Droits des Artisans : 10 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/11420

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Droits des Artisans : 10 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/11420

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° 2022/410

N° RG 21/11420

N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4I5

GROUPAMA D’OC

C/

[F] [O] [Z]

Société CPAM DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES

-SCP DESOMBRE M & J

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 22 Juin 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/05603.

APPELANTE

GROUPAMA D’OC

Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles D’OC, immatriculée au R.C.S. de TOULOUSE sous le numéro 391 851 557, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis,

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par

Me Emmanuel GIL, avocat au barreau d’ALBI substitué par Me Caroline GENEST de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau d’ALBI, plaidant.

INTIMES

Monsieur [F] [O] [Z]

né le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Marie-Claire ROCA, avocat au barreau de GRASSE, plaidant.

La CPAM DU VAR

Venant aux droits de la CPAM DE [Localité 9],

Signification de la DA en date du 23/09/2021 à personne habilitée. Assignation portant signification des conclusions en date du 02/11/2021 à personne habilitée. Assignation portant signification en date du 02/11/2021 à personne habilitée. Signification conclusiosn le 20/06/2022, à personne habilitée,

demeurant [Adresse 5]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 27 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

M. [F] [O] [Z] explique que le 22 août 1997, au Maroc, il avait deux ans et demi et se trouvait avec sa mère Mme [K] [D], passagers d’un véhicule conduit par son père M. [X] [O] [Z], lorsqu’ils ont été victimes d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Groupama d’Oc, (Groupama) qui est venu les heurter frontalement. Il a été éjecté du véhicule, et a présenté un choc dorsal et au niveau du visage avec perte de dents. Ces parents sont décédés dans les suites de l’accident.

Par courrier du 11 mai 2014, M. [O] [Z] a sollicité la société Groupama qui lui a proposé le 20 juin 2014 le versement d’une somme de 30’000€ en réparation de son préjudice moral.

Il a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse qui, par ordonnance du 21 janvier 2015 a désigné un expert pour évaluer les conséquences médico- légales de l’accident en condamnant Groupama à lui verser une indemnité de 40’000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel.

Le docteur [B] [R], pédiatre a été désignée le 24 août 2015 en qualité d’expert. Elle a déposé son rapport le 3 mars 2016 après avoir recueilli l’avis d’un sapiteur psychiatre en la personne du professeur [A].

Par actes du 21 juin 2017, M. [O] [Z], agissant en son nom personnel et en sa qualité d’ayant droit de ses père et mère, a fait assigner Groupama devant le tribunal de grande instance de Grasse, et sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et de l’article 1384 alinéa 5 du code civil, pour la voir condamner à l’indemniser de ses préjudices directs et indirects et des préjudices de ses parents, et ce, en présence de la CPAM et de l’assurance vieillesse des artisans.

Groupama a formulé des propositions d’indemnisation au titre des souffrances endurées, du préjudice d’affection, et de la prise en charge de cours d’alphabétisation et de mise à niveau en français et en mathématiques à hauteur de 50 %.

Par jugement du 22 juin 2021, assorti de l’exécution provisoire à hauteur de 354.389,35€, cette juridiction a :

– dit que M. [O] [Z] a bénéficié en sa qualité de victime directe et en sa qualité de victime indirecte du fait du décès de ses parents, d’un droit à réparation intégrale du préjudice subi à la suite de l’accident survenu le 22 août 1997 au Maroc, impliquant un véhicule assuré auprès de Groupama ;

– déclaré le jugement commun à la CPAM du Var ;

– débouté M. [O] [Z] de ses demandes au titre du préjudice esthétique temporaire et du préjudice d’établissement ;

– débouté M. [O] [Z] de sa demande formulée en sa qualité d’ayant droit de ses parents [X] [O] [Z] et [K] [D] en réparation de leur préjudice ;

– condamné Groupama à verser à M. [O] [Z] au titre de son préjudice corporel personnel la somme de 654’389,35€, avant déduction de la provision allouée d’un montant de 40’000€ soit une somme de 614’389,35€ restant due, augmentée du double du taux légal à compter du 11 août 2014 et jusqu’au jugement devenu définitif ;

– condamné Groupama à payer à M. [O] [Z] la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.

