N° 177
GR
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Copies exécutoires délivrées à :
– Me Abgrall,
– Me De Gary,
– Me Piriou,
le 11.05.2023.
Copies authentiques délivrées à :
– Me Tauniua Céran J,
– Me Canevet,
– M. [V],
– La Paierie,
– Ministère Public,
– Greffier TMC,
le 11.05.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 11 mai 2023
RG 21/00073 ;
Décisions déférées à la Cour : ordonnance n° 14, rg n° 19/196 du conseiller de la mise en état de la Cour d’Appel de Papeete du 22 janvier 2021, ensuite de l’appel de l’ordonnance n° 54 du juge commissaire du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 21 mars 2019 ;
Sur requête après radiation déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 9 mars 2021 ;
Demandeurs :
M. [U] [L], né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 16], de nationalité française, demeurant à [Adresse 7] ;
Représenté par Me Tauniua CERAN-JERUSALEMY, avocat au barreau de Papeete ;
Défendeurs :
M. [C] [S], né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 12], de nationalité française, artisan, demeurant à [Adresse 11] ;
Représenté par Me Patrick ABGRALL, avocat au barreau de Papeete ;
M. [D] [W], né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 14], de nationalité française, demeurant à [Localité 15] Résidence Mitirapa ;
Représenté par Me Florence de GARY, avocat au barreau de Papeete ;
La Sarl Abs Constructions, Marseille ;
Ayant pour avocat la Selarl Tang & Dubau & Canevet, représentée par Me Mikael CANEVET, avocat au barreau de Papeete ;
La Sa Banque de Polynésie, [Adresse 5] ;
La Sa Eurotitrisation (EOS), [Adresse 1] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
M. [M] [V], [Adresse 6] ;
Non comparant, assigné à collaboratrice le 8 juillet 2021 ;
La Sa Banque de Tahiti, [Adresse 10] ;
Non comparante, assignée à agent habilité le 7 juillet 2021 ;
La Paierie de la Polynésie française , sise à [Localité 9] [Adresse 13], représentée par M. Le Payeur de la Polynésie française ;
Non comparante, assignée à agent habilité le 7 juillet 2021 ;
Ordonnance de clôture du 27 janvier 2023 ;
Composition de la Cour :
Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et la cause a été débattue et plaidée en audience non publique du 9 février 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme PINET-URIOT, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Par jugement du 24 juin 2013, le tribunal mixte de commerce de Papeete a ouvert une procédure de redressement judiciaire selon le régime simplifié à l’égard de [U] [L] exerçant l’activité d’hôtellerie sous l’enseigne FENUA MATA I OA. La liquidation judiciaire a été prononcée par arrêt de la cour du 6 février 2014. L’état des créances a été déposé le 13 mars 2015.
Par ordonnance rendue le 21 mars 2019, le juge-commissaire du tribunal mixte de commerce de Papeete a :
Rejeté la demande de déclaration d’incompétence du juge-commissaire ;
Admis la créance de la SARL ABS CONSTRUCTIONS pour 7 667 568 F à titre privilégié ;
Admis la créance de la Banque de Polynésie pour 12 455 021 F à titre privilégié et pour 2 294 853 F à titre chirographaire ;
Condamné [U] [L] à 200 000 F au titre de l’article 407 du code de procédure civile au profit de la banque de Polynésie, et aux entiers dépens ; ces frais irrépétibles étant ajoutés à la créance chirographaire initiale ;
Admis la créance de [C] [S] pour 370 404 F à titre chirographaire ;
Admis la créance de [D] [W] pour 1 184 972 F à titre chirographaire ;
Admis la créance de la Banque de Tahiti, déléguée à CRDC pour 577 166 F à titre chirographaire ;
Admis la créance de la Paierie de la Polynésie française, pour 925 536 F à titre privilégié ;
Rejeté la créance de la SARL FARE VAI MOANA pour 10 114 179 F ;
Arrêté l’état des créances de [U] [L] à la somme totale de 38 900 175 F CFP, soit :
À titre privilégié : 22 827 950 FCFP,
À titre chirographaire : 5 409 431 FCFP,
À tire de rejet : 10 662 794 FCFP,
tel que réparti dans l’état des créances joint.
