Droits des Artisans : 10 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/03637

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Droits des Artisans : 10 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/03637

N° RG 21/03637 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I4GP

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Tribunal judiciaire d’Evreux du 24 août 2021

APPELANTE :

Sas TREUIL CHARPENTE BOIS (TCB)

RCS d’Evreux 381 328 954

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Olivier JOLLY avocat au barreau de l’Eure

INTIMES :

Monsieur [D] [P]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Emmanuelle MENOU de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de l’Eure

Sam MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Laurent SPAGNOL de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l’Eure plaidant par Me Geoffroy DEZELLUS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 8 février 2023 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l’audience publique du 8 février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 avril 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 10 mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant permis de construire du 6 mars 2007, M. [P] a fait procéder à la réalisation d’un immeuble situé [Adresse 3] aux [Localité 5] (27). Il a fait appel à M. [W] [H], artisan, assuré pour la responsabilité décennale auprès de la Sam Mma Iard assurances mutuelles, à l’effet de réaliser principalement les travaux de maçonnerie et de charpente pour un montant de 67 999,77 euros TTC. Les travaux ont fait l’objet d’une déclaration d’achèvement et d’une facturation le 20 mars 2008.

En raison de l’apparition de désordres affectant la toiture, particulièrement du tassement de la charpente, une expertise a été organisée et la Sam Mma Iard assurances mutuelles a financé les travaux de reprise, exécutés par la Sas Treuil Charpente Bois (TCB). De nouveaux désordres, la fissuration des murs de la maison, sont apparus. Après expertise amiable, la Sam Mma Iard assurances mutuelles a indiqué que bien qu’étant de nature décennale, les fissures affectant l’immeuble avaient pour origine un tassement du sol d’assise des fondations lié à la non-réalisation de remblais en périphérie de la maison ainsi que le non-branchement des descentes d’eau pluviales ; que la responsabilité de son assuré n’étant pas engagée, elle ne couvrait pas le sinistre.

Par ordonnance de référé du 11 mai 2016, le président du tribunal de grande instance d’Évreux ordonnait, sur saisine de M. [P], une expertise qui était étendue, sur saisine de la Sam Mma Iard assurances mutuelles, par ordonnance du 18 octobre 2017 à la Sas TCB. Le rapport était déposé le 16 août 2019.

Par actes d’huissier des 29 octobre et 4 novembre 2019, M. [P] a fait assigner, au visa des articles 1788 et 1792 et suivants du code civil, 1231-1 et suivants à titre subsidiaire, L. 124-3 du code des assurances, la Sas TCB et la Sam Mma Iard assurances mutuelles afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire du 24 août 2021, le tribunal judiciaire d’Évreux a :

– condamné in solidum les sociétés Mma Iard assurances mutuelles et Treuil Charpente Bois à verser à M. [D] [P] les sommes suivantes :

. 132 544,25 euros TTC au titre des travaux de reprise,

. 10 000 euros à titre d’indemnité pour préjudice de jouissance,

. 5 000 euros au titre du préjudice moral,

le tout avec intérêt légal à compter de l’assignation en référé de l’assureur,

– ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes,

– condamné in solidum les sociétés Mma Iard assurances mutuelles et Treuil Charpente Bois à verser à M. [D] [P] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les sociétés Mma Iard assurances mutuelles et Treuil Charpente Bois aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,

– condamné la société Mma Iard assurances mutuelles à garantir la société Treuil Charpente Bois à hauteur de 50 % de l’ensemble des condamnations prononcées dans le jugement au bénéfice de M. [P],

– ordonné l’exécution provisoire du jugement et rejeté les autres demandes des parties.

Par déclaration reçue au greffe le 16 septembre 2021, la Sas TCB a formé appel du jugement au titre des condamnations prononcées contre elle, et in solidum avec la Sam Mma Iard assurances mutuelles.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Par dernières conclusions notifiées le 6 mai 2022, la Sas Treuil Charpente Bois (TCB) demande à la cour, au visa des articles 1792 du code civil, 1382 ancien du même code dans sa version applicable aux faits de l’espèce, de :

à titre principal, en réformant intégralement le jugement entrepris,

– débouter M. [P] de ses demandes à son encontre,

– débouter la Sam Mma Iard assurances mutuelles de ses demandes à son encontre,

– débouter la Sam Mma Iard assurances mutuelles de son appel incident,

– condamner tout succombant aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,

– condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, réformant partiellement le jugement entrepris,

– condamner la Sam Mma Iard assurances mutuelles à la relever indemne et la garantir intégralement de l’ensemble des condamnations qui seraient prononcées, tous chefs confondus,

– débouter la Sam Mma Iard assurances mutuelles de son appel incident,

à titre très subsidiaire, réformant partiellement le jugement entrepris,

– condamner la Sam Mma Iard assurances mutuelles à la garantir à hauteur de 90 % de l’ensemble des condamnations qui seraient prononcées, tous chefs confondus,

– débouter la Sam Mma Iard assurances mutuelles de son appel incident,

en toute hypothèse,

– débouter M. [P] et la Sam Mma Iard assurances mutuelles de toutes demandes au titre des dépens et frais irrépétibles.

Par dernières conclusions notifiées le 25 février 2022, la Sam Mma Iard assurances mutuelles demande à la cour de la recevoir en son appel incident, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à paiement dans le dispositif susvisé et sollicite, au visa des articles 1792 et 1134 du code civil, compte tenu de l’inachèvement du chantier, de son abandon, du refus du maître de l’ouvrage de solder le marché, la résiliation du contrat d’assurance le 16 mai 2008, de :

– déclarer qu’elle n’est tenue à aucune garantie au titre des travaux exécutés par

M. [H],

en conséquence,

– débouter M. [P] de ses demandes à son encontre,

– débouter la Sas TCB de ses demandes à son encontre,

subsidiairement,

– condamner la Sas TCB à la garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elle et correspondant au coût des reprises de la charpente/couverture, soit à hauteur de la somme de 68 138,90 euros HT et la somme de 6 170 euros HT, proportionnelle au coût des travaux de reprise charpente/couverture tels que chiffrés par l’expert judiciaire :

. maçonnerie : 10 000/110 435,54 × 32 296,64 euros = 2 924,47 euros HT

. charpente/couverture : 10 000/110 435,54 euros × 68 138,90 = 6 171 euros HT,

en tout état de cause,

– condamner M. [P] d’une part, et la Sas TCB d’autre part, à lui payer chacun, la somme de 3 500 euros en couverture des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. [P] et la Sas TCB aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, en application de l’article 696 du code de procédure civile, avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Spagnol-Deslandes-Melo, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, M. [D] [P] demande le débouté des appels, principal et incident, formés, la confirmation du jugement entrepris et la condamnation solidairement des sociétés TCB et Mma Iard assurances mutuelles à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 janvier 2023.

MOTIFS

Selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Selon l’article 1792-6 du même code, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

Sur la nature et la portée des désordres

Les pièces exploitables du dossier de M. [P] démontrent que :

– sur la base d’un devis édité par M. [H], artisan, le 10 novembre 2006, d’un montant de 105 965,60 euros TTC visant des travaux plus importants, le professionnel a émis une facture du 20 mars 2008 pour un montant de

67 999,77 euros soit après versement de trois acomptes un solde dû de

6 070,21 euros ;

– les travaux facturés portaient sur le terrassement, la réalisation du vide sanitaire, le gros ‘uvre en parpaings, et la réalisation de la charpente et la pose de gouttières.

Dans des conditions dont les parties ne justifient pas, elles admettent qu’un premier sinistre en raison du tassement de la charpente de l’immeuble, a été traité par l’assureur de M. [H], Mma Iard assurances mutuelles en 2011 et qu’ainsi, la Sas TCB a refait intégralement la couverture de la maison.

La seule pièce versée quant à cette intervention est le rapport du bureau d’études sur la structure de février 2011 par lequel le BESB conclut au titre des préconisations pour la mise en conformité de la charpente à la nécessité de la dépose complète de la couverture, du plafond haut du rez-de-chaussée et de la charpente, la vérification et la mise en conformité si nécessaire de la maçonnerie, notamment de la présence de chaînages en béton en tête des murs et la pose d’une charpente neuve suivant les données jointes. Ce rapport précise que les sections indiquées dans son plan guide sont des sections a minima et que  ‘l’entreprise devra faire appel à son bureau d’étude interne ou à un bureau d’étude indépendant spécialisé pour réaliser les plans d’exécution et notes de calcul.’ .