Après avoir constaté que Groupama ne conteste pas le droit à indemnisation intégrale de M. [O] [Z] en sa qualité de victime directe et en sa qualité de victime indirecte du fait du décès de ses parents, et que l’expert ne s’est pas prononcé sur la fixation de la date de la consolidation, ni n’a suivi la nomenclature Dintilhac, le tribunal a retenu la date de la majorité de la victime soit le 21 décembre 2012, comme date de la consolidation, puis il a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

– dépenses de santé actuelles : néant la CPAM ayant indiqué n’avoir exposé aucun débours,

– préjudice scolaire, universitaire et de formation : imputabilité totale du préjudice scolaire à l’accident dont il a été victime, consistant en une perte de chance évaluée à 45 % correspondant la proportion de jeunes poursuivant des études supérieures après le baccalauréat : 103’200€

– préjudice professionnel : 300’000€ correspondant à une dévalorisation sur le marché du travail du fait de ses difficultés de langue et de son absence de formation de base, et une perte de chance d’accéder au statut professionnel qu’il aurait pu avoir s’il avait été élevé en France par ses deux parents, montant évalué sur un revenu de référence annuelle de 20.940€ et une perte de chance de 50 %, outre une incidence sur ses droits futurs à la retraite,

– souffrances endurées 4,5/7 : 25’000€

– préjudice esthétique temporaire : rejet celui-ci n’étant pas caractérisé

– déficit fonctionnel permanent retenu à hauteur de 8 % au titre d’un syndrome anxieux réactionnel dépassant largement le sentiment de tristesse normale inhérent au deuil : 18’000€

– préjudice esthétique permanent 0,5/7 : 1000€

– préjudice d’établissement : rejet, les troubles qu’il présente ne l’empêchant pas de fonder une famille.

Le tribunal a indemnisé le préjudice économique de M. [O] [Z] à hauteur de 147’189,35€ en retenant un revenu global du ménage de 41’890€, son père étant déclaré en qualité d’entrepreneur individuel et employant sa femme en qualité de secrétaire, en retenant une part d’autoconsommation des deux parents fixée de façon cumulative à 35 % des revenus soit une perte du foyer de 27’222€ et en fonction d’une part de consommation de l’enfant à hauteur de 25 % soit une somme de 6805,50€ en fonction d’un euro de rente temporaire pour un enfant de deux ans jusqu’à 25 ans.

Le préjudice d’affection au titre de la perte de ses deux parents a été fixé à 60’000€.

Le tribunal a considéré que si M. [O] [Z] est fondée à exercer une action en indemnisation des préjudices subis par ses parents en sa qualité d’ayant droit, il n’est pas établi qu’ils ont pu avoir conscience de leur mort imminente, lui-même indiquant que sa mère est décédée immédiatement et que rien ne permet d’affirmer que son père est resté conscient à la suite de l’accident.

Il a considéré que l’offre d’indemnisation correspondant à 30’000€ venant réparer le préjudice moral subi par M. [O] [Z] à l’occasion de la mort de ses parents était manifestement insuffisante, et l’assureur a été condamné au doublement de l’intérêt au taux légal.

Par acte du 27 juillet 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la société Groupama d’Oc a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– condamné Groupama à verser à M. [O] [Z] au titre de son préjudice corporel personnel la somme de 654’389,35€, avant déduction de la provision allouée d’un montant de 40’000€ soit une somme de 614’389,35€ restant due, augmentée du double du taux légal à compter du 11 août 2014 et jusqu’au jugement devenu définitif ;

– condamné Groupama à payer à M. [O] [Z] la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2022.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses conclusions du 9 juin 2022, la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc demande à la cour de :

‘ réformer partiellement le jugement ;

‘ entériner les conclusions du rapport d’expertise judiciaire du docteur [R], psychiatre, du 3 mars 2016, et de l’avis sapiteur du professeur [A], psychiatre, du 10 décembre 2015 ;

‘ prendre acte qu’elle accepte d’indemniser le préjudice de M. [O] [Z] de la façon suivante :

– souffrances endurées : 20’000€

– préjudice d’affection : 50’000€

– préjudice professionnel : prise en charge des cours d’alphabétisation, d’apprentissage du français et de mise à niveau en mathématiques à hauteur de 50 % sur présentation des justificatifs ;

‘ déclarer cette offre satisfactoire ;

‘ débouter M. [O] [Z] du surplus de l’ensemble de ses demandes ;

‘ juger qu’il y aura lieu de déduire la provision d’ores et déjà versées à hauteur de 40’000€ en exécution de l’ordonnance de référé, outre la somme complémentaire de 354.389,35€ réglée au titre de l’exécution provisoire dont la décision de première instance et assortie ;

‘ débouter en conséquence M. [O] [Z] de ses demandes dirigées à son encontre au titre des postes de préjudice esthétique temporaire, perte de revenus du fait de la disparition de ses deux parents, préjudice scolaire, universitaire et de formation, préjudice professionnel, déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique définitive, préjudice d’établissement et de ses demandes en indemnisation en qualité d’ayant droit de ses parents, outre de sa demande tendant au doublement des intérêts légaux à compter du 20 juin 2014 ;

‘ statuer ce que de droit sur les dépens ;

‘ condamner M. [O] [Z] à lui régler la somme de 2500€ par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Après avoir indiqué qu’elle a indemnisé la demi-s’ur de M. [O] [Z] à hauteur de 12’195€ au titre de la perte de son père, elle reproche au premier juge d’avoir :

– ajouté et/ou retranché à l’avis des experts judiciaires dont les rapports n’ont fait l’objet d’aucune critique ni d’aucun dire,

– procédé à une estimation de certains postes de préjudice en croyant pallier la défaillance de la charge de la preuve qui pourtant incombe à la victime,

– dénaturé certains documents soumis à son appréciation.

