Droits des Artisans : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06893

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Droits des Artisans : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06893

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2023

N° RG 21/06893 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U3B4

AFFAIRE :

[I] [B]

[M] [F] épouse [B]

C/

BRED BANQUE POPULAIRE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Août 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 17/08172

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.01.2023

à :

Me Myriam MALKA, avocat au barreau de PARIS,

Me Frédérique LEPOUTRE de la SCP B.L.S.T., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [I] [B]

né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 7] (Haïti)

de nationalité Haïtienne

[Adresse 1]

[Localité 6]

Madame [M] [F] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 7] (Haïti)

de nationalité Haïtienne

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Myriam MALKA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2134

APPELANTS

****************

S.A BRED BANQUE POPULAIRE

Société anonyme coopérative de Banque populaire

N° Siret : 552 091 795 (RCS )

[Adresse 4]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Frédérique LEPOUTRE de la SCP B.L.S.T., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 709 – N° du dossier 1707157

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 24 août 2015, la société Bred Banque Populaire, pour financer l’achat d’une licence de taxi parisien et d’un véhicule professionnel, a consenti à M. [B] et Mme [F] épouse [B], emprunteurs solidaires :

un prêt d’équipement professionnel ( n°06312709) d’un montant de 8 000 euros, au taux de 2,05% l’an, hors assurance, remboursable en 84 mensualités de 102,32 euros hors assurance ( 106,32 euros avec assurance),

un prêt ‘socama transmission reprise’ ( n°06312710) d’un montant de 150 000 euros, au taux de 2,05% l’an, hors assurance, remboursable en 84 mensualités de 1 918,43 euros hors assurance (1 993,43 euros avec assurance),

un prêt d’équipement professionnel ( n°06312711) d’un montant de 29 500 euros, au taux de 2,10% l’an, hors assurance, remboursable en 60 mensualités de 518,36 euros hors assurance ( 533,11 euros avec assurance).

Des échéances du prêt de 29 500 euros étant impayées, la banque, par lettres recommandées avec avis de réception du 25 mai 2016, retournées avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’, a notifié à chacun des époux [B] la déchéance du terme du dit prêt, et l’exigibilité anticipée du solde des sommes prêtées, et leur a réclamé le paiement, à ce titre, de la somme de 28 697,49 euros, correspondant aux échéances impayées des mois de mars à mai 2016, au capital restant dû, aux intérêts de retard et à l’indemnité contractuelle de résiliation.

Des échéances du prêt de 150 000 euros étant également impayées, la banque, par lettre recommandées du 28 juillet 2016, également retournées avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’, a notifié à chacun des époux [B] la déchéance du terme du dit prêt, et l’exigibilité anticipée du solde des sommes prêtées, et leur a réclamé le paiement, à ce titre, de la somme de 146’276,30 euros correspondant aux échéances impayées des mois de mai à juillet 2016, au capital restant dû, aux intérêts de retard et à l’indemnité contractuelle de résiliation.

Par acte d’huissier délivré le 11 août 2017, la société Bred Banque Populaire a fait assigner M. et Mme [B] en paiement devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Ultérieurement, des échéances du prêt de 8 000 euros étant impayées, la banque, par lettres recommandées avec avis de réception du 27 septembre 2017, a notifié à chacun des époux [B] la déchéance du terme du dit prêt, et l’exigibilité anticipée du solde des sommes prêtées, et leur a réclamé le paiement, à ce titre, de la somme de 6 241,58 euros correspondant à l’échéance impayée du mois de septembre 2017, au capital restant dû, aux intérêts de retard et à l’indemnité contractuelle de résiliation.

Par jugement contradictoire rendu le 27 août 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a’:

condamné solidairement M. [B] et Mme [F] épouse [B] à payer à la société Bred Banque Populaire les sommes de :

23’287,18 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,10% sur la somme de 25 743,18 euros, à compter du 11 août 2017 et au taux légal sur la somme de 1 287,16 euros le tout jusqu’à parfait paiement au titre du prêt professionnel de 29 500 euros,

129 851,76 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,05% sur la somme de 133 249,84 euros, à compter du 11 août 2017 et au taux légal sur la somme de 6 662,49 euros le tout jusqu’à parfait paiement au titre du prêt professionnel de 150 000 euros,

6 227,81 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,05% sur la somme de 5 829,99 euros, à compter du 6 novembre 2018 et au taux légal sur la somme de 291,50 euros le tout jusqu’à parfait paiement an titre du prêt professionnel de 8 000 euros,

dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 11 août 2017, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 11 août 2018,

débouté M. [B] et Mme [F] épouse [B] de l’intégralité de leurs demandes,

condamné in solidum M. [B] et Mme [F] épouse [B] à payer à la société Bred Banque Populaire la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire [de son ] jugement,

condamné in solidum M. [B] et Mme [F] épouse [B] au paiement des entiers dépens de l’instance, distraits au profit de la SCP BLST dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 18 novembre 2021, M. [B] et Mme [F] épouse [B] ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 18 octobre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 1er décembre 2022.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 15 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [B] et Mme [F] épouse [B], appelants, demandent à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 août 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il les a condamnés à payer à la société Bred Banque Populaire, les sommes de :