En 2014, M. [P] a fait état de fissures des murs de la construction.

Dans le cadre de son rapport final du 16 août 2019, l’expert judiciaire décrit les désordres affectant la maçonnerie, étant précisé que s’il ne relève pas de désordres concernant la toiture, il a formé des observations sur l’impact de sa réalisation sur le gros-‘uvre dans les termes suivants :

– en page 8 :

‘L’entreprise [H] [W] a mis en ‘uvre des ouvrages de maçonnerie sans respecter les directives du DTU 20.1 en matière de :

. harpage de parpaings,

. traitements des joints et de leurs dimensionnements,

. rapiècement de parpaings divers,

. non-homogénéité des mortiers,

. absence de certains chaînages.

L’entreprise SAS TREUIL CHARPENTE BOIS a construit l’ouvrage de charpente en ne se conformant ni à son devis descriptif du 14/04/11 (vu supra), ni au DTU 31.1/partie 2.’

‘L’ouvrage est atteint dans sa solidité même, s’il ne menace pas de s’effondrer. Il est faiblement mobile au gré des variations saisonnières et des effets externes produits sur l’ouvrage.

Construit et achevé strictement comme il fût conçu à l’origine avec un enduit extérieur, celui-ci serait inévitablement non viable du point de vue de son usage en raison des mouvements structurels entraînant des déstructurations d’enduit extérieur, et générant, par conséquent, des entrées d’eau et d’air dans la maison.’

– en page 7 :

‘L’étendue des désordres et malfaçons est généralisée à l’ensemble de la maison pour ses ouvrages maçonnés à l’exception du sous-‘uvre (vide-sanitaire, dalle, fondations qui pourraient être conservées).

Le travail de maçonnerie particulièrement bâclé pour l’intégralité du rez-de-chaussée a été réalisé par l’entreprise [H] [W].’.

Quant à la participation de la charpente aux fissurations de l’immeuble, l’expert n’a relevé qu’un point correspondant à une lézarde avec rupture du chaînage haut périmétrique au-dessus de la fenêtre nord du mur est : ‘Lors de la pose par l’entreprise TREUIL de la ferme de charpente Nord sur le chaînage haut périmétrique et au droit du linteau de la fenêtre, l’absence de ferraillage du chaînage réalisé par l’entreprise [H] [W] a favorisé la conjonction des efforts annexes de charpente avec la faiblesse dudit chaînage, entraînant ce désordre et la rupture. ‘ Sa non-survenance n’aurait pas modifié ce caractère général bâclé de l’ouvrage de gros-‘uvre’

L’entreprise TREUIL aurait dû malgré tout être vigilante lors de l’exécution de ses travaux puisque :

– Au terme du DTU 31.1 / partie 2, elle doit réceptionner le support,

– Au terme de son devis du 14/04/11, dans lequel elle fait référence à une étude technique du bureau d’étude structure bois BESB de février 2011, où est explicitement mentionné en page 7 ‘la vérification et la mise ne conformité si nécessaire de la maçonnerie, notamment de la présence du chaînage en béton en tête de murs’, elle était avertie d’un support douteux ».

Quant au gros-‘uvre, sur le plan structurel, l’expert a relevé une vingtaine de fissurations sur l’ensemble des élévations en parpaings, une fissuration horizontale en zone sud du mur est très prononcée, une rupture du chaînage haut périmétrique au-dessus de la fenêtre nord du mur à l’origine de la lézarde susvisée, une absence totale d’homogénéité du gros-‘uvre.

La gravité des désordres est telle qu’il préconise soit une démolition et reconstruction de l’immeuble en gardant la dalle du rez-de-chaussée, les infrastructures et les fondations soit une conservation du gros ‘uvre actuel avec réalisation d’un bardage extérieur et la reprise intérieur des murs périphériques.

Sur les conditions de mise en ‘uvre de la responsabilité décennale

A la lumière du rapport d’expertise judiciaire, le tribunal a retenu la responsabilité décennale de M. [H], soit la garantie de son assureur et de la Sas TCB justifiant une condamnation in solidum pour la somme de 132 544,25 euros TTC en principal 15 000 euros pour les préjudices de jouissance et moral, et dans le rapport entre les coobligés à hauteur de 50 % chacun.

