Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 11 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04523 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDH7Q
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2021 -Juge des contentieux de la protection de SAINT-DENIS – RG n° 206000599
APPELANTE
Etablissement Public PLAINE COMMUNE HABITAT, inscrit au RCS de Bobigny sous le n°482 741 071
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée et assistée par Me My-kim YANG PAYA de la SELAS SEBAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0498 substitué à l’audience par Me Mathilde BLOCK, même cabinet, même toque
INTIMES
Monsieur [G] [R]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Madame [E] [R]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentés et assistés par Me Benjamin ROCHE de l’AARPI VADIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0988
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
François LEPLAT, président
Anne-Laure MEANO, président
Aurore DOCQUINCOURT, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par François LEPLAT, Président de Chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 10 juin 2008, l’OPH Plaine Commune Habitat a donné en location à M. [G] [R] et Mme [E] [R] un appartement situé [Adresse 4], moyennant le versement d’un loyer mensuel de 423,94 euros, outre les provisions sur charges.
Par acte sous seing privé en date du 29 mai 2013, l’OPH Plaine Commune Habitat a donné en location à M. [G] [R] et Mme [E] [R] un emplacement de stationnement situé [Adresse 3], moyennant le versement d’un loyer mensuel de 30,17 euros, outre les provisions sur charges.
Par jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny du 6 septembre 2019, M. [G] [R] a été déclaré coupable de destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes commis le 7 janvier 2018 à Pierrefitte-sur-Seine (incendie de véhicule dans le parking de l’immeuble) et a été condamné à la peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis, avec une dispense d’inscription de la condamnation au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Le 7 janvier 2022, le tribunal correctionnel de Bobigny statuant sur intérêts civils a condamné M. [G] [R] à verser à l’OPH Plaine Commune Habitat les sommes de 11.180 euros en réparation de son préjudice matériel, 1 euro en réparation de son préjudice moral et 800 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Par acte d’huissier en date du 18 juin 2020, l’OPH Plaine Commune Habitat a assigné M. [G] [R] et Mme [E] [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny siégeant au tribunal de proximité de Saint-Denis aux fins, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
– prononcer la résiliation du contrat de bail liant les parties ;
– ordonner l’expulsion immédiate et sans délai des époux [R], et celle de tout occupant de leur chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est ;
– supprimer le délai de deux mois prévu à l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
– dire que le sort des meubles et autres objets mobiliers garnissant les lieux sera réglé selon les dispositions des articles L433-1 et suivant du code des procédures civiles d’exécution ;
– les condamner au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer augmenté des charges jusqu’à la libération effective des lieux ;
– les condamner au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris le cout de l’assignation et de la signification du jugement à intervenir.
Par jugement contradictoire entrepris du 26 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Denis ainsi statué :
Déboute l’OPH Plaine Commune Habitat de l’ensemble de ses demandes,
Condamne l’OPH Plaine Commune Habitat aux dépens,
Rappelle que le présent jugement est assorti de droit de l’exécution provisoire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 8 mars 2021 par l’OPH Plaine Commune Habitat ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 15 février 2023 par lesquelles l’OPH Plaine Commune Habitat demande à la cour de :
Vu les articles 1228, 1728 alinéa 1, 1729 et 1741 du Code civil,
Vu l’article 7b) de la loi du 6 juillet 1989,
– déclarer Plaine Commune Habitat-OPH recevable et bien fondé en son appel ;
Y faisant droit :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 janvier 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny, tribunal de proximité de Saint-Denis ;
– débouter M. [G] [R] et Mme [E] [R] de l’ensemble de leurs demandes;
Et, statuant à nouveau :
– prononcer la résiliation du contrat de location ayant été consenti à M. [G] [R] et Mme [E] [R] par l’OPH Plaine Commune Habitat le 10 juin 2008 ;
-ordonner l’expulsion immédiate, et sans délai, de M. [G] [R] et Mme [E] [R], ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de l’appartement situé [Adresse 7], de l’immeuble sis [Adresse 2], et ce avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique si besoin est ;
– supprimer le délai de deux mois prévu à l’article L412-1 du Code des procédures civiles d’exécution ;
– dire que le sort des meubles et autres objets mobiliers garnissant les lieux sera réglé selon les dispositions des articles L 433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution ;
– condamner solidairement M. [G] [R] et Mme [E] [R] à verser à l’OPH Plaine Commune Habitat, jusqu’à la totale et parfaite restitution des lieux, une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges dus si le contrat de location du 15 septembre 2009 s’était poursuivi ;
– condamner in solidum M. [G] [R] et Mme [E] [R] à verser à l’OPH Plaine Commune Habitat la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. [G] [R] et Mme [E] [R] ‘à rembourser à l’OPH Plaine Commune Habitat aux entiers dépens de première instance et d’appel’ (sic).
