] et M. [A] ne peuvent fonder leur action que sur l’article 1792 du code civil.

– Elle ne garantit pas la responsabilité décennale de la SAS Dom Composit :

* cette société était titulaire d’un contrat n° 3369994104 couvrant les dommages matériels et immatériels après livraison.

* l’article 4.11 exclut ‘les dommages de nature de ceux visés par les articles 1792 à 1792-6 du code civil’, incluant d’ailleurs les Epers et les articles 4.28, 4.29 et 4.30 excluent de la garantie les frais de réparation du travail ou de remplacement des produits.

* le tribunal a relevé d’office que les conditions générales n’étaient pas applicables, alors que la SAS Dom Composit a reconnu en avoir reçu un exemplaire (n° 460642 version A et non 46064 Z version A comme retenu par le tribunal) en signant les conditions particulières.

* l’attestation établie par l’assurée ne lie pas l’assureur.

– L’activité ayant donné lieu au sinistre n’a pas été déclarée :

* la SAS Dom Composit a seulement déclaré exercer une activité de négoce.

* la garantie ne peut porter sur un secteur d’activité autre que celui déclaré.

Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples ‘dire et juger, constater’ qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elle demande à la Cour de :

– infirmer le jugement en ses dispositions prononçant condamnation à son encontre,

– débouter Mme [S] et M. [A] de leurs demandes,

– les condamner à lui payer les sommes de 1 500 Euros et de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– mettre les dépens à leur charge, avec distraction.

*

**

Par dernières conclusions notifiées le 22 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [Z] [S] et [M] [A] présentent l’argumentation suivante :

– La piscine est affectée de vices cachés :

* les défauts relevés par l’expert leur ont été sciemment dissimulés par les époux [T], qui avaient constaté l’inondation du local technique intégré.

* toutefois, ils n’ont pas relevé appel incident du jugement à l’encontre de leurs vendeurs.

– La garantie décennale de la SA Axa France Iard est due :

* lors des travaux, la SAS Dom Composit a remis aux époux [T] un document clair et précis intitulé ‘attestation nominative de garantie décennale de 10 ans sur la tenue de la structure et l’étanchéité de notre produit’, ce qui exclut que l’assureur puisse se soustraire à ses obligations.

* les conditions générales produites par l’assureur, intitulées ‘conditions générales de responsabilité civile entreprise’ ne sont ni signées ni paraphées par l’assuré et ne contiennent pas de référence permettant de les rattacher aux conditions particulières n° 46064 A version A.

* l’assureur ne justifie pas que pièce n° 2 qu’il produit correspond bien aux conditions générales 460642 A.

* la SA Axa France Iard doit également sa garantie pour l’activité de concepteur de matériaux et fabriquant intervenant sur un chantier, la piscine étant composée d’une coque dont le bloc filtrant est assemblé en usine, constitutif d’un Epers tel que prévu à l’article 1792-6 du code civil.

* les exclusions de garantie pour les dommages relevant de la garantie décennale ne sont pas démontrées.

Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :

– confirmer le jugement,

– rejeter les demandes présentées par la SA Axa France Iard,

– la condamner à leur payer la somme de 6 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens incluant les frais d’huissier et les sommes avancées pour les besoins de l’expertise, avec distraction.

——————-

MOTIFS :

En premier lieu, aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Les dommages qui relèvent de la garantie décennale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ou sur le fondement d’un manquement à une obligation de livrer un ouvrage conforme et exempts de vices cachés.

En l’espèce, dès lors qu’il est constant que la SAS Dom Composit ne s’est pas limitée à livrer la coque et ses accessoires, mais qu’elle est intervenue pour donner des instructions lors de la réalisation de l’excavation puis qu’elle a mis en oeuvre la piscine, elle a réalisé un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.

Compte tenu que cet ouvrage, du fait de ses fuites, est impropre à sa destination, les conditions d’application de l’article 1792 du code civil sont réunies et priment sur l’action en garantie pour vices cachés de l’article 1641 du code civil.

Ensuite, les conditions particulières, signées, du contrat d’assurance souscrit le 17 janvier 2007 par la SAS Dom Composit auprès de la SA Axa France Iard mentionnent qu’elles font référence aux conditions générales n° 460642 A ‘dont le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire’ et qui lui ont donc été remises lors de la souscription du contrat.

Selon ces conditions générales n° 460642 A, produites aux débats par l’appelante (cette référence se situant au dos de la dernière page), le contrat couvre la responsabilité civile de l’assuré mais l’article 4.11 du chapitre IV exclut de la garantie :

‘Les dommages de nature de ceux visés par les articles 1792 à 1792-6 du code civil dont la charge incombe à l’assuré en vertu :

– des articles précités,

– des principes dont s’inspirent les mêmes articles lorsque le droit administratif est applicable,

– d’un contrat de sous-traitance en raison des recours dont l’assuré serait objet,

– des responsabilités et garanties de même nature en matière de travaux de construction et qui seraient édictées par une législation étrangère ou par un usage local.’

Il s’ensuit que la clause d’exclusion de la garantie décennale s’applique, ce qui rend sans portée l’invocation par les intimés des dispositions de l’article 1792-4 du code civil.

En deuxième lieu, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par l’assuré.

En l’espèce, lors de la souscription du contrat d’assurance auprès de la SA Axa France Iard le 17 janvier 2007, la SAS Dom Composit a signé les conditions particulière dans lesquelles figure la clause suivante :

‘Activités garanties

Le présent contrat garantit la, ou les, activité(s) suivante(s) :

Fabrication d’éléments de piscines (notamment escaliers) et de piscines préfabriquées en matériaux composites.

Négoce d’éléments de piscines (notamment escaliers) et de piscines préfabriquées.’

La SAS Dom Composit n’a pas déclaré à l’assureur une activité de pose et d’installation des matériels et éléments qu’elle fabrique.

Par conséquent, pour ce motif également, la garantie de l’assureur n’est pas due.

En troisième lieu, ‘l’attestation nominative de garantie décennale de 10 ans sur la tenue de la structure et l’étanchéité de notre produit’ établie le 21 juillet 2016 par la SAS Dom Composit n’a aucun effet sur le contrat d’assurance souscrit auprès de la SA Axa France Iard.

Finalement, la garantie de l’assureur n’est pas due et le jugement doit être infirmé, sans que l’équité n’impose l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

– CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :

– condamné la société Axa France Iard à verser (aux) consorts [M] [A] – [Z] [S] la somme de 19 156,30 Euros TTC au titre de la réfection totale de la piscine majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 octobre 2017,

– condamné la société Axa France Iard à verser aux consorts [M] [A] – [Z] [S] une indemnité de 4 000 Euros,

– condamné la société Axa France Iard aux entiers dépens, y compris les frais de l’expertise judiciaire ordonnée en référé,

– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,

– REJETTE les demandes présentées par [M] [A] et [Z] [S] à l’encontre de la SA Axa France Iard ;

– DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit ou à l’encontre de la SA Axa France Iard ;

– CONDAMNE [M] [A] et [Z] [S] aux dépens de 1ère instance (à l’égard de la SA Axa France Iard) et d’appel et dit que les dépens pourront être recouvrés directement par la SCP Tandonnet et Associés pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

– Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,La Présidente,

 


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