La Sas TCB conteste toute responsabilité de nature décennale dans la mesure où la charpente exécutée en 2011 n’est affectée d’aucun désordre, seul l’ouvrage existant étant atteint de désordres entrant dans ce champ ; elle souligne que le support était inapte à supporter la charge de la toiture et que les fissures préexistaient lors de son intervention et avaient été rebouchées, constat effectué sur les photographies agrandies jointes au rapport de la société BESB. Elle ajoute que le maître d’ouvrage admet l’absence de désordre affectant la charpente, reprochant uniquement à la société de couverture un défaut de vérification du support et qu’ainsi, les désordres initiaux ne peuvent être imputables à la société intervenue en reprise des existants à défaut d’avoir contribué à l’apparition ou l’aggravation des désordres.

Elle ajoute que le DTU 31.1 ne prévoit aucunement la réception du support et encore moins sa conformité intrinsèque mais le contrôle géométrique des existants et la conformité de la construction à son marché ; qu’elle a ainsi contrôlé la planimétrie et l’altimétrie des maçonneries ; qu’elle n’est pas à l’origine des désordres, son intervention n’en étant pas la cause ; qu’en conséquence, la responsabilité de

M. [H] est entière et exclusive. L’assureur de ce dernier a d’ailleurs particulièrement accablé le maître d’ouvrage qui n’a pas souscrit d’assurance dommages-ouvrage, terminé les travaux, et a exécuté une dalle affectée elle-même de fissures.

La Sam Mma Iard assurances mutuelles expose qu’en qualité d’assureur de la responsabilité décennale, elle a financé en 2011, à tort la reconstruction de la toiture au prix de 54 384,11 euros puisqu’en réalité, en 2014, M. [P] a indiqué que l’artisan avait abandonné le chantier, et a opéré une retenue de 10 % sans jamais procéder à la réception de l’ouvrage ; qu’il ne reste aucun élément de la toiture initiale seule subsistant le travail de maçonnerie exécuté par M. [H] ; que le contrat d’assurance a été résilié depuis le 16 mai 2008. De nouveaux désordres apparus en 2014 ont justifié une expertise amiable puis judiciaire des travaux exécutés.

Elle invoque la responsabilité de M. [P] qui n’a pas souscrit d’assurance dommages-ouvrage et a été fautif par ses négligences quant aux conditions de conclusions du marché, sans devis accepté ; qu’il s’est en outre immiscé dans le chantier portant également ainsi une part de responsabilité et n’a jamais procédé aux travaux de finition de l’immeuble qui sont à l’origine des désordres. La chape qu’il a réalisée est atteinte d’un retrait hydraulique. Les travaux de M. [H] n’étant ni réceptionnés, ni soldés et les défauts étant apparents, la garantie décennale ne peut être mise en ‘uvre. Le tribunal a retenu à tort une réception tacite des travaux.

Elle incrimine la Sas TCB pour ne pas avoir vérifié le support sur lequel elle a posé la toiture alors qu’elle avait connaissance des reprises nécessaires de la maçonnerie ; qu’elle avait une obligation de vigilance sur l’état des existants et aurait dû refuser d’intervenir sans reprise du bâti.

M. [P] confirme qu’au visa des articles 1788 et 1792 du code civil, il reproche à la Sas TCB de ne pas avoir vérifié le bâti pour réaliser la toiture et non des désordres affectant ses travaux et considère que cette société engage sa responsabilité décennale puisque en procédant aux contrôles attendus, elle aurait pu exercer un choix notamment celui de refuser d’intervenir ; qu’elle a en l’espèce accepté le support. Il vise les observations et conclusions de l’expert et rejette tout argument ou moyen qui serait tiré de sa responsabilité, en se référant notamment à l’obligation d’information reposant sur le professionnel qu’il s’agisse de la souscription d’une assurance dommages-ouvrage ou l’exécution des travaux utiles.

Il conteste toute tentative de la Sam Mma Iard assurances mutuelles de reporter toute la responsabilité des désordres sur le maître de l’ouvrage, en invoquant également les obligations d’information et de conseil de l’entreprise assurée et produit le devis du 10 novembre 2006 pour démontrer cette absence d’indications de M. [H]. Les travaux réalisés par ce dernier n’ont fait l’objet d’aucune immixtion de sa part et n’ont pas été affectés par ceux qu’il a entrepris. L’assureur ne démontre pas en réalité l’existence d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité.