Sur l’indemnisation des préjudices personnels de la victime directe elle fait valoir que :

– les souffrances endurées évaluées à 4,5/7 moyennant l’allocation d’une somme de 20’000€ recouvrant les souffrances liées au décès des parents, à la souffrance psychologique, à la perte de ses dents, et aux souffrances physiques, est satisfactoire,

– le préjudice esthétique temporaire sera rejeté. En effet M. [O] [Z] prétend avoir perdu toutes ses dents alors qu’il n’était âgé que de deux ans et qu’en toute hypothèse, il s’agissait alors de dents de lait. Sans minorer son préjudice, sa réalité n’est pas rapportée,

– le préjudice scolaire, universitaire ou de formation sera rejeté. En effet il ne verse aucune pièce justifiant de la décision judiciaire marocaine qui aurait désigné d’office sa grand-mère paternelle comme tutrice, pas plus celle d’un placement judiciaire, d’une vie en Égypte, le certificat de scolarité égyptien, de contrat de travail, de bulletins de paie, ou encore de l’absence de scolarité en Égypte, et enfin il ne prouve pas sa date réelle de retour en France et encore moins les circonstances de ce retour. À supposer vrais les mauvais traitements dont il a été victime, elle considère qu’elle n’a pas à supporter les défaillances des autorités judiciaires, ou encore parentales. Au surplus il existe un aléa quant à la scolarité qu’il aurait pu suivre y compris s’il l’avait effectuée en France. Au mieux s’agirait-il d’une perte de chance de suivre une scolarité classique en France. En tout état de cause il lui appartiendra avant toute chose de justifier de l’ensemble des événements ou circonstances qu’il met en avant,

– le préjudice professionnel sera indemnisé au titre de la prise en charge de cours d’alphabétisation, d’apprentissage du français de mise à niveau en mathématiques et à hauteur de 50 % sur présentation des justificatifs. En effet cette indemnisation ne peut découler, comme le premier juge l’a retenu en raison de la barrière de la langue, de l’illettrisme, et de l’absence de diplôme de la victime. Il est impossible de savoir quel aurait été son parcours s’il avait fait sa scolarité en France et l’emploi qu’il aurait pu exercer et alors que rien ne vient démontrer l’exactitude de la version des faits qu’il présente. À ce jour, alors qu’il est âgé de 28 ans, qu’il vit en France depuis 2014, soit donc depuis huit ans, on ignore totalement la réalité de sa situation personnelle et professionnelle,

– le déficit fonctionnel permanent a été expressément exclu par l’expert psychiatre et par l’expert pédiatre et M. [O] [Z] est totalement défaillant dans la preuve qui lui incombe d’établir la réalité du déficit qu’il présente,

– le préjudice esthétique permanent fera l’objet d’un rejet, la preuve de la cicatrice qu’il déclare être en lien avec l’accident n’étant pas rapportée aux débats,

– le préjudice d’établissement n’est pas constitué, le rapport du sapiteur ayant conclu à l’absence d’un tel préjudice en considérant que M. [O] [Z] est capable de fonder une famille, ce qui est parfaitement compatible à l’âge qu’il a à ce jour,

– le préjudice d’affection sera équitablement indemnisé à hauteur de 50’000€ au titre de la perte de ses deux parents.

Sur le préjudice économique, c’est sans aucune preuve à l’appui que M. [O] [Z] prétend que son père avait un revenu annuel de 60’000€ minimum et que sa mère gagnait 80’000€ en tant que responsable d’un restaurant puisque aucune pièce ne vient corroborer ces montants. Ce poste de préjudice ne peut être évalué in abstracto. Par ailleurs il ne peut affirmer que la part d’autoconsommation de ses parents serait de 30 % pour en déduire que la sienne s’élèverait à 70 %. L’euro de rente est limité habituellement à 18 ans, voire 21 ans mais certainement pas à 25 ans. Les éléments qu’il verse aux débats, et alors qu’il à la charge de la preuve, ne permettent pas de dire qu’il a subi un préjudice économique.

M. [O] [Z] sollicite l’indemnisation des préjudices directs de ses parents correspondant à des souffrances qu’ils auraient endurées. Or M. [O] [Z] dit lui-même que sa mère est décédée immédiatement et il n’y a aucune certitude quant aux circonstances du décès de son père dans les minutes qui ont suivi.

C’est à tort que le premier juge l’a sanctionné du doublement de l’intérêt au taux légal, puisqu’elle a fait une proposition d’indemnisation dans un délai d’un mois. L’offre de paiement de la somme de 30’000€ n’est pas manifestement insuffisante. Les circonstances particulières du litige ne la mettaient pas en capacité de soumettre une offre différente.

Dans ses conclusions du 25 janvier 2022, d’intimé et en appel incident M. [F] [O] [Z], tant en son nom personnel quand sa qualité d’ayant droits de ses parents M. [X] [O] [Z] né le [Date naissance 6] 1957 au Caire et de Mme [K] [D] né en 1964 au Maroc, tous les deux décédés le [Date décès 4] 1997, demande à la cour de :

‘ statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel de la société Groupama et le dire mal fondé ;

‘ le recevoir en son appel incident et le dire bien fondé ;

‘ réformer en conséquence le jugement qui l’a débouté de ses demandes au titre :

– de son préjudice corporel personnel sur les postes de préjudice esthétique temporaire et préjudice d’établissement ;

– du préjudice personnel de ses parents ;

– et qui a sous-évalué les postes de préjudice scolaire, universitaire ou de formation, souffrances endurées, déficit fonctionnel permanent, et préjudice économique ;

‘ condamner Groupama à lui payer en sa qualité d’ayant droit de ses parents la somme de 180’000€ ;

‘ la condamner à lui verser la somme de 2’759’500€ correspondant aux postes suivants :

– préjudice scolaire universitaire et de formation : 135’000€

– préjudice professionnel : 300’000€

– souffrances endurées : 50’000€

– préjudice esthétique temporaire : 5000€

– déficit fonctionnel permanent : 22’500€

– préjudice esthétique permanent : 1000€

– préjudice d’établissement : 30’000€

– préjudice économique en lien avec la disparition de ses deux parents : 2’156’000€

– préjudice d’affection : 60’000€ ;

‘ faire application de la sanction du doublement des intérêts légaux à compter du 20 juin 2014 ;

‘ condamner Groupama à lui verser la somme de 8000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, comprenant les frais d’expertise judiciaire.

Il réclame l’indemnisation d’un préjudice scolaie, universitaire ou de formation à hauteur de 135’000€ correspondant à des pertes d’années d’études à l’école, au collège, au lycée, et à l’université. Il explique que lorsqu’il était enfant il vivait à [Localité 8]. Il aurait dû intégrer une école parisienne et suivre un cursus scolaire obligatoire selon la législation française. Son niveau d’intelligence a été considéré comme normal par les experts et il paraît légitime de l’indemniser à hauteur d’études secondaires de qualité. Ses parents étaient parfaitement intégrés en France et leur volonté était que leur fils travaille dans une branche rémunératrice. Mais en vertu du code de la famille marocain, alors que sa grand-mère et son oncle vivaient en Égypte il n’a pas pu suivre des études en France. Il ressort du rapport d’expertise et notamment de l’avis d’une traductrice que s’il parle aisément l’arable courant avec un vocabulaire précis, il n’est pas en capacité de créer un texte en arabe et il n’effectue de tête que des additions et soustractions à deux chiffres. L’expert a considéré qu’il avait un niveau scolaire équivalent à une fin de cours préparatoire en France. Il a une capacité de raisonnement qui démontre un potentiel cognitif dans la norme, et c’est donc à juste titre que le premier juge a considéré caractérisée l’imputabilité totale de son préjudice scolaire à l’accident si bien que ce poste ne peut être évalué en terme de perte de chance.

Le préjudice professionnel est établi et il est la conséquence du fait qu’il aurait pu prétendre à une scolarité normale en France dans un contexte de sécurité affective procurée par la présence de ses deux parents avec le niveau de revenu moyen français. Ce poste doit tenir compte des années professionnelles qui lui restent à accomplir jusqu’à la retraite et de l’incidence sur ses droits futurs à la retraite. Le rapport d’expertise confirme la nécessité pour lui de suivre un enseignement et des cours de langue. Il conviendra donc de couvrir l’ensemble de ses frais de formation à hauteur de 300’000€.

Les souffrances endurées seront sensiblement réévaluées, l’expert psychiatre ayant retrouvé une intense souffrance morale d’ordre existentiel, liée au sentiment d’abandon, à l’absence vécue de ses parents, avec des troubles anxieux paroxystiques.

Le préjudice esthétique temporaire est constitué par la présence d’une cicatrice d’1,5cm sur le haut de la fesse gauche.

Le déficit fonctionnel permanent est établi puisqu’il résulte de l’avis du sapiteur psychiatrique qu’il souffre d’un état dépressif en lien avec un trouble anxieux important et sévère directement et exclusivement en relation avec les faits traumatiques. C’est donc à tort que l’expert n’a pas retenu de déficit fonctionnel permanent sur le plan psychiatrique. L’analyse de ces séquelles permet d’évaluer ce poste à hauteur de 10 %.

Son préjudice esthétique permanent et réel.

