COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
CM/CL
DECISION : TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du MANS du 05 Avril 2022
Ordonnance du 10 Mai 2023
N° RG 22/00811 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E73P
AFFAIRE : S.A.R.L. SO.CO.BOIS C/ [U], S.A.R.L. C.C.Z
ORDONNANCE
DU MAGISTRAT CHARGE DE LA MISE EN ETAT
DU 10 Mai 2023
Nous, Catherine Muller, Conseiller faisant fonction de président de chambre à la Cour d’Appel d’ANGERS, chargée de la mise en état, assistée de Christine Leveuf, Greffier,
Statuant dans la procédure suivie :
ENTRE :
Madame [O] [U]
née le 18 Mai 1951 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphanie ORSINI de la SELARL ORSINI STEPHANIE SELARL, avocat au barreau du MANS
Intimée
Demanderesse à l’incident
ET :
S.A.R.L. SO.CO.BOIS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Sylvie LACROIX de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON, avocat postulant au barreau du MANS – N° du dossier 2022181 et Me Chloé LUCAS-VIGNER, avocat plaidant au barreau de POITIERS
Appelante
Défenderesse à l’incident
S.A.R.L. C.C.Z
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Assignée, n’ayant pas constitué avocat
Intimée,
Après débats à l’audience tenue en notre Cabinet au Palais de Justice le 22 mars 2023 à laquelle les avocats des parties étaient dûment appelés, avons rendu l’ordonnance ci-après :
Suivant déclaration en date du 9 mai 2022, la SARL So.Co.Bois a relevé appel à l’égard de Mme [U] et de la SARL C.C.Z d’un jugement réputé contradictoire rendu le 5 avril 2022 par le tribunal judiciaire du Mans, assorti de l’exécution provisoire de droit, en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [U] la somme de 20 759,37 euros HT à titre de dommages et intérêts, a rejeté les demandes de Mme [U] à l’encontre de la SARL C.C.Z et les plus amples demandes des parties et l’a condamnée à payer à Mme [U] la somme de 2 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [U] a constitué avocat le 23 mai 2022.
L’appelante a conclu le 1er août 2022 et, avant d’être invitée par le greffe à y procéder, a fait assigner la SARL C.C.Z par acte d’huissier en date du 4 août 2022 contenant dénonce de la déclaration d’appel et de ses conclusions.
La SARL C.C.Z, citée en l’étude de l’huissier, n’a pas constitué avocat.
Mme [U] a saisi le conseiller de la mise en état le 24 octobre 2022 d’un incident d’irrecevabilité de l’appel et de radiation et a conclu au fond à deux reprises le 25 octobre 2022 en formant appel incident du rejet de ses demandes à l’encontre de la SARL C.C.Z, puis a fait signifier par huissier ses conclusions d’incident et ses conclusions d’intimée le 2 mars 2022 à la SELARL SBCMJ prise en la personne de Me [Z] en qualité de mandataire liquidateur de cette société dont la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement en date du 6 septembre 2022.
Dans ses dernières conclusions d’incident en réponse en date du 16 mars 2023, Mme [U] demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 907, 789 6°, 564 et 524 du code de procédure civile, de juger la SARL So.Co.Bois irrecevable et, en tout cas, mal fondée en toutes ses demandes, de l’en débouter, à titre principal, de juger l’appel interjeté par la SARL So.Co.Bois le 9 mai 2022 à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire du Mans le 5 avril 2022 irrecevable et de prononcer cette irrecevabilité, à titre subsidiaire, de constater l’absence d’exécution de ce jugement et de prononcer de ce fait la radiation de l’affaire enregistrée au répertoire général sous le n°22/00811 devant la chambre A – civile de la cour d’appel d’Angers et, en tout état de cause, de débouter la SARL So.Co.Bois de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel, au motif que :
– la SARL So.Co.Bois, qui était défaillante en première instance et n’a formé aucune prétention ni contestation bien qu’elle ait été régulièrement assignée à sa personne, n’est pas recevable à former pour la première fois en appel des demandes nouvelles, prohibées par l’article 564 du code de procédure civile en ce qu’elles remettent en cause les faits et données du litige, demandes qu’elle n’aurait pu soumettre que par la voie de l’opposition si le jugement avait été rendu par défaut, de sorte que son appel est irrecevable
– subsidiairement, en dépit de la signification de la décision assortie de l’exécution provisoire, l’appelante ne s’est toujours pas exécutée et tente de lui faire supporter son inertie à achever les travaux commandés en 2014 et à remédier aux désordres qui persistent en déplaçant sa responsabilité sur son sous-traitant, alors qu’il n’appartient pas au conseiller de la mise en état de trancher le litige entre la SARL So.Co.Bois et son sous-traitant que celle-ci prétend avoir réglé mais qui n’est jamais intervenu à son domicile, qu’elle est tiers à ce contrat de sous-traitance, que le défaut d’exécution lui est préjudiciable et que l’appelante ne démontre pas que l’exécution entraînerait des conséquences manifestement excessives ou qu’elle serait dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