Il assure avoir soldé le marché et pouvoir bénéficier de la responsabilité décennale de l’assuré dans le cadre de l’action directe conduite à l’encontre de l’assureur.

1- La responsabilité de M. [H] et la garantie de son assureur

A titre liminaire, il sera rappelé que l’assureur évoque au titre des faits la résiliation du contrat d’assurance par l’artisan le 16 mai 2008, sans y attacher de moyen contrairement à ce qu’indique M. [P].

– La réception des travaux

Les travaux de maçonnerie et de charpente ont été facturés le 20 mars 2008 au prix de 67 999,77 euros TTC, soit après versement de trois acomptes un solde dû de

6 070,21 euros inférieur à 10 % du marché. Certes, M. [P] ne justifie pas d’un paiement intégral des travaux. La production d’un ‘post-it’ qui établirait le décompte entre les parties et un solde de l’ordre de 729,77 euros, portant des mentions manuscrites dont ni la date ni l’auteur ne sont connus est sans valeur probante. Toutefois, cet impayé, limité, ne fait pas obstacle à la réception tacite des travaux exécutés. En premier lieu, aucune réclamation du solde n’a été portée à la connaissance des parties. Surtout, M. [P] n’a adressé aucune contestation quant à la qualité des travaux ou leur inachèvement pour le lot maçonnerie ou charpente avant la déclaration de sinistre de 2011 relative à la toiture. Il a pris possession des lieux pour y habiter ; l’obligation de les quitter pour la reprise de la toiture a été indemnisée au titre du trouble de jouissance par la Sam Mma Iard assurances mutuelles.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu le principe de la réception des travaux.

– Les dommages

La nature décennale des désordres affectant la maçonnerie est amplement démontrée par l’atteinte à la solidité de l’ouvrage décrite ci-dessus ayant pour origine les malfaçons commises par le constructeur.

– La cause étrangère, cause exonératoire

Pour échapper à toute obligation, la Sam Mma Iard assurances mutuelles invoque les négligences du maître d’ouvrage, le caractère visible des désordres, malfaçons, non-conformités, l’intervention du maître de l’ouvrage dans l’exécution des travaux, l’abandon de chantier.

Les conditions de souscription de l’engagement uniquement établies en l’espèce par une facture ne peuvent être imputées au maître de l’ouvrage alors que les obligations formelles et légales reposent sur le constructeur, professionnel des marchés.

En outre, l’absence de souscription d’une assurance dommages ouvrage est sans effet dans le présent litige puisque l’assureur intervenant à ce titre dispose de toutes les actions pour lesquelles il est subrogé par le maître de l’ouvrage.

L’abandon de chantier par l’artisan n’est pas caractérisé dans la mesure où M. [P] ne verse pas aux débats un devis accepté qui n’aurait pas été suivi d’effet. Surtout, les désordres discutés affectent les travaux facturés par M. [H] soit la réalisation de la maçonnerie, objet des constatations et analyses de l’expert judiciaire. Si l’ensemble des lots nécessaires à l’achèvement de l’immeuble n’a pas été exécuté et notamment l’enduit extérieur des murs, les travaux confiés à M. [H], réalisés et payés sans réserve, sont l’objet du litige. Leur réception, condition de mise en ‘uvre de la garantie décennale, a été admise.

L’assureur ne démontre pas le caractère apparent des désordres lors de la réception des travaux en 2008, ce d’autant plus qu’elle-même, lorsqu’il s’est agi de traiter le sinistre relatif à la charpente, n’a, bien que faisant intervenir des experts comme la société BESB ou encore Saretec détecté aucune difficulté et a ainsi validé la prise en charge de la réfection de la toiture sans la moindre réserve et pour un coût élevé.

Enfin, quant à l’intervention du maître de l’ouvrage, soit par action soit par omission, elle est sans lien avec les désordres ci-dessus décrits : elle n’en est pas la cause. En effet, la mauvaise réalisation d’une chape béton par M. [P] est sans effet sur l’état des murs, la maçonnerie réalisés par M. [H]. L’expert a précisé que cette chape avait connu ‘un retrait hydraulique entraînant une fissuration multiple, sans effet sur le comportement structurel de la dalle en général, élément structurel.’. Par ailleurs, si en 2014, un expert intervenant pour le compte de l’assureur a considéré que ‘ces fissures résultent d’un tassement du sol d’assise des fondations liés à une non-réalisation des remblais en périphérie de la maison ainsi que le non-branchement des descentes d’eaux pluviales’, l’expert judiciaire n’a pas retenu cette analyse en décrivant ci-dessus toutes les défaillances de l’artisan dans l’exécution de la maçonnerie. En outre, même dans son rapport, le cabinet Saretec n’a pas précisé l’importance dudit tassement pour en mesurer l’impact sur le bâtiment.