Il demande l’indemnisation d’un préjudice d’établissement, puisque la vie qu’il mène actuellement, marquée par son état dépressif, ne rend pas les rencontres aisées. D’autre part, il a peur de fonder une famille, de perdre un être cher ou de devoir infliger à sa progéniture la souffrance de perdre un parent.

Il sollicite l’indemnisation de son préjudice économique en expliquant démontrer le niveau de vie de ses parents qui habitaient des appartements luxueux dans les 11ème et 19ème arrondissements de [Localité 8]. Il justifie de leur situation économique confortable. Son père était gérant d’une société spécialisée dans le bâtiment. Sa mère était salariée de l’entreprise de son époux, mais également gérante d’un restaurant acheté pour la somme de 480’000 Francs en août 1993. Il convient donc de retenir un revenu familial annuel de 140’000€ et sa perte s’établit à 98’000€ par an soit une somme de 2’156’000€ devant lui revenir.

Son préjudice d’affection sera indemnisé à hauteur de 60’000€ pour la perte de ses deux parents.

Il demande l’indemnisation des souffrances endurées par chacun de ses parents qu’il chiffre à 100’000€.

Groupama sera condamnée au doublement du taux d’intérêt légal, la seule offre d’indemnisation consistant en une proposition de versement de la somme de 30’000€.

La CPAM du Var, assignée par Groupama, par acte d’huissier du 23 septembre 2021, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l’appel n’a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d’appel le 8 novembre 2021 elle a indiqué ne pas avoir de prestations à faire valoir compte tenu de l’ancienneté des faits.

L’arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur le préjudice corporel

Le rapport d’expertise se présente sous une forme inhabituelle puisque l’expert n’a pas suivi la nomenclature en vigueur et qu’elle ne s’est pas prononcée sur l’ensemble des postes.

Les opérations d’expertise ont eu lieu le 17 novembre 2015. Dans son rapport déposé le 3 mars 2016, l’expert médecin pédiatre, le docteur [B] [R], a relaté l’histoire de [F] [O] [Z] telle qu’elle lui a été livrée par la victime et par la tante maternelle présent lors de l’expertise. L’enfant aurait subi un choc frontal lors de l’accident ayant entraîné la perte de dents, mais sans hospitalisation. Confié dans un premier temps à sa grand-mère paternelle pendant deux ans, il a été hébergé à la suite de son décès par un oncle en Égypte où il raconte avoir subi des violences intra familiales avec l’obligation de travailler à l’âge de 12 ans. En 2014 alors qu’il était âgé de 19 ans il a rejoint sa famille maternelle en France et vit actuellement chez sa tante maternelle en se plaignant de difficultés d’insertion en France.

M. [O] [Z] parlant mal le français, une interprète sapiteur a traduit toutes les questions et réponses.

Le professeur [A], sapiteur psychiatre, a considéré que M. [O] [Z] présente un état dépressif en lien avec un trouble anxieux important et sévère nécessitant un traitement médicamenteux, et directement et exclusivement en relation avec les faits. L’expert a indiqué ne pas retrouver d’état de stress post-traumatique ni de trouble mental avéré ni de trouble phobique et sur le plan physique il ne présente pas de séquelles en dehors d’une cicatrice au bas du dos.

L’expert judiciaire, qui a omis de fixer la date de la consolidation, n’a pas retenu de déficit fonctionnel permanent tant sur le plan psychiatrique que moteur tout en soulignant que les troubles psychologiques qu’il présente entravent de façon importante et sévère sa vie quotidienne.

Elle a conclu à :

– des souffrances endurées de 4,5/7

– un préjudice esthétique permanent.

Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime, née le [Date naissance 2] 1994, âgé de deux ans et huit mois lors de l’accident, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L’expert n’ayant pas fixé la date de la consolidation, il convient de confirmer la décision du premier juge qui l’a retenue à compter de l’accession de M. [O] [Z] né le [Date naissance 2] 1994 à sa majorité, soit ses 18 ans, le 21 décembre 2012.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

– Le préjudice scolaire universitaire de formation 100.000€

Ce poste à caractère patrimonial a pour objet de réparer la perte d’année que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe et intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation mais aussi une possible modification d’orientation voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail. Il doit être intégré dans les postes de préjudices temporaires puisqu’il a été subi pour la période antérieure à la consolidation.

Grandir, et être scolarisé dans un pays de langue arabe, lorsque l’on est soi-même d’origine arabe, marocaine et égyptienne ne peut constituer un préjudice et n’est pas dommageable en soi.

Il convient cependant de s’attacher à la situation spécifique de M. [O] [Z], qui est né à [Localité 8] et dont les deux parents d’origine marocaine et égyptienne vivaient en France et à [Localité 8]. Il ne paraît pas sérieusement discutable que sans la survenue de l’accident, il aurait entamé sa scolarité à [Localité 8] ou en France, et il en aurait bénéficié jusqu’au moins l’âge de ses 16 ans.

L’expert médical a pris la peine de faire appel à un sapiteur interprète qui au-delà de la traduction des propos a indiqué que M. [O] [Z] a un vocabulaire précis en langage courant mais il ne lit pas l’arabe avec facilité, et ne sait pas écrire des mots usuels sous la dictée, il peut copier un texte mais ne sait pas le créer. Il sait faire des additions et soustractions à deux chiffres mais pas les opérations plus complexes. Elle a ajouté que son niveau correspond à celui d’un enfant de CP (cours préparatoire).

On peut raisonnablement retenir que sans l’accident et alors que ses capacités cognitives et à raisonner ont été décrites par le sapiteur psychiatre comme se situant dans la norme, il aurait bénéficié d’une scolarité plus riche et plus constructive sur le plan de l’acquisition des savoirs et connaissances de base, et aurait à l’évidence dépassé le stade de ceux acquis en CP pour atteindre des études secondaires dans une voie dite ‘générale’ ou professionnelle.

Il convient donc d’indemniser une perte réelle et totale de parvenir au niveau de la dernière année du secondaire outre un préjudice de formation.

En revanche, le préjudice universitaire ne peut être analysé qu’en une perte de chance qui consiste en la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

La combinaison de ces deux données conduit à indemniser M. [O] [Z] en lui allouant une somme de 100.000€ au titre de ce poste.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

– Incidence professionnelle 80.000€

La demande formulée par M. [O] [Z] à hauteur de 300.000€ sans présentation d’un calcul sur la base d’un revenu de référence permet de retenir qu’elle est formée au titre de l’incidence professionnelle, telle que prévue par la nomenclature en vigueur.

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

Cette indemnisation est ouverte dès lors qu’il existe une relation de causalité directe et certaine avec l’événement traumatique qu’est l’accident dont M. [O] [Z] a été victime.

Selon ses écritures, il est arrivé en France en mars 2014, comme le dit sa tante, Mme [W] [D] dans son attestation du 2 décembre 2014, et à l’âge de 19 ans avec un très faible bagage scolaire et un niveau tout aussi faible de pratique de la langue française, ce que confirme le déroulé de l’expertise dont la réunion s’est tenue en novembre 2015, soit un peu plus d’une année après cette arrivée. Il est admis qu’il s’est donc trouvé dans une situation difficile pour accéder au marché de l’emploi.

Néanmoins, son illettrisme et son très faible niveau scolaire, constatés en novembre 2015, n’étaient pas figés et il n’a jamais été dit qu’ils auraient constitué un handicap définitif et irréversible, ce d’autant que les experts ont retenu qu’il présente des capacités de raisonnement et des facultés cognitives dans la norme et surtout il ne conserve de l’accident aucun handicap physiologique ou psycho-moteur. M. [O] [Z] a donc nécessairement acquis, avec sa tante maternelle qui vit en France depuis de nombreuses années et au contact de son environnement une pratique de la langue française et il conserve une aptitude encore très large à l’exercice d’une activité professionnelle, ne serait-ce que manuelle, alors qu’il ne fournit en l’espèce aucun document attestant de cette vie professionnelle et notamment aucune de ses déclarations d’imposition, préalable indispensable à l’établissement de ses avis d’imposition qu’il ne communique pas plus.

Ces données conduisent à circonscrire le périmètre de l’indemnisation et à admettre que sa fragilité psychologique et son faible bagage scolaire lui ont fait perdre une chance professionnelle sans toutefois totalement l’obérer, et le dévalorisent partiellement sur le marché du travail, ce qui justifie l’allocation d’une somme de 80.000€, ce montant prenant en considération les séquelles qu’il conserve, décrites par le psychiatre, et son très jeune âge à la consolidation.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

– Souffrances endurées 25.000€

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme lié à l’accident et à la perte de ses deux parents ; évalué à 4,5 /7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 25.000€.

– Préjudice esthétique temporaire 2000€

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique. L’expert n’a pas qualifié ce poste, ni ne l’a retenu mais elle a signalé, en relation avec l’accident, la présence d’une cicatrice hypertrophique et hyperchrome de 1,5cm en bas du dos. Il n’y a pas d’autres éléments cicatriciels ou esthétiques au niveau dentaire, décrits. Le préjudice esthétique temporaire, même s’il est minime dans sa description médico-légale, est donc établi et sur une période écoulée du 22 août 1997 au 21 décembre 2012, durée très longue qui justifie une indemnisation de 2000€.

permanents (après consolidation)

– Déficit fonctionnel permanent 20.000€

L’expert principal n’a pas retenu de déficit fonctionnel permanent.

Pourtant s’il a affirmé que M. [O] [Z] ne présente pas de trouble mental avéré ni trouble phobique, le professeur [A], sapiteur psychiatre a expliqué dans ses conclusions avoir retrouvé des éléments dépressifs multiples, témoignant d’une douleur morale, en relation directe et certaine avec les faits traumatiques accidentels, chez un sujet qui ne présentait auparavant aucun état antérieur. Il a précisé avoir retrouvé une intense douleur morale d’ordre existentiel, liée au sentiment d’abandon, à l’absence de ses parents, ainsi que des troubles anxieux paroxystiques intermittents d’ordre post-émotionnel, et de reviviscences de la perte de ses parents, notamment lors de fêtes familiales. Il a considéré que cet état nécessite un suivi psychologique avec psychothérapie au rythme d’une séance par semaine pendant deux ans, et que le trouble anxieux qu’il a qualifié d’important et sévère, justifie un traitement allopathique de type sérotoninergique. Il a conclu en disant qu’il n’y a pas de déficit fonctionnel permanent sur un plan psychiatrique et que l’ensemble des troubles doivent être intégrés dans les souffrances endurées.

Toutefois cette approche ‘médicale’ n’est pas conforme à l’approche juridique puisque le sapiteur psychiatre a admis, lors de son examen du 17 novembre 2015 la persistance des ‘souffrances endurées’ dans le temps et donc au-delà de la consolidation qui elle, est admise judiciairement, à compter du 21 décembre 2012. Ces souffrances endurées persistantes entrent donc dans le champ d’appréciation du poste de déficit fonctionnel permanent qui vise à indemniser, la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique, non présente en l’espèce mais à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales, éléments intégrant des troubles anxieux et sévères, constatés, décrits et analysés par le sapiteur.

Le déficit fonctionnel permanent est donc caractérisé, et c’est de façon juste et raisonnable que le premier juge en a fixé le taux à 8%, et que la cour confirme.

Il justifie une indemnité de 20.000€ pour un jeune homme âgé de 18 ans à la consolidation.

– Préjudice esthétique 1000€

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique.

La cour évalue ce poste permanent à 0,5/7 au titre de la cicatrice en bas du dos et il doit être indemnisé à hauteur de 1000€.

– Le préjudice d’établissement Rejet

Le préjudice d’établissement consiste en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. Le préjudice d’établissement recouvre en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale.

Si M. [O] [Z] présente des séquelles psychologiques qui affectent ses inter-relations, elles ne sont pas suffisamment graves pour obérer ses chances de fonder un foyer, de sorte que sa demande est rejetée.

Le préjudice corporel global subi par M. [O] [Z] s’établit ainsi à la somme de 228.000€ lui revenant qui, en application de l’article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt soit le 10 novembre 2022.

Le préjudice économique

La demande de M. [O] [Z] est fragilisée par l’absence d’éléments venant établir la réalité d’un préjudice économique puisque aucun élément ne permet de retenir que ses parents exerçaient une activité professionnelle au moment de leur décès.

Devant l’expert médical M. [O] [Z] a déclaré que son père était artisan dans la maçonnerie, et que sa mère tenait un fonds de commerce qui était sa propriété à [Localité 8]. Il ressort en effet de l’acte de naissance de M. [O] [Z] dressé le 21 décembre 1994 que son père a indiqué, ce jour là, qu’il était artisan et que Mme [D], la mère de l’enfant, était serveuse.

M. [L] [O] [Z], cousin germain de M. [O] [Z], de quatre ans son aîné, a déclaré dans son attestation du 11 février 2022 qu’il avait le souvenir de son oncle, comme un homme très généreux et qu’au moment de la naissance de M. [F] [O] [Z], donc en décembre 1994, il tenait un restaurant de spécialités italiennes, avait une société de BTP (bâtiment et travaux publics) et réalisait des chantiers de rénovation de certains magasins de ‘Disney village’, ce qui, enfant, l’avait marqué.

Pour justifier de l’activité de son père, M. [O] [Z] a versé une demande d’adhésion à un organisme de retraite qu’il a signée le 2 octobre 1993, dans laquelle il indiquait alors être artisan dans le bâtiment. Il a aussi produit un extrait du registre des sociétés qui laisse apparaître que M. [X] [O] [Z] avait créé le 16 mai 1989 une activité de ‘travaux de finition n.c.a’, établissement qui a été fermé le 22 août 1997. Aucun élément portant sur les revenus de son père n’est produit.

Pour justifier de l’activité de sa mère, M. [O] [Z] verse un bulletin de salaire du mois de février 1993 et un autre du mois d’avril 1993, faisant état d’un revenu brut de 7000 francs et net de 5242,87 francs. En revanche aucun élément n’est produit entre cette date et quatre années plus tard, soit celle du décès survenu le [Date décès 3] 1997.

Parmi les pièces communiquées se trouvent l’extrait d’acte de décès de sa mère, Mme [K] [D], sur lequel on peut lire en face de la rubrique ‘profession’ la mention ‘néant’, ainsi que la transcription par le Ministère des affaires étrangères et son service central d’état civil que M. [X] [H] [O] [Z], né le [Date naissance 6] 1957 sans profession est décédé le [Date décès 3] 1997.

Demander l’indemnisation d’un préjudice économique suppose a minima de rapporter la preuve que les défunts percevaient un revenu En l’espèce, il n’y a aucun élément faisant référence à un salaire perçu par Mme [D], postérieurement au mois d’avril 1993, et aucune des pièces ne mentionne de revenu perçu par M. [X] [O] [Z] à un quelconque moment de sa vie. Les éléments communiqués sont tellement parcellaires que la cour n’est pas en mesure de s’assurer de la réalité de la perception de revenus professionnels des défunts et dont M. [O] [Z] aurait pour partie perdu le bénéfice du fait de l’accident.

Il est donc débouté de ce chef de demande.

Les préjudices directs de M. [X] [O] [Z] et Mme [D]

M. [O] [Z] demande l’indemnisation des souffrances endurées par chacun de ses deux parents.

Il est dit que l’accident qui a coûté la vie à M. [O] [Z] et à Mme [D] est consécutif à un choc frontal, ce que Groupama ne conteste pas. Il est également dit que Mme [D] est décédée dans les suites immédiates de l’accident et que M. [X] [O] [Z] est décédé dans le véhicule de secours, ce que M. [O] [Z] reprend dans ses écritures.

Rien ne permet de retenir que Mme [D], qui est décédée ‘sur le coup’ ait enduré des souffrances physiques et psychiques dont elle aurait eu conscience. Aucun élément de la procédure d’enquête n’est produit aux débats et on ignore, tout autant, le laps de temps qui s’est écoulé entre l’accident et la prise en charge par les secours de M. [X] [O] [Z], ce qui ne permet pas de retenir qu’il aurait eu conscience de souffrances physiques et psychiques.

Les demandes d’indemnisation de souffrances endurées sont rejetées.

Le préjudice d’affection de M. [O] [Z]

Il est incontestable et d’ailleurs non contesté par Groupama que M. [O] [Z] est fondé à solliciter l’indemnisation de son préjudice d’affection résultant du décès de ses deux parents dans les suites de l’accident du [Date décès 3] 1997.

Leur disparition simultanée dans des circonstances violentes et alors qu’il n’avait que deux ans et demi, conduit à lui allouer la somme de 60.000€, soit 30.000€ pour la perte de chacun de ses parents, et qu’il sollicite.

Sur le double taux

M. [O] [Z] sollicite le doublement de l’intérêt au taux légal, uniquement sur le poste de préjudice d’affection pour lequel Groupama a présenté une offre d’indemnisation qu’il considère manifestement insuffisante et à compter du 20 juin 2014 jusqu’à la décision à intervenir devenue définitive.

Le 11 mai 2014, la tante de M. [O] [Z] a transmis la déclaration d’accident à Groupama, qui a formulé le 20 juin 2014, une offre d’indemnisation du préjudice d’affection à hauteur de 30.000€.

Pour interrompre le cours du doublement des intérêts au taux légal, l’offre doit contenir une proposition d’indemnisation qui ne doit pas être manifestement insuffisante, c’est à dire ne pas représenter moins du tiers du montant alloué. En l’espèce, c’est une somme de 60.000€ que la cour a allouée à M. [O] [Z] venant indemniser ce poste de préjudice, et la proposition de l’assureur n’est donc pas manifestement insuffisante.

M. [O] [Z] est donc débouté de ce chef de demande.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.

La société Groupama qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d’appel. L’équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne justifie pas d’allouer à M. [O] [Z] une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

– Confirme le jugement,

hormis sur l’indemnisation du préjudice esthétique temporaire, sur le montant des sommes revenant à la victime, sur l’indemnisation du préjudice économique, et sur le doublement de l’intérêt au taux légal sur le poste de préjudice d’affection,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

– Fixe le préjudice corporel global de M. [O] [Z] à la somme de 228.000€ ;

– Dit que l’indemnité revenant à cette victime s’établit à 228.000 ;

– Condamne la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc à payer à M. [O] [Z], en réparation de son préjudice corporel la somme de 228.000€, correspondant à :

– préjudice scolaire et de formation : 100.000€

– incidence professionnelle : 80.000€

– souffrances endurées : 25.000

– préjudice esthétique temporaire : 2000€

– déficit fonctionnel permanent : 20.000€

– préjudice esthétique permanent : 1000€,

sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt le 10 novembre 2022 ;

– Déboute M. [O] [Z] de sa demande d’indemnisation de son préjudice économique ;

– Déboute M. [O] [Z] de sa demande de condamnation au doublement de l’intérêt au taux légal sur le poste de préjudice d’affection ;

– Déboute la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés en appel ;

– Déboute M. [O] [Z] de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés en appel ;

– Condamne la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc aux entiers dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

 


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