Droits des Artisans : 11 mai 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01388

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Droits des Artisans : 11 mai 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01388

AC/SB

Numéro 23/1593

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 11/05/2023

Dossier : N° RG 21/01388 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H3GR

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[H] [W]

C/

S.C.O.P. à responsabilité limitée DAULOUED’ALU

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 11 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 04 Janvier 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame PACTEAU, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [H] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Maître BRUN loco Maître TUGAS de la SELARL TUGAS & BRUN, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.C.O.P à responsabilité limitée DAULOUED’ALU agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU et Maître ROBERT loco Maître LAFITTE de la SELARL LAFITTE ET ASSOCIES, avocat au barreau de BAYONNE,

sur appel de la décision

en date du 10 MARS 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE DAX

RG numéro : 18/00157

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCOP à responsabilité limitée Dauloued’Alu a été créée par plusieurs personnes, dont M.'[H] [W] qui détenait une partie des parts sociales.

M. [H] [W] a été embauché le 20 février 2006 par la société Dauloued’Alu en qualité de conducteur de travaux, statut cadre, position VI, coefficient 755 suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des cadres du bâtiment.

En dernier lieu, il a occupé ce poste au niveau suivant’: position B, échelon 1, catégorie 1, coefficient 95.

Le 22 novembre 2017, une rupture conventionnelle a été conclue entre les parties.

Le 7 décembre 2017, M. [H] [W] s’est rétracté en affirmant notamment avoir été contraint de conclure la convention de rupture et faire l’objet d’un harcèlement moral.

Le 14 décembre 2017, la société Dauloued’Alu a contesté ces reproches.

À compter de ce jour, M. [H] [W] a été placé en arrêt de travail.

Le 26 juillet 2018, le médecin du travail l’a déclaré apte à son poste.

Le 3 septembre, M. [H] [W] a formulé des reproches à la société Dauloued’Alu.

Le 11 septembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 21 septembre suivant et mis à pied à titre conservatoire.

Le 28 septembre 2018, il a été licencié pour faute grave.

Le 11 décembre 2018, il a saisi la juridiction prud’homale.

Par jugement du 10 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Dax a notamment statué comme suit’:

– se déclare incompétent pour connaître de la demande de paiement de la somme de 1 054,74 € bruts au titre des congés payés, demande qui relève de la compétence du tribunal judiciaire,

– dit que le licenciement de M. [H] [W] est régulier en la forme et repose sur une faute grave,

– déboute M. [H] [W] de l’ensemble de ses autres demandes,

– condamne M. [H] [W] à remettre à la société Dauloued’Alu la télécommande du portail et les clés suivantes :

* clé de la boîte aux lettres,

* clé des 5 portes d’accès,

* clé de la cuve à gasoil,

* clé de la caisse,

* clé des tiroirs de son ancien bureau,

* sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du présent jugement,

– condamne M. [H] [W] à payer à la société Dauloued’Alu une indemnité de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire,

– condamné M. [H] [W] aux dépens.

Le 21 avril 2021, M. [H] [W] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 16 juillet 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [H] [W] demande à la cour de :

– le dire et juger recevable et bien-fondé en son appel,

– y faisant droit,

– prononcer la nullité du jugement entrepris,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté ses pièces 18 et 21,

– dire et juger les pièces 18 et 21 recevables,

– à titre subsidiaire,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* a dit que son licenciement est régulier en la forme et repose sur une faute grave,

* l’a débouté de 1’ensemble de ses autres demandes,

* l’a condamné à remettre à la société Dauloued’Alu la télécommande du portail et les clés suivantes’: clé de la boite aux lettres, clé des 5 portes d’accès, clé de la cuve à gasoil, clé de la casse, clé des tiroirs de son ancien bureau, sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du présent jugement,

* l’a condamné à payer à la société Dauloued’Alu une indemnité de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a débouté les parties de toute autre demande,

* l’a condamné aux dépens,

– débouter la société Dauloued’Alu de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– dire et juger que la mise à pied conservatoire est injustifée,

– condamner la société Dauloued’Alu, prise en la personne de son représentant légal, à lui régler :

* la somme de 10’507,46 € à titre d’indemnités de licenciement,

* la somme de 9’381 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* la somme de 28’000 € à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* la somme de 20’000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

* la somme de 1’667,73 € au titre des 16 jours couverts par la mise à pied conservatoire,

– condamner la société Dauloued’Alu, prise en la personne de son représentant légal, à délivrer les documents sociaux et bulletins de salaires,

– condamner la société Dauloued’Alu, prise en la personne de son représentant légal, à lui régler la somme de 4’000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

– condamner la société Dauloued’Alu, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de premier instance et d’appe1.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 octobre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Dauloued’Alu demande à la cour de’:

– I. in limine litis, sur l’exception d’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes pour connaître de la demande d’indemnité compensatrice de congés payés,

– prendre acte de l’abandon par M. [H] [W] de sa demande tendant à la voir à lui verser la somme de 1’050,74 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

– II. à titre principal, sur l’absence de nullité du jugement entrepris,

– dire et juger que le jugement entrepris n’est entaché d’aucune nullité,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– en conséquence,

– déclarer irrecevables comme étant un moyen de preuve déloyal, les pièces adverses n°18 et 21 communiquées par M. [H] [W],

– dire et juger que le licenciement pour faute grave notifié à M. [H] [W] est parfaitement légitime,

– en conséquence,

– débouter M. [H] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

– si par extraordinaire la cour de céans considérait le licenciement pour faute grave de M. [H] [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse, dire et juger que M. [H] [W] ne justifie pas d’un préjudice réel et de recherches d’emplois effectives,

– en conséquence,

– ramener la demande de M. [H] [W] à de plus justes proportions, l’indemnité minimale prévue à l’article L. 1235-3 du code du travail étant de 3 mois de salaires bruts, et M. [H] [W] ayant perçu en dernier lieu une rémunération mensuelle moyenne brute de 3’000 €,

– si par extraordinaire la Cour de céans considérait le licenciement pour faute grave de M. [H] [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse, constater que M. [H] [W] sollicite une indemnité compensatrice de préavis de 9’381 €, soit un montant supérieur à celui auquel il pourrait prétendre, et dire et juger que M. [H] [W] ne saurait prétendre à une indemnité compensatrice de préavis supérieure à 3 mois de salaires bruts,

– en conséquence,

– ramener la demande de M. [H] [W] à de plus justes proportions, cette indemnité ne pouvant être supérieure à 9’000 € bruts,

– dire et juger qu’aucune circonstance vexatoire n’entoure le licenciement pour faute grave notifié à M. [H] [W], et dire et juger que M. [H] [W] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice moral en lien avec son licenciement pour faute grave,

– en conséquence,

– débouter M. [H] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

– ordonner à M. [H] [W] de lui remettre, sous astreinte de 50 € nets par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et jusqu’à leur complète et entière remise :

* les clés de sa boîte aux lettres,

* la clé des 5 portes permettant l’accès,

* la télécommande du portail,

* la clé de la cuve à gasoil,

* la clé de la caisse,

* la clé des tiroirs de son ancien bureau,

– se réserver expressément le droit de liquider l’astreinte, conformément aux dispositions de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution,

– condamner M. [H] [W] à lui verser la somme de 5’000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [H] [W] à lui verser la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– débouter M. [H] [W] de sa demande tendant à la voir condamner à lui verser la somme de 4’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– condamner M. [H] [W] aux entiers dépens de l’instance,

– III. à titre subsidiaire et en tout état de cause, sur l’évocation du fond de l’affaire devant la cour,

– si par extraordinaire la cour de céans entendait annuler le jugement entrepris pour excès de pouvoir du juge départiteur du conseil de prud’hommes de Dax :

– évoquer le fond de l’affaire, l’annulation du jugement n’étant pas tirée de la nullité de l’acte introductif d’instance,

– et statuant à nouveau :

– déclarer irrecevables comme étant un moyen de preuve déloyal, les pièces adverses n°18 et 21 communiquées par M. [H] [W],

– dire et juger que le licenciement pour faute grave notifié à M. [H] [W] est parfaitement légitime,

– en conséquence,

– débouter M. [H] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

– si par extraordinaire la cour de céans considérait le licenciement pour faute grave de M. [H] [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse, dire et juger que M. [H] [W] ne justifie pas d’un préjudice réel et de recherches d’emplois effectives,

– en conséquence,

– ramener la demande de M. [H] [W] à de plus justes proportions, l’indemnité minimale prévue à l’article L. 1235-3 du code du travail étant de 3 mois de salaires bruts, et M. [H] [W] ayant perçu en dernier lieu une rémunération mensuelle moyenne brute de 3’000 €,

– si par extraordinaire la Cour de céans considérait le licenciement pour faute grave de M. [H] [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse, constater que M. [H] [W] sollicite une indemnité compensatrice de préavis de 9’381 €, soit un montant supérieur à celui auquel il pourrait prétendre, et dire et juger que M. [H] [W] ne saurait prétendre à une indemnité compensatrice de préavis supérieure à 3 mois de salaires bruts,

– en conséquence, ramener la demande de M. [H] [W] à de plus justes proportions, cette indemnité ne pouvant être supérieure à 9’000 € bruts,

– dire et juger qu’aucune circonstance vexatoire n’entoure le licenciement pour faute grave notifié à M. [H] [W], et dire et juger que M. [H] [W] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice moral en lien avec son licenciement pour faute grave,

– en conséquence,

– débouter M. [H] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

– ordonner à M. [H] [W] de lui remettre, sous astreinte de 50 € nets par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et jusqu’à leur complète et entière remise :

* les clés de la boîte aux lettres,

* la clé des 5 portes permettant l’accès,

* la télécommande du portail,

* la clé de la cuve à gasoil,

* la clé de la caisse,

* la clé des tiroirs de son ancien bureau,

– se réserver expressément le droit de liquider l’astreinte, conformément aux dispositions de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution,

– condamner M. [H] [W] à lui verser la somme de 5’000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [H] [W] à lui verser la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– débouter M. [H] [W] de sa demande tendant à la voir condamner à lui verser la somme de 4’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– condamner M. [H] [W] aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité du jugement

Attendu qu’il résulte du jugement du conseil de prud’hommes de Dax en date du 23 juin 2020 que celui-ci, en bureau de jugement s’est déclaré en partage de voix et a renvoyé les parties à l’audience de départage du 29 septembre 2020′;

Que cette déclaration de partage de voix concerne l’entier litige, même si à l’audience les parties n’ont plaidé que sur l’exception d’incompétence matérielle et l’irrecevabilité de certaines pièces’;

Attendu que les notes d’audience du 29 septembre 2020 du conseil de prud’hommes de Dax, présentes au dossier de la cour sont conformes à l’entête du jugement du conseil de prud’hommes de Dax en date du 10 mars 2021 précisant la composition du bureau de départage lors des débats et du délibéré (le juge départiteur et trois conseillers)’;

Attendu que les conclusions déposées devant le conseil de prud’hommes et les notes d’audience rédigées, et donc authentifiées par le greffier démontrent que les parties, conformément à l’article R.1453-4 du code du travail, se sont référées aux prétentions et aux moyens développés par écrit tant sur les exceptions que sur le fond’;

Attendu que la formation de départage n’a nullement excédé ses pouvoirs en tranchant l’ensemble des prétentions soumises, ce d’autant que trois conseillers sur quatre étaient présents lors des débats du 29 septembre 2020′;

Que M. [W] sera donc débouté de sa demande de nullité du jugement’;

Sur l’exception d’incompétence matérielle concernant la demande de paiement de la somme de 1 054,74 euros au titre de l’indemnité de congés payés

Attendu qu’il convient de constater que M. [W], a, à la lecture de ses dernières écritures, renoncé à cette prétention’;