Le seul fait pour le maître de l’ouvrage de se réserver l’exécution de certains lots n’exonère pas le constructeur de ses obligations.

En conséquence, la responsabilité décennale de l’artisan étant engagée, son assureur, lors de l’exécution des travaux en 2008, sera tenu à l’indemnisation des dommages envers le maître de l’ouvrage.

De même que M. [P], la Sam Mma Iard assurances mutuelles invoque également la responsabilité encourue par la Sas TCB.

2- La responsabilité de la Sas TCB

Les parties ne discutent pas le principe d’une réception des travaux de charpente et couverture exécutés en 2011, sur devis du 14 avril 2011 édité par la Sas TCB, produit dans le cadre de l’expertise et dont le paiement a été assuré par la Sam Mma Iard assurances mutuelles.

L’expertise démontre que les travaux exécutés ne sont affectés d’aucun désordre et n’ont causé aucun désordre aux existants. En effet, un seul point est relevé : toutefois, la lézarde avec rupture du chaînage haut périmétrique au-dessus de la fenêtre nord du mur observée par l’expert a pour origine, non en tant que telle, la pose de la charpente mais la faiblesse du ferraillage dans le mur à l’endroit précis. Si l’expert écrit que ‘l’absence de ferraillages du chaînage… a favorisé la conjonction des efforts annexes de charpente avec la faiblesse dudit chaînage’, il ne décrit pas pour autant un défaut de conformité, une malfaçon de la charpente. Il évoque de faibles mouvements de charpente sans autre précision.

Alors qu’une fissure dont l’importance est objectivement ignorée à défaut de toute constatation neutre assortie d’une photographie exploitable, avait été préalablement traité au regard de l’enduit appliqué, il n’est pas démontré par les pièces du dossier que la Sas TCB pouvait détecter une insuffisance de la maçonnerie dans ses qualités de portance à cet endroit du mur.

L’aggravation du dommage évoquée par M. [P] n’est pas établie puisque l’expert expose très clairement que l’ensemble de la maçonnerie doit être détruite ou reprise compte tenu de l’ensemble des fissures constatées, des malfaçons relevées, seule la dalle du rez-de-chaussée étant susceptible d’être conservée. Il ne met en aucun cas en cause les qualités de la charpente et de la toiture, un problème général de portance mais vise les défauts de réalisation de la maçonnerie  ‘bâclée’.

Ainsi, les désordres qu’il s’agit d’indemniser affectent exclusivement le travail de maçonnerie réalisé par M. [H] : à défaut de lien de causalité entre l’intervention de la Sas TCB et les défaillances intrinsèques des murs, entre les travaux qu’elle a exécutés et les dommages débattus, l’action de M. [P] sur le fondement de la responsabilité décennale ne peut aboutir, le jugement devant être infirmé de ce chef.

Sans distinguer très clairement les fondements de son action dans leur traitement à l’encontre de la Sas TCB, M. [P] précise qu’il se fonde en page 12 de ses conclusions ‘sur sa responsabilité en qualité de constructeur et sur sa responsabilité contractuelle’. Pour asseoir sa demande de condamnation, il se réfère aux développements portés dans le rapport du bureau d’études structure bois et de l’expert.

Le rapport de la société BESB de février 2011 a été réalisé à la demande de l’assureur, la Sam Mma Iard assurances mutuelles en lien avec le cabinet Saretec selon la première page de l’étude. La Sas TCB en a eu connaissance pour l’avoir visé dans son devis. Il a été rédigé au titre des réclamations formulées par M. [P] alors, soit les déformations importantes de la couverture et de la charpente et a consisté en l’examen de la toiture existante réalisée par M. [H].

Le maître de l’ouvrage et par ailleurs, l’assureur du constructeur, mettent en évidence la préconisation n°2 portant sur la vérification et la mise en conformité ‘si nécessaire de la maçonnerie, notamment de la présence de chaînages en béton en tête des murs’. Toutefois, cette préconisation dans le traitement du sinistre ne s’adresse pas spécifiquement au couvreur mais aux acteurs intervenant dans la gestion du dossier. En outre, l’expert judiciaire n’a pas précisé les moyens qu’auraient dû déployer la Sas TCB pour procéder au contrôle d’éléments enrobés dans du béton alors qu’il est visé clairement dans le rapport l’existence d’un plafond haut couvrant le rez-de-chaussée.

Contrairement à ce qu’affirme l’expert, le DTU n’impose pas la ‘réception’ du support. Il n’est pas contesté que cette norme 31.1, article 5, en partie 2, au titre du cahier des clauses spéciales dispose que ‘L’entrepreneur s’assure que les constructeurs sur lesquelles ses ouvrages prendront appui ou auxquelles ils seront associés, sont compatibles géométriquement avec ceux-ci et sont conformes aux dispositions indiquées sur son marché et à celles de ses dessins approuvés par le maître d’ouvrage ou son mandataire.’

En l’absence d’indices quant à la faiblesse de la structure lors de son intervention en 2011 et de fissures qui ne seront révélées que par déclaration de M. [P] en 2014 hors la reprise ci-dessus visée, d’obligations quant à des mesures de contrôle imposées à tout charpentier soit en application du DTU soit en application de la note du BESB qui en outre auraient été ne serait-ce qu’évoquées par l’expert judiciaire à défaut d’avoir été décrites, aucune faute ne peut être reprochée à la Sas TCB dans la réalisation d’un dommage.

L’action à son encontre sera rejetée tant en ce qui concerne celle de M. [P] que celle de la Sam Mma Iard assurances mutuelles en sa qualité d’assureur décennal de M. [H]. Aucune garantie ne peut être exigée de la Sas TCB.

Sur la réparation des dommages

M. [P] demande la confirmation du jugement qui a retenu l’évaluation de l’expert à la somme de 132 544,25 euros TTC au titre des travaux, de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance et de 5 000 euros au titre du préjudice moral.

La Sam Mma Iard assurances ne conteste dans le corps de ses conclusions que le montant de la condamnation relative à la reprise des travaux en imputant la part relative à la toiture, déclinée également au titre de la maîtrise d »uvre, à la Sas TCB qu’elle considère responsable de son lot.

La responsabilité de la Sas TCB ayant été écartée, et l’assureur ne contestant pas autrement le montant des condamnations et leurs modalités telles que la capitalisation des intérêts, le jugement sera confirmé en ce qu’il condamne la société au paiement des sommes susvisées.

Sur les frais de procédure

Le jugement étant partiellement infirmé, il le sera quant aux dépens et aux frais irrépétibles.

La Sam Mma Iard assurances mutuelles sera condamnée aux dépens qui comprendront les frais d’expertise dont distraction au profit de l’avocat en ayant fait la demande, la Scp Spagnol Deslandes Melo en application de l’article 699 du code de procédure civile.

En équité, elle sera condamnée à payer à M. [P] d’une part, à la Sas TCB d’autre part une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu’il a :

– condamné, in solidum avec la société Mma Iard assurances mutuelles, la Sas Treuil Construction Bois à verser à M. [D] [P] les sommes de 132 544,25 euros au titre des travaux de reprise, 10 000 euros à titre d’indemnité pour préjudice de jouissance, 5 000 euros au titre du préjudice moral, 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné, in solidum avec la société Mma Iard assurances mutuelles, la Sas Treuil Construction Bois aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,

– condamné la société Mma Iard assurances mutuelles à garantir la société Treuil Construction Bois à hauteur de 50 % de l’ensemble des condamnations prononcées dans le jugement au bénéfice de M. [P],

Le confirme pour le surplus,

Et statuant des chefs infirmés, y ajoutant,

Déboute M. [D] [P] d’une part, la Sam Mma Iard assurances mutuelles d’autre part, de toutes leurs demandes à l’encontre de la Sas Treuil Construction Bois,

Condamne la Sam Mma Iard assurances mutuelles à payer à M. [D] [P] d’une part, la Sas Treuil Construction Bois d’autre part, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sam Mma Iard assurances mutuelles aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Scp Spagnol Deslandes Melo.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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