23 287,18 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,10% sur la somme de 25 743,18 euros, à compter du 11 août 2017 et au taux légal sur la somme de 1 287,16 euros le tout jusqu’à parfait paiement au titre du prêt professionnel de 29’500 euros,

129 851,76 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,05% sur la somme de 133 249,84 euros, à compter du 11 août 2017 et au taux légal sur la somme de 6 662,49 euros le tout jusqu’à parfait paiement au titre du prêt professionnel de 150 000 euros,

6 227,81 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,05% sur la somme de 5 829,99 euros, à compter du 6 novembre 2018 et au taux légal sur la somme de 291,50 euros le tout jusqu’à parfait paiement au titre du prêt professionnel de 8 000 euros,

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens,

En conséquence,

A titre principal,

débouter la société Bred Banque Populaire de toutes ses demandes, fins et conclusions, à leur encontre,

réduire à 1 euro symbolique l’indemnité de déchéance du terme,

condamner la société Bred Banque Populaire à leur verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement à son obligation de mise en garde ; ordonner si besoin la compensation des créances respectives,

A titre subsidiaire,

leur octroyer les plus larges délais de paiement,

En tout état de cause :

condamner la société Bred Banque Populaire à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 27 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société Bred Banque Populaire, intimée, demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu le 27 août 2021,

déclarer M. [B] et Mme [B] mal fondés en leurs demandes et les en débouter,

En conséquence,

condamner solidairement M. [B] et Mme [B] à lui payer les sommes de :

24 915,99 euros au titre du prêt professionnel de 29 500 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel majoré de 5,10 % l’an à compter du 24 juillet 2017 et ce jusqu’au complet paiement,

137 144,80 euros au titre du prêt professionnel de 150 000 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel majoré de 5,05 % l’an à compter du 24 juillet 2017 et ce jusqu’au complet paiement,

6 245,74 euros au titre du prêt professionnel de 8 000 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel majoré de 5,05 % l’an à compter du 2 octobre 2017 et ce, jusqu’au complet paiement,

ordonner la capitalisation des intérêts qui seront échus depuis plus d’un an,

condamner solidairement M. [B] et Mme [B] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

condamner solidairement M. [B] et Mme [B] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP BLST en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 12 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, sur l’étendue de la saisine de la cour

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur les condamnations au titre des prêts octroyés à M. et Mme [B]

A l’appui de leur contestation des condamnations prononcées à leur encontre, les appelants font valoir :

que la déchéance du terme des prêts par eux souscrits n’est pas valablement acquise, la banque l’ayant prononcée sans mise en demeure préalable ;

que la clause prévoyant le versement d’une indemnité forfaitaire en cas de déchéance du terme constitue une clause pénale, et qu’en l’espèce, la somme de 7 949,65 euros réclamée pour l’ensemble des prêts est excessive au regard du montant de la dette du débiteur, de ses ressources et du comportement du créancier dans le recouvrement de la dette ; qu’il y a lieu à réduction sur le fondement de l’article 1152 du code civil au montant symbolique de 1 euro ;

que leurs règlements postérieurs au 24 juillet 2017 doivent être déduits de ceux dont la Bred Banque Populaire poursuit le règlement.

La banque intimée objecte :

que M. et Mme [B] ont bien été destinataires de lettres de mise en demeure, le 31 décembre 2015,

qu’au surplus, l’article 12 du contrat de prêt ne conditionne pas le prononcé de la déchéance du terme du contrat de prêt en raison d’impayés à l’envoi d’une mise en demeure préalable, de sorte qu’elle n’était pas tenue d’une telle obligation,

qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de réduction de la clause pénale, en retenant qu’au regard du montant initial des trois prêts et des sommes restant dues par les emprunteurs, la majoration de 5% n’apparaissait pas manifestement disproportionnée.

S’agissant de l’exigibilité anticipée des prêts, il est de droit que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

La stipulation contractuelle sur laquelle le tribunal s’est appuyé pour considérer que, en l’espèce, l’envoi d’une mise en demeure préalable n’était pas une condition requise pour le prononcé de l’exigibilité des prêts en cause, est la suivante ( article 12 des conditions générales des prêts) :

‘ Le présent contrat pourra être résilié de plein droit par le prêteur par lettre recommandée, avec effet immédiat, et toutes sommes dues à un titre quelconque en capital, intérêts et accessoires deviendront immédiatement exigibles dans les cas suivants, sans que cette énumération soit limitative :

– non respect par l’emprunteur des obligations générales sus-indiquées, éventuellement des engagements énoncés aux ‘conditions particulières’, (…)

– en cas de non paiement au prêteur d’une somme quelconque contractuellement prévue, en cas d’impayés sur tout prêt ou crédit consenti par le prêteur ou par tout autre établissement bancaire ou financier,

– incidents de paiement, protêts (…).

Si une de ces hypothèses se réalisait, l’emprunteur aurait l’obligation de procéder au remboursement du concours, à la première échéance de remboursement suivant la survenance de l’un quelconque de ces événements. (…) Dans ces hypothèses, le prêteur n’aura à remplir aucune autre formalité, ni à faire prononcer la déchéance du terme. Les paiements ou régularisation postérieurs à cet avis ne feraient pas obstacle à cette exigibilité.’

Contrairement à ce que soutient la banque, cette disposition du contrat ne contient pas de stipulation expresse et non équivoque dispensant le créancier de mise en demeure.

Par conséquent, la banque ne pouvait prononcer la déchéance du terme des prêts en cause sans avoir mis préalablement en demeure les emprunteurs, en leur précisant le délai dont ils disposaient pour y faire obstacle.

S’agissant des prêts n°06312710 d’un montant de 150 000 euros et n°06312711 d’un montant de 29 500 euros, la banque se prévaut de deux courriers recommandés avec demande d’avis de réception, datés du 31 décembre 2015, adressés l’un à M. [B], l’autre à Mme [B], reçus par ces derniers le 5 janvier 2016, leur rappelant que des échéances de ces prêts sont impayées, et les mettant en demeure de couvrir, sous huitaine, la totalité des sommes dues à ce jour, faute de quoi l’intégralité des sommes dues au titre du prêt sera susceptible d’être rendue exigible.

Ces courriers ne peuvent toutefois constituer les mises en demeure préalables à la déchéance du terme conditionnant la validité de celle-ci, dès lors que, datés du 31 décembre 2015, ils concernent nécessairement des mensualités autres que celles dont le non paiement a entraîné le prononcé de l’exigibilité anticipée des prêts en cause, qui sont, au vu des décomptes joints aux courriers de notification de la déchéance du terme adressés aux emprunteurs, celles de mars, avril et mai 2016 pour le prêt n°06312711 d’un montant de 29 500 euros, et celles de mai, juin et juillet 2016 pour le prêt n°06312710 d’un montant de 150 000 euros.

Et s’agissant du prêt n°06312709 de 8 000 euros, aucune mise en demeure préalable n’est produite, ni alléguée.

Dans ces conditions, il sera retenu que la déchéance du terme prononcée par la banque pour les trois prêts consentis à M. et Mme [B] n’est pas régulière.

Le jugement déféré est donc infirmé s’agissant des condamnations prononcées à ce titre à l’encontre de M. et Mme [B], et aucune somme ne peut être allouée à la banque, qui ne sollicite ni l’infirmation ni la réformation du jugement, mais uniquement sa confirmation, bien qu’elle réclame ensuite à la cour des sommes supérieures à celles allouées par le tribunal, et ne forme aucune demande subsidiaire concernant le règlement des échéances impayée dans l’hypothèse d’une infirmation de la décision sur la question de la validité de la déchéance du terme.

En l’absence de condamnation de M. et Mme [B], il n’y a pas lieu de statuer sur leur demande de réduction du montant de l’indemnité de déchéance du terme.

Sur le manquement à l’obligation de mise en garde

M. et Mme [B] reprochent à la banque d’avoir manqué à l’obligation de mise en garde dont elle était, selon eux, tenue à leur égard. Ils font valoir :

qu’ils étaient l’un et l’autre des emprunteurs non avertis,

que les prêts octroyés par la banque étaient excessifs au regard de leurs capacités contributives, et les emprunteurs ayant été abusivement maintenus dans l’illusion de ce que leur situation financière serait susceptible de trouver une issue favorable,

qu’ils ont été privés de la chance de ne pas contracter, tandis que la banque a poursuivi un intérêt exclusivement personnel, en s’abstenant de les mettre en garde sur leur situation particulièrement obérée.

La banque rétorque :

que M. [B], artisan taxi indépendant depuis plus de 7 ans à la date de son engagement, ce qui lui permettait d’appréhender les conséquences de ses engagements financiers, avait la qualité d’emprunteur averti, et ne peut se prétendre à une quelconque obligation de mise en garde de la part de la banque, sauf à rapporter la preuve que celle-ci disposait d’informations sur sa situation financière professionnelle d’artisan taxi que lui-même aurait ignorées, ce qu’il ne fait pas,

qu’il n’existait aucun risque d’endettement excessif, M. et Mme [B] ayant présenté au moment de la souscription des prêts, un ‘business plan’ complet et étayé, qui écartait tout risque de cette nature.