[U] [L] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 4 juin 2019.
Par arrêt avant dire droit rendu le 19 mars 2020, la cour a :
Enjoint à [U] [L] de produire l’avis de réception de la notification qu’il a reçue de l’ordonnance dont appel ;
Enjoint à M. [M] [V] ès qualités de représentant des créanciers et liquidateur judiciaire de [U] [L] de conclure ;
Dit qu’il sera demandé par le greffe communication de la procédure n° LJ10/545 du juge-commissaire du tribunal mixte de commerce de Papeete relative à la liquidation judiciaire de [U] [L] ;
Ordonné la communication de la procédure au ministère public.
L’affaire a été radiée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 janvier 2021 pour défaut de diligences par l’appelant.
Elle a été rétablie sur conclusions de [U] [L] visées le 9 mars 2021.
Il est demandé :
1° par [U] [L], appelant, dans ses conclusions récapitulatives visées le 10 octobre 2022, de :
Confirmer l’Ordonnance du juge-commissaire N°54 du 21 mars 2019 en ce qu’elle a :
Rejeté la créance de la SARL FARE VAIMOANA pour 10 114 178 F ;
Admis la créance de la Paierie de la Polynésie française pour 925 536 F à titre privilégié ;
Infirmer le jugement critiqué en ses autres dispositions et statuant à nouveau,
Créance ABS :
Fixer la créance de la société ABS à la somme de 6 592 842 XPF ;
Dire et juger que la société ABS a été entièrement payée de cette somme dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la SCI TEMIRA, débiteur solidaire avec M. [U] [L] ;
Dire et juger que par voie de conséquence, la société ABS ne détient plus aucune créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de [U] [L] ;
La débouter de ses autres demandes ;
Créance Banque de Polynésie / Sté EUROTITRISATION :
Dire et juger que la banque est forclose ;
Rejeter la créance de la Banque ;
Admettre la créance chirographaire de la banque pour la somme de 2 094 853 XPF ;
Condamner solidairement la Banque de Polynésie et la société EUROTITRISATION à payer la somme de 300 000 XPF au titre de l’art. 407 du Code de Procédure Civile, au profit de la procédure judiciaire ;
Créance [C] [S] :
Rejeter cette créance ;
Condamner M. [C] [S] à payer la somme de 300 000 XPF au titre de l’art. 407 du Code de Procédure Civile, au profit de la procédure judiciaire ;
Créance [D] [W] :
Constater que [U] [L] a bien payé la somme de 100 000 XPF qu’il convient de déduire de la créance alléguée ;
Fixer la créance à la somme de 1 084 972 XPF;
Créance Banque de Tahiti :
Rejeter cette créance ;
Condamner solidairement la société RDC et la Banque de Tahiti à payer la somme de 300 000 XPF au titre de l’art. 407 du Code de Procédure Civile, au profit de la procédure judiciaire ;
2° par la société ABS CONSTRUCTIONS TAHITI, intimée, dans ses dernières conclusions visées le 2 septembre 2022, de :
Confirmer l’ordonnance de Monsieur le Juge commissaire n°54 en date du 21 mars 2019 ;
Admettre définitivement la créance de la société ABS CONSTRUCTIONS, à titre privilégié, pour un montant de 6 592 842 XPF au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [U] [L] ;
Juger que la société ABS CONSTRUCTIONS dispose d’une créance d’un montant de 3 200 000 XPF régulièrement née postérieurement à la liquidation judiciaire bénéficiant du régime de l’article L 621-32 du code de commerce ;
Débouter M. [L] de l’intégralité de ses fins moyens et prétentions ;
Le condamner à verser à la société ABS CONSTRUCTIONS la somme de 2 000 000 XPF à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamner M. [L] au versement à la société ABS CONSTRUCTIONS de la somme de 350 000 XPF au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens ;
3° par la BANQUE DE POLYNÉSIE et par la société EUROTITRISATION (EOS), intimées, dans leurs dernières conclusions visées le 25 mai 2022, de :
Donner acte à la société EUROTITRISATION de son intervention volontaire ;
Dire et juger que l’appel formé tardivement par M. [U] [L] à l’encontre de l’ordonnance n° 54 du 21 avril 2019 est irrecevable ;
À titre subsidiaire,
Confirmer l’ordonnance n° 5 du 21 avril 2019, en toutes ses dispositions ;
Débouter le liquidateur et M. [U] [L] de l’ensemble de leurs fins moyens et conclusions ;
Condamner le liquidateur à payer à la BANQUE DE POLYNÉSIE la somme de 200.000 FCP au titre des frais irrépétibles par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Le condamner à payer à la société EUROTITRISATION, la somme de 200 000 FCP au titre des frais irrépétibles par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamner le liquidateur aux entiers dépens, dont distraction ;
4° par [D] [W], intimé, dans ses dernières conclusions visées le 24 novembre 2022, de :
Confirmer l’ordonnance entreprise en ce qui concerne l’admission de sa créance ;
Condamner [U] [L] à lui payer la somme de 250 000 F CFP pour frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens ;
5° par [C] [S], intimé, dans ses dernières conclusions visées le 23 novembre 2022, de :
Dire et juger que l’appel formé tardivement par M. [U] [L] à l’encontre de l’ordonnance N° 54 rendue le 21 mars 2019 par Monsieur le Juge commissaire au tribunal mixte de commerce de Papeete est irrecevable ;
À titre subsidiaire, confirmer ladite ordonnance en toutes ses dispositions, à tout le moins pour celles relatives à la créance de M. [C] [S] ;
Débouter le liquidateur et M. [U] [L] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Condamner le liquidateur à payer à M. [C] [S] la somme de 100.000 FCP au titre des dispositions de l’article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française, pour frais irrépétibles en cause d’appel ;
Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
6° par M. [M] [V] ès qualités de liquidateur judiciaire de [U] [L], intimé, dans ses dernières conclusions visées le 22 septembre 2020, de statuer ce que de droit sur les demandes de l’appelant.
La BANQUE DE TAHITI, la PAIERIE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE et la SARL FARE VAI MOANA n’ont pas conclu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Statuant sur des fins de non-recevoir d’irrecevabilité de l’appel présentées avant toute défense au fond, l’arrêt avant dire droit du 19 mars 2020 a retenu que :
Les ordonnances du juge-commissaire sont immédiatement déposées au greffe et notifiées par le greffier aux mandataires de justice, aux parties et le cas échéant aux personnes désignées dans l’ordonnance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elles peuvent faire l’objet d’un recours par simple déclaration au greffe dans les quinze jours, outre les délais de distance, qui suivent le jour de la réception de la notification par les soins du greffier aux personnes désignées à cet effet dans l’ordonnance. Le recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur la réclamation est porté devant la cour d’appel.
[U] [L] produit la copie de son avis de notification de l’ordonnance du juge-commissaire du 21 mars 2019, daté du 22 mars 2019, et la copie d’une enveloppe d’envoi en recommandé à l’en-tête du tribunal mixte de commerce de Papeete sur laquelle figure un cachet postal à la date du 22 mai 2019. Il déclare, sans en justifier, qu’il a réceptionné la notification le 29 mai 2019. Afin de statuer sur la fin de non-recevoir présentée par la Banque de Polynésie et la société Eurotitrisation, il y a lieu d’enjoindre à [U] [L] de produire l’avis de réception de la notification qu’il a reçue de l’ordonnance déférée.