Dans ses dernières conclusions devant la cour d’appel d’Angers (sic) en date du 13 février 2023, la SARL So.Co.Bois demande au conseiller de la mise en état de la déclarer recevable et bien fondée, de débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser une somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au motif que :
– si, ayant trouvé un accord amiable avec Mme [U] et croyant que celle-ci avait mis fin à la procédure, elle ne s’est pas défendue en première instance, l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel édictée par l’article 564 du code de procédure civile n’est pas applicable à la partie non comparante en première instance, de sorte que son appel ne saurait être déclaré irrecevable
– il n’y a pas lieu de radier l’affaire car la décision ne pourra qu’être réformée dans la mesure où le litige a fait l’objet d’une transaction avec Mme [U] qui a sollicité un nouvel artisan dont elle a réglé les factures aux lieu et place de celle-ci et où radier le dossier pour défaut d’exécution reviendrait donc à la contraindre à régler une condamnation prononcée indûment sans qu’il soit justifié de désordres et du coût des reprises.
Sur ce,
En préambule, il convient de relever que la SELARL SBCMJ prise en la personne de Me [Z] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL C.C.Z n’a pas été attraite à la procédure d’appel par voie d’assignation, Mme [U] lui ayant simplement fait signifier ses conclusions.
Sur l’irrecevabilité de l’appel
Il résulte de l’article 914 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est, depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, seul compétent pour déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel.
En outre, le renvoi opéré par l’article 907 du même code, tel que modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, pour les conditions dans lesquelles l’affaire est instruite en appel, aux articles 780 à 807 relatifs à l’instruction de l’affaire devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire, notamment à l’article 789 6° issu du même décret donnant désormais au juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir, confère au conseiller de la mise en état compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, ce dans les instances d’appel introduites, comme en l’espèce, à compter du 1er janvier 2020 conformément à l’article 55 II du décret susvisé.
Enfin, aux termes de l’article 564 du même code, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, l’irrecevabilité de l’appel soulevée par Mme [U] est exclusivement fondée sur la violation de l’article 564 du code de procédure civile qui prohibe les demandes nouvelles en appel.
Or une telle violation n’est pas sanctionnée par l’irrecevabilité de l’appel contrairement à ce qu’elle soutient, mais par l’irrecevabilité des demandes nouvelles elles-mêmes.
En particulier, ce texte ne fait pas obstacle à ce que l’appelante, partie défenderesse défaillante en première instance, puisse opposer aux demandes formées contre elle par Mme [U] des moyens de défense ou présenter des demandes reconventionnelles qui, selon l’article 567 du même code, sont également recevables en appel, ce par exception, strictement encadrée en vue d’une bonne administration de la justice et dans le respect du principe de l’égalité des armes, au principe du double degré de juridiction.
Si, au dispositif de ses conclusions d’appelante, la SARL So.Co.Bois demande, à titre principal, de condamner la société C.C.Z à effectuer les travaux de reprise tels que prévus dans la transaction et le devis et, à défaut, à payer la somme de 20 759,37 euros à titre de dommages et intérêts à Mme [U], subsidiairement et à titre reconventionnel, de condamner la société C.C.Z à effectuer les travaux de reprise suivant devis du 27 août 2019 et facture du 2 septembre 2019, très subsidiairement, de condamner la société C.C.Z à la relever indemne de toute condamnation prononcée à son encontre et, en toutes hypothèses, de condamner la société C.C.Z et Mme [U] solidairement à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, alors que la SARL C.C.Z, qui était également partie défenderesse défaillante en première instance, n’a présenté aucune demande contre elle, il reviendra uniquement à la cour d’apprécier si, et dans quelle mesure, de telles prétentions échappent à la prohibition des demandes nouvelles en appel, notamment au regard de l’article 64 du code de procédure civile qui définit la demande reconventionnelle comme celle par laquel le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
En effet, l’examen de la fin de non-recevoir édictée à l’article 564 du code de procédure civile, qui ne relève pas de la procédure d’appel mais de l’appel lui-même, échappe à la compétence du conseiller de la mise en état et ressort exclusivement de celle de la cour d’appel (voir en ce sens l’avis publié n°22-70.010 rendu le 11 octobre 2022 par la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation).
L’appel ne saurait, dès lors, être déclaré irrecevable.
Sur la radiation
Selon l’article 524 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites comme en l’espèce devant les juridictions du premier degré depuis le 1er janvier 2020, lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel assortie de l’exécution provisoire, la radiation du rôle de l’affaire peut être ordonnée par le conseiller de la mise en état, à moins qu’il ne lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision ; la demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
Les conséquences manifestement excessives s’apprécient au regard de la situation concrète et actuelle des parties, notamment de la faculté du débiteur à supporter la condamnation sans dommage irréversible et de celle du créancier à assumer le risque d’une éventuelle restitution.
En revanche, l’article 514-3 du même code confère seulement au premier président statuant en référé, et non au conseiller de la mise en état, le pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire de droit de la décision.
En l’espèce, la demande de Mme [U], présentée avant l’expiration du délai prescrit à l’article 909 du code de procédure civile, est recevable.
Au regard de l’article 503 du même code qui dispose que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire, l’intimée justifie avoir fait signifier le jugement par huissier à la SARL So.Co.Bois le 18 mai 2022.
L’appelante s’est abstenue d’acquitter les condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme [U] sous bénéfice de l’exécution provisoire de droit pour un montant de 23 682,73 euros en principal, frais et dépens.
Elle ne prétend pas qu’elle serait dans l’incapacité d’y pourvoir.
Si elle verse aux débats en appel des pièces de nature à démontrer qu’en exécution de l’accord conclu en août et décembre 2019 avec Mme [U], aux termes duquel elle s’est engagée à prendre en charge le coût de réfection des malfaçons affectant ses travaux de couverture par règlement à la SARL C.C.Z, chargée par ses soins de cette réfection, de la somme de 20 759,37 euros HT correspondant au montant du devis de cette société (21 639,15 euros HT) diminué du solde à payer (879,78 euros HT) et, en contrepartie, Mme [U] a renoncé à la poursuivre, elle a versé à la SARL C.C.Z un acompte de 6 830 euros pour l’achat des ardoises par virement du 31 août 2019 puis, après que Mme [U] se soit plainte le 4 décembre 2020 de la non-réalisation des travaux de réfection et que la SARL C.C.Z se soit engagée le 7 janvier 2022 à les effectuer à compter du 1er mars 2022, un nouvel acompte de 6 000 euros par virement du 15 février 2022, faits dont n’a pas eu connaissance le premier juge qui a considéré que l’inexécution de la transaction conclue entre les parties était suffisamment importante pour justifier sa résolution assortie de dommages et intérêts, il n’appartient qu’au premier président d’arrêter l’exécution provisoire sur justification, non seulement de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, mais aussi du risque que l’exécution provisoire entraîne des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.
En tout état de cause, l’appelante n’explique pas en quoi l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour elle, y compris dans le contexte de la mise en liquidation judiciaire de la SARL C.C.Z.
Il convient donc d’accueillir la demande de radiation qui n’apparaît pas être une sanction disproportionnée.
Sur les demandes annexes
Mme [U], qui succombe sur l’irrecevabilité de l’appel, et la SARL So.Co.Bois, qui succombe sur la radiation, conserveront chacune la charge des frais et dépens qu’elles ont exposés dans le cadre de l’incident, sans application à ce stade de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre.
Par ces motifs,
Disons n’y avoir lieu de déclarer irrecevable l’appel interjeté le 9 mai 2022 par la SARL So.Co.Bois.
Rappelons que l’examen de la fin de non-recevoir édictée à l’article 564 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d’appel.
Ordonnons la radiation du rôle de la cour de l’affaire jusqu’alors suivie sous le numéro RG 22/00811.
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Laissons à chaque partie la charge de ses dépens d’incident.
Le greffier Le magistrat chargé de la mise en état
C. LEVEUF C. MULLER