Il est de droit que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat de prêt, au regard des capacités financières de l’emprunteur et des risques d’endettement né de l’octroi du prêt.

Il s’ensuit qu’il n’est tenu d’aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement n’excède pas la capacité financière de l’emprunteur au jour de la conclusion du contrat de prêt.

Pour l’appréciation des capacités financières de l’emprunteur, il est tenu compte de ses revenus, de la valeur des éléments de patrimoine garantissant le remboursement, ainsi que des chances de réussite du projet et des revenus qu’il va procurer à l’emprunteur.

Pour déterminer s’il est tenu à un devoir de mise en garde, l’établissement de crédit peut, sauf anomalies apparentes, se fier aux informations recueillies auprès de l’emprunteur sur ses capacités financières sans avoir à en vérifier l’exactitude.

C’est à l’emprunteur qui invoque l’existence d’un devoir de mise en garde à son égard qu’il appartient de démontrer l’existence d’une inadaptation entre ses capacités financières et l’engagement souscrit.

A l’appui de leur demande de prêt, M. et Mme [B] ont remis à la banque, qui le produit dans le cadre de la présente procédure, un dossier de recherche de financement professionnel établi par une société Jurifinance, et comportant divers justificatifs, pour lequel ils sont déclaré,

s’agissant de M. [B], 13 224 euros de revenus déclarés pour l’année 2013, et un peu plus de 43 492 euros d’épargne,

s’agissant de Mme [B], un salaire mensuel de 400 euros, et 1 109 euros d’épargne.

Ils ont indiqué que s’ajoutaient à ces sommes 460 euros d’allocations familiales ( 4 enfants de 4 à 10 ans à charge) et 342 euros d’aide personnalisée au logement ( loyer de 784 euros par mois).

Ils ont déclaré que M. [B], chauffeur de taxi depuis fin 2008, disposait de sa propre clientèle, réalisait une recette journalière moyenne entre 280 et 300 euros, et que ses charges actuelles, en tant que chauffeur locataire, étaient de 4 470 euros par mois, carburant inclus, soit de près de 500 euros de plus que les charges escomptées avec l’octroi des prêts bancaires sollicités, évaluées à 3 932 euros par mois, dont environ 2 732 euros au titre du remboursement des prêts (observation faite que la charge réelle de remboursement était en réalité moindre, de 2 451,54 euros par mois aux dires des appelants eux-mêmes).

Ils ont annoncé un chiffre d’affaire prévisionnel de 75 600 euros TTC pour la première année, et un résultat d’exploitation prévisionnel de 56 982,27 euros, remboursement des prêts sollicités à déduire.

Alors que le premier juge s’est fondé, pour retenir qu’il n’y avait pas de risque d’endettement excessif, sur les éléments ci-dessus exposés, résultant de leurs propres déclarations à la banque, M. et Mme [B] ne précisent pas en quoi les déclarations qu’ils ont faites recèleraient des anomalies, ni en quoi les prêts qui leur ont été accordés étaient totalement excessifs au regard de ces prévisions, et en quoi la banque, en présence d’un emprunteur suffisamment au fait des aléas financiers de la profession après 7 années d’exercice en tant qu’entrepreneur individuel, aurait, de manière totalement irréaliste, préjugé de leur capacité de pouvoir rembourser les prêts en cause, alors qu’eux mêmes lui soumettaient un projet attestant de leur capacité à le faire.

M. et Mme [B], qui se fondent uniquement sur leur avis d’imposition sur les revenus de l’année 2014, établi le 4 décembre 2015, donc postérieurement à l’octroi des prêts en cause, et sur la déclaration des bénéfices industriels et commerciaux de M. [B] pour l’exercice 2013 n’apportent ainsi pas la preuve d’une inadaptation de l’engagement souscrit à leurs capacités financières.

En conséquence, la banque n’était pas tenue, à l’égard de M. et Mme [B], d’une obligation de mise en garde, et le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à l’issue du litige, les dépens, de première instance comme d’appel sont à la charge de la société Bred Banque Populaire.

Cette dernière sera en outre condamnée à régler à M. et Mme [B] une somme totale de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa propre demande à ce titre, en première instance comme en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 27 août 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre, sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [B] et Mme [M] [F] épouse [B] de leur demande de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Déboute la société Bred Banque Populaire de sa demande en paiement au titre des prêts consentis à M. [I] [B] et Mme [M] [F] épouse [B] ;

Déboute la société Bred Banque Populaire de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Bred Banque Populaire à verser à M. [B] et Mme [F] épouse [B] une somme totale de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Bred Banque Populaire aux dépens.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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