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 9 février 2023 au terme desquelles Mme [E] [R] et M. [G] [R] demandent à la cour de :
Vu les articles 8 et 9 de la Convention Européenne des droits de l’Homme ;
Vu les articles L.412-1, L.412-2, L.412-3, L412-4 du Code des procédures civiles d’exécution ;
déclarer M. [G] [R] et Mme [E] [R] recevables et bien-fondés en leurs demandes ;
A titre principal :
confirmer le jugement du 26 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
débouter l’OPH Plaine Commune Habitat de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
constater que le trouble occasionné par l’expulsion d'[G] et [E] [R] et leurs 3 enfants serait sans commune mesure avec celui dont peut se prévaloir l’OPH de Plaine Commune Habitat et par conséquent refuser de faire droit à cette demande ;
En conséquence :
débouter l’OPH de Plaine Commune Habitat de l’ensemble de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire,
appliquer le délai de deux mois prévu à l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution ;
proroger ce délai de trois mois sur le fondement des dispositions de l’article L. 412-2 du Code des procédures civiles d’exécution ;
appliquer eu égard aux circonstances particulières de l’espèce les dispositions des articles L. 412-3 et L. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution et accorder un délai supplémentaire de 2 ans à compter de la signification de l’arrêt à intervenir à Mme et M. [R] pour quitter les lieux.
En tout état de cause,
condamner l’OPH de Plaine Commune Habitat à verser à Mme et M. [R] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
condamner l’OPH de Plaine Commune Habitat aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de résiliation judiciaire
En vertu de l’article 1728 du code civil, ‘le preneur est tenu de deux obligations principales :
1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention (…)’.
Selon l’article 1729, ‘si le preneur n’use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail’.
L’article 1224 dispose que ‘la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice’.
En l’espèce, il résulte des écritures et des pièces produites que M. [G] [R] reconnaît avoir volontairement incendié le véhicule abandonné stationné à côté du sien dans le parking de l’immeuble, affirmant avoir agi sur un coup de colère face à l’inaction du bailleur qui ne faisait pas procéder à l’enlèvement de ce véhicule devenu un ‘point de deal’.
Le premier juge relève avec pertinence que ce geste, s’il n’est nullement excusable, demeure isolé, en ce que M. [R] habite les lieux avec sa famille depuis plus de 12 ans, sans qu’aucun autre incident ne lui ait été reproché, et souligne qu’il a été condamné tant pénalement que civilement pour ces faits. Il pointe à juste titre l’inertie du bailleur qui n’a pas fait le nécessaire pour permettre à ses locataires de jouir paisiblement du parking, ce que démontrent, outre les photographies produites, le courrier du maire de [Localité 8] du 16 août 2021 dans lequel celui-ci indique notamment avoir formulé de manière récurrente auprès du bailleur la demande de ‘boxer’ les places de stationnement de parking suite aux doléances récurrentes des locataires.
La cour relève que le maire de [Localité 8], dans un courrier du 2 décembre 2020 adressé à l’OPH, souligne que M. [R] est artisan taxi depuis 25 ans, que Mme [R] est très investie dans la vie citoyenne et sociale de la commune, notamment sur la question de la parentalité, et qu’elle est également présidente de l’amicale des locataires. Les trois enfants du couple font des études supérieures. La résiliation du bail reviendrait ainsi à sanctionner l’ensemble de la famille pour la faute du seul M. [R], pour laquelle ce dernier a déjà été condamné tant pénalement que civilement.
C’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par L’OPH Plaine Commune Habitat, lequel ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que la violation de ses obligations par M. [R] n’était pas suffisamment grave pour que soit prononcée la résiliation du bail liant les parties, en ce qu’elle consistait en un acte isolé, pour lequel il s’était excusé et était en cours de réparation suite aux condamnations pénale et civile prononcées par le tribunal correctionnel.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’OPH Plaine Commune Habitat de sa demande de résiliation de bail et de toutes les demandes en résultant.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,
Et y ajoutant,
Condamne L’OPH Plaine Commune Habitat aux dépens d’appel,
Rejette toutes autres demandes.
La Greffière Le Président