Sur l’irrecevabilité des pièces 18 et 21 du dossier du salarié

Attendu que le principe de l’égalité des armes, composante du droit au procès équitable, commande que chaque partie puisse présenter sa thèse et ses preuves dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse’;

Qu’il est cependant impérieux que le juge, pour apprécier si l’utilisation d’une preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, se doit de mettre en balance le droit au respect de la vie personnelle et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi’;

Attendu que les pièces 18 et 21 sont annoncées dans le bordereau de la façon suivante’:

pièce 18′: transcription de l’enregistrement audio de la journée du 10 septembre 2018,

pièce 21′: enregistrement audio de la journée du 10 septembre 2018′;

Attendu que M. [W] soutient que cet enregistrement est l’unique moyen de rapporter la preuve que les attestations produites par l’employeur sont mensongères’;

Attendu qu’il convient de relever’:

que M. [W] justifie en pièce 20 qu’il a déposé plainte devant le procureur de la République de Dax le 15 novembre 2019 pour établissement par des salariés de fausses attestations et usage’;

qu’une relance du sort de cette plainte a été diligentée le 14 février 2020, le procureur de la République indiquant que l’enquête est en cours’;

que depuis février 2020 aucune information n’est à disposition de la cour concernant le sort de cette plainte’;

Attendu que la conversation en cause, enregistrée en pièce 21 et retranscrite en pièce 18, dont il n’est pas contesté par M. [W] que son enregistrement a été réalisé à l’insu des personnes présentes ce jour là, constitue un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue ;

Attendu au surplus que la production de cette pièce, attentatoire à la vie privée porte une atteinte disproportionnée au but poursuivi dans la mesure où celle-ci n’est pas indispensable à l’exercice du droit revendiqué par M. [W], en présence d’une plainte pénale déposée’;

Attendu que c’est donc par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l’espèce que les premiers juges ont écarté ces pièces des débats comme étant irrecevables’;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point’;

Sur le licenciement

Attendu que par courrier du 28 septembre 2018, qui fixe les limites du litige, le salarié a été licencié pour faute grave’;

Qu’en application de l’article 1235-1 du code du travail, tout licenciement doit être fondé sur une cause réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties et s’il subsiste un doute, il profite au salarié’;

Attendu que par ailleurs, le salarié ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l’employeur d’établir que la faute commise par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail est d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis’;

Attendu qu’au cas d’espèce, la lettre de licenciement est libellée comme suit’:

«’Nous sommes dans l’obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, eu égard notamment à votre comportement particulièrement inadmissible. Pour mémoire, vous nous avez sollicité pour une rupture conventionnelle au mois de décembre dernier. Eu égard à vos prétentions financières exorbitantes et particulièrement injustifiées, il n’a pas été donné suite à cette procédure.

Vous êtes parti en arrêt maladie pendant de nombreux mois tout en continuant à occuper vos fonctions d’adjoint au maire au sein de la mairie de [Localité 4]. À votre retour, le médecin du travail vous a déclaré apte à reprendre votre poste. Cependant, dès cette date, vous avez arboré à l’encontre de l’ensemble du personnel ainsi que de vos propres associés un comportement incompatible avec une reprise d’activité sereine et respectueuse. En effet, alors que nous avons pris le soin de vous recevoir, de répondre à vos inquiétudes et vos interrogations, de vous laisser un temps de réadaptation, vous n’avez pas hésité à vous comporter de manière agressive, arrogante et irrespectueuse, à l’égard de tous. Tout a été prétexte pour que vous critiquiez et remettiez en cause systématiquement l’autorité de vos associés, leurs directives, n’hésitant pas à contester toutes les décisions que nous avions été contraints de prendre afin de nous organiser au mieux pendant votre absence.

Le 5 septembre dernier, nous avons dû vous rappeler vos obligations premières en termes de politesse, de respect et de comportement vis-à-vis de l’ensemble des salariés de la société ainsi que de vos associés. Malheureusement, nos mises en garde verbale et écrite sont restées sans effet puisque vous n’avez cessé de multiplier les provocations et notamment le 10 et 11 septembre dernier.

En premier lieu, à l’égard d’un client que vous avez quasiment mis dehors, en raison d’un problème vous ayant opposé par le passé alors qu’il avait rendez-vous avec votre associé et qu’il travaille avec notre société. Vous lui avez même parlé de manière agressive, en vociférant en public «’tu ne travailleras pas avec Dauloued’Alu’». Il est inacceptable que vous teniez ce type de propos en public à l’encontre de nos clients.

En second lieu, nos collaborateurs ont subi quasi quotidiennement vos réflexions déplacées, vos injures, votre totale indifférence’ l’un d’eux assimilant même vos propos déplacés à du harcèlement’ il n’est pas normal que vous vous soyez permis de lui dire, je cite « je t’emmerde incapable’». Heureusement qu’il n’a pas répondu à votre provocation gratuite. Cependant, votre comportement a considérablement dégradé le climat social de notre société et les salariés s’en sont plaints.

Enfin, au niveau professionnel, il a été expressément convenu que dans un premier temps, pour ne pas déséquilibrer l’organisation mise en place, vous alliez vous concentrer sur le développement de nouveaux clients. Or, nous nous sommes rendus compte que depuis votre retour, vous ne démarchez aucun nouveau client, que vous vous contentez de passer dans les mairies pour glaner quelques informations sur de nouveaux propriétaires. Bien plus, le peu de clients que vous avez tentés de contacter faisait déjà partie de notre portefeuille commercial à l’exception d’un qui est un de vos amis proches.

Votre comportement général tant au niveau personnel que professionnel est inacceptable et nuit considérablement au bon fonctionnement de la société dont vous êtes de surcroît associé. Vous cherchez en permanence le conflit depuis que vous avez repris votre poste et nous ne sommes pas dupes de vos multiples tentatives délibérées de déstabilisation et de provocation. Dès lors, votre attitude en général, de par sa gravité, rend impossible la poursuite de votre activité au sein de l’entreprise, même pendant un préavis’»’;

Attendu qu’il convient de constater au préalable que Monsieur [W] se contente de dire, en page 10 de ses écritures, qu’il a été en arrêt de travail du 14 décembre 2017 au 20 juillet 2018, celui-ci étant la conséquence directe de la dégradation de ses conditions de travail, d’un harcèlement et souffrance au travail sans pour autant, dans le dispositif de ses écritures, solliciter la nullité de son licenciement ni aucune somme pour des faits par lui subis de harcèlement moral ;

Attendu qu’à l’appui de ses allégations de harcèlement moral Monsieur [W] produit au dossier les éléments suivants’:

un certificat médical du 9 mars 2018 du docteur [U] faisant état d’une prise en charge pour souffrance au travail avec surcharge de travail et conflit avec son directeur’;

un certificat médical du service de santé au travail en date du 1er mars 2018 adressé à un confrère faisant état de la problématique professionnelle du salarié’;

Attendu que ces seuls éléments sont très insuffisants pour laisser supposer l’existence de faits de harcèlement moral à l’encontre de M. [W]’;

Attendu que l’employeur, à l’appui des griefs reprochés au salarié, produit au dossier les éléments suivants :

une attestation de M. [M], président de la société Bois Alu, régulière en la forme, qui est explicitement visée dans la plainte déjà évoquée plus haut. Cependant en raison de l’absence de document permettant de connaître les suites données à cette démarche pénale datant de 2019 alors que la cour statue en 2023, elle sera prise en compte, comme ne pouvant objectivement être suspectée de fausse déclaration, M. [M] étant une personne étrangère à l’entreprise. M. [M] indique «’vous m’avez demandé par écrit les détails de l’incident dont j’ai fait les frais le 10 septembre 2018 à mon arrivée dans votre société. Je suis arrivé vers 8 heures 30 dans vos locaux pensant vous trouver afin de faire un nouveau devis pour des menuiseries’. Je suis tombé nez à nez avec un monsieur que je n’avais pas rencontré avant chez vous et que je n’ai pas reconnu sur le moment. Par contre lui m’a reconnu de suite. En effet, dès que j’ai décliné mon identité, il a été désagréable et agressif. Il m’a directement tutoyé «’tu me rappelles quand j’étais commercial chez [J], tu es gonflé de te présenter ici, dégage. Dauloued’Alu n’est pas pour toi, tu ne travailleras pas pour Dauloued’Alu’». J’étais stupéfait de me faire agresser gratuitement par ce monsieur que j’avais effectivement rencontré par le passé , étant pendant 30 ans directeur de Saint Gobain vitrage. J’avais un problème à cause d’un certain Monsieur [W], commercial à l’époque chez Monsieur [J]. J’ai failli me fâcher avec Monsieur [J] qui était son employeur parce qu’il nous avait menti à l’un et à l’autre sur la cotation de vitrage. Monsieur [J] m’a informé quelque temps après qu’il avait eu des problèmes et qu’il s’en était séparé. Heureusement que ce fameux lundi 10 septembre 2018 Monsieur [O] est intervenu et s’est excusé en accompagnant dans son bureau pour me rassurer et traiter mon dossier’»’;

une attestation régulière en la forme de M. [Z], salarié de l’entreprise, et, tout comme M’. [W] ayant des parts sociales au sein de la structure, qui a également fait l’objet de la plainte pénale initiée par M. [W]. Comme indiqué plus haut, cette attestation sera prise en compte, faute d’éléments de nature à suspecter son objectivité. L’attestant indique «’lors de la journée du 10 septembre 2018, travaillant dans le bureau mitoyen du showroom, j’ai assisté à une altercation verbale entre M. [W] et un client de l’entreprise. Dès son arrivée ce client, nommé M. [M], s’est adressé à M. [W] pour établir un devis de menuiserie. A la suite de quelques minutes de discussion virulente, M. [W] a refusé de traiter sa demande et lui a demandé méchamment de «’dégager’» de la société. De ce fait M. [O] est intervenu et a calmé les choses en faisant rentrer le client dans son bureau’»’;

une attestation régulière en la forme de M. [R], également visé par la plainte déjà évoquée, et qui sera prise en considération pour les mêmes motifs qu’évoqué plus haut. Il indique «’certifie avoir assisté à une altercation au sein de l’entreprise. En effet, le 10 septembre 2018, je me trouvais dans le bureau de M. [O] en compagnie d’un artisan de la société DCM pour faire signer un bon d’enlèvement, lorsque dans le showroom habituellement calme, j’ai été surpris d’entendre des personnes parler très très fort. Il s’agissait de M. [W] qui se disputait avec un client, M. [M]. M. [O] s’est levé, il est intervenu rapidement alors que le client allait partir en colère’»’;

une attestation de M. [I], artisan au sein de la société DCM qui a également fait l’objet de la plainte pénale initiée par M. [W]. Comme indiqué plus haut, cette attestation sera prise en compte, faute d’éléments de nature à suspecter son objectivité. L’attestant indique «’avoir été témoin le 10 septembre 2018 d’une agression verbale entre M. [W] et un client de l’entreprise Dauloued’Alu me trouvant dans le bureau de M. [O] j’ai pu entendre une violente altercation entre les deux personnes . J’ai été choqué lorsque j’ai entendu M. [W] lui dire de dégager de la société. Je connais bien la société Dauloued’Alu étant moi-même client de l’entreprise , j’ai eu affaire à M. [W] en 2017 et cela avait été très tendu entre nous. Je n’avais pas confiance et était colérique et donc j’ai insisté pour travailler avec M. [O]’»’;

une attestation de M. [L], menuisier et salarié de l’entreprise, qui déclare « j’atteste que M. [H] [W], lorsqu’il est revenu en septembre s’est mal comporté avec tout le monde. Le matin, en chargeant notre chantier dans le véhicule, M. [W] passait devant nous sans même nous dire bonjour’»’;

un courriel de M. [K] adressé à l’entreprise le 11 septembre 2018 qui écrit «’je me permets ce mail pour vous faire part de mon ressenti depuis le retour de [H] et surtout suite à l’incident d’hier. En effet vous m’avez convoqué le lundi 10 septembre 2018 dans votre bureau pour me lire le mail de M. [W] m’accusant de ne pas lui dire bonjour depuis sa reprise d’activité. Tous les matin, depuis mon embauche, je salue avec une formule de politesse tout le monde dans la société, me déplaçant même dans l’atelier pour saluer mes collègues déjà arrivés, j’ai fait pareil avec [H] depuis (son’) retour lundi dernier. Après notre entretien, je suis allé voir [H] pour qu’il m’explique. J’ai donc demandé à ce dernier pourquoi il tenait de tels propos mensongers. Celui-ci a continué à dire, avec agressivité, que lors de la première semaine de sa reprise, je ne lui avait pas dit bonjour. Etant sûr de mes dires, je lui ai maintenu mes propos et M. [W] a commencé à m’injurier («’je t’emmerde incapable’»). Je ne vous cache pas mon mal être et mon incompréhension face à un tel comportement, d’une telle mauvaise foi et avec autant d’agressivité venant d’un de mes supérieurs. Si cela venait à se reproduire, je n’en resterais pas à une lettre de ressenti, son attitude étant assimilable à du harcèlement’». Ce courrier fait suite à un courriel adressé par M. [W] en date du 3 septembre 2018 produit à son dossier se plaignant du fait que M. [K] ne l’avait pas salué à son retour d’arrêt de travail’;

des tableaux d’état de suivi des dossiers’;

un certain nombre de devis de juin et juillet 2018′;

Attendu que ces éléments suffisent à caractériser les deux premiers griefs soutenus dans la lettre de licenciement’;

Qu’en effet les différents témoignages, issus tant de personnes extérieures à l’entreprise que de salariés de la structure, sont concordants quant à l’attitude de M. [W] tant face à un client qu’envers un salarié de l’entreprise’;

Attendu que le salarié, de son côté, ne produit au dossier aucun élément venant confirmer la fausseté des propos et témoignages produits par l’employeur’;

Qu’il convient de rappeler que le sort de la plainte par lui déposée n’est absolument pas étayée au dossier’;

Attendu que cependant les pièces produites au dossier par l’employeur sont insuffisantes pour caractériser le dernier manquement reproché, soit l’absence de démarchage de nouveaux clients’;

Attendu que les comportements irrespectueux caractérisés en leur matérialité constituent bien un manquement aux obligations contractuelles du salarié’;

Attendu que ces faits, au vu de la position du salarié dans l’entreprise, sont d’une gravité telle qu’ils rendent impossible le maintien de M. [W] dans l’entreprise pendant le préavis’;

Attendu que c’est donc par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l’espèce que les premiers juges ont dit que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave et ont débouté celui-ci des demandes de ce chef’;

Sur la demande au titre de la restitution de clés et télécommande

Attendu qu’en l’espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance’;

Qu’en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de la demande susvisée’;

Qu’il convient d’y ajouter qu’aucun document en date du 12 septembre 2018 n’atteste de la réalité de la restitution de ces clés’; ‘

Attendu qu’il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [H] [W] à remettre à l’employeur, sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du jugement du conseil de prud’hommes :

* les clés de la boîte aux lettres de la Scop,

* la clé des 5 portes permettant l’accès à la Scop,

* la clé de la cuve à gasoil,

* la clé de la caisse de la Scop,

*la clé des tiroirs de son ancien bureau’;

Sur les demandes accessoires

Attendu que M. [W] qui succombe devra supporter les dépens d’appel’;

Attendu qu’il apparaît équitable en l’espèce de condamner M. [W] à payer à l’employeur la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel’;

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

DEBOUTE M. [H] [W] de sa demande de nullité du jugement déféré’;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Dax en date du 10 mars 2021′;

Et y ajoutant,

CONDAMNE M. [H] [W] aux dépens d’appel et à payer à la Scop à responsabilité limitée Dauloued’Alu la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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