RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 11 MAI 2023
(n° , 29 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04292 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSUL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 -Tribunal de Grande Instance de Créteil RG n° 18/08712
APPELANT
Monsieur [NC] [PV]
né le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 9] (94)
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté et assisté à l’audience par Me Bertrand CHATELAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0384
INTIMES
Monsieur [R] [L]
Hopital Privé de [Localité 9],
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assisté à l’audience de Me Philip COHEN, SELARL CABINET AUBER, avocat au barreau de PARIS, toque : R281
Madame [A] [C]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 11]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assistée à l’audience de Me Angélique WENGER, substituée par Me Anaïs FRANCAIS – AARPI WENGER-FRANCAIS – avocat au barreau de PARIS, toque : R0123
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DÔME venant aux droits et obligations du RSI et de la CLDSSTI, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 17]
[Adresse 17]
[Adresse 17]
[Localité 12]
Représentée et assistée de Me Sylvain NIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2032
S.A.R.L. CLINIQUE [14] – HOPITAL PRIVE DE [Localité 9] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Vincent Boizard de la SELARL BOIZARD EUSTACHE GUILLEMET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0456, substitué à l’audience par Me Anaïs GUILLEMET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été plaidée le 23 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
M. Laurent NAJEM, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Valérie MORLET dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffière présente lors de la mise à disposition.
***
Faits et procédure
M. [NC] [PV], né le [Date naissance 8] 1956, s’est le 9 mai 2013 rendu aux urgences de l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]) en raison de douleurs abdominales et de vomissements. Il a été pris en charge à 7 heures 26.
Il y a subi divers traitements (antalgiques, lavements) et examens (radiographies, scanner, examens médicaux) et a été hospitalisé dans le service de chirurgie viscérale pour surveillance. Vers 21 heures, M. [PV] a été retrouvé a-réactif et inconscient (dans un état comateux) et a le 10 mai 2013, vers 3 heures du matin, été transféré vers le service de réanimation de l’hôpital de la [16].
Après avoir subi de nouveaux examens et reçu des antibiotiques, M. [PV] a été opéré vers 5 heures du matin de ce 10 mai 2013. Après complications, une reprise chirurgicale a été nécessaire le 13 mai 2013.M. [PV] a quitté l’hôpital le 27 juin 2013 pour se rendre au centre médical de [Localité 15] (Seine et Marne). Il y est resté hospitalisé jusqu’au 26 juillet 2013, date à laquelle il a pu regagner son domicile.
Arguant d’une erreur de diagnostic initial et d’un défaut dans les soins reçus, M. [PV] a par actes du 19 mars 2014 assigné les Drs [E] [O], [M] [J], [A] [C] (radiologue) et [R] [L] (qui a effectué le suivi thérapeutique), comme étant intervenus dans le cadre de sa prise en charge hospitalière, la clinique [14] et le Régime Social des Indépendants (RSI), dont il dépend, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil aux fins d’expertise. Le magistrat a par ordonnance du 1er juillet 2014 pris acte du désistement de M. [PV] à l’encontre des Drs [O] et [J] et a désigné le Dr [X] [JA] en qualité d’expert.
M. [PV] a ensuite par actes des 4 et 11 décembre 2014 assigné les Drs [K] [II], [Y] [G], [H] [Z] [JS] et [T] [N] et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) devant le juge des référés qui par ordonnance du 19 janvier 2015 a déclaré communes à ces nouvelles parties les opérations d’expertise du Dr [JA].
L’expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 18 septembre 2015.
Au vu de ce rapport et faute de solution amiable, M. [PV] a par actes du 30 septembre 2016 assigné en responsabilité et indemnisation les Drs [C] et [L] ainsi que la clinique [14] et le RSI devant le tribunal de grande instance de Créteil.
M. [PV] a par conclusions du 7 février 2017 saisi le juge de la mise en état d’une demande de complément d’expertise, à laquelle le magistrat a fait droit selon ordonnance du 1er juin 2017, désignant à nouveau le Dr [JA] en qualité d’expert.
L’expert judiciaire a clos et déposé un rapport complémentaire le 3 février 2018.
*
Les parties ont conclu en ouverture du rapport initial et du rapport complémentaire de l’expert et le tribunal de Créteil, devenu tribunal judiciaire, par jugement du 30 janvier 2020, a :
– déclaré recevables les interventions volontaires de l’hôpital privé de [Localité 9] et de la Caisse Locale Déléguée pour la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendant (CLDSSTI, venant aux droits de la caisse régionale du RSI),
– déclaré l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] responsables d’une perte de chance de 65% et tenus in solidum de réparer dans cette proportion le dommage subi par M [PV],
– dit que, dans leurs rapports entre eux, l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] sont tenus de réparer le préjudice de M. [PV] dans des proportions de 70% pour le Dr [C], de 20% pour le Dr [L] et de 10% pour l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]),
– condamné in solidum l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] à payer à M. [PV], compte tenu du taux de perte de chance, les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la décision :
. 118,10 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
. 9.380,89 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,
. 9.296,12 euros au titre des dépenses de santé futures,
. 50.565,64 euros au titre de la tierce personne après consolidation,
. 7.993,37 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
. 13.000 euros au titre de la souffrance,
. 44.021,25 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
. 6.500 euros au titre du préjudice esthétique,
. 3.900 euros au titre du préjudice sexuel,
– débouté M. [PV] du surplus de ses demandes en indemnisation de son préjudice corporel,
– condamné in solidum l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] à payer à la CLDSSTI les sommes suivantes, compte tenu du taux de perte de chance, avec intérêts au taux légal à compter de la demande du 31 janvier 2018 et capitalisation des intérêts échus dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil :
. 163.775,69 euros au titre des frais pharmaceutiques, médicaux et d’hospitalisations pris en charge, imputables sur le poste dépenses de santé,
. 43.404,40 euros au titre des indemnités journalières servies et des arrérages de la pension d’invalidité totale du 1er février 2015 au 31 mars 2017, imputables sur le poste perte de gains professionnels avant consolidation,
. 5.375,34 euros correspondant aux prestations viagères et aux soins après consolidation, au titre du imputables sur le poste dépenses de santé futures,
. 7.523,43 euros au titre des arrérages de la pension d’invalidité totale accordée du 1er avril 2017 au 28 février 2018, imputables sur le poste perte de gains professionnels future,
– condamné in solidum l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] à verser à la CLDSSTI la somme de 1.080 euros au titre des dispositions des articles L376-1 et L454-1 du code de la sécurité sociale,
– condamné in solidum l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] aux dépens, avec distraction au profit du conseil de M. [PV],
– condamné in solidum l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] à payer à M. [PV] une indemnité de 6.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), les Drs [C] et [L] à payer à la CLDSSTI une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision,
– rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.
M. [PV] a par acte du 26 février 2020 interjeté appel de ce jugement, intimant la clinique [14], les Drs [C] et [L] et la CLDSSTI devant la Cour.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Puy de Dôme est volontairement intervenue à l’instance, aux droits de la CLDSSTI, par conclusions signifiées le 11 mai 2020.
*
Saisi par le Dr [C] d’un incident de recevabilité de conclusions signifiées par M. [PV] en raison de leur tardiveté, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 29 juin 2022, a :
– rejeté la demande aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions notifiées par M. [PV] le 24 janvier 2022,
– condamné les Drs [C] et [L] et la clinique [14] aux dépens de l’incident, avec distraction au profit des conseils de M. [PV] et de la CPAM,
– renvoyé l’affaire en mise en état.
*
M. [PV], dans ses dernières conclusions n°3 signifiées le 11 octobre 2022, demande à la Cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré les des Drs [C] et [L] et la clinique [14] responsables du préjudice qu’il a subi à l’occasion des soins reçus le 9 mai 2013,
– confirmer le jugement entrepris sur la condamnation des défendeurs au paiement de la somme de 6.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement pour le surplus sur le montant des indemnités qui lui sont dues,
– dire que les Drs [C] et [L] et la clinique [14] sont responsables de l’entier préjudice qu’il a subi, qui n’est pas constitutif d’une perte de chance et qui ne doit pas être réparé suivant un coefficient réducteur,
– condamner in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14] à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :
. préjudices patrimoniaux
Indemnisation Tiers payeur Solde
A préjudices patrimoniaux temporaires
a) dépenses de santé actuelles 254.631,41 euro 251.963,61 euros 236,30 euros
b) pertes de gains professionnels actuels 316.033 euros 76.317 euros 239.716 euros
c) aide-ménagère avant consolidation 45.000 euros 0 45.000 euros
B préjudices patrimoniaux permanent
a) Dépense de santé futures 23.687,45 euros 8.269,76 euros 14.417,69 euros
b) Aide-ménagère après consolidation 137 953,45 euros 0 137.953,45 euros
c) Perte de gains professionnels futurs 301.432 euros 574,52 euros 289.857,48 euros
Total des préjudices patrimoniaux : 1.078.737,31 euros
. préjudices extrapatrimoniaux
A préjudices extrapatrimoniaux temporaires
a) déficit fonctionnel temporaire : 26.900 euros,
b) souffrances endurées : 50 000 euros,
B préjudices extrapatrimoniaux permanents
a) déficit fonctionnel permanent : 150 000 euros
b) préjudice d’agrément : 20.000 euros,
c) préjudice esthétique permanent : 15.000 euros
d) préjudice sexuel : 12.000 euros,
Total des préjudices extra-patrimoniaux : 285.869,00
– débouter les Drs [C] et [L] et la clinique [14] de toutes leurs demandes fins et conclusions,
– condamner in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14] au paiement d’une somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers des entiers dépens, avec au profit de Me Châtelain.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Puy de Dôme, venant aux droits du RSI et de la CLDSSTI, dans ses dernières conclusions n°3 signifiées le 6 janvier 2023, demande à la Cour de :
– infirmer le jugement, sauf en sa condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance
Et, statuant à nouveau, en le réformant, déduction faite des sommes déjà allouées,
– la recevoir en son intervention volontaire et la déclarant bien fondée,
– condamner in solidum les Drs [L] et [C] et la clinique [14] à lui payer les sommes de :
. 251.962,61 euros en remboursement des prestations en nature prises en charge avant consolidation, avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice le 31 janvier 2018 pour la somme de 158.407,33 euros et du 8 octobre 2018 date de sa première demande en justice sur ce poste pour le surplus,
. 31.452 euros en remboursement des indemnités journalières versées avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice le 31 janvier 2018,
. 35.324 euros en remboursement des arrérages échus du 1er février 2015 au 31 mars 2017 de la pension d’invalidité ante consolidation attribuée à M. [PV] avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice le 31 janvier 2018,
. 11.574,52 euros en remboursement des arrérages échus du 1er avril 2017 au 28 février 2018 de la pension d’invalidité post consolidation attribuée à M. [PV] avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice le 31 janvier 2018,
. 8.269,76 euros en remboursement des dépenses de santé futures prises en charge après consolidation, avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice le 31 janvier 2018,
. 1.162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article L376-1 in fine du code de la sécurité sociale,
– dire que les intérêts échus pour une année entière à compter de la décision produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil tel qu’issu de l’ordonnance du 10 février 2016,
– dire qu’elle exerce son recours :
. en ce qui concerne les prestations en nature prises en charge, sur le poste dépenses de santé actuelles (DSA) fixé à la somme de 252.198,91 euros,
. en ce qui concerne les indemnités journalières versées, sur le poste perte de gains professionnels actuels (PGPA) fixé à la somme de 314.887 euros,
. en ce qui concerne les arrérages de la pension d’invalidité attribuée à M. [PV], prioritairement sur le poste perte de gains futures (PGPF) puis si besoin sur les postes incidence professionnelle (IP) et enfin déficit fonctionnel permanent (DFP),
. en ce qui concerne les dépenses de santé futures prises en charge, sur le poste dépenses de santé futures (DSF) fixé à la somme de 23.047,92 euros,
– condamner in solidum les Drs [L] et [C] et la clinique [14] à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les seuls frais irrépétibles d’appel,
– condamner in solidum les Drs [L] et [C] et la clinique [14] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Sylvain Niel.
Le Dr [C], dans ses dernières conclusions signifiées le 6 août 2020, demande à la Cour de :
– la recevoir en ses écritures et les déclarer bien fondées,
– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’existence d’une perte de chance de 65%,
– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité à hauteur de 70%,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à indemniser la CLDSSTI de son préjudice,
Statuant à nouveau,
– dire que sa responsabilité ne saurait être engagée qu’à hauteur de 20%,
– dire que la responsabilité du Dr [L] est engagée à hauteur de 70%,
– dire qu’elle ne sera tenue d’indemniser les préjudices de M. [PV] qu’à hauteur de 13%, compte-tenu de son taux de responsabilité et du taux de perte de chance (20% X 65%),
– déclarer satisfactoires les offres indemnitaires qu’elle formule, tenant compte du taux de responsabilité lui étant imputable :
. dépenses de santé actuelles : 23,50 euros,
. tierce personne avant consolidation : 1.557 euros,
. dépenses de santé futures : 1.557,70 euros,
. tierce personne après consolidation : 7.282 euros,
. déficit fonctionnel temporaire : 1.110 euros,
. souffrances endurées : 1.950 euros,
. déficit fonctionnel permanent : 6.825 euros,
. préjudice esthétique permanent : 1.560 euros,
. préjudice sexuel : 520 euros
– rejeter le surplus des demandes de M. [PV], et en particulier les demandes formulées au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs,
A titre très subsidiaire,
– déclarer satisfactoires les offres indemnitaires qu’elle formule, tenant compte du taux de responsabilité lui étant imputable :
. perte de gains professionnels actuels : 12.483 euros,
. perte de gains professionnels futurs : 7.765 euros,
– rejeter les demandes indemnitaires de la CPAM,
– réduire la demande formulée par M. [PV] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,
– réduire la demande formulée par la CPAM au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Le Dr [L], dans ses dernières conclusions signifiées le 5 août 2020, demande à la Cour de :
– le recevoir en ses écritures et appel incident le disant bien fondé,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
– réformer le jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité,
En conséquence,
– constater l’absence de manquement de sa part en lien de causalité avec le dommage,
– prononcer sa mise hors de cause,
– débouter M. [PV] et l’ensemble des parties de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,
– condamner M. [PV] ou tout autre succombant à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Sur la perte de chance,
– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la notion de perte de chance,
– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu un taux de perte de chance à hauteur de 65% et fixer cette perte de chance dans la stricte limite de 20%,
– imputer le taux de perte de chance à l’ensemble des préjudices retenus,
Sur le partage de responsabilités,
– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la répartition suivante : 70% pour le Dr [C], 20% pour lui-même et 10% pour la clinique [14],
– imputer ces parts de responsabilités à l’ensemble des préjudices retenus,
Sur l’évaluation des préjudices de M. [PV],
– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu :
. au titre des dépenses de santé actuelles : 180,70 euros,
. au titre des pertes de gains professionnels actuels : débouté, à défaut, limiter les PGPA à la somme globale de 96.026 euros,
. au titre des pertes de gains professionnels futurs : débouté, à défaut, limiter les PGPF à la somme globale de 59.729,31 euros,
. au titre du préjudice d’agrément : débouté, à défaut, ramener la somme sollicitée à de plus justes proportions,
– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu :
. au titre de l’assistance par tierce-personne temporaire : 14.432,14 euros,
. au titre des dépenses de santé futures : 14.301,73 euros,
. au titre de l’assistance par tierce-personne permanente : 77.793,30 euros,
. au titre du déficit fonctionnel temporaire : 12.297,50 euros,
. au titre des souffrances endurées : 20.000 euros,
. au titre du déficit fonctionnel permanent : 67.725 euros,
. au titre du préjudice esthétique : 10.000 euros,
. au titre du préjudice sexuel : 6.000 euros,
Et statuant à nouveau,
– rejeter l’indemnisation au titre des dépenses de santé futures, à défaut, limiter les DSF à la somme globale de 11.978,96 euros,
– rapporter les sommes indemnitaires sollicitées par M. [PV] à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder les sommes suivantes :
. au titre de l’assistance par tierce-personne temporaire : 11.953,50 euros,
. au titre de l’assistance par tierce-personne permanente : 56.017 euros,
. au titre du déficit fonctionnel temporaire : 8.467 euros,
. au titre des souffrances endurées : 15.000 euros,
. au titre du déficit fonctionnel permanent : 52.500 euros,
. au titre du préjudice esthétique : 7.000 euros,
. au titre du préjudice sexuel : 3.000 euros,
– ordonner le remboursement de la différence des sommes qu’il a versées à M. [PV] au titre de l’exécution provisoire dont été assortie le jugement attaqué,
– rejeter la demande de M. [PV] visant à l’indemniser des frais irrépétibles de l’instance d’appel, à défaut, ramener la somme sollicitée à de plus justes proportions ne pouvant excéder la somme de 3.000 euros,
Sur la créance de la CPAM
– infirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de remboursement de la CPAM,
Et statuant à nouveau,
– rejeter la demande en remboursement aujourd’hui présentée par la CPAM,
– débouter la CPAM de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– ordonner le remboursement des sommes qu’il a versées à la CPAM au titre de l’exécution provisoire dont été assortie le jugement attaqué,
– rapporter la demande de la CPAM de condamnation à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 pour la procédure en appel à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
– laisser les dépens à la charge respective des parties.
La clinique [14], dans ses dernières conclusions signifiées le 18 octobre 2022, demande à la Cour de :
– l’accueillir en ses écritures et l’y déclarer bien-fondée,
– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’existence d’une perte de chance de 65%,
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que sa responsabilité n’était engagée qu’à hauteur de 10%,
– débouter M. [PV] de sa demande d’indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles restées à charge, et à titre subsidiaire, limiter le montant de ce poste de préjudice à la somme globale de 180,70 euros,
– débouter M. [PV] de sa demande d’indemnisation au titre des pertes de gains professionnels actuels, et à défaut, limiter les pertes de gains professionnels actuels à la somme globale de 96.026 euros,
– limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre du besoin en tierce personne temporaire à la somme globale de 12.480 euros,
– limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme globale de 8.555,80 euros,
– limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre des souffrances endurées à la somme globale de 15.000 euros,
– débouter M. [PV] de sa demande d’indemnisation au titre des dépenses de santé futures, et à défaut, limiter le montant de ce poste de préjudice à la somme globale de 11.978,96 euros,
– limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre du besoin en tierce personne permanent à la somme globale de 56.017 euros,
– débouter M. [PV] de sa demande d’indemnisation due au titre des pertes de gains professionnels futurs, et à défaut, fixer à la somme globale de 192.142,68 euros l’indemnisation de ce poste de préjudice,
– fixer à la somme globale de 52.500 euros l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent,
– débouter M. [PV] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’agrément, et à titre subsidiaire, allouer la somme globale de 1.000 euros,
– limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre du préjudice esthétique permanent à la somme globale de 7.000 euros,
– limiter le montant de l’indemnisation à verser au titre du préjudice sexuel à la somme globale de 3.000 euros,
– infirmer le jugement et statuant à nouveau, débouter la CPAM de toutes ses demandes,
– ramener le montant de la condamnation au titre de l’article 700 [sic] à de plus juste proportions,
– statuer ce que de droit sur les dépens, avec distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau.
*
La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 18 janvier 2023, l’affaire plaidée le 23 février 2023 et mise en délibéré au 11 mai 2023.
Motifs
Sur les demandes de M. [PV]
Les premiers juges ont constaté que la clinique [14] ne contestait pas une part de responsabilité, telle que proposée par l’expert judiciaire. Si les Docteurs [C] et [L] se rejettent mutuellement et au moins partiellement la responsabilité du retard diagnostique et d’administration des soins, les premiers juges ont relevé qu’aucun des deux médecins n’apportait d’élément probant permettant de contredire utilement les conclusions de l’expert judiciaire. Aussi ont-ils retenu la responsabilité de la clinique et des deux médecins, les ont déclarés responsable de 65% et les ont dits tenus in solidum de réparer, dans cette proportion, le préjudice subi par M. [PV]. Dans leurs rapports entre eux, les magistrats ont dit que le Dr [C] était tenu à hauteur de 70%, le Dr [L] à hauteur de 20% et la clinique à hauteur de 10%. Ils ont ensuite arbitré les demandes d’indemnisation de son préjudice présentées par M. [PV].
M. [PV] ne discute pas l’importance respective des fautes commises par les deux médecins et la clinique. Il considère que la responsabilité du Dr [C], radiologue, et son importance ne sont pas sérieusement contestables, que la faute du Dr [L], qui a assuré son suivi thérapeutique, est patente et a assurément contribué à la réalisation de son préjudice et relève que la clinique [14] ne conteste ni le principe de sa responsabilité, ni la part de celle-ci mise à sa charge. Selon M. [PV], le lien de causalité entre les fautes des médecins et de la clinique, au titre des affections initiales et au titre de celles qui ont suivi les interventions chirurgicales de l’année 2016, ne peut être remis en cause. M. [PV] reproche en revanche au tribunal de n’avoir retenu qu’une « perte de chance » et de ne pas avoir procédé à la réparation intégrale de son préjudice. Il analyse les termes du rapport d’expertise judiciaire et apporte aux débats les rapports du Pr [I] [S] et du Dr [X] [EY], les estimant recevables et opposables en l’espèce. Il conteste certaines évaluations de ses préjudices faites par les premiers juges et apporte aux débats de nouvelles pièces comptables ainsi que le rapport de son expert-comptable.
Le Dr [C], radiologue, reproche aux premiers juges une motivation insuffisante lorsqu’ils ont retenu sa responsabilité à hauteur de 70%. Elle indique que son diagnostic était conforme à la réalité (confirmé par le Dr [D] [FP] [OL]) et fait valoir les manquements du Dr [L], qui a selon elle posé un diagnostic erroné et a effectué un suivi thérapeutique non-conforme, non consciencieux. La radiologue estime que sa part de responsabilité ne peut dépasser 20% et demande à la Cour de retenir une responsabilité du chirurgien à hauteur de 70% et de la clinique [14] à hauteur de 10%. Elle ne conteste en revanche pas le jugement qui a retenu l’existence, pour M. [PV], d’une « perte de chance » de 65%, mais discute l’évaluation de son préjudice telle que présentée par le patient.
Le Dr [L], qui a assuré le suivi thérapeutique de M. [PV], conteste toute responsabilité de sa part, rappelant n’être tenu que d’une obligation de moyens et reprochant au Dr [C] une erreur manifeste d’interprétation des examens pratiqués sur le patient. La radiologue est selon le médecin « passée à côté du juste diagnostic » et lui-même n’a pas été tenu informé de la modification par celle-ci de son compte-rendu. Il considère en conséquence que seule la responsabilité de la radiologue peut être engagée concertant cette erreur diagnostique et les conséquences qui en découlent et que lui-même doit être mis hors de cause. A titre subsidiaire, il fait valoir l’inopposabilité des rapports du Pr [S] et du Dr [EY] sur lesquels s’appuie M. [PV] et considère que le taux de mortalité étant passé à 80% du fait de l’erreur médicale, la perte de chance d’une issue favorable pour le patient doit être évaluée à hauteur de 20% et non 65%. Il discute également l’indemnisation de son préjudice telle que posée par le premiers juges ou demandée par M. [PV].
La clinique [14] n’entend pas contester la part de responsabilité retenue à son encontre, de 10%, et s’associe au souhait des praticiens de voire retenir l’existence d’une « perte de chance ». Elle formule en revanche des observations quant à l’évaluation des préjudices soufferts par M. [PV].
Sur ce,
Il résulte des termes de l’article L1142-1 point I du code de la santé publique, qu’hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
1. sur les responsabilités
M. [PV] a été pris en charge à la clinique [14] le 9 mai 2013 à 7 heures 26. Une radiographie de l’abdomen a été réalisée à 9 heures et, après lavement, un examen tomodensitométrique (TDM, scanner).
L’expert judiciaire indique que la prise en charge initiale du patient par le Dr [II] a été conforme, diligente et adaptée. Ce point n’est pas remis en question et le médecin urgentiste, présent aux opérations expertales, n’a d’ailleurs pas été appelé devant le tribunal.
(1) sur la responsabilité du Dr [C], radiologue
Si le Dr [C] est intervenue dans un contexte « complexe » selon ses propres termes, sans avoir connaissance de l’examen clinique du patient déjà réalisé ni des motifs de la tomodensitométrie (TDM) prescrite, il n’est aucunement établi que ce contexte ait pu affecter son appréciation des clichés obtenus.
Le suivi informatique du compte-rendu de TDM du Dr [C] évoque une « création » le 9 mai 2013 à 10 heures 10 puis à 10 heures 44, une « validation » à 10 heures 54, puis une « dévalidation » et une « modification » le 10 mai 2013 à 8 heures 36. L’expert judiciaire estime qu’il n’est pas prouvé que le fichier ait effectivement été modifié le 10 mai 2013 et qu’il est tout au plus établi qu’il a été consulté ce jour. Il tient donc compte du « second compte-rendu » comme étant définitif le 9 mai 2013 à 10 heures 54, moment de sa validation, « en fin de matinée ».
Le premier compte-rendu du Dr [C], radiologue, conclut à un « aspect en faveur d’une occlusion du colon sur sigmoidite aîgue diverticulaire » (caractères gras du compte-rendu). Le second compte-rendu en suite du même examen conclut à un « aspect en faveur d’une occlusion du colon sur sigmoidite aîgue diverticulaire avec pneumopéritoine inter anses évoquant une perforation » (idem).
L’expert judiciaire a relevé que l’examen de tomodensitométrie (TDM) de M. [PV] « montrait qu’il avait une péritonite stercorale localisée au petit bassin » (souligné dans le rapport), laquelle représente l’« évolution ultime de la maladie diverticulaire colique » du fait d’une perforation du côlon. Le premier stade de cette perforation est la péritonite purulente et le stade le plus grave est la « perforation dite « stercorale » avec issue de matières fécales dans la cavité péritonéale ». L’expert affirme que le diagnostic précis de cette affection était possible « grâce au TDM dès le matin 11h00 du 9 mai 2013 », révélant une péritonite « certes gravissime » mais localisée et contenue. L’expert estime, sur le rapport de son sapiteur, que « si le diagnostic avait été correctement posé dès la matinée, l’indication chirurgicale devenait évidente car elle représentait devant une telle complication la seule alternative thérapeutique à adopter en urgence » (souligné dans le rapport), de sorte qu’on aurait ainsi pu « espérer une meilleure issue », que M. [PV] aurait pu être opéré et « géré » dans de meilleures conditions, ajoutant que « le diagnostic n’a pas été posé à temps et M. [PV] a donc fait la complication ultime ».
L’expert considère que « l’interprétation du TDM abdominal a été incorrecte dans le premier compte-rendu dit « provisoire » », ajoutant que « le 2ème compte-rendu produit en fin de matinée par le Dr [C] était plus conforme mais sous-estimait largement la gravité de l’affection » (souligné par l’expert) et, en tout état de cause, que le radiologue n’a pas indiqué, par écrit ou verbalement, l’existence d’une péritonite stercorale sur les clichés radiologiques. Selon l’expert, la responsabilité de l’erreur diagnostique revient « avant tout » au Dr [C] (indiquant, notamment, qu’un simple examen clinique de M. [PV] ne pouvait seul révéler le diagnostic de péritonite stercorale, qui ne pouvait être fait qu’avec l’apport de l’imagerie).
Le Dr [C] verse aux débats un « rapport critique de l’affaire Branea/[PV] » rédigé par le Dr [D] [FP] [OL], daté du 12 mars 2017 mais non signé, qui fait état d’une « répartition très inéquitable de la responsabilité entre la radiologue et le chirurgien » par l’expert judiciaire et affirme que le Dr [C] a satisfait à son obligation de moyens. Elle indique que le second compte-rendu est venu compléter la conclusion émise dans le premier, qui décrivait déjà les signes permettant ce complément. Selon elle, les signes en cause sont les « signes radiologiques élémentaires (‘) dont la signification diagnostique, à la lecture du compte-rendu, n’a pu échapper à un spécialiste de la chirurgie digestive, quand bien même elle n’était pas formulée explicitement ».
Ce rapport n’est certes pas signé et a été dressé à la seule demande du Dr [C], en l’absence des autres parties à l’instance.
Il convient cependant de rappeler que les comptes-rendus du Dr [C] ne valent pas uniquement pour les conclusions qui y sont portées et que les clichés ainsi que les éléments descriptifs présentés par la radiologue dans lesdits comptes-rendus sont soumis aux médecins intervenant ensuite, qui doivent les prendre en considération. Or l’indication par le Dr [C], au titre des « résultats » de la TDM et dès son premier compte-rendu, de « bulles gazeuses » et d’une « distension gazeuse extra sigmoidienne » révèle l’existence d’une perforation (ce que le Dr [FP] [OL] se contente de rappeler, les indications parlant d’elles-mêmes), ainsi bien signalée dès le début, dont la mention explicite a ensuite été portée sur le second compte-rendu.
Mais si le compte-rendu du Dr [C] signale bien la perforation, la présence de matières fécales n’est pas indiquée malgré la présence sur les clichés d’une large formation (13 X 8 cm) faite de gaz et également de matières « d’aspect fécaloïde » (formation relevée par le sapiteur de l’expert judiciaire, le Dr [U]). Ainsi, la gravité de cette perforation n’a pas été soulignée, étant rappelé que la perforation du côlon peut se présenter sous deux aspects, le premier et le « moins grave » étant la péritonite purulente et le second et le « plus grave » étant la perforation stercorale (avec issue de matières fécales dans la cavité péritonéale). L’expert judiciaire résume ainsi l’état de M. [PV] à son arrivée à la clinique : « quand [il] s’est présenté aux urgences, il présentait une bombe dans le ventre qui menaçait à tout moment d’exploser ».
Il est ainsi reproché au Dr [C] de ne pas avoir signalé la présence de cette « bombe », d’une perforation stercorale, et la Cour, suivant l’expert sur ce point, retiendra la responsabilité prépondérante du radiologue à l’origine des complications ultérieures rencontrées par M. [PV].
Mais, alors que les constatations et conclusions du technicien ne lient pas le juge (article 246 du code de procédure civile), cette responsabilité importante et prépondérante du radiologue ne peut occulter la responsabilité également primordiale du médecin qui est ensuite intervenu dans le cadre du suivi thérapeutique. C’est ainsi que le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu une responsabilité du Dr [C] à hauteur de 70%, telle que proposée par l’expert.
Statuant à nouveau de ce chef et au vu des développements qui précèdent, la Cour fixera ce taux de responsabilité à hauteur de 50%.
(2) sur la responsabilité du Dr [L]
L’expert judiciaire indique que « toute l’attitude thérapeutique » de l’équipe médicale a été conforme au diagnostic initial d’« occlusion ou sub-occlusion intestinale », attitude malheureusement « inadaptée à l’état de M. [PV] » et qui l’a en plus aggravé, par la « prescription de lavements rectaux et surtout de senosides » qui « n’a pu qu’augmenter la pression intra-colique et favoriser le déclenchement de la perforation généralisée ».
Selon l’expert, le Dr [L] « a bien examiné M. [PV] dans la matinée du 9 mai 2013 et établi un diagnostic par la sommation des informations cliniques, biologiques et radiologiques », ajoutant que le diagnostic précis de péritonite stercorale ne pouvait être dressé sans l’apport de l’imagerie et plus particulièrement en l’espèce, de la tomodensitométrie (TDM). L’expert mentionne « la perplexité » du Dr [L], relevée par le Dr [II] (médecin urgentiste), devant le rapport du Dr [C] et lui reproche de n’avoir pas cherché à contacter la radiologue et à discuter avec elle.
Les conclusions du diagnostic du Dr [C], au regard des clichés de la tomodensitométrie (TDM), étaient certes erronées dans son premier compte-rendu et incomplètes dans son compte-rendu définitif. Mais les éléments descriptifs présentés par la radiologue dans le corps de son compte-rendu n’ont pas été lus avec une attention suffisante par le chirurgien. Le Dr [L] est un chirurgien spécialisé en chirurgie viscérale et digestive et, quand bien même non radiologue, doit savoir lire les éléments d’imagerie médicale concernant sa spécialité. Le chirurgien ne peut se reposer sur le seul diagnostic du radiologue. Egalement médecin, et spécialiste, il participe à l’élaboration du diagnostic et son appréciation personnelle doit compléter celle du radiologue.
Devant une complication possible de l’état de santé de M. [PV] à son arrivée dans le service des urgences, les signes visibles sur les clichés de la TDM révélant l’existence d’une perforation du côlon et d’une péritonite (présence de « bulles gazeuses » et d’une « distension gazeuse extra sigmoidienne »), il incombait au Dr [L], pour un suivi thérapeutique et chirurgical adapté, d’affiner le diagnostic de la radiologue afin de comprendre à quel stade la perforation dont souffrait M. [PV] se trouvait : premier stade (péritonite purulente) ou second stade (péritonite stercorale), la réponse médicale étant différente selon la situation. Aucune partie, ni même l’expert judiciaire, ne soutient que M. [PV] présentait une forme rare ou particulièrement complexe de la maladie, ni qu’une perforation du côlon constitue une complication tout aussi rare ou complexe. Le chirurgien pouvait, et aurait dû, évaluer la TDM à l’aune de la possibilité d’une telle complication.
L’erreur du Dr [L] est d’autant plus importante qu’il a décidé de ne pas immédiatement opérer M. [PV] malgré un doute (une « perplexité » quant au diagnostic du Dr [C], exprimée auprès de confrères – et notamment du médecin urgentiste qui lui a présenté le patient), qu’il est spécialiste de la chirurgie viscérale et qu’il lui était aisé de prendre contact avec la radiologue. Ayant la maîtrise du temps et du geste chirurgical, le médecin ne pouvait laisser un doute persister quant au diagnostic, ni, quoi qu’il en soit, éviter de rechercher – et formellement éliminer – toute complication possible.
Ensuite, alors que M. [PV] a été admis dans le service de chirurgie viscérale, il appartenait au Dr [L] qui avait pris la décision de cette hospitalisation de suivre régulièrement et attentivement l’évolution de l’état de santé du patient. L’expert judiciaire a constaté que l’état « hyper algique » du patient (ses douleurs) persistait après le premier lavement et s’est aggravé à partir de 16h. Convaincu d’un « doute diagnostique » le Dr [L] aurait selon l’expert dû suivre l’évolution de M. [PV] qu’il a ainsi fait hospitaliser dans son service sans certitude diagnostique, l’expert ajoutant que « la persistance voire l’amplification des douleurs de M. [PV] aurait sans doute contribué à reconsidérer le diagnostic initial d’occlusion et se poser à nouveau la question de l’existence d’une péritonite », permettant alors au patient d’être opéré « avant cette décompensation gravissime survenue en fin de journée ». La prise en charge de M. [PV] dans le service de chirurgie du Dr [L] fait selon l’expert « apparaître une sous-estimation de son état ».
L’expert a également relevé, et le chirurgien le souligne, que le Dr [L] n’a pas été alerté de l’évolution de l’état de santé de M. [PV] par l’équipe médicale et notamment les infirmiers. Il peut dans l’autre sens être reproché au chirurgien de ne pas s’être informé, étant rappelé le diagnostic posé par le Dr [C], la présence de signes cliniques évocateurs sur les clichés du TDM et ses doutes initiaux. L’expert indique en effet que le Dr [L] avait lui-même été « alerté par l’état hyperalgique de M. [PV] » et que cette « intensité des douleurs n’est pas forcément compatible avec une sub-occlusion ou une constipation ». Cette « alerte », cette conscience par le chirurgien de l’existence d’un symptôme supplémentaire susceptible d’écarter le diagnostic de simple occlusion et diriger celui-ci vers un diagnostic de performation, de péritonite purulente, voire stercorale, aurait dû induire de la part du médecin un suivi proche et personnel de l’évolution de l’état de M. [PV].
« Toute intervention médicale avant cet état de choc [état comateux constaté vers 21h le 9 mai 2013] aurait pu en effet éviter les conséquences dramatiques ultérieures » explique l’expert judiciaire.
Dans ces circonstances, le Dr [L] ne peut échapper à toute responsabilité, alors qu’il s’est contenté d’un diagnostic sur lequel lui-même émettait des doutes et qu’il n’a ensuite pas assuré un suivi médical attentif de M. [PV], hospitalisé dans son service et dont les douleurs persistaient, voire augmentaient, malgré les traitements médicamenteux prescrits. Le Dr [L] ne peut en aucun cas se retrancher entièrement derrière la faute du Dr [C].
L’erreur de diagnostic du Dr [C] existe, les erreurs diagnostiques et thérapeutiques du Dr [L] s’y ajoutent.
Ainsi, la responsabilité du Dr [L], chirurgien spécialiste devant un diagnostic qu’il était en mesure d’apprécier et de comprendre comme étant incomplet, ne peut être résiduelle alors qu’il était maître de la décision d’hospitalisation, des gestes thérapeutiques et du moment de l’opération. A côté de la responsabilité importante et prépondérante du Dr [C], retenue à hauteur de 50%, celle du Dr [L] reste sérieuse et ne saurait être évaluée à la seule hauteur de 20%. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a retenu ce taux de responsabilité.
Statuant à nouveau de ce chef et au regard des éléments examinés et retenus, la Cour fixera ce taux de responsabilité à hauteur de 40%.
(3) sur la responsabilité de la clinique [14] (hôpital privé de [Localité 9])
L’expert a mis en cause un problème de communication entre l’infirmière présente auprès de M. [PV] et les médecins de garde, le conduisant à retenir une part de responsabilité de l’établissement hospitalier à hauteur de 10%, également retenue par les premiers juges et qui n’est contestée ni par la clinique elle-même, ni par aucun des deux médecins, les Drs [C] et [L]. Il en est pris acte et le jugement sera confirmé sur ce point.
L’expert a considéré qu’à la suite de la découverte du coma de M. [PV], vers 21h, « tous les actes réalisés ont été faits dans les règles de l’art et sans aucun manquement » et qu’ainsi la responsabilité du Dr [Z], premier médecin alors appelé en urgence, puis du Dr [G], anesthésiste appelé par le premier et qui a pris contact avec le service de réanimation de la Pitié Salpêtrière, ne pouvait être mise en cause. Ce point n’est discuté d’aucune part et les deux médecins, présents aux opérations d’expertise, n’ont pas été assignés devant les premiers juges.
Ensuite encore, « l’attitude de l’équipe du SMUR [Service Mobile d’Urgence et de Réanimation, qui a transporté le patient de la clinique des [14] vers l’hôpital de la [16]] a été parfaitement conforme aux règles de l’art » quand bien même M. [PV] « présentait un état de choc réfractaire rendant tout transport très dangereux avec menace d’arrêt cardiaque ».
A l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, « tout l’enchaînement des actes a été fait en parfaite conformité des données de la science », expose l’expert judiciaire, qui évoque l’intervention de reprise chirurgicale par une intervention de Hartmann, puis une troisième intervention pour traiter l’ischémie digestive.
2. sur l’existence d’une perte de chance
L’expert judiciaire explique que si l’état de M. [PV] avait été correctement diagnostiqué à son arrivée dans le service des urgences, par le radiologue et le chirurgien ensemble, il aurait subi une intervention de Hartmann, colostomie (dérivation au niveau du côlon pour l’évacuation des selles) qui aurait alors été temporaire « dont les conséquences n’ont aucune commune mesure avec l’iléostomie [intervention effectivement pratiquée, dérivation définitive au niveau de l’intestin grêle] en terme de morbidité ». Dans la première hypothèse, « la mortalité était estimée entre 15% et 50% » et l’expert considère que dans la seconde hypothèse, du fait du diagnostic non posé à temps et de la complication « ultime » présentée par le patient, « la mortalité était estimée à plus de 80% », précisant qu’« il résulte de cette différence que la perte de chance de ce défaut de diagnostic peut être évaluée entre 30 et 50% ».
M. [PV] apporte aux débats le rapport d’expertise du 20 avril 2020 du Dr [EY], chirurgien orthopédique, ainsi qu’un courrier du 8 mai 2020 du Pr [S], responsable de la Structure d’Urgences Vasculaires Intestinales (SURVI) de l’hôpital [10] à [Localité 13] (Hauts de Seine), qui l’ont examiné seul, en l’absence des Drs [C] et [L] et d’un représentant de la clinique [14], et dont les conclusions doivent donc être lues avec circonspection. Il ressort de ces deux pièces, rapport et courrier, que, ainsi que le résume le Pr [S], « plus l’intervention est réalisée précocement, plus le geste peut être allégé », ce qui ne contredit pas les conclusions de l’expert judiciaire. Le Dr [EY], qui n’est pas spécialiste en chirurgie viscérale et digestive, indique qu’« une prise en charge précoce, adaptée, aurait évité le bas débit et aurait évité également le problème de l’ischémie colique et de la colectomie totale élargie à l’iléon terminal avec les sévères problèmes de transit que l’on reconnaît actuellement à la victime » pour conclure qu’« on ne peut donc pas parler de perte de chance ou on peut dire que la perte de chance est totale 100% car la colectomie totale sur ischémie intestinale, avec sacrifice aussi du rectum et de l’iléon terminal ne laissant que 2 mètres d’intestin grêle, n’aurait dû intervenir ». Ce faisant, le médecin évoque seulement une perte de chance pour M. [PV] de ne pas voir pratiquer une colectomie totale, ce qui, là encore, n’est pas en totale contradiction avec les termes du rapport d’expertise judiciaire.
Mais, que le diagnostic initial fût erroné et incomplet ou exact, la gravité de l’affection dont souffrait M. [PV] ne permettait en aucun cas d’exclure toute éventualité défavorable. Les apports du Dr [EY] et du Pr [S] ne permettent pas de démentir ce point. M. [PV] ne peut donc prétendre à la réparation de son préjudice à hauteur de 100% de celui-ci.
L’expert judiciaire évoquant bien un taux de mortalité, passé de 15 à 50% dans l’hypothèse d’un diagnostic précoce et exact à plus de 80% du fait du diagnostic tardif, inexact et incomplet, M. [PV] a donc vu la chance de voir une issue favorable – sa survie en l’espèce – à l’état de santé qu’il présentait lors de son arrivée dans le service des urgences le 9 mai 2013 passer de 50 à 85% à moins de 20%.
Le Dr [L] ne peut au vu de ces éléments affirmer que M. [PV] ne peut être indemnisé qu’à hauteur de 20%, ce taux correspondant aux chances de survie du patient du fait d’un diagnostic tardif et erroné de son état de santé, mais non à la réalité de son préjudice, alors même qu’une issue fatale n’était pas exclue avec un diagnostic précoce et exact.
Le préjudice subi par M. [PV] doit alors s’analyser à l’aune de la diminution de sa chance d’une issue favorable à son état de santé, et l’indemnisation intégrale de ce préjudice ne peut être que celle de ladite perte de chance, comme l’ont justement retenu les premiers juges. Cette perte de chance est caractérisée par la différence entre la probabilité d’une issue favorable dans le pire des cas dans l’hypothèse d’un diagnostic précoce et adapté – en l’espèce de 85%, et l’éventualité d’une telle issue dans l’hypothèse d’un diagnostic tardif, erroné et/ou incomplet – en l’espèce de 20%, soit une perte de chance de 65%, telle que justement retenue par les premiers juges.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
3. sur l’indemnisation de la perte de chance d’issue favorable
Le partage de responsabilité évoqué plus haut par la Cour entre le Dr [C] (50%), le Dr [L] (40%) et la clinique [14] (10%) n’est pas opposable à M. [PV]. Ces trois parties, ayant ensemble contribué aux entiers dommages subi par le patient, sont tenues in solidum à réparation du préjudice, au titre de leur obligation à la dette.
Dans son second rapport d’expertise médicale du 3 février 2018, l’expert judiciaire, après avoir à nouveau examiné M. [PV], a estimé l’état de santé de celui-ci consolidé au 30 mars 2017, date de sa dernière consultation.
(1) sur l’indemnisation des préjudices patrimoniaux temporaires, avant consolidation
Sur les dépenses de santé actuelles
L’expert judiciaire évoque des frais non remboursés par la Sécurité sociale, telles « les pommades anesthésiantes (type Titanoréïne) et matériel de protection (changes, protections, lingettes) ». Or Mme [F] [B], pharmacienne (pharmacie du Moulin Vert à [Localité 9], Val de Marne) atteste le 20 octobre 2017 avoir délivré à M. [PV] « depuis son intervention chirurgicale du début du mois de Janvier 2017, 2 tubes de crème TITANOREINE à la lidocaïne par semaine, non remboursés par la sécurité sociale, au prix de 6,95 € ». Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, M. [PV] ne justifie pas de la délivrance de cette crème depuis la date de la sortie d’hôpital de sa dernière intervention, le 2 décembre 2016, mais seulement depuis le mois de janvier 2017, soit pendant 13 semaines jusqu’à la consolidation de l’état de santé de l’intéressé le 30 mars 2017.
Tenant compte de la seule perte de chance indemnisable, les Drs [C] et [L] et la clinique [14] doivent donc être condamnés in solidum à payer à ce titre la somme de (6,95 X 2 X 13) X 65% = 117,45 euros à M. [PV] (et non 118,10 euros comme retenu par le tribunal, dont l’erreur de calcul, purement matérielle, sera corrigée sur ce point).
Sur la perte de gains professionnels avant consolidation
M. [PV], qui n’a pas établi devant les premiers juges la réalité de pertes de gains professionnels avant la consolidation de son état de santé et a donc été débouté de sa demande à ce titre, communique désormais en cause d’appel ses avis d’imposition des années 2016 à 2019, les bilans et comptes de résultat de son entreprise des années 2011 à 2014 et 2018 à 2019, ainsi qu’un « AVIS TECHNIQUE SUR L’EVALUATION DU PREJUDICE SUBI » établi le 23 mai 2020 par M. [SE] [BJ], expert-comptable. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté les prétentions de l’intéressé, qui seront à nouveau examinées par la Cour.
M. [PV] est carrossier et était le gérant majoritaire de la SARL Garage [PV] situé à [Localité 9].
Le chiffre d’affaires du Garage [PV] a connu une augmentation entre 2012 et 2017, passant de la somme de 797.153 euros à celle de 1.058.938 euros, et n’a donc pas été impacté par l’absence de M. [PV] et sa reprise de travail seulement partielle après ses opérations. L’activité de l’entreprise a pu être maintenue, et progresser, du fait du recours à une main d »uvre intérimaire (qui a conduit à une forte augmentation du poste « personnel extérieur » de l’entreprise entre 2011 et 2019, dès 2014) et l’embauche de nouveaux salariés.
M. [PV], avec son expert-comptable, ne peut cependant reconstruire une situation « probable » et seulement hypothétique pour retenir comme base de calcul de ses pertes de gains professionnels son seul revenu de 2012. Alors que l’expert-comptable expose que « dans une société de ce type, la rémunération est indéniablement liée à ses résultats », l’irrégularité de la progression du salaire de M. [PV] avant 2012 correspond à l’irrégularité de l’évolution du chiffre d’affaires à la même époque, sans qu’il soit en conséquence opportun d’écarter les salaires de 2010 et 2011 de l’examen de de la situation, tout aussi significatifs que celui de 2012. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a évalué le salaire de référence de M. [PV] au regard de sa rémunération moyenne entre 2010 et 2013.
Sur ces trois années qui ont précédé l’accident médical dont il a été victime, le salaire annuel moyen de M. [PV] a été de (64.414 + 51.464 + 117.482) / 3 = 77.786 euros, qui constitue son salaire de référence.
Il est indéniable qu’après l’accident, le salaire de M. [PV] a subi une diminution importante. La moyenne de son salaire annuel, hors indemnités journalières et pensions d’invalidité versées, sur les années 2013, 2014 et 2015, s’est retrouvée à (74.053 + 64.925 + 15.000 euros) / 3 = 51.326 euros (idem).
L’expert judiciaire a pu constater que si « sur le plan professionnel, l’équipe qu’il a construite a pu maintenir l’entreprise en activité, M. [PV] n’a cependant pas repris son activité » après ses opérations, ne pouvant « participer comme il le faisait autrefois aux efforts physiques ». L’expert-comptable confirme ce point, affirmant que « la rémunération de Monsieur [PV] a connu une baisse très importante en raison de son accident de santé », expliquant qu’il a été rémunéré « en fonction de sa contribution effective à l’exploitation de la société », qu’après son accident il « n’a pu reprendre une activité normale » et que « son activité s’est réduite à celle de gérant de la société », ne pouvant plus accomplir de prestations techniques, pendant que le chiffre d’affaires augmentait.
Sont ainsi établis non seulement la réalité d’une baisse de rémunération de M. [PV], mais également le lien entre celle-ci et son accident médical de 2013.
Au regard du salaire annuel de référence de M. [PV], retenu à hauteur de 77.786 euros, et des salaires qu’il a effectivement perçus – non contestés – après son accident, celui-ci justifie de pertes, avant consolidation de son état de santé, à hauteur des sommes de :
– 77.786 – 74.053 = 3.733 euros en 2013,
– 77.786 – 64.925 = 12.861 euros en 2014,
– 77.786 – 15.000 = 62.786 euros en 2015,
– 77.786 – 15.000 = 62.786 euros en 2016,
– (77.786 X 3/12) – (57.150 X 3/12) = 5.159 euros jusqu’au 30 mars 2017,
soit une perte totale de 147.325 euros.
De cette somme et pour établir le préjudice subi par M. [PV], il convient de déduire les indemnités journalières perçues entre le 12 mai 2013 et le 7 avril 2014, puis entre le 22 avril 2014 et le 31 janvier 2015, à hauteur de la somme totale de 16.791,64 + 14.660,36 = 31.452 euros, ainsi que la pension d’invalidité servie entre le 1er février 2015 et le 31 mars 2017 à hauteur de la somme totale de 35.324 euros. Le préjudice subi par le patient à raison d’une perte de revenus s’élève ainsi à la somme de 147.325 – (31.452 + 35.324) = 80.549 euros. Tenant compte de la seule perte de chance indemnisable, la somme de 80.549 X 65% = 52.357 euros sera mise à la charge, in solidum, des Drs [C] et [L] et de la clinique [14].
Sur l’aide d’une tierce personne avant consolidation
L’expert judiciaire estime que l’état de santé de M. [PV] nécessite une aide à domicile à raison de cinq heures par semaine afin de l’aider dans les actes de la vie quotidienne.
S’il n’est pas établi qu’une aide spécialisée soit requise, le tarif horaire de celle-ci ne saurait être retenu à hauteur de 13 euros, qui ne correspond pas aux tarifs pratiqués à ce titre. Sera en conséquence retenu un tarif horaire de 18 euros, tel que raisonnablement réclamé par M. [PV]. Il doit ensuite être tenu compte des périodes d’hospitalisation de M. [PV], pendant lesquelles l’aide d’une tierce personne n’a pas été nécessaire. Il a en 2013 regagné son domicile le 28 juillet 2013 et son besoin d’une tierce personne doit être compté sur 22 semaines ; il a été à son domicile toute l’année 2014, soit 52 semaines ; il a été hospitalisé une semaine en 2015 et son besoin d’une tierce personne doit donc être compté sur 51 semaines ; il a été plusieurs fois hospitalisé en 2016, au titre des suites de l’accident médical en cause en l’espèce, sur une période totale non contestée de 40 jours, et son besoin d’une tierce personne sera donc compté sur 46,4 semaines ; l’année 2017 compte enfin 13 semaines jusqu’à la consolidation de son état de santé le 30 mars 2017. Ainsi, l’état de santé de M. [PV] a, avant consolidation, nécessité l’aide d’une tierce personne pendant 184,4 semaines.
Tenant compte de la seule perte de chance indemnisable, le Drs [C] et [L] et la clinique [14] seront donc condamnés in solidum à indemniser M. [PV] de ce chef à hauteur de (184,4 X 5 X 18) X 65% = 10.787,40 euros, en infirmation du jugement de ce chef en ce qu’il a retenu une somme de 9.380,89 euros (calcul non explicité).
(2) sur l’indemnisation des préjudices patrimoniaux permanents
Sur les dépenses de santé futures
L’expert judiciaire évoque également, après consolidation, la nécessité pour M. [PV] d’appliquer des « pommades anesthésiantes (type Titanoréïne) ».
Retenant le prix d’un tube de crème de 6,95 euros et la délivrance de deux tubes par semaine, ce poste de préjudice peut être évalué à hauteur de de la somme de 6,95 X 2 X 52 = 722,80 euros par an, capitalisée sur un prix de l’euro de rente viagère qui ne saurait dépasser le prix réclamé par l’intéressé de 19,947 euros au regard de son âge au jour de la consolidation de son état de santé (61 ans), soit une somme totale de 14.418 euros.
Tenant compte de la seule perte de chance indemnisable, les Drs [C] et [L] et la clinique [14] doivent donc être condamnés in solidum à payer à ce titre la somme de 14.418 X 65% = 9.372 euros (idem) à M. [PV], en infirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 9.296,12 euros.
Sur l’assistance d’une tierce personne après consolidation
L’expert judiciaire estime que M. [PV], après consolidation de son état de santé, « nécessite une aide-ménagère estimée à 5 heures par semaine ».
Ainsi qu’il l’a déjà été vu plus haut, le tarif horaire de 13 euros proposé par les médecins ne correspond pas aux tarifs pratiqués à ce titre. La Cour retiendra en conséquence un tarif horaire de 19 euros, tel que raisonnablement réclamé par M. [PV]. Ainsi, le coût de cette aide s’élève à la somme de 19 X 5 X 52 = 4.940 euros par an, capitalisée sur un prix de l’euro de rente viagère qui ne saurait dépasser le prix réclamé par l’intéressé de 19.947 euros au regard de son âge au jour de la consolidation de son état, soit une somme totale de 98.538 euros.
Tenant compte de la seule perte de chance indemnisable, le Drs [C] et [L] et la clinique [14] seront donc condamnés in solidum à indemniser M. [PV] de ce chef à hauteur de 98.538 X 65% = 64.050 euros, en infirmation du jugement qui lui a alloué une somme de 50.565,64 euros.
Sur la perte de gains professionnels futurs
M. [PV], qui n’a pas apporté en première instance la preuve des pertes de gains professionnels et de pensions de retraite qu’il allègue et a donc été débouté de toute demande de ce chefs, communique devant la Cour des pièces financières et un avis technique de son expert-comptable du 23 mai 2020, déjà cités. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté les prétentions de l’intéressé, qui seront examinées par la Cour, statuant à nouveau.
M. [PV], né le [Date naissance 8] 1956, était âgé de 61 ans au jour de la consolidation de son état de santé, le 30 mars 2017. Le RSI lui a par lettre recommandée du 11 décembre 2014 notifié l’attribution d’une pension d’invalidité jusqu’au 1er mars 2018, âge auquel il devait bénéficier de sa retraite « dans le cadre de l’inaptitude au travail ». Il ne s’agit pas ainsi d’un départ à la retraite demandé, mais imposé. Ce départ anticipé est bien en lien avec les limites de versement de la pension d’invalidité, laquelle est directement liée à l’accident médical dont M. [PV] a été victime. M. [PV] indique qu’il souhaitait cesser son activité professionnelle à la fin de l’année 2020, hypothèse que son expert-comptable a estimée « plausible et réaliste », rappelant que la retraite des professions indépendantes était à cette époque légalement fixée à 67 ans pour une retraite à taux plein. La Cour retient ce départ souhaité à la retraite fin 2020, qui n’est pas, contrairement aux affirmations en ce sens du Dr [L], seulement hypothétique. A cette date, M. [PV] était pratiquement âgé de 65 ans.
Aussi, sur la base d’un salaire annuel de référence de 77.786 euros avant son accident médical, tel que retenu plus haut, et des pensions effectivement versées, M. [PV] justifie de pertes de gains professionnels, entre sa consolidation le 30 mars 2017 et son départ à la retraite souhaité le 31 décembre 2020, à hauteur des sommes de :
– (77.786 X 9/12) – (57.150 X 9/12) = 15.478 euros en 2017,
– 77.786 – 80.291 = – 2.505 euros en 2018 (pas de pertes),
– 77.786 – 0 = 77.786 euros en 2019
– 77.786 – 0 = 77.786 euros en 2020,
soit une perte totale de 168.545 euros avant son départ à la retraite souhaité, somme qu’il convient d’affecter d’un coefficient correcteur de 90% pour tenir compte des aléas liés à cette projection, ainsi que le proposent M. [PV] et son expert-comptable, laissant une perte de 168.545 X 90% = 151.690 euros.
De cette somme doivent être déduites les pensions d’invalidité versées par le RSI puis la CPAM entre le 28 février 2017 et le 28 février 2018 à hauteur de 11.574,52 euros ainsi que les pensions de retraite que M. [PV] reconnaît avoir perçues, de 17.600 euros en 2018, 25.016 euros en 2019 et 26.500 euros en 2020 (soit la somme totale de 69.116 euros). Le préjudice subi par M. [PV] à raison des pertes de revenus après le 30 mars 2017 et jusqu’au 31 décembre 2020, s’élève ainsi à la somme de 151.690 – (11.574 + 69.116) = 71.000 euros.
Tenant compte de la seule perte de chance indemnisable, la somme de 71.000 X 65% = 46.150 euros sera mise à la charge, in solidum, des Drs [C] et [L] et de la clinique [14] au titre de ces pertes.
Ses pertes de salaire ont entraîné pour M. [PV] une diminution de l’assiette des cotisations de retraite et, en conséquence, de ses droits à ce titre.
M. [W] [GZ], du cabinet d’audit APS Consult (conseil en droits de retraite), a dans un rapport d’évaluation du 20 mai 2020, annexé au rapport de l’expert-comptable, examiné la situation qui aurait été celle de M. [PV] s’il avait poursuivi son activité professionnelle jusqu’au 1er mars 2021, jusqu’à ses 65 ans. Il examine en premier lieu la rémunération de M. [PV] depuis 1971 jusqu’à 2020, « sort » les 25 meilleures années et fixe le montant de son salaire moyen mensuel (actualisé au 1er janvier 2020) à la somme de 3.049 euros. En liquidant la retraite de l’intéressé à 65 ans, plutôt qu’à 62 ans, il explique qu’« une surcote de 15% (5% par année de différé au-delà de 62 ans) aurait majoré la retraite de base » (caractères gras et double soulignés dans le rapport), et que sur la période de 2013 à 2020, l’acquisition de points de retraite sur la base de cette rémunération lui aurait permis d’acquérir 4.146,68 points de retraite complémentaire du RSI, s’ajoutant aux points attribués sur la période pendant laquelle il a été commerçant entre 1982 et 2000 (1.296,36 points) et aux points de la période pendant laquelle il a été artisan, entre 2001 et 2012 (3.579 points), soit un cumul de point, à 65 ans, de 9.022,04. A partir de ces éléments, le cabinet d’audit évalue la retraite à taux plein dont aurait bénéficié M. [PV] s’il avait pris celle-ci à 65 ans à hauteur de 1.594 euros au titre de la retraite de base (RSI), 50 euros (idem) au titre de la retraite complémentaire salarié et 822 euros (idem) au titre de la retraite complémentaire du RSI, soit une retraite à 65 ans d’un montant mensuel de 2.466 euros. M. [PV] percevant une retraite mensuelle de 2.010 euros, le différentiel est de 456 euros par mois ou 5.472 euros par an.
Ce calcul, dressé par un cabinet de conseil spécialisé en matière de droits à la retraite, à partir d’éléments sérieux, sera retenu par la Cour.
M. [PV] ne capitalise pas cette somme annuelle comme le cabinet d’audit, sur la base d’un taux de 3,53% (selon la Table par Génération des Hommes, version 2005, TGH05, utilisée pour le calcul des rentes viagères de retraite), obtenant un capital de 5.472 / 3,53% = 155.014 euros, mais sur la base d’un euro de rente annuelle, au regard de son âge de 65 ans lors de son départ à la retraite, de 17,236, obtenant ainsi un capital de 94.316 euros, auquel il affecte un coefficient correcteur pour tenir compte d’aléas, de 90%, soit un capital de 94.316 X 90% = 84.884 euros.
Aussi, ajoutant au jugement, la Cour condamnera in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14], en tenant compte de la seule perte de chance indemnisable, à payer à M. [PV] la somme de 84.884 X 65% = 55.175 euros.
(3) sur l’indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation
Sur l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire
L’expert judiciaire retient, concernant M. [PV], plusieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 100%, d’autres périodes à hauteur de 75%, de 35%, de 30% et de 25%. M. [PV] oppose aux conclusions de l’expert judiciaire celles du Dr [EY] (rapport du 20 avril 2020). Régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties devant les premiers juges puis la Cour, ce rapport amiable ne peut être totalement écarté des débats, mais, ainsi qu’il l’a été rappelé plus haut, sera lu avec circonspection.
Selon l’expert judiciaire, le déficit fonctionnel temporaire du patient a été total, de 100%, pendant ses périodes d’hospitalisation, du 9 mai au 26 juillet 2013 (78 jours), du 19 au 27 mars 2015 (9 jours), du 25 juillet au 11 août 2016 (17 jours), du 28 au 30 août 2016 (2 jours), du 20 au 21 septembre 2016 (un jour) et du 14 novembre au 2 décembre 2016 (20 jours), soit une période totale de 127 jours. Cette période doit cependant être réduite de 38 jours, correspondant à l’hospitalisation qu’aurait dû subir M. [PV] si une intervention de Hartmann avait été pratiquée dès le début. Ainsi, la Cour retiendra un déficit fonctionnel temporaire total sur une période de 127 – 38 = 89 jours.
L’expert judiciaire a ensuite évalué le déficit fonctionnel temporaire de M. [PV] à hauteur de 75%, du 11 au 27 août 2016 (17 jours), du 30 août au 19 septembre 2016 (20 jours), du 21 septembre au 21 octobre 2016 (31 jours) et du 2 décembre 2016 au 2 janvier 2017 (31 jours), soit une période totale de 99 jours. Il convient cependant d’ajouter à ces périodes de déficit fonctionnel temporaire important celles qui ont suivi les iléostomies. Celle-ci sont en effet des ouvertures chirurgicales au niveau de l’abdomen permettant l’évacuation des selles et l’expert judiciaire évoque lui-même « une stomie très contraignante du fait de sa production intense due au sacrifice d’intestin grêle », rappelant les « appareillages quotidiens », des « épisodes de déshydratation parfois conséquents nécessitant une hospitalisation pour perfusion », une « déficience de la musculature abdominale », une « éventration majeure xipho-pubienne ». L’expert judiciaire, affectant à ces périodes un déficit fonctionnel temporaire de 50%, voire 35%, a ainsi trop minoré lesdites contraintes. Les périodes courant du 27 juillet 2013 au 19 mars 2015 (602 jours), puis du 27 mars 2015 au 25 juillet 2016 (486 jours) seront comprises au titre du déficit de 75%. Il n’y a pas lieu de déduire de ces périodes les périodes d’hospitalisation alors même que M. [PV] a pendant ces périodes subi un déficit fonctionnel certain, lié à l’accident médical initial. La Cour retiendra en conséquence 99 + 602 + 486 = 1.187 jours de déficit fonctionnel temporaire à 75%.
L’expert judiciaire a estimé le déficit fonctionnel temporaire de M. [PV] à hauteur de 50% du 27 juillet 2013 au 30 mars 2014 (248 jours), du 21 octobre au 13 novembre 2016 (23 jours) et du 2 janvier au 2 février 2017 (31 jours), soit une période totale de 302 jours. La première de ces trois périodes a cependant fait suite à une iléostomie, dont les suites sont très contraignantes, et au titre de laquelle la Cour a retenu un déficit de 75% et non 50%. La Cour retiendra donc 302 – 248 = 54 jours de déficit fonctionnel temporaire à 50%.
L’expert judiciaire a ensuite évalué le déficit fonctionnel temporaire de M. [PV] à hauteur de 35% du 9 décembre 2014 au 18 mars 2015 (51 jours) puis du 27 mars au 24 juillet 2015 (120 jours), soit une période totale de 171 jours. Ces deux périodes font cependant suite à des iléostomies et, au regard des contraintes particulièrement importantes qu’une telle intervention entraîne, ont été prises en compte par la Cour au titre du déficit fonctionnel temporaire de 75%. L’expert judiciaire a fixé à 30% le déficit fonctionnel temporaire de M. [PV] entre le 2 février et le 30 mars 2017, sur 56 jours. Il convient néanmoins de constater que cette période est celle qui précède la consolidation de l’état de santé de l’intéressé, le 30 mars 2017, à un taux de 35%. La Cour ne saurait retenir un taux de déficit fonctionnel permanent – lequel, notamment, n’inclut ni le préjudice sexuel, ni le préjudice d’agrément – supérieur au taux de déficit fonctionnel temporaire sur la période qui l’a précédé, qui quant à lui couvre non seulement l’incapacité fonctionnelle, mais également les atteintes à la qualité de la vie, le préjudice sexuel et les privations temporaires d’activités de loisirs. Ainsi, la Cour retiendra cette période de 56 jours précédant la consolidation de l’état de M. [PV] au titre du déficit fonctionnel temporaire de 35%.
L’expert judiciaire a enfin considéré que M. [PV] présentait un déficit fonctionnel temporaire de 25% du 31 mars au 8 décembre 2014, sur une période de 252 jours. La Cour a cependant tenu compte de cette période au titre du déficit fonctionnel temporaire de 75%, en suite des iléostomies. La Cour ne retiendra donc aucune période de déficit fonctionnel temporaire de 25%.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ses dispositions relatives aux différentes périodes pendant lesquelles M. [PV] a souffert d’un déficit fonctionnel temporaire total ou partiel.
Statuant à nouveau au regard des développements qui précèdent, la Cour retiendra ce déficit ainsi :
– 89 jours de déficit fonctionnel temporaire total,
– 1.187 jours de déficit fonctionnel temporaire de 75%,
– 54 jours de déficit fonctionnel temporaire de 50%,
– 56 jours de déficit fonctionnel temporaire de 35%.
Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il a évalué le préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire sur la base d’une indemnité journalière de 25 euros (pour un taux de 100%), telle que raisonnablement réclamée par M. [PV], l’indemnité de 22 euros proposée par les Drs [C] et [L] et la clinique [14] ne pouvant suffire à indemniser le préjudice réel.
Ainsi, seront accordées à M. [PV], en indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire et en tenant compte du seul préjudice indemnisable, les sommes de :
– (89 X 25) X 65% = 1.446,25 euros,
– (1.187 X 25 X 75%) X 65% = 14.466,55 euros,
– (54 X 25 X 50%) X 65% = 438,75 euros,
– (56 X 25 X 35%) X 65% = 318,50 euros,
soit la somme totale de 16.670,05 euros.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a alloué la somme de 7.993,37 euros à M. [PV] et, statuant à nouveau, la Cour condamnera in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14] à payer la somme de 16.670,05 euros à M. [PV] en indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire.
Sur l’indemnisation des souffrances endurées jusqu’à la consolidation
Dans son premier rapport du 18 septembre 2015, l’expert judiciaire estime le préjudice de M. [PV] à hauteur de 6/7 (important) du 9 mai au 27 juin 2013, puis à hauteur de 4,5/7 (moyen à assez important) ensuite. Il précise dans son second rapport que « les souffrances endurées sont de 5/7 pour les périodes ITT 75% puis de 4,5/7 (moyen et assez important) pour les autres périodes ». M. [PV] a dû subir des souffrances indéniables alors qu’aucun traitement adapté ne lui était prescrit, puis a enduré plusieurs interventions chirurgicales avec éventration, a dû rester longtemps alité, relié à des appareils de contrôle et des perfusions, n’a pu se nourrir normalement pendant de longs mois, a supporté la pose d’une stomie entraînant douleurs et perte de sommeil et souffre de douleurs persistantes.
Il convient, au regard de ces éléments et des souffrances effectivement endurées par M. [PV], qui à certaines périodes ont été importantes, d’infirmer le jugement qui lui a alloué la somme de 20.000 X 65% = 13.000 euros, insuffisante pour couvrir ce poste de préjudice.
Statuant à nouveau et compte tenu des éléments qui précèdent, la Cour condamnera in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14] à payer à M. [PV], en indemnisation des souffrances endurées jusqu’à la consolidation de son état de santé et en tenant compte du préjudice seul indemnisable, de 40.000 X 65% = 26.000 euros.
(4) sur l’indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux permanents
Sur l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent
L’expert judiciaire a, selon le barème d’évaluation médico-légale édité par l’association des Médecins Experts en Dommage Corporel et la Société de Médecin Légale et de Criminologie de France, évalué le déficit fonctionnel permanent de M. [PV], à compter de la consolidation de son état de santé le 30 mars 2017, à hauteur de 35%. L’intéressé souffre de troubles permanents de son transit intestinal « très perturbé » et rendant la vie quotidienne difficile, de « brûlures cutanées péri-anales continues et lancinantes », de « variations de pression hémodynamique lors des changements posturaux », de « dumping syndrome (malaise lors de l’ingestion de sucre d’absorption rapide », etc.
M. [PV] était âgé de 61 ans lors de la consolidation de son état de santé. Au regard de cet âge et du taux de déficit permanent non contesté évalué par l’expert judiciaire, il convient de retenir une valeur du point à 1.870 euros, soit une indemnisation de 1.870 X 35% = 65.450 euros.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a fondé l’indemnisation de M. [PV], à ce titre, sur la base d’une somme de 67.725 euros.
Statuant à nouveau, la Cour condamnera in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14] à payer à M. [PV], en indemnisation de son déficit fonctionnel permanent et en tenant compte du seul préjudice indemnisable, de 65.450 X 65% = 42.542,50 euros.
Sur l’indemnisation du préjudice esthétique
L’expert judiciaire retient un préjudice esthétique, pour M. [PV], de 4/7 (assez important), rappelant l’éventration subie et la cicatrice abdominale verticale en découlant. S’y ajoutent d’autres cicatrices sur l’abdomen résultant des stomies.
Au regard de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu’il a évalué ce poste de préjudice à hauteur de 10.000 euros, réduit en fonction du seul préjudice indemnisable, à 5.600 euros.
Statuant à nouveau, la Cour retiendra une indemnisation à hauteur de 13.000 euros et condamnera in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14], en tenant compte du préjudice seul indemnisable, à payer à M. [PV] à ce titre la somme de 13.000 X 65% = 8.450 euros.
Sur l’indemnisation du préjudice d’agrément
L’expert judiciaire expose que M. [PV] « n’a plus d’activités de loisir et ne peut plus faire d’efforts ». M. [PV] affirme avoir abandonné l’idée de partir en vacances et de faire des voyages « comme il en avait l’habitude avant 2013 », évoque sa fatigabilité empêchant les efforts de toute activité sportive et même la marche de promenade « dont il était adepte au moins une fois par semaine ». S’il fait état d’attestations « qui seront versées aux débats » pour convaincre la Cour, aucune pièce n’est effectivement communiquée pour établir la réalité des activités de sport et de loisir qu’il pratiquait et ne le peut plus.
Faute de tout élément de preuve, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [PV] de toute demande indemnitaire du chef de son préjudice d’agrément.
Sur l’indemnisation du préjudice sexuel
L’expert évalue le préjudice sexuel de M. [PV] à hauteur de 5/7. Il précise que « les troubles organiques ont altéré ses relations personnelles intimes avec sa compagne » (rapport du 18 septembre 2015) ou encore que « les éjaculations ont disparu » et que « les érections sont présentes mais de faible qualité, surtout par manque de libido ».
Au regard de ces éléments et de la situation de M. [PV], il apparaît que les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a alloué à l’intéressé, en indemnisation et en tenant compte du seul préjudice indemnisable, la somme de 6.000 X 65% = 3.900 euros.
***
Les condamnations prononcées au profit de M. [PV], à caractère indemnitaire, porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur des sommes retenues par les premiers juges, et à compter du présent arrêt pour le surplus (si les sommes allouées par la Cour sont supérieures), conformément aux termes de l’article 1231-7 du code civil.
Si les Drs [C] et [L] et la clinique [14] sont tenus in solidum à réparation vis-à-vis de M. [PV], au titre de leur obligation à la dette, ils ne sont tenus in fine, dans le cadre de leur contribution définitive à la dette, qu’à proportion de leurs responsabilités respectives et disposent donc de recours entre eux selon le partage des responsabilités retenu plus haut :
– pour le Dr [C] : 50%,
– pour le Dr [L] : 40%,
– pour la clinique [14] : 10%.
Dans leurs recours entre eux, les médecins et la clinique seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé.
Sur le recours de la CPAM
Les premiers juges, au regard de l’état de créance et de l’attestation d’imputabilité du médecin conseil, ont constaté que la CLDSSTI disposait d’une créance définitive de 251.962,61 euros au titre des médicaments et frais pharmaceutiques ainsi que des hospitalisations de M. [PV], que le RSI avait versé la somme totale de 66.776 euros à l’intéressé au titre des indemnités journalières et des arrérages de la pension d’invalidité, ainsi que la somme de 8.269,76 euros au titre de prestations viagère et de soins après consolidation, que le RSI avait également servi à M. [PV] la pension vieillesse à hauteur de 11.574,52 euros. Compte tenu du seul préjudice indemnisable à hauteur de 65%, les Drs [C] et [L] et la clinique [14] ont été condamnés à rembourser à la CLDSSTI les sommes respectives de 163.775,69 euros, de 43.404,40 euros, de 5.375,34 euros et de 7.523,43 euros de ces chefs.
La CPAM, venant aux droits de la CLDSSTI et du RSI, fait valoir la force probante des attestations des médecins-conseils versées aux débats, le lien de causalité entre les prestations servies et la pathologie de M. [PV], rappelant ne pas avoir vocation à s’enrichir et être soumis à un double contrôle de l’Etat (contrôles a posteriori de l’autorité compétente de l’Etat et de la Cour des comptes). Elle se prévaut de créances à hauteur de 251.962,61 euros au titre des dépenses de santé « actuelles » (médicaments, frais pharmaceutiques et hospitalisations), de 8.269,76 euros au titre des dépenses de santé « futures » (prestations viagères et soins après consolidation), de 31.452 + 35.324 = 66.776 euros au titre des pertes de revenus professionnels « actuelles » (indemnités journalières, arrérages échus de la pension d’invalidité totale), de 11.574,52 euros au titre de la perte de revenus professionnels « future » (arrérages échus de la pension d’invalidité totale).
Les intimés contestent tout droit à remboursement de la CPAM.
Le Dr [C] fait observer que la CPAM ne justifie ni de la réalité ni du quantum de ses prétentions.
Le Dr [L] rappelle que la Cour n’est pas liée par l’évaluation du préjudice émanant des organismes sociaux et que ceux-ci ne peuvent réclamer le remboursement que des prestations ayant un lien de causalité avec l’accident, estimant que la CPAM, en l’espèce n’apporte pas les preuves nécessaires au soutien de ses demandes de remboursement.
La clinique [14] estime également que la CPAM ne peut se contenter de fournir de simples attestations de débours sans autres éléments probants venant corroborer ses réclamations, non apportés en l’espèce.
Sur ce,
1. sur l’intervention volontaire de la CPAM
L’article 325 du code de procédure civile énonce que l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant et l’article 327 du même code précise que cette intervention est volontaire ou forcée. L’article 328 du code de procédure civile dispose que l’intervention – volontaire- est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et qu’elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.
M. [PV] a été affilié au Régime Social des Indépendants (RSI), régime spécial de la Sécurité sociale, qui lui a versé des indemnités et prestations.
La loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la Sécurité sociale de 2018 a créé les Caisses Locales Déléguées pour la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants (CLDSSTI), venant aux droits du RSI, dissout, en vertu de l’article 15 de ladite loi.
En vertu d’une convention de délégation de l’activité de recours contre les tiers conclue le 1er février 2016 entre la caisse du RSI d’Auvergne et la caisse du RSI d’Ile de France, la seconde a délégué à la première ladite activité. C’est ainsi que la CLDSSTI de [Localité 12], caisse d’Auvergne, est volontairement intervenue à l’instance devant les premiers juges.
Les comptes des CLDSSTI ont été clôturés (par décret du 4 mars 2020), les Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM) venant alors à leurs droits et obligations, à compter du 1er janvier 2020.
Le directeur général de la Caisse National d’Assurance Maladie (CNAM), conformément aux dispositions des articles L376-1 et suivants et L454-1 du code de la sécurité sociale, a le 1er janvier 2020 pris une décision en vue « d’organiser la gestion de l’activité recours contre tiers [RCT] au sein du réseau des caisses d’assurance maladie » et aux termes de laquelle, notamment, la CPAM de [Localité 12] (caisse du Puy de Dôme, Auvergne), prenait en charge « l’activité de recours contre tiers relatifs à ses assurés et/ou bénéficiaires » ainsi que celle des caisses de l’Allier, du Cantal, de la Drôme, de la Haute-Loire et de la Savoie. Les pôles RCT en charge de l’activité de recours doivent ainsi « gérer intégralement le recours contre tiers, de l’ouverture des dossiers à leur clôture ainsi que la mise en ‘uvre de la procédure des pénalités (‘) », « agir et/ou représenter en justice pour le compte des caisses cédantes dans le cadre de l’ensemble des dossiers traitant à titre principal ou incident du recours contre tiers, y compris les affaires actuellement pendantes devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire pour le compte de la caisse cédante » et, enfin, « recouvrer, encaisser et mener les contrôles afférents aux dossiers ».
C’est ainsi que la CPAM du Puy de Dôme, qui assure le rôle de centre national du recours contre tiers pour les indépendants, est volontairement intervenue à l’instance devant la Cour de céans. Venant aux droits du RSI puis de la CLDSSTI, la CPAM a le droit d’agir en l’espèce et est recevable en cette intervention devant la Cour de céans. Elle sera déclarée telle.
2. sur l’imputabilité de la créance de la CPAM à l’accident médical subi par M. [PV]
La CPAM produit certes aux débats des états de créances émis par son directeur ou le directeur régional du RSI, aux droits duquel intervient désormais la CPAM, de sorte que le caractère probant de ces états ne peut être retenu, nul ne pouvant constituer une preuve pour lui-même.
La caisse verse cependant, également, deux attestations des 10 janvier et 29 avril 2019 du Dr [P] [V], médecin-conseil du Service Médical Recours contre Tiers de [Localité 12].
Or les médecins-conseils relèvent d’un service de contrôle médical régional, placé sous la direction d’un médecin-conseil régional, et dépendent d’un service national en vertu des articles R315-2 et 3 du code de la sécurité sociale. Ce service est extérieur aux CPAM et indépendant, non lié à ces caisses.
Le médecin-conseil, dans ses attestations précitées concernant « M. [PV] [HR]/ Matricule : [XXXXXXXXXXX02] / Suites de la prise en charge du : 09/05/2013 » (caractères gras des documents), précise qu’en l’espèce « la stricte imputabilité de ces prestations au regard des seules suites de la prise en charge du 09/05/2013, a été établie par le médecin-conseil du Service médical de recours contre le tiers d’Auvergne », ajoutant que « dans cette affaire, la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendant n’entend se placer que sur le strict plan des conséquences financières des suites en cause, en ne demandant que le strict surcoût induit par lesdites suites ».
Ces attestations du médecin-conseil, qui a de par ses fonctions et son statut eu accès aux données personnelles de M. [PV] et a pu examiner son dossier, attestent du caractère certain, direct et exclusif des prestations servies à l’intéressé, en lien avec l’accident médical dont il a été victime le 9 mai 2013. Elles présentent un caractère probant certain et confèrent cette même valeur aux états de créances précités.
Il est ajouté que M. [PV] lui-même admet avoir perçu les sommes au titre desquelles la CPAM exerce aujourd’hui ses recours, et les déduit des décomptes présentés dans le cadre de ses propres demandes.
3. Sur les demandes de remboursement
L’article L376-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l’assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l’assuré ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application des livres Ier, relatif aux généralités, ou III, relatif aux assurances sociales, du code.
L’alinéa 2 énonce que les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l’assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par les livres I et II, sauf recours de leur part contre l’auteur responsable de l’accident dans les conditions ci-après.
L’alinéa 3 ajoute que les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.
La CPAM, venant aux droits du RSI, présente un premier état de ses créances, poste par poste, non daté (sa pièce n°2), puis des états actualisés, datés et signés de son directeur ou de son directeur régional, datés des 29 mai, 26 septembre et 4 octobre 2018, puis des 21 février et 15 mai 2019. Ce dernier état de créance est postérieur à la dernière attestation d’imputabilité du médecin-conseil, du 29 avril 2019.
Le dernier état des créances poste par poste du RSI du 21 février 2019 attesté par le médecin-conseil (le 29 avril 2019) mentionne les dépenses suivantes :
– au titre des dépenses de santé actuelles :
. la somme 31.298,26 euros au titre de frais médicaux et pharmaceutiques du 10 mai 2013 au 14 mars 2017,
. la somme totale de 220.664,35 euros au titre des frais d’hospitalisation entre le 9 mai 2013 et le 2 décembre 2016,
soit la somme totale de 251.962,61 euros,
– au titre des pertes de gains professionnels actuels :
. les sommes de 16.791,64 euros et de 14.660,36 euros (soit la somme totale de 31.452 euros) au titre des indemnités journalières versées,
. la somme de 35.324 euros au titre de la pension d’invalidité (arrérages échus du 1er février 2015 au 31 mars 2017),
soit la somme totale de 66.776 euros,
– au titre de la perte de gains professionnels future et l’incidence professionnelle :
. la somme de 11.574,52 euros au titre des arrérages échus du 1er avril 2017 au 28 février 2018.
M. [PV] reconnaît avoir bénéficié de l’ensemble de ses prestations, dont il tient compte pour chiffrer ses propres demandes indemnitaires.
Le dernier état des créances du RSI du 10 mai 2019, reprend les sommes ainsi présentées le 21 février 2019, y ajoutant les dépenses de santé futures à hauteur de 1.405,66 euros au titre des soins après consolidation et de 6.864,10 euros au titre des prestations continues et viagères (soit la somme totale de 8.269,76 euros). Cet état n’est certes pas attesté par le médecin conseil, mais correspond à des sommes effectivement perçues par M. [PV], qui en a tenu compte pour évaluer ses demandes indemnitaires.
C’est donc à juste titre, au vu de ces éléments, que les premiers juges ont condamné in solidum les Drs [C] et [L] et la clinique [14] à payer à la CLDSSTI aux droits de laquelle vient désormais devant la Cour la CPAM, en remboursement de ses frais et prestations versées à M. [PV], les sommes, avec intérêts à compter du 31 janvier 2018, date de la demande en justice, et anatocisme, de :
– 251.962,61 X 65% = 163.775,69 euros, au titre des dépenses de santé actuelles,
– 8.269,76 X 65% = 5.375,34 euros au titre des dépenses de santé futures,
– 66.776 X 65% = 43.404,40 euros, au titre des pertes de revenus professionnels actuelles,
– 11.574,52 X 65% = 7.523,43 euros au titre des pertes de revenus professionnels futures.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Il est pris acte de ce que la CPAM exerce son recours :
– en ce qui concerne les prestations en nature prises en charge, sur le poste dépenses de santé actuelles (DSA) fixé à la somme de 252.198,91 euros,
– en ce qui concerne les indemnités journalières versées, sur le poste perte de gains professionnels actuels (PGPA) fixé à la somme de 314.887 euros,
– en ce qui concerne les arrérages de la pension d’invalidité attribuée à M. [PV], prioritairement sur le poste perte de gains futures (PGPF) puis si besoin sur les postes incidence professionnelle (IP) et enfin déficit fonctionnel permanent (DFP),
– en ce qui concerne les dépenses de santé futures prises en charge, sur le poste dépenses de santé futures (DSF) fixé à la somme de 23.047,92 euros,
sans qu’il n’y ait lieu à mention de ces points au dispositif du présent arrêt.
4. sur l’indemnité forfaitaire
L’article L376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale prévoit qu’en contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d’assurance maladie à laquelle est affilié l’assuré social victime de l’accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d’un montant maximum de 910 euros et d’un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l’indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée.
L’article 1er de l’arrêté du 15 décembre 2022 du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, du ministre de la santé et de la prévention et du ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, relatif aux montants minimal et maximal de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L376-1 et L454-1 du code de la sécurité sociale pour l’année 2023, énonce que ces montants sont fixés respectivement à 115 euros et 1.162 euros au titre des remboursements effectués au cours de l’année 2023.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné in solidum les médecins et la clinique au paiement d’une indemnité forfaitaire de 1.091 euros et, statuant à nouveau, la Cour les condamnera au paiement d’une indemnité actualisée de 1.162 euros.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sens de l’arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, mis à la charge in solidum des Dr [C] et [L] et de la clinique [14]
Ajoutant au jugement, la Cour condamnera in solidum les mêmes, qui succombent devant elle, aux dépens d’appel avec distraction au profit des conseils de M. [PV] et de la CPAM, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Tenus aux dépens, les Drs [C] et [L] et la clinique [14] seront également condamnés in solidum à payer la somme équitable de 8.000 euros en indemnisation des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur le même fondement et pour les mêmes motifs, les mêmes seront condamnés in solidum à payer à la CPAM la somme équitable de 3.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel.
Par ces motifs,
La Cour,
Dit la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Puy de Dôme recevable en son intervention volontaire, venant aux droits du Régime Social des Indépendants (RSI) puis de la Caisse Locale Déléguée pour la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendant (CLDSSTI),
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– déclaré le Dr [A] [C], le Dr [R] [L] et l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]) responsables d’une perte de chance d’une issue favorable pour M. [NC] [PV] en suite de son hospitalisation du 13 mai 2013 à hauteur de 65% et tenus in solidum à réparation dans cette proportion des dommages subis par le patient,
– débouté M. [NC] [PV] de sa demande d’indemnisation d’un préjudice d’agrément,
– condamné in solidum le Dr [A] [C], le Dr [L] et l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]) à payer à M. [NC] [PV] la somme de 3.900 euros, avec intérêts à compter du jugement et anatocisme, en réparation de son préjudice sexuel,
– condamné in solidum le Dr [A] [C], le Dr [R] [L] et l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]) à paiement au profit de Caisse Locale Déléguée pour la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants (CLDSSTI), aux droits de laquelle vient désormais la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Puy de Dôme,
ainsi qu’en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance,
Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,
Condamne in solidum l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]), le Dr [A] [C] et le Dr [R] [L] à payer à M. [NC] [PV], en indemnisation de ses préjudices en suite de l’accident médical dont il a été victime le 13 mai 2013, les sommes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur des sommes retenues par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus et avec anatocisme, de :
– au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :
. 117,45 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
. 52.357 euros au titre des pertes de gains professionnels,
. 10.787,40 euros au titre de l’aide d’une tierce personne,
– au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
. 9.372 euros au titre des dépenses de santé futures,
. 64.050 euros au titre de l’aide d’une tierce personne,
. 46.150 euros au titre des pertes de gains professionnels,
. 55.175 euros au titre de l’incidence sur les droits à la retraite,
– au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
. 16.670,05 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
. 26.000 euros au titre des souffrances endurées,
– au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents :
. 42.542,50 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
. 8.450 au titre du préjudice esthétique,
Dit que dans leurs recours entre eux, les médecins et la clinique seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilités suivant :
– pour le Dr [A] [C] : 50%,
– pour le Dr [R] [L] : 40%,
– pour l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]) : 10%,
Condamne in solidum le Dr [A] [C], le Dr [R] [L] et l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]) aux dépens d’appel, avec distraction au profit de Me Bertrand Châtelain et Me Sylvain Niel,
Condamne in solidum le Dr [A] [C], le Dr [R] [L] et l’hôpital privé de [Localité 9] (clinique [14]) à payer à M. [NC] [PV] la somme de 8.000 euros et à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Puy de Dôme la somme de 3.000 euros, en indemnisation de leurs frais irrépétibles d’appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,