Il résulte de la procédure de première instance que le greffier du juge-commissaire a notifié le 25 mars 2019 aux parties l’ordonnance rendue le 21 mars 2019 (mention portée sur la minute).
[U] [L] produit en outre la copie de l’émargement d’un avis de présentation du 27 mai 2019 au bureau de poste de Papeotai ayant pour objet une référence 01 RA 2081 0728 6PF PF CCP.
La BANQUE DE POLYNÉSIE et la société EOS concluent que :
-L’article 8 de la Délibération n° 2006-31 APF du 05 mai 2006, prévoit que le recours contre l’ordonnance rendue par le Juge Commissaire est porté par requête devant la Cour d’appel, dans les 15 jours , soit de ce dépôt, soit de la notification. En l’espèce l’ordonnance n° 54 du 21 mars 2019 a été notifiée à Monsieur [L] par courrier du greffe daté du 22 mars 2019. (cf. PJ adverse n°l).
-Monsieur [L] conteste de telles circonstances et se prévaut, à l’appui de ses dernières écritures, pour tenter, mais en vain, de justifier de la recevabilité de son appel, du récépissé d’un pli judiciaire qui établirait qu’un courrier a été retiré par l’appelant en date du 28 mai 2019 à [Localité 8]. On ignore toutefois quel était le contenu de ce pli, retiré par Monsieur [L] en date du 28 mai 2019.
-La chronologie des événements soulève de vives interrogations. Il est en effet très peu probable que le courrier de notification du greffe, daté du 22 mars 2019, n’ait été posté que deux mois plus tard, le 22 mai 2019 et retiré par le destinataire le 28 mai 2019. Il est également surprenant que la requête d’appel de Monsieur [L] ait été enregistrée au greffe le 03 juin 2019, soit quelques jours seulement après qu’il ait pris connaissance, à [Localité 8], de l’ordonnance querellée. Il existe en conséquence, en l’état de ces éléments de sérieux doute sur la portée du récépissé versé par l’appelant dont on ignore à quoi il correspond exactement.
-Il convient de considérer, dans ces conditions que M. [L] ne rapporte pas, de façon certaine, la preuve, qui lui incombe, de la recevabilité de son appel. Il s’en infère que l’appel imaginé par M. [L] est intervenu tardivement et qu’il est de ce chef irrecevable.
[C] [S] conclut que :
-Il n’est pas plus justifié aujourd’hui par M. [L] de la recevabilité de son appel, le conseil de la banque de Polynésie démontrant d’ailleurs, à travers le rappel de la chronologie des événements, que M. [L] ne rapporte toujours pas, de façon certaine, la preuve qui lui incombe, de la recevabilité de son appel.
-Il s’ensuit que l’appel de M. [L] à l’encontre de l’ordonnance déférée est en l’état irrecevable.
Sur quoi :
Seul l’envoi par le greffier du juge-commissaire de la notification aux parties de l’ordonnance entreprise a date certaine, au 25 mars 2019.
Il n’est en rien justifié que le délai de première présentation de cette lettre recommandée ait été, tout à fait anormalement, supérieur à deux mois comme le soutient l’appelant. Et l’avis d’émargement qu’il produit pour en justifier ne permet pas d’identifier l’objet du pli concerné.
Dans ces conditions, l’appel sera jugé irrecevable comme étant tardif.
Il sera fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de la société ABS CONSTRUCTION, de la BANQUE DE POLYNÉSIE et de la société EOS, de [D] [W] et de [C] [S]. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, non publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Déclare l’appel irrecevable ;
Condamne [U] [L] à payer à la société ABS CONSTRUCTION, à la BANQUE DE POLYNÉSIE conjointement avec la société EOS, à [D] [W] et à [C] [S] la somme de 100 000 F CFP chacun en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Met à la charge de [U] [L] les dépens d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 11 mai 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL