ARRÊT DU
10 JANVIER 2023
PF / NC
———————–
N° RG 21/00668
DBVO-V-B7F-C46D
———————–
SASU [V]
C/
[H] [B]
———————–
Grosses délivrées
le :
à
ARRÊT n° 7 / 2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix janvier deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffière
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
S.A.S.U. [V] pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS AUCH 414 710 947
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Carine LAFFORGUE, SELARL PGTA, avocate au barreau du GERS
APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire – d’AUCH en date du 14 juin 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00071
d’une part,
ET :
[H] [B]
né le 28 septembre 1980 à [Localité 4]
de nationalité française, entrepreneur
domicilié : [Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Nathalie DUGAST, avocate au barreau d’AGEN
INTIMÉ
d’autre part,
a rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, Conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Pascale FOUQUET, Conseillers rapporteurs, assistées de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre elles-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2005, M. [H] [B] a été engagé en qualité d’adjoint commercial niveau III échelon B par la société [V] [W], aux droits de laquelle vient désormais la société [V], qui produit et commercialise des vins et spiritueux et exerçait son activité dans son établissement secondaire à [Localité 3]. L’établissement est fermé depuis le 1er avril 2020.
Courant 2019, la société a été cédée par M. [W] [V] à l’actuel dirigeant, M. [J] [S].
La convention collective applicable à la relation de travail est celle des vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France.
La proposition de rupture conventionnelle n’a pas abouti.
Par courrier du 4 mai 2020, M. [H] [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 mai 2020 avec mise à pied conservatoire.
Par courrier du 3 juin 2020, l’employeur lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :
« A la suite de notre entretien du 15 mai 2020, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute.
En effet, durant votre période d’arrêt de travail puis de chômage partiel, certaines de vos tâches ont été reprises par la Direction.
A cette occasion, nous avons découvert un certain nombre de dysfonctionnements.
Ainsi, de nombreuses commandes qui vous avaient été transmises depuis le mois de septembre 2019 n’avaient pas été traitées.
Sur ce premier grief, lors de notre entretien, vous nous avez expliqué que le logiciel ne permettait pas l’enregistrement entre le mois de septembre et le 31 décembre, entraînant un report inévitable des enregistrements.
Cela est exact, néanmoins ces contraintes techniques n’expliquent pas que le retard ait persisté après le mois de janvier jusqu’à ce jour.
Ensuite, durant votre absence, nous avons découvert qu’au cours de l’année 2019 mais également au premier trimestre 2020, vous aviez massivement émis des avoirs au profit de clients et accordé des remises directes ou sous forme de dégustation, sans y avoir été autorisé, pour des montants importants. A titre d’exemple, depuis le 1er janvier 2020, ces avoirs et remises non autorisés représentent près de 16.000 € HT.
Or, vous connaissez parfaitement la procédure d’émission des avoirs et de proposition de remises tarifaires, qui nécessitent l’accord préalable de la Direction.
La procédure vous avait été plusieurs fois rappelée par nos soins.
Sur ce point vous n’avez pas contesté avoir émis des avoirs ou procédé à des remises sans y avoir été autorisé et sans même avoir informé la Direction.
Or, ce type de prise d’initiative est préjudiciable à l’entreprise, par l’impact qu’elle a sur la facturation, la comptabilité mais aussi sur l’image de sérieux que nous tenons à véhiculer auprès de nos clients.
Enfin, nous avons constaté que l’enregistrement des traites était régulièrement incorrect, créant des problèmes importants d’encaissement et de comptabilité.
Nous avons décidé de tenir compte des explications fournies lors de notre entretien en ne prononçant pas un licenciement pour faute grave.
Cependant, ces faits fautifs mettent en cause la bonne marche de l’entreprise et nous conduisent à prononcer votre licenciement. (‘) ».
M. [H] [B] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch le 21 août 2020 en contestation de son licenciement et paiement de différentes indemnités.
Par jugement du 14 juin 2021, le conseil de prud’hommes d’Auch, section industrie, a :
– dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné en conséquence la société [V] à lui payer les sommes suivantes :
– 27 130,74 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 325,80 euros à titre de 13ème mois au prorata des jours de présence
– 32,58 euros à titre de congés payés afférents
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonné à la société [V] de remettre à M. [H] [B] les documents de fin de contrat rectifiés
– débouté M. [H] [B] du surplus de ses demandes
– débouté la société [V] de ses demandes
– condamné la société [V] aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 25 juin 2021, la société [V] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions en visant les chefs du jugement critiqué qu’elle cite dans sa déclaration d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 8 novembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
I. Moyens et prétentions de la société [V] appelante principale et intimée sur appel incident
Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 17 février 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante, la société [V] demande à la cour de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé
– réformer le jugement entrepris,
– juger que le licenciement qu’elle a prononcé le 3 juin 2020 à l’encontre de M. [H] [B] était fondé sur une cause réelle et sérieuse
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes formées par le salarié au titre de la régularité du licenciement
– en conséquence, le débouter de l’ensemble de ses demandes y compris sur appel incident
en tant que de besoin, ordonner la restitution par le salarié à la société [V] de toutes les sommes versées par cette dernière au titre de l’exécution provisoire
– condamner M. [H] [B] à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société [V] fait valoir que :
– la découverte des dysfonctionnements a eu lieu lorsque le poste du salarié a été remplacé pendant sa période d’arrêt de travail puis de chômage partiel en fin d’année 2019.
– Sur le premier grief : retard dans l’enregistrement des commandes et l’absence de traitement des nouvelles commandes
Les commandes transmises en septembre 2019 n’ont pas été traitées.
L’employeur reconnaît certes un dysfonctionnement du logiciel de commandes de septembre à décembre 2019, mais lui reproche, du fait de son expérience et s’agissant d’un simple travail d’exécution, de n’avoir pas rattrapé le retard en début d’année 2020, période de baisse d’activité et de ne pas lui avoir fait connaître les difficultés rencontrées.
A compter du 16 mars 2020, la société a absorbé le retard en enregistrant une quinzaine de commandes par jour contre une moyenne de 2 à 3 par jour par le salarié. L’employeur produit un tableau récapitulatif : au 10 mars 2020, 22 commandes, soit les 3/4 passées par les clients lors de l’automne 2019, n’avaient pas été enregistrées ni les commandes créées alors que déjà précédemment, par courriel de 21 septembre 2019, M. [S] lui avait rappelé la procédure de saisie.
– Sur le deuxième grief l’émission d’avoirs sans autorisation :
– En raison des relations commerciales actuelles entre le salarié et l’ancien dirigeant M. [W] [V], il convient d’écarter l’attestation de ce dernier. Si le salarié a obtenu la qualification ‘d’artisan fabriquant de liqueurs apéritifs’ sans avoir jamais exercé, c’est grâce au soutien de son ancien employeur.
– pour répondre au commissaire aux comptes, M. [P] lui a demandé par mail du 10 mars 2020 des explications relatives aux avoirs les plus importants accordés et de justifier de leur validation par la direction. Cette demande avait été précédée la veille d’un entretien à la demande du salarié
– celui-ci est de mauvaise foi : il a en premier lieu déclaré de pas avoir reçu le mail puis a indiqué ‘ne pas en avoir eu connaissance le jour même’
– il n’a jamais apporté de réponses aux demandes
– l’employeur produit un tableau récapitulant les avoirs litigieux
– il en ressort que 49 199,01 € TTC d’avoirs ont été émis de la propre initiative du salarié en 2019
– leur très grande majorité est supérieure à 1000 € TTC et certains s’élèvent à 6000 € TTC
– 19 361,21 € TTC ont été émis de la propre initiative du salarié
– aucune initiative ne lui était autorisée à ce titre ni dans sa fiche de poste ni dans son contrat de travail
– les factures produites font apparaître des avoirs non justifiés qui ont causé un préjudice financier de plusieurs dizaines de milliers d’euros à la société composée d’une vingtaine de salariés
– Sur le troisième grief : l’enregistrement incorrect des traites :
– l’employeur justifie 10 erreurs d’enregistrement pendant la période de janvier à mars 2020 pour un montant de 14 318,90 € et quelques erreurs en 2019
– la plainte déposée par le salarié pour faux et usage de faux quelques jours avant l’audience du conseil de prud’hommes a été classée sans suite au motif : ‘absence d’infraction’. De plus, les logiciels sont infalsifiables s’agissant de produits réglementés
– le salarié a utilisé son dépôt de plainte pour faire pression sur la décision
– contrairement à ce qu’il a avancé, le salarié n’a jamais déposé de plainte pour fausse attestation contre M. [P]
– sur les dommages et intérêts réclamés, le salarié ne justifie ni de sa situation professionnelle ni de sa situation personnelle actuelle alors qu’il a créé une société concurrente à quelques centaines de mètres de la société [V]
– sur la prime de13ème mois pour l’année 2010 : n’étant plus dans les effectifs de la société au moment de son versement, celle-ci ne lui est pas due. De plus, il s’agit d’un accessoire du salaire et ne correspond pas à un temps de travail
– la procédure de licenciement a été suivie : le courrier à entretien préalable a été adressé le 4 mai 2020 pour une convocation le 15 mai. Le délai de 5 jours prévu par l’article L1232-2 a été respecté. Le courrier est parvenu tardivement au salarié en raison des circonstances exceptionnelles tenant à la période de confinement, comme l’ont retenu les premiers juges. Ce retard ne lui a causé aucun grief et il n’a élevé aucune réclamation à ce titre
– le salarié était assisté
– l’entretien préalable a été mené par M. [S]. Mme [O] était seulement présente
II. Moyens et prétentions de M. [H] [B] intimé sur appel principal et appelant sur incident
Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 18 novembre 2021 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimé, M. [H] [B] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement qui lui a été notifié
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch en ce qu’il a condamné la société [V] à lui payer les sommes de :
– 325,80 euros à titre de 13ème mois au prorata des jours de présence
– 32,58 euros à titre de congés payés afférents
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch en ce qu’il a rejeté sa demande en dommages et intérêts pour procédure irrégulière et limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 27 130,74 euros,
Statuant de nouveau, condamner la société [V] à lui payer les sommes de :
– 2 611 euros à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement (un mois)
– 31 341,96 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois)
– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société [V] à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés
– débouter la société [V] de ses demandes
– condamner la société [V] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [V] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Dugast.
A l’appui de ses prétentions, M. [H] [B] fait valoir que :
– son licenciement s’inscrit dans une série de départs volontaires ou non depuis 2019 en raison de la dégradation des conditions de travail. La société a été reprise le 19 février 2019 et l’objectif du nouvel employeur était de réduire la masse salariale
– la procédure est irrégulière car le salarié a reçu la lettre de licenciement le 13 mai pour un entretien le 15 mai 2020. Le délai de prévenance de 5 jours ouvrables n’a pas été respecté et ouvre droit à indemnisation.
De plus, Mme [O] était présente lors de l’entretien préalable alors qu’elle était seulement responsable des achats et n’avait pas qualité pour mener l’entretien. Elle n’avait pas non plus de pouvoir de représentation.
Les ordonnances prises par la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 dans le cadre de l’épidémie de covid 19 n’ont pas remis en cause les délais prévus pour la procédure disciplinaire. Il appartenait à l’employeur de reporter l’entretien si le délai légal n’était pas respecté.
– Sur le retard dans le traitement des commandes :
– la preuve du retard dans l’enregistrement des commandes n’est pas rapportée. le retard provient d’une défaillance de l’outil informatique pendant un trimestre qui est reconnue par l’employeur. Il ne s’agit donc pas d’une faute volontaire fondant un grief
– en produisant un tableau récapitulatif, l’employeur s’est créé une preuve à lui même ce que l’article 1363 du code civil ne permet pas.
– le tableau est incompréhensible et non corroboré par des éléments probants.
– l’employeur ne démontre pas que ces retards et erreurs de saisie lui sont imputables car ces tâches étaient également gérées par trois assistantes commerciales
– le courriel produit par l’employeur n’a aucun effet probant. Il démontre cependant qu’il n’était pas le seul à gérer les commandes car il est adressé à plusieurs employés et de plus, ne démontre pas que l’employeur était certain de l’absence d’enregistrement des commandes
– il avait des fonctions multiples et ne pouvait pas se consacrer exclusivement à l’enregistrement des commandes. L’employeur ne l’a pas déchargé de ses autres tâches pour lui permettre d’apurer le retard
– l’employeur ne justifie pas avoir rattrapé le retard dans le délai qu’il invoque
– il restait 22 commandes en retard au 10 mars
– Sur l’émission d’avoirs et de remises sans autorisation de la direction :
– l’employeur ne rapporte pas la preuve de ce grief
– l’émission d’avoirs fait partie de la politique commerciale de la société et n’a jamais été remise en question
– il n’a jamais reconnu l’émission d’avoirs ou des remises sans information de la direction au préalable comme il est indiqué dans la lettre de licenciement
– il le justifie en produisant l’attestation de l’ancien dirigeant, M. [W] [V]. Il a continué à suivre cette pratique sans que l’employeur ne donne jamais aucune directive pour la modifier pendant un an et demi
– la direction en a toujours été informée car elle suivait mensuellement les résultats et le chiffre d’affaires. Elle n’a jamais élevé de critiques
– 16 000 € représente moins de 1 % du chiffre d’affaires en 2017 et 2018. Elle ne porte ni atteinte à l’image de la société ni ne compromet sa pérennisé économique
– il n’a jamais reçu le courriel du 10 mars 2020 lui demandant de justifier des avoirs accordés et l’employeur ne justifie pas de sa réception
– il conteste l’attestation de M. [P] produite par l’employeur témoignant de ce que le salarié avait bien reçu le mail
– la cour devra écarter le tableau des débats comme constituant une preuve à soi-même
– il n’était pas assistant commercial mais adjoint commercial. La fiche de poste produite par l’employeur ne le concerne donc pas
– dans le cadre de la prise en charge de la clientèle, il avait la compétence pour consentir des avoirs
– les clients pouvaient retourner les invendus après la saison du fait d’un accord commercial ancien de 20 ans et il était légalement nécessaire d’adosser un avoir car il s’agit d’une réglementation douanière d’ordre public
– certains avoirs n’ont jamais été remis en cause par l’employeur
– certains sont dus à un dysfonctionnement du logiciel de gestion et la TVA incorrecte a été annulée par la suite par le service commercial
– d’autres correspondent à des annulations de commandes
– l’employeur n’est pas fondé à retenir des faits antérieurs de plus de deux mois au 4 mai 2020. Or, la plupart des factures ont été produites avant cette date
– les manquements éventuels sont donc prescrits
– la comparaison entre la liste des avoirs figurant dans le tableau et les factures produites démontre que nombre d’avoirs ne sont pas justifiés
– la ‘remise globale’ notée par l’employeur correspond à un don au club de rugby qu’il sponsorise
– Sur l’enregistrement incorrect des traites :
– l’employeur ne rapporte pas la preuve
– il a toujours utilisé les outils informatiques et le protocole d’enregistrement
– il n’a jamais reçu en 15 ans de remarques à ce titre
– les pièces 8, 10 et 13 produites par l’employeur sont des pièces produites par lui-même pour les besoins de la cause.
– les pièces 8 et 10 ont été modifiées, c’est pourquoi il a déposé plainte pour faux et usage de faux
– les pièces produites aux débats ne sont pas les originales, la preuve ne peut donc être rapportée
– il n’était pas le seul à procéder aux enregistrements et l’employeur ne démontre pas qu’il est l’auteur des soit-disantes erreurs
– le courrier du 1er mars 2016 est un courrier ‘d’agacement’ isolé et concernant non un enregistrement incorrect des traites mais celui d’un dimensionnement des cartons et palettes
– il avait 14 ans et 8 mois d’ancienneté au jour de la rupture
il a deux enfants à charge
il n’existait aucune clause de non concurrence dans son contrat
il a validé ses acquis pour devenir artisan fabricant de liqueurs apéritifs par certification délivrée le 14 décembre 2020
il est à ce jour directeur général de la SAS Autièges créée fin 2020
– sur le 13ème mois au prorata temporis du temps de présence pour l’année 2020 :
– la convention collective applicable prévoit un 13ème mois versé pour moitié le 30 juin et l’autre moitié le 31 décembre de chaque année
– le contrat de travail prévoit un salaire annuel égal à 13 fois le salaire mensuel et pas seulement une prime de 13ème mois.
MOTIFS :
La demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire n’est invoquée ni dans les conclusions de l’intimé ni dans son dispositif. En conséquence, la cour constate que la demande a été abandonnée.
I. Sur la rupture du contrat de travail
1. Sur le licenciement
– sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiable.
En l’espèce, il est reproché trois griefs au salarié : un retard dans l’enregistrement des commandes, une émission abusive et non autorisée d’avoirs et un enregistrement incorrect des traites.
Pour confirmer le jugement entrepris, il suffira d’ajouter que l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe afin de démontrer l’imputabilité au salarié des retards dans les enregistrements de commandes et dans leur traitement incorrect.
En effet, il n’est pas contesté que M. [B], adjoint commercial, travaillait en collaboration avec trois assistantes : Mme [F] [G], Mme [A] [R] et Mme [K] [U].
D’une part, la cour observe que le courriel de M. [S] du 23 septembre 2019 rappelant des consignes en matière de saisie est adressé tant à M. [B] qu’à ‘[K] [Z] [V]’ ce qui démontre que la saisie n’était pas uniquement effectuée par M. [B] étant donné qu’ils étaient quatre salariés affectés à ce service.
Il en résulte que la preuve du grief tenant au retard dans l’enregistrement des commandes imputable personnellement à M. [B] n’est pas rapportée.
En outre, le tableau produit par l’employeur destiné à démontrer ces retards est créé
par l’appelant lui-même et de ce fait, n’est pas probant.
Pour fonder le grief concernant des erreurs d’enregistrement des traites en 2019 et 10 en 2020 pour un montant de 14 318,90 euros, l’employeur produit les pièces 8 et 10 pour lesquelles le salarié avait déposé plainte, classée sans suite.
L’enquête a néanmoins établi que les factures produites aux débats, qui fondent le grief, sont différentes des factures originales et il en a été conclu par le service d’enquête que la modification était due à un dysfonctionnement du logiciel, d’où ‘l’absence d’infraction’ retenue par le Parquet à l’origine du classement sans suite.
L’imputabilité du grief à M. [B] n’est donc pas rapportée.
S’agissant des remises et des émissions d’avoirs non autorisés, l’employeur soutient que chaque remise commerciale devait être étayée par une réclamation du client, photographie du produit défectueux à l’appui puis devait faire l’objet d’une validation par la direction ou un responsable commercial. Cependant, l’employeur ne rapporte pas la preuve de la faute commise par le salarié.
En effet, d’une part, l’employeur ne justifie pas la délivrance de consignes en ce sens au personnel concerné depuis la cession de l’entreprise un et demi plus tôt.
D’autre part, son contrat de travail précisait que son emploi se déclinait en trois attributions, notamment celle en qualité d’ ‘assistant de direction’ le chargeant d’assurer la prise en charge de la clientèle conjointement avec la direction et la gestion des problèmes avec elle. Comme en atteste l’ancien dirigeant, M. [V], dont l’attestation sera retenue car aucun motif valable ne justifie de l’écarter, un usage en cours depuis de nombreuses années lui permettait de consentir certains avoirs, principalement en cas d’avaries ou de non conformités. De plus, son contrat de travail n’a fait l’objet d’aucun avenant modificatif.
En revanche, la cour écarte l’attestation de M. [P] du 31 mars 2020 en raison du lien de subordination étroit qui lie l’attestant à l’employeur.
Enfin, la cour relève, comme en atteste Mme [K] [U], que plusieurs employés autres que M. [B] avaient accès au logiciel de vente. Il n’est donc pas établi que le salarié fut directement à l’origine des faits reprochés, sachant que certains avoirs correspondaient à des annulations de commandes ou à des refus de marchandises ou encore au dysfonctionnement informatique affectant le logiciel nécessitant l’édition d’un nouveau bon de commande. De plus, la réglementation douanière exigeait l’adossement d’un avoir pour chaque invendu, à laquelle il était impossible de déroger.
En outre, le salarié soutient à juste titre que les avoirs litigieux émis avant le 4 mars 2020 sont prescrits.
Par conséquent, la cour juge que les griefs ne sont pas fondés.
2. Conséquences
En application du barème de l’article L1235-3 du code du travail, de la situation personnelle du salarié qui bénéficiait d’une ancienneté de 14 ans et 8 mois dans la société au jour de la rupture du contrat de travail et percevait un salaire de 2611 euros mensuel, non contesté par l’employeur, a deux enfants à charge, la cour confirme le montant des dommages et intérêts accordés pour un montant de 27 130,74 euros.
II. Sur la régularité de la procédure de licenciement
L’article L. 1235-2 alinéa 5 du code du travail dispose que : « Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ».
L’article L1232-2 alinéa 3 dispose que : ‘l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre de convocation’.
Le délai minimal de cinq jours entre la convocation à l’entretien préalable de licenciement et la tenue de cet entretien constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance vicie la procédure et présente un caractère d’ordre public.
En l’espèce, il n’est ni contestable ni contesté que le salarié a reçu la lettre de convocation pour l’entretien préalable le 13 mai pour un entretien fixé au 15 mai 2020. Le délai de prévenance de 5 jours ouvrables n’a donc pas été respecté.
Aucune disposition des ordonnances prises par la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 dans le cadre de l’épidémie de covid 19 n’autorisait l’employeur à déroger à ce délai d’ordre public.
La cour infirme le jugement entrepris de ce chef et condamne la société [V] à payer au salarié la somme de 2 611 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à un mois de salaire dont le montant n’est pas contesté par l’employeur.
III. Sur la prime de 13ème mois
Le 13ème mois, ou prime de 13ème mois, est une gratification versée par un employeur à tout ou partie de ses salariés, en fin d’année ou en plusieurs fois (trimestriellement, mensuellement, mais le plus souvent deux fois dans l’année). Elle permet aux salariés de percevoir un mois de salaire supplémentaire au cours d’une période annuelle. Cette prime est calculée au prorata du temps présence effectif de chaque salarié dans l’entreprise au cours de la période de référence considérée, généralement l’année civile.
Le jugement entrepris sera confirmé en précisant que le contrat de travail prévoit le versement d’un 13ème mois pour moitié le 30 juin et l’autre moitié le 31 décembre de chaque année et que le salarié demande le versement de ce 13ème mois au prorata temporis de son temps de présence dans l’entreprise, soit 72 jours en 2020 ainsi que les congés payés afférents.
La cour ordonne la remise par l’employeur des documents de fin de contrat rectifiés conformes au présent arrêt.
Demandes annexes :
La société [V], qui succombe, supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à M. [H] [B] la somme de 2 500 euros au titre des frais non répétibles par lui exposés en appel et confirme ceux exposés en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 14 juin 2021 en ce qu’il a déclaré le licenciement de M. [H] [B] sans cause réelle et sérieuse et a condamné en conséquence la société [V] à lui payer les sommes de :
– 27 130,74 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 325,80 euros au titre du 13 ème mois au prorata temporis,
– 32,58 euros au titre des congés payés afférents,
– 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés conformes au jugement, – condamné la société [V] aux dépens,
INFIRME le jugement du 14 juin 2021 en ce qu’il a débouté M. [H] [B] de sa demande en dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société [V] à payer à M. [H] [B] la somme de 2 611 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
ORDONNE à la société [V] de remettre à M [H] [B] les documents de fin de contrat rectifiés conformes au présent arrêt,
CONDAMNE la société [V] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Dugast,
CONDAMNE la société [V] à payer à M. [H] [B] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société [V] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Chloé ORRIERE, greffière.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT